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Décisions

CJCE, 5e ch., 21 octobre 2004, n° C-426/02

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République hellénique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Silva de Lapuerta

Juges :

MM. Gulmann, von Bahr

Avocat général :

M. Tizzano.

CJCE n° C-426/02

21 octobre 2004

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant, au profit de l'Ethnikos Organismos Farmakon (organisme national du médicament, ci-après l'"EOF"), une redevance pour l'authentification des factures d'importation de matières premières à usage pharmaceutique et de médicaments finis et semi-finis en provenance d'autres États membres ou de pays tiers, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 23 CE, 25 CE et 133 CE.

Le cadre juridique national

2 L'article 11, paragraphe 1, sous e), de la loi n° 1316-83 relative aux droits de validation des factures portant sur l'importation de produits relevant de la responsabilité de l'EOF, modifié par l'article 48, paragraphe 1, sous b), de la loi n° 2519-97, a institué, au profit de l'EOF, une redevance qui est versée par les opérateurs pour l'authentification des factures d'importation de produits pharmaceutiques en provenance d'autres États membres ou de pays tiers.

3 Le 18 mars 1998, un arrêté conjoint des ministres de l'Économie nationale et de la Santé a porté le montant de cette redevance de 500 à 10 000 GRD par ligne de facturation couvrant l'importation de matières premières à usage pharmaceutique et de médicaments finis ou semi-finis. Aux termes de cet arrêté, l'importation de petits colis de produits pharmaceutiques à usage personnel est exonérée de ce droit.

Les antécédents du litige

4 À la suite d'une plainte, la Commission a examiné la compatibilité avec les articles 9, 12 et 113 du traité CE (devenus, après modification, articles 23 CE, 25 CE et 133 CE) des mesures nationales grecques instituant la redevance pour l'authentification des factures d'importation de produits pharmaceutiques en provenance des États membres et de pays tiers.

5 Considérant que cette redevance constituait une charge pécuniaire unilatéralement imposée en raison du franchissement de la frontière, et donc une taxe d'effet équivalant à un droit de douane contraire aux dispositions de l'article 25 CE, la Commission a adressé à la République hellénique, le 22 janvier 1999, une lettre de mise en demeure l'invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.

6 Les autorités helléniques ont répondu par lettre du 2 avril 1999 que le montant de ladite redevance représente, dans le cas d'importation de biens en provenance de pays tiers, un droit perçu en raison de l'authentification des factures, alors que, dans le cadre des échanges intracommunautaires, il s'agit d'un droit qui est perçu en raison du contrôle de qualité et de sécurité du produit mené dans l'intérêt de la santé publique et qui couvre le coût des opérations administratives de contrôle des documents. En ce qui concerne les produits sanguins, la vérification des documents serait imposée par la législation communautaire.

7 Après avoir pris connaissance des observations du Gouvernement hellénique, la Commission lui a, le 3 décembre 1999, envoyé une lettre de mise en demeure complémentaire dans laquelle, outre la reformulation de ses précédents griefs, elle en a émis un nouveau relatif à l'importation de produits pharmaceutiques en provenance de pays tiers. Elle a conclu que les mesures instituant la redevance étaient contraires aux dispositions des articles 23 CE, 25 CE et 133 CE et a invité le Gouvernement hellénique à présenter ses observations à cet égard.

8 Par lettre du 21 février 2000, les autorités helléniques ont répondu que, à la suite d'un ajustement législatif, depuis le 29 avril 1998, la redevance ne s'appliquait plus à chaque unité de produit mais à chaque catégorie de produits apparaissant sur la facture. Elles ont également réitéré l'argument selon lequel ce droit correspondrait au coût proportionné d'un service rendu à l'opérateur et ont soutenu que ce droit avait été instauré pour compenser la réduction de la taxe spéciale de 15 % prélevée sur le prix de gros des produits pharmaceutiques.

9 Par lettre du 8 novembre 2000, la Commission a émis un avis motivé reprenant les griefs exposés dans ses lettres de mise en demeure et invitant les autorités helléniques à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

10 En réponse à cet avis motivé, les autorités helléniques ont annoncé à la Commission, par lettre du 9 octobre 2001, leur intention de modifier la loi n° 2519-97 par l'adoption d'un acte législatif supprimant la disposition litigieuse de l'article 48, paragraphe 1, sous e), qui impose la perception de redevances pour l'authentification des factures d'importation de produits pharmaceutiques.

11 Le 13 novembre 2002, n'ayant pas été informée que la mesure annoncée aurait effectivement été adoptée, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le recours

12 Selon la Commission,

- la redevance frappant les marchandises en provenance d'autres États membres constitue une charge pécuniaire unilatéralement imposée en raison du franchissement de la frontière et donc une taxe d'effet équivalant à un droit de douane à l'importation, prohibée par les articles 23 CE et 25 CE,

- la redevance frappant les produits importés des pays tiers est contraire à l'article 133 CE, qui consacre le principe fondamental de l'uniformisation du traitement tarifaire des importations en provenance de pays tiers, puisqu'elle est imposée unilatéralement sur les médicaments importés de ceux-ci.

13 Il convient de constater, ce qui n'est plus contesté par le Gouvernement hellénique, que la redevance, qui constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane (voir arrêt du 30 mai 1989, Commission/Italie, 340-87, Rec. p. 1483, point 11), est contraire aux articles 23 CE et 25 CE, et également à l'article 133 CE (voir arrêt du 22 avril 1999, CRT France International, C-109-98, Rec. p. I-2237, point 22).

14 Dans ces conditions, le recours de la Commission doit être accueilli.

15 Dès lors, il y a lieu de constater que, en appliquant, au profit de l'EOF, une redevance pour l'authentification des factures d'importation de matières premières à usage pharmaceutique et de médicaments finis et semi-finis en provenance d'autres États membres ou de pays tiers, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 23 CE, 25 CE et 133 CE.

Sur les dépens

16 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Déclare et arrête:

1) En appliquant, au profit de l'Ethnikos Organismos Farmakon (organisme national du médicament), une redevance pour l'authentification des factures d'importation de matières premières à usage pharmaceutique et de médicaments finis et semi-finis en provenance d'autres États membres ou de pays tiers, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 23 CE, 25 CE et 133 CE.

2) La République hellénique est condamnée aux dépens.