CA Dijon, ch. civ. B, 31 mars 2005, n° 03-01621
DIJON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Euromag (SA)
Défendeur :
Paris ; Carburation Gaz "GPL" Méthane (SARL) ; Le Hello (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Littner (faisant fonction)
Conseillers :
Mme Roux, M. Petit
Avoués :
SCP Andre & Gillis, SCP Avril & Hanssen, Me Gerbay
Avocats :
Mes Bures, Nadaud, Cotessat, SCP Lamy-Dumont-Gras-Comtet
Exposé de l'affaire
Mme Andrée Large, épouse Paris, qui exerce une activité de vente de poulets sur les marchés, a commandé à la société Euromag, le 1er septembre 1998 un véhicule aménagé puis a annulé cette commande et l'a remplacée par une autre, en date du 24 septembre 1999 portant sur une véhicule Peugeot Diesel dans lequel une troisième rôtissoire pourrait être installée et une alimentation des rôtissoires par GPL serait prévue.
La société Euromag a commandé à une société spécialisée, la SA Le Hello, " l'équipement GPL pour 3 rôtissoires sur Peugeot Boxer ".
La SARL Carburation Gaz "GPL" Méthane a fourni à la société Le Hello diverses pièces permettant de réaliser cette installation.
Le véhicule a été livré le 1er mars 2000 et Mme Paris a immédiatement constaté que l'installation GPL ne fonctionnait pas, ce qu'elle a fait constater par huissier le 8 mars.
Le 22 septembre 2000, le Tribunal de commerce de Macon a confié une expertise à M. Sauvage, lequel a déposé son rapport le 4 juillet 2002.
Mme Paris a alors assigné la SA Euromag et la SARL Carburation Gaz devant le Tribunal de commerce de Macon pour obtenir la résolution de la vente et la condamnation de la première société à l'indemniser de son préjudice.
La société défenderesse a appelé en garantie la société Le Hello.
Par jugement du 12 septembre 2003, le Tribunal de commerce de Macon a :
- ordonné la jonction des procédures,
- prononcé la résolution de la vente et condamné la société Euromag à rembourser le prix d'achat du véhicule,
- dit qu'il n'y avait pas lieu de condamner la société Euromag à d'autres dommages intérêts en raison de l'utilisation du véhicule pendant la durée de la procédure,
- rejeté les demandes de garantie de la société Euromag,
- débouté la SA Hello de l'ensemble de ses demandes et condamné cette société à payer à la SARL Carburation Gaz la somme de 2 385,59 euro au titre des factures impayées,
- condamné la société Euromag à payer 2 500 euro à Mme Paris sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes.
La SA Euromag a fait appel.
Dans ses dernières écritures, en date du 4 février 2005, elle sollicite le rejet des demandes de Mme Paris en soutenant que la preuve de l'existence de vices cachés, seul fondement invoqué, n'est pas rapportée.
A titre subsidiaire, elle déclare ne pas contester le non fonctionnement de l'installation GPL, dont elle accepte d'assurer le remboursement à Mme Paris mais elle réclame, dans ce cas, la garantie de la société Le Hello.
En cas de résolution de la vente, elle demande que Mme Paris restitue le véhicule et l'indemnise de la dépréciation subie par celui ci, les condamnations prononcées contre elle étant également garanties par la SA Le Hello.
Elle demande 3 000 euro on remboursement de ses frais irrépétibles.
Mme Paris, par conclusions du 19 août 2004, souhaite la confirmation de la résolution de la vente. Elle soutient qu'il n'y a pas lieu à indemnité pour dépréciation du véhicule et forme appel incident pour obtenir la condamnation de la société appelante à lui payer les sommes suivantes:
- 40 760,87 euro pour le coût financier de l'achat du véhicule,
- 6 275,79 euro pour l'achat de la troisième rôtissoire,
- 145 000 euro pour le manque à gagner et les coûts supplémentaires d'exploitation,
- 5 000euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Le Hello, par écritures du 25 août 2004, sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir que l'expert a retenu une faute de conception qui ne lui est pas imputable. Elle ajoute que le véhicule était non conforme pour d'autres causes que l'installation GPL, de sorte que sa garantie ne pourrait être que partielle.
A titre subsidiaire, elle revendique la garantie de la société Carburation Gaz, dont la réclamation on paiement de factures doit être rejetée.
Elle souhaite obtenir 3 000 euro en remboursement de ses frais irrépétibles.
La SARL Carburation Gaz, par conclusions du 27janvier 2005, déclare que le véhicule n'est pas conforme indépendamment du problème de l'installation GPL et ajoute que, pour celle ci, elle n'a fait que fournir des pièces, ce qui doit conduire à sa mise hors de cause. Elle sollicite la confirmation de la condamnation de la société Le Hello à lui payer le montant de ses factures, demande les intérêts à compter du septembre 2000, avec capitalisation et souhaite obtenir 2 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il est référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs écritures précitées.
Motifs de la décision
1°) Sur la demande de résolution de la vente
Attendu que Mme Paris soutient que le véhicule qui lui a été vendu par la société Euromag est affecté de vices cachés et invoque les dispositions de l'article 1641 du Code civil ;
Qu'elle rappelle que l'expert a relevé d'une part le non fonctionnement de l'installation GPL, d'autre part la légèreté de la construction et surtout le poids à vide du véhicule, supérieur au poids total on charge indiqué sur la carte grise ;
Attendu que la totalité de ces griefs étaient invoqués dès l'origine par Mme Paris, notamment dans une lettre de son mandataire du 14 avril 2000, contrairement à ce que soutient la société appelante ;
Attendu que l'huissier Chambrier avait constaté dès le 8 mars 2000 que l'installation ne fonctionnait pas puisqu'à 10 heures 30, deux rôtissoires fonctionnaient, la troisième n'ayant pas été allumée, et qu'à 11 heures 45 toutes les rôtissoires étaient éteintes ;
Attendu que l'expert Sauvage a expliqué que la détente du GPL s'accompagnait d'une baisse de température et que, si le débit était très important, cette puissance frigorifique était telle que l'humidité ambiante dans l'air, au voisinage immédiat du détendeur se condensait puis gelait, ce qui empêchait alors le fonctionnement de l'ensemble; qu'il a donc dénoncé un défaut de conception et affirmé que l'équipement, tel qu'il était installé, ne pouvait pas fonctionner ;
Attendu que ces conclusions ne sont contestées par aucune des parties ;
Attendu que l'expert a encore constaté divers désordres qui l'ont conduit à conclure à une légèreté dans la construction et l'aménagement du véhicule (un seul vérin pour le hayon latéral, manque de rigidité de ce hayon, hotte déformée au-dessus des rôtissoires, vérin du hayon arrière on piteux état), mais surtout un poids à vide (4 T 860) supérieur au poids total en charge indiqué sur la carte grise (4 T 500) ; qu'il a estimé qu'il était probable que le poids indiqué "à vide" correspondait au poids avant l'installation des rôtissoires et peut être avant celle des bonbonnes de gaz ;
Que cet avis est confirmé par la date de la pesée ayant fait apparaître un poids de 4 T 860, soit le 29 novembre 2000, étant observé qu'un réservoir complémentaire avait été installé au mois de juillet 2000 ;
Attendu qu'il appartenait à la société appelante, qui conteste actuellement ces chiffres, de le faire au moment de l'expertise et d'inviter alors l'expert à faire procéder à une autre mesure ; qu'à défaut de l'avoir fait, ces chiffres doivent être retenus ;
Que l'expert a conclu sur ce point qu'il ne serait pas possible d'atteindre la masse indiquée sur la carte grise, de sorte que le véhicule n'est pas susceptible d'être mis en état de fonctionnement et de roulage conforme à la réglementation ;
Attendu que Mme Paris avait commandé un Véhicule qui devait permettre l'utilisation concomitante de trois rôtissoires alimentées en GPL ;
Qu'un véhicule conforme à cette commande lui a été livré, ce qui permet de dire qu'il n'y a pas non conformité ;
Mais attendu que cette installation n'a jamais fonctionné, de sorte qu'elle a dû, pour poursuivre son activité, mettre en place une installation provisoire alimentée par des bouteilles de propane ; qu'elle a au surplus constaté que l'installation mise on place augmentait le poids du véhicule dans des proportions qui n'étaient plus conformes à la carte grise ;
Attendu que ces dysfonctionnements constituent des vices cachés d'une telle gravité que Mme Paris n 'aurait pas acquis le véhicule si elle les avait connus ;
Que la résolution de la vente prononcée par le tribunal doit donc être confirmée ;
2°) Sur les conséquences de la résolution
Attendu que la résolution entraîne l'obligation pour le vendeur de restituer le prix et pour l'acquéreur de restituer le véhicule ;
Attendu que la société appelante considère que ce véhicule, utilisé depuis 5 ans s'est déprécié, ce qui doit donner lieu à une indemnisation ;
Attendu que cette demande est légitime puisque le véhicule restitué n'est pas dans l'état dans lequel il se trouvait au jour de la vente (Civ. 1, 6juillet 2000) ; que l'indemnité accordée à ce titre doit s'élever au tiers de la valeur du véhicule, soit 23 884 euro ;
Attendu que Mme Paris réclame les sommes de 40 760,87 euro, 6 275,79 euro et 145 000 euro ; qu'elle peut obtenir des dommages intérêts par application de l'article 1645 du Code civil dès lors que le vendeur professionnel est réputé connaître les vices de la chose vendue ;
* 40 760,87 euro pour le coût financier de l'achat du véhicule
Attendu que l'intéressée justifie, par les pièces versées aux débats que le coût du contrat de financement souscrit pour acheter ce véhicule s'est élevé à la somme de 112 411,91 euro ; qu'après déduction du prix d'achat, qu'elle va percevoir, elle a donc dépensé pour cette opération inutile, une somme de 40 760,87 euro, qui doit être mise à la charge du vendeur ;
* 6 275,79 euro pour l'achat d'une troisième rôtissoire
Attendu que, si Mme Paris verse aux débats une facture de ce montant, aucun élément ne permet de dire que le véhicule devait être livré équipé de rôtissoires et que le vendeur ait ainsi manqué à ses obligations ;
Que cette demande doit être rejetée ;
* 145 000 euro pour pertes de chiffre d'affaires et débours supplémentaires
Attendu que Mme Paris fait état de pertes de temps, de manipulations supplémentaires engendrées par le dysfonctionnement du camion, et d'une perte de chiffre d'affaires évaluée à 61 500 euro ;
Qu'elle remet un document établi par son expert comptable pour la période de février 2000 à septembre 2002, qui estime a 1,50 heure par jour le temps perdu, procède à un calcul sur la base d'un salaire moyen de 6 60 euro auquel il ajoute les charges sociales et retient une perte de 15 % du chiffre d'affaires ;
Mais attendu que ce document ne contient que des affirmations non vérifiables, n'est accompagné d'aucun document comptable permettant de constater une perte de chiffre d'affaires, d'aucun document technique conduisant à penser que l'équipement GPL aurait entraîné une vente supérieure, d'aucun attestation de clients qui n'auraient pas pu être servis ;
Que ce document ne peut évidemment être utilisé ;
Qu'il y a lieu seulement de retenir les perturbations nécessairement apportées dans l'activité de Mme Paris par le fonctionnement défectueux de l'installation et l'obligation de lui substituer une alimentation par des bouteilles de propane ;
Que ce préjudice doit être indemnisé par une somme de 3 000euro ;
3°) Sur l'appel en garantie dirigée contre la société Le Hello
Attendu que la société Euromag, qui n'est pas un spécialiste on matière d'équipement GPL a demandé à la société Le Hello de réaliser cette installation ;
Attendu que cette société se présente dans ses documents commerciaux (annexe 7) comme un "atelier de montage d'équipement GPL, agréé sous le numéro C3213PO997" ;
Que sa facture a été établie pour "équipement GPL pour 3 rôtissoires sur Peugeot Boxer" ;
Attendu que l'expert a suffisamment démontré que l'installation ne pouvait pas fonctionner en raison d'un défaut de conception ;
Que ce défaut de conception est imputable à la société Le Hello qui doit donc apporter sa garantie à la société Euromag, sauf pour le remboursement du prix ;
Attendu que les problèmes de poids du véhicule étant également la conséquence de cette installation, cette garantie doit être totale ;
4°) Sur la demande de garantie dirigée contre la société Carburation Gaz
Attendu que la SA Le Hello réclame cette garantie en faisant valoir que cette société est un professionnel qui avait une obligation de conseil et qui a fourni des appareils qui ne fonctionnaient pas ;
Mais attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats, seules pièces permettant de connaître le rôle de la Société Carburation Gaz, que la société Le Hello lui a commandé diverses pièces le 1er février 2000, et notamment 2 plaques ménagères et 2 réservoirs voitures 70 litres, et que ces pièces lui ont été facturées le 3 février 2000 ;
Attendu que la société Carburation Gaz soutient qu'elle n'a jamais été consultée sur l'utilisation qui devait être faite de ce matériel et notamment du fait qu'il s'agissait d'un grill ; qu'aucun document ne permet d'affirmer le contraire ;qu'elle n'avait pas d'obligation particulière de conseil à l'égard de la société Le Hello, agréée en matière de GPL ;
Attendu que la mention "vu avec M. Boussellet" portée sur la commande ne permet pas de conclure que le détail de l'installation avait été communiqué au fournisseur ;
Que le fait qu'elle soit intervenue par la suite, à la demande de sa cliente, qui mettait on cause la qualité du matériel fourni, ne permet pas plus de dire qu'elle a participé à la conception de l'installation ;
Attendu que l'expert ne peut être suivi lorsqu'il considère que la SARL Carburation Gaz a une responsabilité dans les difficultés rencontrées par Mme Paris ;
Que l'appel on garantie dirigé contre cette société doit donc être rejeté ;
5°) Sur la demande de paiement de factures formée par la SARL Carburation Gaz
Attendu que la société Le Hello ne conteste pas ne pas avoir payé les factures de son fournisseur ;
Attendu que ces factures sont versées aux débats, contrairement à ce que prétend la société débitrice ;
Que la condamnation au paiement de la somme de 2 385,59 euro doit en conséquence être confirmée, cette condamnation portant intérêts à compter de la demande formulée dans les conclusions du 5 mars 2003 et ceux ci étant capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil ;
6°) Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu que Mme Paris doit recevoir une somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'équité ne commande pas de faire application de ce texte aux autres parties ;
Par ces motifs LA COUR ; Confirme le jugement entrepris : en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule Peugeot équipé d'un système de rôtissoires au GPL, faite par la société Euromag à Mme Paris et condamné la SA Euromag à payer à Mme Paris 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en ce qu'il a condamné la SA Le Hello à payer à la SARL Carburation Gaz la somme de 2 385,59 euro au titre de factures impayées, en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la SA Euromag, Réformant pour le surplus et ajoutant, Dit que Mme Paris devra restituer le véhicule et que la SA Euromag devra rembourser le prix, soit 71 651 euro, sous déduction de la valeur de la dépréciation (23 884 euro), soit 47 767 euro, Condamne la SA Euromag à payer en outre à Mme Paris les sommes de 40 760,87 euro et de 3 000 euro à titre de dommages intérêts, Condamne la SA Le Hello à garantir la SA Euromag de toutes tes condamnations prononcées à son encontre, à l'exception de ta restitution du prix, Rejette lia demande de garantie formée par la SA Le Hello à l'encontre de la SARL Carburation Gaz, Dit que la condamnation prononcée au profit de la SARL Carburation Gaz (2 385,59) portera intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2003 et ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil, Rejette les autres demandes, Condamne la SA Euromag à payer à Mme Paris la somme supplémentaire de 1.200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA Le Hello aux dépens d'appel et dit que la SCP Avril Hanssen et la SCP André Gillis, avoués, pourront les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.