Ministre de l’Économie, 13 janvier 2005, n° ECOC0500176Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Batipart et de la société General Electric Capital
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 9 décembre 2004, vous avez notifié le projet d'acquisition par la société Batipart SA (ci-après " Batipart ") d'une participation contrôlante dans la société Bail Investissement (ci-après " Bail Investissement "). Ce projet a donné lieu au dépôt d'une offre publique d'achat le 7 décembre 2004 [1], par le biais de la société Financière des Régions, filiale de Batipart.
I - Les entreprises et l'opération
Batipart, société holding détenue par la société Charles Ruggieri, elle-même contrôlée par la famille du même nom, détient un portefeuille de sociétés principalement actives dans la détention et la gestion d'actifs immobiliers à usage commercial ou résidentiel, de parcs de stationnement et de maisons de retraite. Batipart a généré en 2003 un chiffre d'affaires total consolidé de 185 millions d'euro quasi exclusivement réalisé en France [2]. Aucune des personnes de la famille Ruggieri contrôlant Batipart ne détient de participation dans d'autres sociétés actives sur un marché amont, aval ou connexe à celui sur lequel sont présentes les parties à l'opération.
La société Bail Investissement, active dans la détention et la gestion d'un portefeuille immobilier à usage commercial et dans le crédit-bail immobilier, est actuellement contrôlée exclusivement par la société General Electric Capital Corporation (ci-après " GECC "), filiale du groupe General Electric. L'offre publique d'achat déposée par Batipart a pour objectif de passer d'un contrôle exclusif de la part de GECC à un contrôle conjoint exercé par GECC et Batipart. GECC détient des filiales actives dans l'achat, la vente, la détention, la gestion et la location d'immeubles à usage commercial. Le groupe General Electric, également actif dans les secteurs de la santé, de l'énergie et des services financiers, a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires total de 134 milliards d'euro dont trois milliards réalisés en France. Les actions de General Electric sont très largement dispersées, aucun actionnaire ne détenant plus de 5 % de son capital.
Les deux entreprises concernées par l'opération sont Batipart holding et GEEC.
En ce qu'elle se traduit par le passage d'un contrôle exclusif à un contrôle conjoint, l'opération notifiée constitue une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II - Les marchés concernés
Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la détention et de la gestion d'actifs immobiliers [3]. Selon une pratique décisionnelle constante, les autorités françaises et communautaire de la concurrence distinguent le marché de l'achat, vente, détention gestion et location d'immeubles à usage résidentiel de celui des immeubles à usage commercial [4]. Seul ce dernier fait l'objet d'un chevauchement entre les activités des parties. Aux termes des décisions précitées, la question de la segmentation du marché de l'achat, vente, détention, gestion et location d'immeubles à usage commercial en fonction de la catégorie de locaux concernés (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d'activité) a été abordée. Elle n'a cependant jamais été tranchée. En l'espèce, cette question peut également être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées. En ce qui concerne la définition géographique du marché concerné, la dimension infra-nationale a été affirmée par les autorités nationale et communautaire de la concurrence aux termes des décisions précitées.
III - L'analyse concurrentielle
L'opération notifiée se traduisant par le passage d'un contrôle exclusif à un contrôle conjoint, elle n'entraîne pas, au sens strict, d'addition de parts de marché entre les parties. L'impact de cette opération sur la concurrence doit cependant être analysé eu égard au rapprochement qu'elle emporte entre les sociétés mères de Bail Investissement. En tout état de cause, l'éventuelle coordination des sociétés mères actives sur le même marché n'est pas susceptible, en raison des faibles parts de marché des parties à l'opération [5] et du caractère atomisé du marché, d'avoir un effet sensible sur le jeu de la concurrence [6].
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.
[1] Cette offre a fait l'objet d'une déclaration de recevabilité de l'Autorité des marchés financiers le 14 décembre.
[2] La société Charles Ruggieri a pour principale participation la détention du groupe Batipart. Son chiffre d'affaires est donc très légèrement supérieur à celui de ce dernier.
[3] Contrairement à GECC, Batipart n'est pas présente dans le secteur du crédit-bail immobilier.
[4] Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.2110 du 25 septembre 2000, Deutsch Bank/SEI/JV, M.1975 du 15 juin 2000, DB/Eurobank/Lamda Development. Voir également les lettres d'autorisation du ministre CDC-Caisses d'Epargne/Eulia en date du 21 juin 2002, Gecina/Simco en date du 8 novembre 2002 publiée dans le BOCCRF n° 11 du 30 septembre 2003 et Société Foncière Lyonnaise SA/Société Sophia en date du 12 novembre 2003 publiée au BOCCRF n° 4 du 14 avril 2004.
[5] La plus forte part de marché de l'ensemble Batipart/BI à l'issue de l'opération est celle de 4,67 % atteinte dans le département du Val-d'Oise. Il convient, en outre, de remarquer que le marché de l'achat, vente, détention gestion et location d'immeubles à usage commercial est composé d'un grand nombre d'offreurs significatifs : grandes foncières immobilières (Unibail, Gecina-Simco etc.), investisseurs institutionnels (AXA, Alliance, établissements financiers etc), fonds d'investissement français et étrangers.
[6] Aux termes de sa décision Thomson CSF/Racal en date du 15 mars 1999, la Commission européenne indique qu'une éventuelle coordination des sociétés mères ne constitue une restriction de la concurrence que si cette restriction résulte directement de la création de l'entreprise commune, laquelle a pour objet ou pour effet une telle coordination, et emporte des conséquences sensibles.