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Décisions

CCE, 14 décembre 2004, n° 2005-664

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Acquisition par la commune de Lemwerder de terrains appartenant à Aircraft Services Lemwerder

CCE n° 2005-664

14 décembre 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et compte tenu de ces observations, considérant ce qui suit:

I. LA PROCÉDURE

(1) La Commission a reçu une plainte concernant une opération immobilière entre la commune de Lemwerder et la société Aircraft Services Lemwerder (ci-après "ASL"), alléguant que cette acquisition contiendrait un élément d'aide en faveur d'ASL. La Commission a adressé une lettre de demande de renseignements à l'Allemagne le 30 janvier 2003, à laquelle celle-ci a répondu par courrier du 18 mars 2003.

(2) Par décision du 17 septembre 2003, la Commission a ouvert une procédure conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de la mesure en cause. L'affaire a été enregistrée sous le numéro C 56-2003. La décision a été communiquée à l'Allemagne par lettre du 18 septembre 2003 et publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission n'a pas reçu d'observations de tiers intéressés.

(3) Les autorités allemandes ont pris position sur la décision de la Commission par lettres des 14 et 18 novembre 2003. Par lettres du 13 janvier et 10 mai 2004, la Commission a réclamé des renseignements complémentaires. L'Allemagne a répondu par lettres des 13 février 2004 et 31 août 2004. Une réunion à laquelle ont participé des représentants de la Commission et de l'Allemagne ainsi que l'auteur d'une expertise immobilière jointe au dossier a eu lieu le 13 octobre 2004. Après cette réunion, l'Allemagne a communiqué des renseignements complémentaires par lettre du 23 novembre 2004.

II. LA MESURE D'AIDE

1. Le bénéficiaire

(4) ASL (une société établie à Lemwerder, en Basse-Saxe, à proximité de Brême) est un prestataire de services, notamment de services d'entretien d'avions. En 2002/2003, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 53,4 millions EUR, et ses effectifs étaient d'environ 700 personnes. Jusqu'en 1993, ASL appartenait à Deutsche Aerospace AG (DASA). Lorsque DASA a voulu fermer l'usine, le Land de Basse-Saxe a pris des mesures pour sauver ASL. La Commission a approuvé ces mesures par décision 97-753-CE du 12 mars 1997 relative à une aide d'État en faveur d'Aircraft Services Lemwerder (ASL) (3). Le 1er janvier 2004, EADS a acquis une participation majoritaire de 51 % dans l'entreprise. Depuis lors, ASL fait l'objet d'une restructuration. L'entretien d'avions civils sera abandonné et, à l'avenir, la société effectuera des travaux de réparation et d'entretien sur des composants d'avions de combat (Transall C-160, Tornado) et assemblera des composants d'avions militaires (Eurofighter, A400M). Les effectifs prévus pour 2006 sont de 210 personnes (4).

2. Détails de la mesure

(5) La commune de Lemwerder a acheté des terrains dont ASL n'avait pas besoin. D'après les indications fournies par l'Allemagne, le prix de vente comportait une remise quantitative.

<emplacement tableau>

(6) La viabilisation du terrain "ouest" représentait un coût total de 1 355 040 EUR. Pour différentes raisons, il a été admis que les coûts de viabilisation du terrain "centre" étaient inférieurs d'environ 10 %.

(7) La commune est partie du principe qu'après construction des infrastructures nécessaires, elle pourrait vendre les terrains ouest et centre à un prix de [...] DEM/m2 ([...] EUR). Ce prix relativement élevé s'explique par la qualité du site, qui se trouve à proximité immédiate du terrain d'aviation d'ASL, par le fait qu'il est directement relié au réseau ferroviaire et par les possibilités d'utilisation des installations portuaires d'ASL sur la Weser. En 1999 et en 2002, des terrains ont été vendus à ce prix dans la commune voisine d'Edenbüttel, alors même qu'ils n'avaient pas un aussi bon accès au réseau ferroviaire, aux transports aériens et à la Weser. L'Allemagne a communiqué deux autres évaluations relatives à des terrains situés au nord du site d'ASL, qui indiquent des valeurs comparables.

(8) Pour la viabilisation du terrain "ouest", la commune a reçu une aide de 562 200 EUR (cofinancée à 50 % par le FEDER-Objectif 2) et elle a financé sur ses propres ressources un montant de 132 125 EUR. Le produit de la vente communiqué est de [...] EUR.

(9) La commune et la société de développement du Land de Basse-Saxe, la NILEG, visent en premier lieu l'industrie aéronautique, mais n'ont néanmoins pas fixé de restrictions en ce qui concerne les acquéreurs potentiels. En 2000, le marché du foncier s'est effondré. Depuis le second semestre 2002, la demande pour ce type de terrains a repris, mais aucun terrain n'a encore été vendu jusqu'à présent.

III. MOTIFS D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(10) Dans sa décision d'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, la Commission doutait que le prix payé par la commune corresponde à la valeur du marché. Le terrain a été vendu en tant que terrain non viabilisé et ASL, ou tout acquéreur privé ou public, aurait dû consentir des investissements considérables afin de pouvoir le revendre en tant que terrain viabilisé. En l'absence d'évaluation du terrain non viabilisé, la Commission a procédé à une estimation, en déduisant les coûts de viabilisation de la valeur du terrain viabilisé. Pour ce faire, elle a tenu compte du retard prévisible dû à la vente du terrain par parcelles, des coûts financiers du projet et du fait que des terrains se sont avérés nécessaires pour les infrastructures. Cette estimation indique, pour le terrain non viabilisé, une valeur nettement inférieure au prix payé par la commune. En outre, la Commission s'est demandé si un investisseur privé aurait même viabilisé le terrain, compte tenu de la situation générale du marché à proximité immédiate du site d'ASL. Elle doutait également qu'un investisseur privé ait pu obtenir des aides similaires à celles obtenues par la commune. L'Allemagne n'ayant pas justifié l'acquisition du terrain "sud", cet achat pourrait également comporter un élément d'aide.

(11) La Commission doutait que les éventuels éléments d'aide liés à l'acquisition de ces terrains puissent être compatibles avec le Marché commun. La vente de terrains n'implique par exemple pas de dépenses d'investissement ou de restructuration et, d'après les indications fournies par l'Allemagne, l'entreprise n'était pas en difficulté. La décision 97-753-CE avait autorisé des aides à condition que l'Allemagne n'accorde plus d'aide ad hoc pendant une période de cinq ans. Or, les aides éventuellement liées à ces opérations foncières auraient été accordées au cours de cette période de cinq ans.

IV. COMMENTAIRES DE L'ALLEMAGNE

(12) L'Allemagne estime que le point de départ le plus approprié pour déterminer la valeur vénale de terrains non viabilisés serait la valeur de parcelles comparables de terrains non viabilisés, compte tenu également du site et des liaisons avec certaines infrastructures. Elle a soumis une nouvelle évaluation du terrain non viabilisé. Celle ci s'appuie sur une comparaison directe avec d'autres terrains non viabilisés dans un rayon de 80 km et tient compte des différences de qualité. L'expert a visité le terrain concerné et les autres terrains. Il a notamment tenu compte des liaisons avec les infrastructures qui pourraient être réalisées. Il a abouti à une valeur de [...] EUR par m2, et comme cette valeur est supérieure au prix payé par la commune, il n'y aurait pas pu avoir d'aide. L'Allemagne ne juge pas nécessaire de tenir compte d'éventuels retards dans la revente des parcelles, des coûts de la viabilisation et des aides.

(13) En outre, lorsque les pouvoirs publics viabilisent des terrains industriels, ils visent des objectifs à long terme, comme par exemple les recettes fiscales susceptibles de provenir des entreprises qui s'installent sur un terrain viabilisé. Les règles relatives aux aides d'État ne permettraient pas aux communes d'atteindre ce type d'objectifs, si elles contraignaient celles-ci à vendre à un prix déterminé. En outre, les communes auraient, certes, la possibilité de lancer un appel d'offres pour vendre des terrains, mais elles ne pourraient toutefois pas le faire pour acheter une parcelle de terrain dans le cadre de leurs projets de viabilisation. Le vendeur pourrait alors se trouver dans une position très favorable pour négocier. Une transaction effectuée dans de telles conditions n'impliquerait pas d'aide en faveur du vendeur.

(14) L'Allemagne pense en outre que l'estimation de la Commission comporte plusieurs erreurs. Par exemple, un investisseur privé n'est pas soumis aux mêmes règles qu'une commune. Conformément aux articles 127 et suivants du Code de la construction, les communes doivent supporter au moins 10 % des dépenses de viabilisation éligibles. De plus, la présence de munitions à enlever a entraîné des coûts supplémentaires non prévus. À l'époque de l'acquisition, ces coûts n'ont donc pas pu influer sur le prix. En outre, conformément à la communication de la Commission concernant les éléments d'aide d'État contenus dans les ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics (5) (ci après "la communication"), il n'est pas nécessaire d'inclure dans l'évaluation les coûts d'infrastructures supplémentaires. De plus, selon cette communication, un prix plus élevé est autorisé sous certaines conditions (il y a par exemple une marge de tolérance de 5 %).

(15) La question de savoir si un investisseur privé aurait viabilisé le terrain est sans objet en l'espèce. La viabilisation de terrains est de la responsabilité des pouvoirs publics et constitue un service d'intérêt économique général. Une commune ne viabilise des terrains que si elle prévoit, comme c'est le cas en l'espèce, une demande suffisante. L'Institut de recherche économique de Basse-Saxe (Niedersächsisches Institut für Wirtschaftforschung) avait prévu un rétrécissement de l'offre de terrains industriels. La restructuration innovante de l'ensemble de la zone, grâce à une liaison avec le nouveau tunnel sous la Weser et au projet d'autoroute côtière jusqu'au port en eau profonde prévu à Wilhelmshaven, a fait remonter la demande de terrains industriels. La Investment and Promotion Agency de Basse-Saxe a également expliqué qu'il s'agissait, pour cette raison, de surfaces d'une très grande valeur et que la commune perdrait ce que l'on appelle un "unique selling point" si elle renonçait à acheter ces terrains. C'est pourquoi elle a recommandé à la commune d'acquérir les terrains en question, d'autant plus que cela ouvrait la possibilité de garantir l'exploitation de l'ensemble du secteur situé entre la zone industrielle de Bahnhof Altenesch et les terrains d'ASL.

(16) En ce qui concerne l'acquisition du terrain "sud", l'Allemagne fait remarquer que cette parcelle était nécessaire au projet global, dans la mesure où elle servait de surface de remplacement et d'échange pour les infrastructures nécessaires à la viabilisation du terrain "centre".

V. APPRÉCIATION

Existence d'une aide d'État

(17) Conformément à l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, "sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions". En l'espèce, il convient de déterminer si ASL a été favorisée de façon sélective par cette opération foncière. Ce serait le cas si la commune avait payé un prix supérieur à la valeur vénale des terrains.

(18) La Commission partage l'avis de l'Allemagne selon lequel c'est le prix du terrain non viabilisé qui doit être considéré comme le prix du marché. La détermination de la valeur d'un terrain non viabilisé par déduction des coûts de viabilisation du prix du terrain viabilisé ne constitue qu'une méthode d'appoint, lorsqu'il n'existe aucune évaluation plus directe. C'est pourquoi la Commission a examiné avec soin la nouvelle évaluation du terrain non viabilisé fournie par l'Allemagne.

(19) Lorsque des pouvoirs publics veulent acheter un terrain déterminé, ils doivent négocier avec le propriétaire. Organiser une procédure d'offre inconditionnelle n'est pas une solution. Ce type de procédure est toutefois applicable jusqu'à un certain point. Certes, les principes énoncés à la section II, point 1, de la communication à propos de la vente dans le cadre d'une procédure d'offre inconditionnelle ne sont pas valables en l'espèce. Toutefois, les principes énoncés à la section II, point 2, de cette communication seraient applicables, jusqu'à un certain point.

(20) Le rapport a été établi par un expert indépendant, conformément à la section II, point 2, sous a), de la communication. L'expert n'a pas reçu de directives et son indépendance est garantie par le fait qu'il ait été nommé par les pouvoirs publics et ait prêté serment. Il est par ailleurs expert agréé par la Commission ainsi que par la Cour de justice des Communautés européennes. Il est particulièrement compétent pour l'évaluation des terrains situés dans la région concernée. Même si l'évaluation est datée du 6 novembre 2003, c'est-à-dire une date postérieure à la vente, elle peut être utilisée aux fins de la présente procédure. La Commission estime que la méthode appliquée par l'expert, qui tient compte de la valeur d'autres terrains et des différentes qualités des terrains en cause, est appropriée. Elle a soigneusement examiné son rapport, notamment la taille et le type des parcelles utilisées pour la comparaison, la prise en compte d'une pollution éventuelle, l'indépendance de l'expert, la signification de références spécifiques aux liaisons avec des infrastructures, le type des terrains et la méthode utilisée pour le calcul du résultat final. Les prix des terrains pris en considération varient entre 16 et 36 EUR le m2. La Commission constate que le calcul du résultat de [...] EUR le m2 n'est peut être pas entièrement correct, mais en tout état de cause, d'autres modes de calcul donneraient une valeur supérieure. Se fondant sur cette évaluation, la Commission est parvenue à la conclusion que la valeur de [...] EUR le m2 pouvait être considérée comme une évaluation approximative de la valeur vénale du terrain non viabilisé au moment de la vente. En tout état de cause, la Commission peut exclure, sur la base de cette expertise, que la valeur vénale ait été inférieure au prix auquel le terrain a effectivement été vendu, c'est-à-dire [...] EUR le m2.

(21) La Commission constate que dans la présente affaire, la commune n'a pas acquis les terrains en tenant compte de l'intérêt d'ASL, mais dans le but de les viabiliser et de les vendre conformément à son plan d'aménagement global, sur la base de considérations politiques générales (voir considérant 15). Cela est confirmé par la subvention du FEDER (voir considérant 8). Le choix de ce terrain précis d'ASL est conforme à ces considérations politiques et s'explique par le fait que le terrain est très bien relié à différentes infrastructures, ce qui est confirmé par la Investment and Promotion Agency de Basse-Saxe.

(22) La Commission reconnaît qu'un promoteur privé n'aurait pas été en mesure d'acheter ces terrains non viabilisés à ce prix, de les viabiliser, d'ériger les infrastructures nécessaires et de revendre les terrains viabilisés en réalisant un profit. Certains des arguments avancés par l'Allemagne, comme le cadre juridique applicable aux communes, peuvent l'expliquer. Toutefois, il n'est pas nécessaire de procéder à une appréciation plus poussée de l'affaire, car en ce qui concerne les conditions en cause en l'espèce, les deux conclusions mentionnées ci dessus, à savoir, premièrement, que la commune n'a pas acheté les terrains à un prix supérieur au prix du marché et, deuxièmement, que la commune n'a pas acquis les terrains dans l'intérêt d'ASL, mais dans le cadre de son plan d'aménagement global et sur la base de considérations politiques générales, sont suffisantes pour établir qu'ASL n'a bénéficié d'aucun avantage particulier. Les autres doutes exprimés dans la décision d'ouverture de la procédure de la Commission ne sont plus pertinents.

(23) La Commission est en mesure d'accepter les arguments avancés par l'Allemagne à propos de l'acquisition de la parcelle "sud". En outre, s'il y avait éventuellement eu aide en l'espèce, elle n'aurait en aucun cas été supérieure au seuil de minimis de 100 000 EUR.

VI. CONCLUSION

(24) La Commission est parvenue à la conclusion que la commune de Lemwerder n'avait pas acquis le terrain d'ASL à un prix supérieur à sa valeur vénale. En conséquence, le vendeur n'a bénéficié d'aucun avantage et, de ce fait, d'aucune aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE,

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'opération foncière entre la commune de Lemwerder et la société Aircraft Services Lemwerder ne comporte aucun élément d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Article 2

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO C 293 du 3.12.2003, p. 5.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) JO L 306 du 11.11.1997, p. 18.

(4) www.eads.net.

(5) JO C 209 du 10.7.1997, p. 3.