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Décisions

CA Nîmes, 2e ch., 15 septembre 1994, n° 93-4502

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bouzigues (SARL)

Défendeur :

Languedocienne de Matériel (Sté) ; Pradeaux (ès qual.) ; BNP Bail Natio Equipement (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

MM. Favre, Nicolai

Avoués :

SCP Tardieu, SCP Guizard, SCP Pomies-Richaud-Astraud.

Avocats :

Me Ickowicz, SCP Lobier-Mimran, SCP Laide-Iserberg-Bessière.

T. com. Nîmes, du 29 nov. 1991

29 novembre 1991

Faits et procédure :

La SARL Bouzigues, entreprise d'électricité en bâtiments, fait appel, le 13 mars 1992, d'un jugement prononcé, le 29 novembre 1991, par le Tribunal de commerce de Nîmes qui, statuant dans le cadre du litige opposant cette société à la société Languedocienne de Matériel et à la SA BNP Bail, l'a débouté de ses demandes en résolution de la vente d'un tractopelle et du contrat de crédit bail y afférant, a constaté la résiliation de ce contrat de crédit-bail pour défaut de paiement des loyers et l'a condamné à payer à celle-ci, outre frais et intérêts, la somme de 95 395 F

La cause fait l'objet d'une reprise d'instance en date du 29 novembre 1993 après que sa radiation ait été prononcée par arrêt de cette cour en date du 9 septembre 1992 pour défaut d'assignation à la fois, de la société venderesse, mise en redressement judiciaire dans l'intervalle, et de son commissaire à l'exécution du plan.

Dans ses écritures d'appel, la SARL Bouzigues demande à la cour de réformer la décision querellée en prononçant la résolution du contrat de vente intervenu entre les parties, le 5 décembre 1988 et en constatant par voie de conséquence la résiliation du contrat de crédit passé avec la société BNP Bail, le tracto objet du litige étant inutilisable.

Elle demande condamnation de la SARL société Languedocienne de Matériel au paiement de la somme de 19 224 F à titre de dommages-intérêts, ensemble les dépens de première instance et d'appel.

La société venderesse comparaît mais ne conclut pas. Seul Maître Pradeaux, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société se borne à indiquer que l'appelante n'a pas fait la déclaration de créance prévue par les textes et conclut à l'irrecevabilité des prétentions de la société appelante.

Subsidiairement, il sollicite sa mise hors de cause et la condamnation de la SARL Bouzigues aux dépens faisant valoir que le commissaire à l'exécution du plan n'a point qualité pour représenter le débiteur.

La société BNP Bail Natio Equipement fait plaider la confirmation du jugement entrepris, en se prévalant de ce que les vices ayant affecté l'engin litigieux étaient apparents et sollicite condamnation de la société appelante au paiement de la somme de 3 000 F HT sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Discussion et décision :

Attendu que la société Bouzigues SARL, conclut principalement à la résolution du contrat de vente intervenu avec la société Languedocienne de Matériel et à la résiliation du contrat de crédit passé avec la société BNP Bail ;

Attendu qu'elle demande par ailleurs condamnation de la société venderesse de l'engin litigieux, au paiement de la somme de 19 224 F à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que selon Maître Pradeaux, de telles prétentions devraient être irrecevables pour les créances n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration auprès du représentant des créanciers en temps utile ;

Sur la recevabilité :

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que la créance indemnitaire réclamée par la société appelante n'a pas été déclarée dans les formes et délai de la loi au redressement de la société Languedocienne de Matériel ;

Attendu qu'en conséquence la demande de somme de 19 224 F faite à ce titre doit être déclarée irrecevable alors que la SARL Bouzigues ne prétend avoir sollicité un relevé de forclusion pour satisfaire à cette formalité substantielle ;

Attendu qu'en revanche, il ne saurait en être de même pour ce qui concerne sa demande de résolution du contrat de vente, celle-ci n'étant pas fondée, comme aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, sur le "défaut de paiement d'une somme d'argent", mais sur l'existence de vices cachés qui entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 49 afférent aux actions en justice ... autres que celles visées à l'article 47" ;

D'où il suit qu'il y a lieu d'examiner la prétention dont s'agit ;

Sur l'existence de vices cachés

Attendu que la société BNP Bail Natio Equipement qui ne conteste pas en cause d'appel les termes du rapport de l'expertise instituée en première instance, se borne à demander la confirmation du jugement entrepris au motif que la société Bouzigues n'aurait pas effectué les diligences élémentaires utiles alors que les désordres qui semblent avoir affectés le matériel sont apparents ;

Attendu que l'expert Romeu désigné par la juridiction des référés du tribunal de commerce énonce en page 5 de son rapport :

"Les vices cachés font partie de ce qui a été décrit précédemment et nous les résumons ci-après :

- cassure des articulations inférieures de bras avant,

- usure profonde de toutes les articulations de flèche arrière,

- inverseur et sa commande défaillants,

- usure profonde et fuite des dispositifs de rotation et de transfert de la flèche arrière,

- fissuration et usure des flexibles arrières,

- jeu et usure des commandes hydrauliques.

Certains de ces vices, comme les cassures d'articulations et les fissurations de flexibles étaient visibles, mais pas pour un non-professionnel."

Attendu donc que l'homme de l'art conclut à l'existence à la fois de vices cachés et de vices apparents mais, pour ces derniers, seulement pour un professionnel ;

Attendu qu'il apparaît des éléments du rapport d'expertise, non critiqué par les parties, que l'entreprise Bouzigues qui est une entreprise d'électricité, avait besoin de façon ponctuelle, d'un engin tractopelle pour effectuer certains travaux de terrassement ; que ne connaissant pas particulièrement ce genre de matériel elle s'est adressée à un professionnel pour lui procurer un engin d'occasion mais "en état et révisé de façon à n'avoir pas de problèmes" ;

Attendu qu'il s'évince de ces données que la société Bouzigues dont l'activité principale n'est pas le terrassement mais l'électricité ne peut être considérée comme ayant une connaissance particulière des engins de chantier, ce pourquoi elle a dû d'ailleurs s'adresser à une entreprise spécialisée aux fins de se procurer, aux moindres frais, un bon engin pour effectuer épisodiquement quelques travaux de terrassement ;

Attendu que dans ces conditions elle ne peut être qualifiée de professionnelle et se voir opposer les vices apparents ou cachés dont l'engin litigieux était pourvu ;

Attendu qu'il résulte du rapport précité que les vices et défauts constatés "rendent l'engin impropre à tout usage" l'expert relevant, au passage que cet engin "qui a beaucoup travaillé et souffre d'une usure profonde et générale, n'a pas été révisé sérieusement" ;

Attendu qu'il convient dès lors de prononcer la résolution du contrat de vente intervenu le 5 décembre 1988 entre la société Languedocienne de Matériel et la société BNP Natio Equipement, le matériel objet du contrat étant entièrement impropre à sa destination initiale, et de constater par voie de conséquence la nullité du contrat de crédit-bail conclu le 15 décembre 1988 entre la SA BNP Bail et la SARL Bouzigues ;

Attendu qu'il y a donc lieu de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de mettre hors de cause Maître Pradeaux ès-qualités ;

Attendu qu'il convient de condamner la société Languedocienne de Matériel et la société BNP Natio Equipement qui succombent pour l'essentiel aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort, Constate que le reprise d'instance est en date du 29 novembre 1993 ; Déclare recevable et fondé l'appel formé par la société Bouzigues ; Réforme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nîmes le 29 novembre 1991 ; Déclare irrecevable la société appelante en ses prétentions indemnitaires formées à l'encontre de la société Languedocienne de Matériel ; Met hors de cause Maître Pradeaux, ès-qualité de commissaire à l'exécution de cette dernière société; Vu le rapport d'expertise établi par M. Romeu le 20 novembre 1989 , Dit que la société appelante ne peut être considérée comme un professionnel de la mécanique ; Constate que les désordres affectant l'engin tractopelle vendu par la société Languedocienne de Matériel le rendaient impropre à l'usage auquel il était destiné ; Prononce conséquemment la résolution judiciaire du contrat de vente intervenu le 5 décembre 1988 entre cette société et la société BNP Bail Natio Equipement ; Constate que le contrat de crédit bail passé entre cette dernière société et la société appelante se trouve rétroactivement anéanti et en prononce la nullité ; Condamne la société Languedocienne de Matériel et la société BNP Natio Equipement SA aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Maître Tardieu, avoué, aux offres de droit.