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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 5 décembre 1983, n° 649

BOURGES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Samain

Défendeur :

Guilpain

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Veyrières (faisant fonction)

Conseillers :

Mme Solinhac, M. Brelot.

Avoués :

Mes Bart, Tracol.

Avocats :

Mes Gerigny, Patureau-Mirand.

TGI Châteauroux, du 21 avr. 1981

21 avril 1981

Attendu que par arrêt du 24 mai 1982, auquel elle se rapporte pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour avait désigné M. Yves Cordeau en qualité d'expert à l'effet : d'examiner un véhicule Mercédes 220 B vendu le 25 janvier 1979 par Gabriel Samain à Marcel Guilpain et en particulier le moteur monté par le vendeur sur ledit véhicule, de rechercher quelle était la date de fabrication de ce moteur, s'il était en état de fonctionner normalement au moment de la vente et de dire si le prix de vente de 34 000 F était normal compte tenu de l'état de ce véhicule et de son moteur ;

Attendu qu'après dépôt du rapport d'expertise au greffe de la cour le 23 septembre 1982 l'appelant Gabriel Samain reprenant ses premières conclusions demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter de ses prétentions Marcel Guilpain et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il fait valoir que la mesure d'instruction ordonnée par la cour a tourné à la confusion de Guilpain, qui n'avait pas hésité à déposer plainte contre lui pour tromperie sur les qualités substantielles et publicité mensongère et l'avait accusé de manœuvres dolosives ;

- que l'expert a conclu que le prix de vente soit 34 000 F était tout à fait normal pour un véhicule de ce type, en bon état de carrosserie et scellerie, équipé d'une boîte de vitesse automatique avec un moteur fonctionnant normalement;

- qu'il a constaté que la consommation excessive d'huile n'était pas établie et que la plaque d'origine du moteur n'avait pas été enlevée;

Attendu que Samain souligne que Guilpain est incapable d'établir l'existence de manœuvres dolosives de sa part et qu'il ne saurait invoquer l'existence d'un vice caché prévu par l'article 1641, l'action en garantie n'étant recevable que si les défauts cachés de la chose vendue rendent celle-ci impropre à l'usage auquel elle était destinée ou en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix, si il les avait connus, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- qu'en outre il avait pris soin d'avertir son acheteur que le véhicule comportait un moteur d'occasion sans garantie ;

Attendu que Marcel Guilpain soutient au contraire que le rapport d'expertise vient confirmer le bien-fondé de ses demandes admises par les premiers juges ;

Qu'il sollicite donc la confirmation du jugement entrepris et déclare invoquer subsidiairement l'action rédhibitoire compte tenu de l'importance du vice caché ;

Qu'il réclame en outre la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il entend souligner tout d'abord que Samain a prétendu devant les enquêteurs du service de répression des fraudes qu'il avait acheté le véhicule pour 26 000 F et le moteur d'occasion pour 4 999 F, sommes auxquelles était venue s'ajouter celle de 9 067,46 F pour les réparations soit un total de 40 067,36 F ;

- que ceci souligne l'absurdité des explications fournies par l'intéressé qui n'aurait pas hésité à perdre 5 000 F en mettant le véhicule en vente à 35 000 F ;

- que par ailleurs, contrairement aux dires de l'appelant, l'expertise Artaud a eu un caractère contradictoire, le vendeur du véhicule y ayant assisté ;

Attendu que Guilpain estime que l'expert n'a pas répondu convenablement aux questions posées par la cour ;

- que s'il a reconnu que le moteur était de 1968, il convient en outre de signaler que Samain n'a donné aucune information à son acquéreur sur l'âge du moteur ni sur le "bricolage" auquel il s'était livré pour l'installer, que dans ces conditions parler du parfait état du véhicule relève du dol ;

- que sur la consommation d'huile il est noté page 7 de l'expertise que Guilpain a dès la vente averti par téléphone et par lettres Samain de l'importance de la consommation d'huile ce que celui-ci n'a pas nié ;

- que l'expert a noté des cotes d'usure anormale des cylindres et particulièrement sur le 3e et le 4e, que l'excès de consommation d'huile pouvait donc s'expliquer par le défaut d'étanchéité des segments dans les cylindres ;

Attendu que Guilpain note que l'expert a cru pouvoir répondre que le prix de vente de 34 000 F était un prix de transaction courant pour un véhicule de ce type, mais que cela s'entendait bien entendu en cas ou il serait muni d'un moteur de fonctionnement normal ce qui n'était nullement le cas en l'espèce ;

- que le fait pour le garagiste d'avoir signalé que le moteur était d'occasion n'est pas une preuve d'honnêteté dans la transaction alors qu'il s'agissait d'un moteur ayant sept ans de plus que le véhicule et qui n'avait été soumis à aucune vérification, qu'il y a manifestement un dol ;

- qu'en outre l'action pour vice caché est recevable, le véhicule ayant subi des réparations importantes que Samain, homme du métier, ne pouvait ignorer ;

Sur ce, LA COUR

Attendu tout d'abord qu'en ce qui concerne l'expertise de M. Artaud, celle-ci ne saurait être prise en considération comme voudrait le faire Guilpain; qu'elle a en effet été écartée définitivement des débats par l'arrêt du 24 mai 1982 comme du reste la contre-expertise diligentée par Samain, qu'elle n'offrait pas en effet de garanties suffisantes, Artaud ayant été mandaté par l'intimé ;

Attendu par ailleurs que le prix total de la voiture avant la vente n'était pas de 40 067,36 F comme le prétend Guilpain, Samain ayant fourni une facture de 26 000 F pour l'acquisition de la voiture et une seconde facture de 9 067,89 comprenant le prix du moteur pour 4 595,50 F auquel venait s'ajouter celui de divers accessoires et des réparations ;

Attendu que Guilpain prétend avoir été victime d'un dol, que cependant la facture du 25 janvier 1979 porte que le véhicule est vendu dans l'état où il se trouve avec un moteur d'occasion ; que l'attention de Guilpain a donc été attirée sur ce fait et qu'à l'époque il n'a demandé aucune précision sur la date de fabrication de ce moteur et que ce n'est que par la suite qu'il s'est plaint d'une consommation excessive d'huile ;

Attendu qu'il échet d'écarter une prétendue manœuvre de Samain, signalée par Artaud, l'expert pressenti par Guilpain, qui avait cru pouvoir affirmer que le garagiste avait enlevé une plaque métallique portant le numéro et les caractéristiques du moteur, que M. Cordeau, l'expert désigné par la cour a fait justice de cette allégation en indiquant qu'il n'existait pas de plaque fixée à l'engin, celle-ci étant seulement mise en place lors d'une remise en état à l'usine ;

Attendu que Guilpain ne peut pas prétendre non plus qu'il a été surpris par un refus de Samain de faire les réparations nécessaires lorsqu'il a signalé à celui-ci une dépense excessive d'huile puisqu'il avait signé sans restriction un achat sans garantie du véhicule ; que l'existence d'une manœuvre dolosive précise de la part de Samain n'est nullement établie par l'intimé ;

Attendu que devant cette impossibilité de fournir cette preuve il entend se rabattre sur la garantie des vices cachés prévue par l'article 1641 du Code civil en prétendant qu'un professionnel comme Samain n'ignorait pas que le moteur de 1968 qu'il installait sur la Mercédes ne pouvait fonctionner normalement ;

Attendu cependant que l'expert indique que le moteur d'occasion comportait sans aucun doute un kilométrage important, mais que le service que peut apporter un tel moteur comporte un risque important dans la majorité des cas ;

Attendu que Guilpain, qui avait été prévenu de ce fait, a couru ce risque et a même accepté de prendre la voiture sans garantie, alors qu'il aurait fort bien pu en exiger une, que d'après une attestation d'un certain Chariot Roger qui a assisté à la transaction, Guilpain a préféré renoncer à toute garantie s'il bénéficiait d'un rabais de 1 000 F soulignant même qu'il ferait peu de kilomètres par an avec sa voiture ;

Attendu que ce n'est qu'après démontage du moteur qu'il a été constaté une usure importante des 3e et 4e cylindres, qui pouvait expliquer peut-être une fuite d'huile, l'expert n'ayant pu se montrer formel sur ce point ; que toutefois il a noté que cette dépense importante d'huile invoquée par Guilpain ne repose que sur ses affirmations et n'a jamais été établie d'une façon précise ;

Attendu enfin que l'expert a conclu que le prix de 34 000 F montant de la transaction était normal à la date d'achat pour un véhicule de ce type en bon état de carrosserie et scellerie et équipé d'une boîte de vitesse automatique, que l'expert a ajouté que bien entendu il devait y avoir un moteur de fonctionnement normal, mais comme il a été indiqué plus haut, Guilpain avait été alerté sur l'état du moteur, qui pouvait avoir des défaillances, que rien n'indique d'ailleurs que Guilpain n'ait pu se servir de la voiture en admettant même que la consommation d'huile ait été importante, que d'ailleurs comme l'a précise l'expert, la consommation d'un moteur diesel atteint un litre aux 1 000 kilomètres, ce qui pour un usager habitué à un moteur à essence pouvait paraître disproportionné ;

Attendu qu'il apparaît donc que c'est en vain que Guilpain a entendu se prévaloir à l'encontre de Samain tant de manœuvres dolosives que des vices cachés prévus par l'article 1641 du Code civil ;

Qu'il échet donc d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de débouter Guilpain de toutes ses prétentions ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Samain des frais non-compris dans les dépens, qu'il échet donc de condamner Guilpain à lui payer la somme de 1 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt du 24 mai 1982 et l'expertise de M. Cordeau diligentée en exécution de cette décision ; Au fond infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau ; Déboute Guilpain des fins de ses demandes, le condamne par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à payer à Samain la somme de 1 500 F ; Condamne Guilpain aux dépens d'instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Me Bart, avoué, dans la mesure où il en a fait l'avance.