Cass. crim., 7 novembre 1973, n° 72-91.520
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rolland
Rapporteur :
M. Lecourtier
Avocat général :
M. Boucheron
Avocat :
Me de Ségogne
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : 1° Y, 2° la société X, contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 12 avril 1972 qui a condamné A à trois mois d'emprisonnement et 10 000 francs d'amende pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et a déclaré la société X civilement responsable ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 177 du traité de Rome, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 593 du Code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur pour tromperie sur les qualités substantielles, la composition et la teneur du produit, pour avoir vendu sous la désignation de " boeuf en gelée ", un produit de fabrication italienne dont la gelée était d'origine végétale et non animale et qui ne contenait pas 55 % de viande ce qui serait contraire aux usages constants et loyaux du commerce ;
"sans répondre aux conclusions par lesquelles il était soutenu que le produit acheté en Italie et revendu en France sous son étiquette et la désignation, à laquelle il n'a rien été changé à la réglementation et aux usages italiens, et dont l'article 177 du traité de Rome permet la libre importation et la vente en France et interdit toute mesure de nature à produire un effet équivalent à une restriction quelconque et que la législation française doit en conséquence fléchir devant les stipulations du traité qui s'imposent au juge de préférence à elle, par application de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 alors qu'en l'espèce, le demandeur offrait de rapporter la preuve et requérait subsidiairement une mesure d'instruction sur ce point du fait que le produit en question est conforme à la loi et aux usages italiens, d'ou il suit que, sans restrictions, ce produit se trouve nécessairement assuré de la libre circulation sur toute l'étendue de la Communauté européenne ;
" alors enfin que le juge du fond n'a pas caractérisé la mauvaise foi ; que la loi de 1905 n'emporte aucune présomption légale de fraude, et que le demandeur ne saurait être de mauvaise foi pour avoir importé et vendu sous son étiquette et sa dénomination un produit conforme à la loi de son pays d'origine et importé sous le couvert des dispositions communautaires " ;
Attendu que pour déclarer Y coupable du délit de fraude prévu et réprimé par l'article 1er de la loi du 1er août 1905, ainsi que la société X civilement responsable, les juges du fond constatent que le prévenu, président directeur général de ladite société, a vendu en France, du mois de janvier au mois de mai 1969, des boites de conserve importées d'Italie, sous la dénomination de " tranches de boeuf en gelée ", renfermant une quantité de viande inférieure au pourcentage fixé par les usages constants et loyaux de la profession et contenant une gelée d'origine végétale faite d'agar agar et de farine de caroube ;
Attendu que l'arrêt attaqué relève que ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée par le prévenu, ont été commis par lui en pleine connaissance de cause et que la mauvaise foi de Y se déduit tant de ses propres déclarations que des constatations ci-dessus ;
Attendu que les juges d'appel écartent d'autre part, l'argumentation du prévenu qui se prévalait des dispositions du traité de Rome et notamment d'une " directive " émanant de la Commission de la Communauté économique européenne pour soutenir qu'il n'avait fait qu'introduire sur le marché français un produit en vente licite en Italie et n'avait ainsi commis aucune infraction ; que la cour d'appel précise qu'il n'existe aucun texte d'application directe en droit interne, tel qu'un " règlement " arrêté ou une " décision " prise en application de l'article 189 du traité, par le Conseil ou la Commission de la Communauté ; que la cour rappelle qu'aux termes dudit article 189, si " la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre " elle laisse " aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens " ; que l'arrêt observe à cet égard, qu'aucune directive communautaire n'est applicable en l'espèce et qu'à supposer qu'il y en ait une, aucun texte français n'est intervenu pour modifier l'état de droit, d'ou il résulte que le délit a été commis ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel qui a caractérisé la mauvaise foi du prévenu et répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ; que le moyen ne saurait des lors être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi, et attendu que par suite du rejet du pourvoi, la condamnation est devenue définitive ; vu l'article 8 de la loi du 30 juin 1969; déclare les faits amnistiés.