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Décisions

Conseil Conc., 20 décembre 2005, n° 05-D-73

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par l'ODA et Havas DOM sur le marché de l'insertion publicitaire dans les annuaires de France Télécom, en Métropole et à la Réunion

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Poulain par Mme Perrot, vice-présidente présidant la séance, MM. Flichy, Honorat, membres.

Conseil Conc. n° 05-D-73

20 décembre 2005

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 29 décembre 1999, sous le numéro F 1199, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l'Office d'Annonces (ODA) et Havas Dom sur le marché de l'insertion publicitaire dans les " annuaires officiels " de France Télécom, en métropole et à la Réunion ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ; Vu la décision en date du 29 juillet 2005 par laquelle le Président du Conseil de la concurrence a informé les parties que la présente affaire serait examinée sans l'établissement d'un rapport en application de l'article L. 463-3 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par la société Média Overseas et par le commissaire du gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du gouvernement et la société Média Overseas entendus lors de la séance du 3 novembre 2005 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. Le Conseil a été saisi d'une enquête des services de la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) relative aux pratiques de l'ODA et de Havas Dom sur le marché de l'insertion publicitaire dans les annuaires de France Télécom de 1996 à 1999, en métropole et à la Réunion. Cette enquête trouve son origine dans une plainte déposée par la société Performa Conseil, qui dénonçait les atteintes portées à son activité commerciale par ces deux sociétés.

A. LES SECTEURS D'ACTIVITÉ

2. Plusieurs activités sont concernées par la saisine.

1. L'ACTIVITÉ D'ÉDITEUR D'ANNUAIRES

3. Le groupe France Télécom occupait au moment des faits une position de leader dans le secteur de l'édition d'annuaires avec des parts de marché que le groupe estime supérieures à 75 %. France Télécom éditait principalement les " pages blanches ", regroupant la totalité des abonnés du téléphone par département et les " pages jaunes ", départementales ou locales, constituées à partir des listes d'abonnés professionnels figurant au fichier national des abonnés. D'autres annuaires spécialisés notamment les " Pages Pro ", les " Pages Jaunes Tourisme " et les " pages Zoom " (annuaire électronique accessible par le minitel) étaient, à l'époque des faits, proposés par France Télécom.

4. Entre 1995 et 1998, la société France Télécom était en charge de l'édition de ces annuaires et la régie publicitaire en était confiée à la société ODA. L'ensemble des activités d'éditeur et de régisseur a ensuite été regroupé au sein de la société Pages Jaunes.

5. France Télécom faisait face à plusieurs éditeurs concurrents qui proposaient, en métropole, des annuaires régionaux de types " Pages Jaunes ". Les principaux concurrents étaient l'annuaire " Soleil " en Ile-de-France et " Annuaire Phone Edition ", aujourd'hui disparus ainsi que les annuaires téléphoniques de Bretagne, l'annuaire " Réflex " sur le territoire de Belfort, le pays de Montbéliard et le canton d'Héricourt, les annuaires " Apro de Savoie ", " U Corsu " et " l'Annuaire Conte " à Bordeaux. A la Réunion, il existait au moment des faits un seul annuaire concurrent, l'" ADR ", devenu ultérieurement l'" ANNU'R ".

<emplacement tableau>

2. LA VENTE D'ESPACES PUBLICITAIRES DANS LES ANNUAIRES

6. La régie des espaces publicitaires dans les annuaires de France Télécom était assurée, à l'époque des faits, selon deux modalités distinctes : en métropole, la commercialisation était confiée à l'ODA en vertu d'un contrat de régie exclusive ; dans les départements d'outre-mer (DOM), l'ODA, avec l'accord de France Télécom, avait délégué cette commercialisation à un sous-régisseur exclusif au plan local, Havas Dom. Les acheteurs d'espaces pouvaient choisir de passer directement par le régisseur (ou le sous-régisseur que celui-ci désigne) ou passer par l'intermédiaire d'une agence de publicité ou d'achat d'espaces. Au début des années 90, sont apparues sur le marché plusieurs agences de publicité, créées par d'anciens salariés d'ODA, spécialisées dans les espaces des annuaires de France Télécom.

7. La commercialisation des espaces publicitaires dans les annuaires est soumise aux règles de droit commun de la commercialisation des espaces publicitaires, en particulier la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite " loi Sapin ", qui a fixé le cadre d'intervention de différents intervenants de la chaîne publicitaire et notamment des régisseurs d'espaces et des agences de publicités.

8. Les régies publicitaires (ou sous-régies), considérées comme vendeurs d'espace, sont légalement assimilées aux supports. La circulaire du 19 septembre 1994, relative à la transparence et à la non-discrimination dans la publicité, prévoit explicitement ce rôle de l'intermédiaire appelé aussi courtier " dont la charge consiste à prospecter, au bénéfice du vendeur d'espace, des annonceurs potentiels et à transmettre leurs ordres à celui-ci ". Cette circulaire ajoute : " On considèrera ce courtier comme une régie ou une sous-régie ". Comme pour toutes les activités de prestation de service, le régisseur doit avoir un barème et le communiquer à qui en fait la demande. En pratique, les régies proposent des conditions commerciales généralement fixées par les supports. Ces régies sont tenues à un principe général de non-discrimination à l'égard des annonceurs.

9. Cette loi a prévu un dispositif particulier destiné à assurer la transparence des intermédiaires telles les agences de publicités, dès lors que l'achat d'espace publicitaire transite par elles. Ces intermédiaires ne peuvent légalement intervenir qu'en qualité d'acheteur d'espace pour le compte de leurs clients, et la loi leur impose de travailler sous le régime du mandat. Ce mandat doit faire l'objet d'un contrat écrit. Il doit énoncer les prestations rendues et leurs rémunérations. Les intermédiaires ne peuvent percevoir de rémunération que des annonceurs. La facture doit être envoyée directement par le gérant du support à l'annonceur.

10. Le régisseur touche un revenu directement tiré du prix de la vente des espaces publicitaires du support. Le sous-régisseur perçoit une partie du revenu des ventes. Les agences de publicité quant à elles se rémunèrent sur la base du différentiel existant entre le prix de vente de l'espace au client final et la ristourne donnée aux agences par les régisseurs ou sous-régisseurs pour leur achat d'espace, montant auquel peuvent s'ajouter les frais annexes facturés à l'annonceur liés par exemple à la constitution de l'annonce. Lorsque l'annonceur choisit d'acheter de l'espace via un intermédiaire, il peut soit payer directement le support, soit faire transiter le paiement par le mandataire, à charge pour ce dernier de le reverser au support. Cependant, le paiement de l'annonce lorsqu'il est remis entre les mains de l'intermédiaire, n'est jamais libératoire vis-à-vis du support. En cas de défaillance de l'intermédiaire, l'annonceur pourrait se voir réclamer une seconde fois le paiement de sa publicité par le support.

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. L'OFFICE D'ANNONCES (ODA), DEVENU PAGES JAUNES

11. La régie publicitaire des annuaires de France Métropolitaine a été confiée en 1946 à l'ODA, alors propriété de Havas. L'ODA est resté la propriété d'Havas jusqu'en 1998. Le 10 juillet 1998, France Télécom a racheté à Havas l'intégralité de la société ODA via sa filiale Cogecom. Les services d'édition et de régie d'annuaires ont été rapprochés au sein de Pages Jaunes, devenue une filiale de Wanadoo. L'ODA a pris le nom de Pages Jaunes.

2. LA SOCIÉTÉ HAVAS DOM, DEVENUE HAVAS OVERSEAS PUIS MEDIA OVERSEAS

12. La société Havas Dom a été créée en 1959. Elle est devenue en 1996 Havas Overseas, intégrée au groupe Vivendi en 1998. Devenue filiale du groupe Canal Plus, elle a pris, le 1er novembre 1998, le nom de Média Overseas.

13. Havas Dom, sous-régisseur exclusif d'ODA pour la Réunion, a mis un terme à la convention de sous-régie du 1er octobre 1981 par un accord de résiliation en date du 1er octobre 1998. Une cession d'actifs est intervenue le 21 octobre 1998 entre la société Havas Dom et la société ODA Outremer qui s'est accompagnée du transfert de l'ensemble du personnel attaché à son activité ainsi que des moyens matériels, y compris les archives, liés à son exploitation. La société Média Overseas n'a plus aujourd'hui aucune activité de régie.

3. LES AGENCES DE PUBLICITÉ

14. Les sociétés Performa Conseil, Amega et Diese Conseil ont été créées en 1994 par d'anciens salariés de l'ODA et ont essentiellement pour activité la prestation de conseil aux acheteurs d'espaces dans les annuaires de France Télécom.

15. L'activité de Performa Conseil, limitée à l'origine à l'Auvergne et aux départements limitrophes, a été étendue au département de la Réunion de 1995 à 1997, date à laquelle cette société a cessé toute activité dans ce département. La société Perfoma Conseil a été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 12 février 1999, alors qu'elle faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire depuis le 28 août 1998. Un jugement de clôture pour insuffisance d'actif a été prononcé le 25 juin 2004.

16. La société Amega employait, en 1995, cinq personnes et sa zone de chalandise recouvrait la moitié sud de la France.

C. LES PRATIQUES

17. La saisine s'appuie sur plusieurs rapports d'enquête successifs. Les deux premiers, datés respectivement du 11 mai 1998 et du 29 juin 1999, émanent de la brigade de Lyon. Ils examinent, pour le premier, les pratiques reprochées à la société Havas Dom sur le marché de la Réunion, et pour le second, les pratiques reprochées à l'ODA en métropole. Un rapport complémentaire, relatif aux déclarations faites par un ancien salarié de l'ODA, a été transmis au Conseil le 19 octobre 1999. Enfin, une enquête complémentaire portant sur l'édition d'annuaires a été effectuée à la demande du rapporteur et a donné lieu à un rapport transmis au Conseil le 8 octobre 2001.

1. L'ORGANISATION DE LA VENTE D'ESPACES PUBLICITAIRES DANS LES ANNUAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM EN MÉTROPOLE ET À LA RÉUNION

18. En métropole, la régie exclusive de la vente des espaces publicitaires dans les annuaires de France Télécom était confiée à l'ODA en vertu d'une convention du 30 juin 1967. Aux termes de cette convention, l'agence Havas était chargée " d'assurer la prospection de la publicité à insérer dans les différents annuaires officiels édités par ou pour le compte de la DGPT, la conception technique de cette publicité, son exécution et sa mise en page ". Elle était ducroire, c'est-à-dire " responsable du paiement de toutes les insertions parues, nonobstant l'insolvabilité éventuelle des clients ".

19. Dans les DOM, avec l'accord de France Télécom, l'ODA a choisi Havas Dom en qualité de sous-régisseur exclusif au plan local par convention datée du 1er octobre 1981. La société Havas Dom s'est ainsi engagée, pendant toute la durée du contrat, à assurer la prospection de la clientèle dans les DOM, à respecter les directives techniques de l'ODA sur la conception et la fabrication des insertions publicitaires, à appliquer les tarifs et les conditions de l'ODA, à facturer et encaisser les créances relatives à ces ordres d'insertion. Havas Dom s'engageait par ailleurs à vérifier la conformité des insertions publicitaires avec la réglementation. Havas Dom était également ducroire pour toutes les insertions publicitaires prospectées et transmises par elle. ODA s'engageait en contrepartie à fournir à Havas Dom les informations et l'assistance nécessaire à sa mission, à traiter les données transmises par Havas Dom, à adresser à Havas Dom les copies de ses correspondances éventuellement adressées à la clientèle de Havas Dom.

20. L'exclusivité conférée à Havas Dom par l'ODA n'était cependant pas complète : elle ne portait que sur les demandes d'insertions publicitaires émanant de la clientèle située dans les DOM, tant pour les annuaires de ces départements (publicité locale) que pour les annuaires des départements de la métropole (publicité extra-locale). En revanche, l'ODA conservait la commercialisation des insertions publicitaires à paraître dans les annuaires des DOM dès lors que ces insertions émanaient de clients situés en métropole.

21. En contrepartie des obligations mises à sa charge, Havas Dom percevait une commission de 23 % sur toutes les ventes réalisées pour des insertions publicitaires locales (parution dans les DOM) ou extra-locales (parution en Métropole) et une commission de 3 % sur les ventes réalisées directement par l'ODA auprès de ses clients métropolitains dans les annuaires des DOM.

22. Pour l'édition des Pages Jaunes de la Réunion de 1995, la société Performa a reçu mandat pour un seul ordre d'insertion. Pour l'édition 1996, la société Performa a obtenu plus de 80 ordres d'insertions.

2. LES CONDITIONS D'ACHAT D'ESPACES PUBLICITAIRES MISES EN œUVRE PAR L'ODA ET HAVAS DOM

23. Les conditions d'achat d'espaces publicitaires mises en œuvre par l'ODA figurent dans des documents intitulés " conditions de collaboration avec les agences de publicité " publiés par ODA et Havas Dom. Le calendrier de publication des annuaires, les tarifs et les conditions d'insertion des espaces publicitaires étaient fixés par l'ODA. Havas Dom pouvait néanmoins imposer des conditions spécifiques, souvent plus restrictives, vis-à-vis des agences et des clients. En tout état de cause, il lui appartenait d'apprécier seule la recevabilité des ordres d'insertion transmis par l'intermédiaire des agences ou directement par les annonceurs, avant leur transmission à l'ODA.

a) Le calendrier de publication des annuaires

24. La société ODA a fixé un calendrier de commercialisation des espaces publicitaires pour les différentes éditions départementales de l'annuaire de France Télécom, en Métropole et dans les DOM.

25. Ce calendrier est destiné à la force de vente de l'ODA et aux agences de publicité. Il est dénommé " calendrier de prospection " pour les représentants de l'ODA et " calendrier de forclusion " pour les agences de publicité. Il précise : la date de début et de fin de prospection ; la date limite de souscription (c'est-à-dire la date limite de vente et de modification des annonces) ; les dates d'échéances des traites et des prélèvements bancaires ; la date limite des annulations éventuelles par les annonceurs ; la date de mise à disposition des annuaires auprès du public. Ce calendrier précise que les dates arrêtées sont susceptibles d'être modifiées en cours d'édition.

26. A la Réunion, le sous-régisseur a mis en place un calendrier différent pour tenir compte des délais d'acheminement entre la métropole et les DOM. Havas Dom devait en effet tenir compte des délais de vérification des ordres d'insertion par rapport aux conditions fixées par l'ODA, de transmission en métropole et de retour des épreuves auprès de l'agence, ou de l'annonceur, pour obtenir le bon à tirer. Selon l'ODA, il appartenait à Havas Dom " d'apprécier à chaque cas " la recevabilité d'une commande, une commande simple pouvant dépasser la date limite de souscription.

27. En tout état de cause, ces calendriers n'étaient souvent qu'indicatifs, puisqu'en pratique, la date limite de souscription était souvent prorogée de plusieurs semaines, aussi bien pour les agences de publicité que pour la force de vente d'ODA en Métropole ou de Havas Dom dans les DOM.

b) Les garanties financières demandées aux agences

28. Des garanties financières de paiement ont été mises en place par l'ODA durant l'année 1995 et introduites dans ses conditions générales de vente pour l'édition 1996, à la suite d'un impayé de 12 millions de francs laissé en 1994 par une agence de publicité spécialisée en matière de publicité dans les annuaires (Arc-en-ciel diffusion). Les agences ont été informées de la mise en œuvre de ce nouveau système dès février 1995.

29. Les garanties demandées étaient les suivantes : " Lorsque le paiement des annonceurs transite par l'agence de publicité, Oda doit bénéficier d'une garantie de paiement final quand les conditions cumulatives suivantes sont réunies : a) l'agence de publicité traite plus de 40 annonceurs soit dans l'édition en cours, soit au titre de l'édition précédente ; b) l'agence de publicité passe des commandes d'achats d'espaces publicitaires, soit au titre de l'édition en cours, soit au titre de l'édition précédente, pour un montant supérieur à 500 000 francs TTC ; c) l'encours de paiement passant par l'agence de publicité dépasse 250 000 francs ; (...) La garantie de paiement à apporter sera d'un montant correspondant à l'encours de paiement défini au point c), diminué des 250 000 premiers francs ". Cette garantie devait être fournie au moment de la remise des commandes à l'ODA.

30. Havas Dom avait inséré dans les conditions générales de vente des stipulations similaires pour la Réunion. La garantie était exigée dans les conditions cumulatives suivantes : le nombre d'annonceurs concernés, soit dans l'édition précédente soit dans l'édition en cours, dépassait 30 annonceurs ; le chiffre d'affaires annuel réalisé dans l'édition en cours ou au cours de l'édition précédente était supérieur à 300 000 francs TTC ; l'encours de paiement était supérieur à 150 000 francs. Dans la pratique, les commandes transmises à Havas Dom donnaient lieu à un examen rapide. En retour, Havas Dom communiquait, dans les plus brefs délais, les garanties de paiement demandées pour certaines d'entre elles.

31. Les conditions sous lesquelles une garantie financière était exigée étaient donc plus exigeantes pour la Réunion. Le directeur juridique de l'ODA a expliqué que : " le fait pour Havas Overseas de se montrer plus strict qu'ODA sur les garanties de paiement demandées résulte de la particularité du marché réunionnais où la situation économique difficile permet de constater un grand nombre de cessation d'activités, et où les risques d'impayés sont sans commune mesure avec ceux de la Métropole ".

32. D'une manière générale, la circulaire du 19 septembre 1994 relative à la transparence et à la non-discrimination a prévu que : " le support peut demander à l'intermédiaire de se porter garant du paiement par son client (...), il peut aussi demander une garantie bancaire à l'annonceur ".

c) Les conditions de paiement

33. En métropole, selon les déclarations du directeur de l'agence ODA à Lyon en date du 22 décembre 1998 : " les clients passant par une agence de publicité bénéficient des mêmes conditions de paiement que ceux traitant en direct auprès de l'ODA. Les délais de paiement sont identiques pour les uns comme pour les autres. La date limite de paiement d'une commande correspond au plus tard au 30 du mois de parution de l'annuaire représentant la majorité du chiffre d'affaires de ladite commande (parution multi-départementale). Si la commande dépasse 25 000 francs, le client bénéficie d'un mois de délai supplémentaire après parution. Nous ne réclamons pas aux agences de publicité d'acompte à la souscription ou de paiement intermédiaire, sauf pour les commandes dont le chiffre d'affaires TTC est inférieur à 2 500 francs ". Les conditions de paiement précédemment décrites peuvent ne pas être appliquées à des clients présentant des défauts de paiement sur les éditions antérieures (elles sont alors beaucoup plus restrictives).

34. Dans les DOM, les conditions de règlement prévoyaient le versement à la commande d'un acompte de 30 %, le paiement de 35 % à la fin du mois au cours duquel tombe la date après laquelle il n'est plus possible d'annuler les commandes, le solde étant dû le mois suivant.

3. LE TRAITEMENT DES ORDRES D'INSERTION PAR LES SOCIÉTÉS ODA ET HAVAS DOM

a) L'exigence d'une copie du mandat ou d'une copie certifiée

35. Le rapport d'enquête de la BIE de Lyon du 22 juin 1999 indique que " Havas Overseas ne veut pas de simple photocopie du mandat mais exige l'original ou la copie certifiée du client ". Au contraire, l'ODA en Métropole se contenterait d'une simple photocopie de mandat. Selon le BIE de Lyon, " cet aspect purement formel permet à cette entreprise de refuser l'insertion des annonces des clients du concurrent, alors que la validité de cette exigence outrepasse le mode de fonctionnement habituel de ce secteur d'activité. En effet, en imposant cette condition à l'insertion des publications, Havas s'immisce abusivement dans le contrôle de la relation de mandat liant Performa Conseil à son client ".

b) Les contacts pris par Havas Dom avec les clients de Performa Conseil

36. Dans un procès verbal en date du 19 novembre 1996, le dirigeant de la société Performa Conseil, M. Jacky X, a déclaré que : " sur place, Havas Dom utilise tous les moyens pour m'empêcher d'exercer : dénigrement des employés de Performa Conseil présentés comme des escrocs. ". Dans un autre procès-verbal en date du 5 janvier 1999, il a ajouté : " Concernant les problèmes rencontrés à la Réunion, je peux vous dire que la société Havas, mandatée par la société ODA à la Réunion, a fait tout son possible pour m'évincer du marché des annuaires France Télécom dans ce département. Elle est parvenue à ses fins après avoir employé tous les moyens, y compris illégaux. Parmi ceux-ci, cette société n'a pas hésité à discréditer Performa Conseil auprès de sa clientèle ; pire encore, elle a fait en sorte que certains de nos annonceurs ne paraissent pas dans l'annuaire ". M. X a également remis aux enquêteurs des télécopies ou courriers qui lui avaient été adressés par plusieurs de ses clients.

37. Dans un courrier, daté du 9 mars 1996, l'entreprise LAC écrit : " Je vous serai gré de bien vouloir me faire confirmer par l'ODA une prise en compte de ma commande. En effet une conseillère de la maison Havas Dom a émis devant moi les plus grandes réserves quant à la capacité de votre organisme de voir ses commandes honorées dans l'annuaire officiel. Vous comprendrez aisément mes doutes ".

38. Une télécopie, adressée le 1er juillet 1996 par Mme Y de la société Tele Boutik, contient les propos suivants : " Depuis nous avons été contactés à plusieurs reprises par les commerciaux de l'Agence Havas à la Réunion. Ceux-ci nous ont affirmé que votre entreprise n'avait pas le droit de commercialiser des encarts publicitaires de manière directe avec le marché Réunionnais, toutes les ventes effectuées dans notre île devant être automatiquement rétrocédées à Havas à l'Ile de la Réunion. Ce qui ne serait pas le cas à ce jour. Ces mêmes personnes m'ont affirmé qu'aucun accord n'ayant été trouvé entre vos deux structures à ce jour, nous risquerions de ne jamais paraître dans la prochaine édition de l'annuaire. Pourriez-vous me faire parvenir dans les plus brefs délais les documents attestant que Performa Conseil a bien le droit de commercialiser des encarts publicitaires dans l'annuaire téléphonique à la Réunion ? ".

39. Dans une lettre, en date du 27 septembre 1996, Mme Z, de l'entreprise Joresport, affirme : " Nous avons été stupéfaits d'apprendre que - d'après leurs dires - seule l'agence Havas était habilitée à démarcher les commerçants pour leur inscription dans les pages jaunes. Ils n'ont pas hésité à employer le mot-escroquerie-. ". A la suite de l'intervention de Havas Dom, l'entreprise Joresport a déposé une plainte pour escroquerie contre Performa Conseil qu'elle aurait ensuite retirée après avoir entendu les explications données par le dirigeant de cette société.

40. Un courrier en date du 23 octobre 1997 a été adressé à Performa Conseil par l'entreprise Bamatex : " Notre société fait partie du groupe Bernard Hayot, à ce titre nous avons reçu des informations nous indiquant que nos parutions publicitaires dans l'annuaire devaient être négociées directement avec les services de Havas, et que dans le cas contraire, nous ne paraîtrions pas dans l'annuaire pour l'édition 1997. Ayant contacté M. Jacky X, je n'ai pu obtenir de plus amples renseignements, je vous demande de bien vouloir nous tenir informés le plus rapidement possible à propos de cette parution, doit-elle avoir lieu ou pas ? ".

41. L'entreprise Métallerie de Bourbon a adressé le 18 décembre 1997 une lettre précisant : " outre deux appels téléphoniques émanant d'Havas Réunion et mettant en doute votre capacité à régler les sommes dues, nous avons reçu trois courriers de cette société (26/08/97, 22/10/97, 16/12/97), les deux derniers étant adressés en recommandé avec AR ".

42. Dans un fax du 19 décembre 1997, l'entreprise Eurolocation écrit : " un commercial est venu nous dire que Performa Conseil n'a pas le droit de vendre la publicité dans les pages jaunes. Une dame de la société Havas nous a harcelés au téléphone pour qu'on ne signe pas avec Performa Conseil et nous a affirmé que notre publicité ne paraîtrait jamais car elle ferait tout pour ça ".

43. Enfin, une lettre non datée adressée à Performa Conseil par l'entreprise Patrick Coiffure expose que : " Quelques jours après nous étions contactés par la société Havas, d'abord par téléphone et ensuite par un commercial qui est venu nous dire que Performa Conseil n'a pas le droit de vendre de la publicité dans les pages jaunes. Une dame de la société Havas nous a harcelés au téléphone pour qu'on ne signe pas avec Performa Conseil et nous a affirmé que notre publicité ne paraîtrait jamais car elle ferait tout pour cela sous le soi-disant prétexte qu'Havas détient le monopole à l'île de la Réunion ".

44. Par ailleurs, le responsable administratif de l'association régionale de gestion de la formation professionnelle a déclaré dans un procès verbal du 8 août 1998 : " Pour 1998, Havas Dom m'a approché par le canal d'un de ses agents commerciaux (...). Je lui ai fait part de ce qui s'était passé en 1997. Suite à ma question, elle m'a indiqué qu'Havas était seul habilité à recueillir et à traiter les insertions publicitaires dans l'annuaire du téléphone ". Le procès-verbal en question ne figure cependant pas dans les annexes au rapport d'enquête.

c) Les contacts pris par l'ODA avec les clients d'agences de publicité

45. En métropole, outre la société Performa Conseil, deux autres agences, les sociétés Amega et Diese Conseil, se sont plaintes de pratiques de dénigrement de la part de l'ODA et des pressions exercées sur leurs clients.

Avec les clients de l'agence Performa Conseil

46. Dans le procès verbal de déclaration du 19 novembre 1996, le responsable de la société Performa Conseil a déclaré : " Or j'ai appris par ces mêmes clients que le Directeur Régional ODA est passé les voir pour leur proposer les mêmes services en avançant qu'il valait mieux passer par ODA directement ; pour les inciter à contracter avec ODA, le responsable commercial a invité à plusieurs reprises Monsieur A, Président du CNPA de la Creuse, à un repas. Les représentants ODA ont même fait courir le bruit que j'avais disparu dans les îles, ou que j'étais mort, et qu'il fallait en conséquence traiter avec eux. ".

47. Dans le procès verbal du 18 février 1999, il a ajouté : " Mais je pense représenter une trop grande menace commerciale dans la région d'Auvergne pour qu'ODA laisse mon entreprise prospérer. C'est pourquoi ODA a renforcé sa campagne de dénigrement entre fin mai et août 98, par téléphone et lors de la visite de ses commerciaux à mes clients les incitant à ne pas payer Performa Conseil (donc à annuler leurs traites) et à payer directement ODA ".

Avec les clients de l'agence Amega

48. L'entreprise Raoux écrit à l'ODA en date du 19 juin 1997 : " Vous voudrez m'indiquer si le but de votre courrier est d'enlever un client à l'agence Amega, comme la représentante qui était passée courant 1996 nous l'avait indiqué, en nous certifiant que l'ODA était bien le seul interlocuteur pour la publicité dans l'annuaire téléphonique. ". Ce courrier intervient en réponse à un courrier de l'ODA à l'entreprise Raoux en date du 10 juin 1997, qui ne figure pas dans les annexes du rapport d'enquête.

49. Dans une lettre du 25 novembre 1998, adressée à Performa Conseil, l'entreprise Raoux l'informe : " Néanmoins, malgré ma demande de ne plus être démarché par les commerciaux de l'ODA, je suis continuellement dérangé par les conseillers de cette société, tentant de remettre en cause mon interlocuteur habituel ". Il ajoute : " le seul intérêt de cette action est de faire disparaître l'intermédiaire, et de ne laisser la possibilité de traiter qu'avec un unique interlocuteur, en la circonstance celui de l'ODA ".

50. Dans une lettre du 2 octobre 1998 adressée à l'ODA, le gérant d'Amega se plaint de la perte d'un client : " L'annonceur Déménagement Nodarie n° 672929 nous signale qu'il ne souhaite pas reconduire ses parutions pour l'année 1999 auprès de notre société. Ceci étant son droit absolu, il nous a tout de même précisé que le commercial de l'ODA l'avait mis en garde contre Amega qui ne payait pas à l'ODA les échéances des annonceurs réglant leur espace publicitaire par l'intermédiaire de l'agence. ". Dans un courrier du 3 novembre 1998, l'ODA répond : " L'annonceur a toutefois précisé que ces propos n'avaient pas déterminé sa prise de décision et que celle-ci avait simplement été motivée par le fait que notre conseiller commercial l'ait contacté en premier ".

Avec les clients de l'agence Diese Conseil

51. Dans une lettre adressée à la DGCCRF le 24 janvier 1996, l'agence Diese Conseil fait état des difficultés qu'elle rencontre avec l'ODA : " En effet, nos clients sont littéralement persécutés par les commerciaux de l'ODA qui téléphonent parfois jusqu'à huit - dix fois malgré le refus de nos clients à les recevoir, voire même jusqu'à se présenter chez eux. Cette démarche étant selon leurs dires, uniquement sur le fait de présenter l'ensemble des produits, car nous ne pouvons pas leur présenter certains produits ou bien leur montrer les avantages et surtout les risques et les inconvénients à passer par notre intermédiaire, n'hésitant pas à tenir des propos diffamatoires à notre encontre " (sic).

52. Dans une lettre du 28 février 1996, l'agence Diese Conseil écrit à l'ODA à propos de courriers envoyés aux annonceurs : " Un tel zèle dans une procédure de relance avec une première mise en demeure trente jours après la parution de l'Annuaire, et la seconde à quarante-cinq jours a le mérite de confirmer que la politique de dénigrement et de déstabilisation des agences de publicité auprès des annonceurs qui entraînent des préjudices commerciaux et financiers à notre société ne doivent en aucun cas avoir des retombées mais être acceptées sans réaction de notre part ".

53. Dans un fax du 1er avril 1996, la société JM Bureautique informe l'agence Diese Conseil que : " ce jour, [ le représentant], de la société ODA, auprès de qui je n'ai pas renouvelé pour l'édition 1996 la commande que j'avais souscrite auprès de lui pour l'édition 1995 m'a menacé de faire interrompre au plus tôt ma parution dans l'annuaire électronique ".

54. En réponse à un courrier de Diese Conseil à ce sujet, l'ODA assure que : " bien que le cas cité dans votre télécopie du 1er avril ne soit pas l'expression d'un dénigrement à l'égard de votre agence de publicité, nous allons rappeler à [notre représentant] qu'il ne doit s'appuyer que sur des arguments exclusivement commerciaux sans avoir des propos qui tenus dans un certain contexte ou en réponse à des questions peuvent être interprétés de façon erronée ou prêter à confusion ".

55. Dans un courrier daté du 29 septembre 1998 adressé à l'ODA, l'agence Diese Conseil écrit : " Il apparaît depuis quelque temps et sur certains secteurs, que l'opposition commerciale faite à nos clients par vos commerciaux s'appuie pour bon nombre sur les risques, le doute et la suspicion non justifiés plus que sur des pratiques de libre concurrence basée sur les règles élémentaires de celle-ci. " (sic). L'agence s'appuie sur un courrier qui lui a été adressé par l'entreprise Boquet et fils du 15 septembre 1998 qui précise : " En effet ce Monsieur [un agent de l'ODA] nous a agressés verbalement en nous indiquant que l'ODA n'était en rien responsable des problèmes que nous avions pu avoir avec la société Arc-en-ciel, et de notre double règlement de notre publicité dans l'annuaire de France Télécom, que la même chose se reproduirait avec la société Diese, que celle-ci avait la possibilité d'encaisser le règlement de notre publicité et que nous ne serions pas sûrs de l'avoir dans le prochain annuaire. Nous lui avons fait remarquer que nous réglions directement à la société Diese ses honoraires et qu'une LCR était établie par Diese, certes, mais que le tireur était bien l'ODA ". La mention de l'agence Arc-en-ciel et à un double règlement fait référence au litige qui en 1995 et 1996 a opposé l'ODA à des dizaines d'annonceurs de la région de Montpellier, qui avaient remis le paiement de leurs insertions publicitaires dans l'annuaire à cette agence, et s'étaient ensuite vu réclamer un deuxième paiement par l'ODA à la suite de la défaillance de l'agence. L'ODA, dans une lettre en date du 23 octobre 1998, mentionne que son représentant a simplement rappelé à Mme Boquet les obligations du contrat de mandat, notamment en cas de défaillance du mandataire.

d) Les conditions de traitement des ordres d'insertion transmis par la société Performa Conseil à l'ODA

56. L'agence de publicité Performa Conseil s'est plainte d'un traitement discriminatoire des ordres d'insertion par l'ODA. Elle explique ainsi que la société Financière Will, cliente de l'ODA pour l'édition 1998, a fait paraître sans problème une annonce, alors même que sa maquette ne respectait pas les règles édictées par l'ODA. En revanche, lorsque, pour l'édition 1999, elle a voulu faire paraître la même annonce par l'intermédiaire de Performa Conseil, l'ODA a refusé son insertion au motif que la maquette n'était pas conforme. A la suite de ce refus, la société Will s'est adressée à nouveau directement à l'ODA qui a autorisé la parution dans l'annuaire de la même maquette. Dans un procès-verbal du 18 février 1999, le responsable de Performa Conseil a déclaré : " Ces documents montrent sans conteste que lorsque les clients passent par notre agence de publicité, l'annonce est tout simplement refusée, au motif que nous dérogerions aux conditions générales édictées par ODA concernant les annonces groupées. Mais dès que les mêmes clients s'adressent aux commerciaux d'ODA, alors qu'il s'agit strictement de la même annonce avec la même présentation, la parution de cette annonce ne pose alors plus aucun problème pour passer ".

57. Dans un courrier du 25 septembre 1998, adressé à Performa Conseil, le responsable de l'agence régionale de l'ODA s'est expliqué en ces termes : " Notre responsable de clientèle ... ne pouvait accepter votre demande d'achat pour le compte de l'annonceur Financière Will puisque l'annonce prévue ne respectait pas nos règles de parution (annonce en participation). Le refus d'insertion est lié au non-respect des règles de vente édictées par ODA. Je regrette qu'une faute ait été commise par un de nos conseillers commerciaux qui n'aurait pas du accepter cette annonce ".

58. L'agence de publicité Amega fait également état de discriminations dans l'application des conditions générales de vente. Elle donne comme exemple le traitement des annonces Renault et Daihatsu, pour lesquelles n'auraient pas été respectées les spécifications imposées par l'ODA, alors que dans le même temps, le régisseur exigeait qu'elle mette en conformité avec les règles de parution l'annonce pour laquelle elle avait été mandatée par le CNPA.

59. L'agence de publicité Diese Conseil donne trois exemples de discriminations dans l'application des conditions de parution. Une insertion groupée d'un client de l'ODA est parue dans l'annuaire de la Seine Maritime de 1996 alors qu'elle n'aurait pas respecté les normes techniques fixées par l'ODA. Malgré la remarque faite à ce propos par Diese Conseil à l'ODA, la même erreur aurait été répétée en 1997. La lettre en réponse de l'ODA en date du 27 mars 1998 reconnaît l'existence d'une erreur : " Après étude du dossier que vous m'avez signalé, il s'avère qu'effectivement cette publicité groupée ne respectait pas exactement nos instructions de vente ".

e) L'utilisation par l'ODA des informations recueillies dans son rôle de régisseur à des fins commerciales

60. Dans le cadre du rapport d'enquête du 19 octobre 1999, ont été recueillies les déclarations d'un ancien responsable des ventes de l'ODA, gérant de l'agence OSCP. Selon l'intéressé, ODA dispose " de l'ensemble des données essentielles à la prospection dans la mesure où cette société possède des fichiers reprenant la raison sociale et les coordonnées de l'entreprise, le nom du décisionnaire, la ligne officielle issue du listing de France Télécom permettant de connaître l'activité principale du client, et les dates d'urgence qui concernent les clients annonçant dans d'autres départements limitrophes. L'aspect discriminatoire de ce type d'informations détenues par ODA résulte du fait que cette société dispose d'informations provenant des agences de publicité et non de sa propre prospection. J'ai demandé moi aussi à ODA à disposer d'un tel document et par contre, ODA m'a clairement répondu que je n'avais qu'à regarder l'annuaire ". A cette occasion, l'intéressé a remis un certain nombre de " fiches contact ", relatives au lancement de la prospection dans la Loire sur lesquelles apparaît, sous le nom de l'établissement à contacter, une rubrique " classe " dans laquelle est portée la mention " annonceur par intermédiaire AP ". L'enquête ne contient cependant aucun élément sur l'auteur de ces fiches, les conditions dans lesquelles elles ont été éditées et leur finalité.

D. LE GRIEF NOTIFIÉ

61. Au vu de l'ensemble des éléments recueillis, le grief suivant a été notifié à la société Média Overseas, subrogée aux droits et obligations de la société Havas Dom : " La société Havas Dom, régisseur exclusif pour la publicité dans les annuaires de France Télécom dans les DOM, en dénigrant entre 1997 et 1999 la société Performa Conseil auprès de certains annonceurs dans les DOM, a abusé de sa position dominante sur le marché de l'insertion des annonces publicitaires dans les annuaires de France Télécom dans les DOM et contrevenu aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; un grief est notifié en ce sens à la société Média Overseas. Cette pratique a eu pour objet ou a pu avoir pour effet de fausser la concurrence ".

II. Discussion

A. SUR LA PRESCRIPTION

62. Selon les dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontants à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.

63. La société Média Overseas estime que la convocation adressée par le rapporteur au président de la société Média Overseas le 1er octobre 2004, soit huit jours avant l'expiration du délai de prescription de trois ans, écoulé à compter de la date de transmission du rapport complémentaire d'enquête de la DGCCRF le 8 octobre 2001, ne pouvait valablement interrompre la prescription, dès lors qu'elle n'était pas nécessaire à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction.

64. Il appartient au rapporteur, dans le cadre de l'instruction, de procéder à tous les actes qu'il juge utiles à la recherche de la vérité dans les conditions et limites fixées par le Code de commerce. En l'espèce, la convocation visait à recueillir : " tous les éléments d'informations susceptibles de [m]'éclairer sur la situation exacte de la société Média Overseas (et notamment son activité, son actionnariat) afin de vérifier dans quelle mesure Média Overseas est bien aujourd'hui subrogée aux droits et obligations de l'entreprise Havas Dom. Si tel est bien le cas, je souhaiterai être éclairé sur les relations, les termes et la portée du ou des éventuels accords existant entre l'ex ODA et l'ex Havas Dom au moment de la saisine et dans quelle mesure ils ont pu se poursuivre ". La Cour d'appel de Paris a déjà jugé qu'une lettre de convocation à une audition interrompt le délai de prescription (arrêt du 13 décembre 2001).

65. La société Havas Dom ne saurait tirer valablement argument du fait que le rapporteur a notamment pris soin, préalablement à l'envoi de cette convocation, de vérifier la situation juridique de la société Havas Dom, devenue Média Overseas pour en conclure que cet acte n'aurait pas d'effet interruptif : la convocation en date du 1er octobre 2004 avait bien pour finalité la recherche, la constatation ou la sanction des faits.

B. SUR LE MARCHÉ PERTINENT ET LA POSITION OCCUPÉE PAR HAVAS DOM SUR CE MARCHÉ

66. La société Havas Dom estime que le rapporteur n'a pas suffisamment motivé l'analyse du marché pertinent et ne pouvait déduire de la seule existence d'une exclusivité entre ODA et Havas DOM, une position dominante de cette dernière sur les DOM.

67. Le Conseil, dans sa décision n° 94-D-21 du 22 mars 1994, confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 18 janvier 1995, a déjà identifié le marché de la publicité dans les annuaires de France Télécom et relevé " que l'ODA détient le monopole des espaces publicitaires dans les annuaires officiels mis à disposition des abonnés dans chacun des départements français et dans lesquels les annonceurs, qui selon l'ODA, sont essentiellement une clientèle PME-PMI, et commerçants, sont confrontés à un offreur unique ". Le Conseil a noté que l'ODA était le " seul offreur d'espaces publicitaires dans les annuaires, à proposer simultanément des annonces dans chacune des éditions départementales du territoire national " et a souligné que " l'annuaire officiel demeure, pour un nombre important de professions, un outil indispensable en raison des services qu'il offre aux abonnés au téléphone et à la qualité de personne publique de l'éditeur ". Dans sa décision n° 96-D-10, le Conseil a confirmé cette délimitation du marché.

68. Les données disponibles pour les années 1997 et 1998 (cf. paragraphe 5 ci-dessus) montrent que le nombre d'éditions et la diffusion des annuaires concurrents de ceux de France Télécom a progressé postérieurement à cette décision, mais conservaient un caractère marginal par rapport aux annuaires de France Télécom. L'appréciation portée par le Conseil dans sa décision n° 94-D-21 reste donc pertinente pour la période des faits dénoncés.

69. Une partie des pratiques dénoncées dans la saisine concerne la commercialisation des espaces publicitaires dans l'annuaire de La Réunion. Celle-ci présentait, à l'époque des faits, un caractère spécifique résultant notamment de l'existence, entre 1981 et 1998, d'un contrat de sous-régie liant l'ODA et Havas Dom. Les demandes d'insertions publicitaires émanant d'annonceurs domiciliés dans les DOM devaient être adressées à Havas Dom, même si les annonceurs passaient par l'intermédiaire d'une agence de publicité. L'ODA refusait de traiter directement les commandes de ces annonceurs et leur opposait l'existence du contrat d'exclusivité conclu avec Havas Dom.

70. Des conditions de commercialisation spécifiques, fixées par Havas Dom de manière autonome, prenaient en compte des caractéristiques économiques existantes dans les DOM et les contraintes liées à l'éloignement géographique et aux caractéristiques socio-économiques de ce département (moindre solvabilité, nombre plus important de défaillances d'entreprises). Cette autonomie se manifestait en premier chef, par le pouvoir laissé à Havas Dom pour apprécier la recevabilité des demandes, au regard non seulement des conditions générales fixées par l'ODA mais aussi des conditions spécifiques arrêtées par elle.

71. Il existait donc, à l'époque des faits, un marché de la publicité dans les annuaires de France Télécom sur le territoire métropolitain, sur lequel l'ODA, régisseur exclusif, était en position dominante, distinct du marché de la publicité dans les annuaires de France Télécom dans les DOM, sur lequel Havas Dom, sous-régisseur exclusif, détenait une position dominante.

C. SUR LE GRIEF DE DÉNIGREMENT NOTIFIÉ À LA SOCIÉTÉ HAVAS DOM

72. La société Havas Dom conteste le bien fondé du grief de dénigrement retenu à son encontre en soutenant que la société Havas Dom, régie publicitaire, n'était pas en situation de concurrence avec la société Performa Conseil, agence de publicité. Or selon elle, la notion de dénigrement implique une situation de concurrence entre la société auteur des pratiques et celle qui s'en prétend victime alors que la société Havas Dom, régie publicitaire, n'était pas en situation de concurrence avec la société Performa Conseil, agence de publicité. Elle estime aussi que les pratiques de dénigrement qui sont reprochées à Havas Dom ne sont pas établies.

73. Toutefois, lorsqu'un annonceur décide d'utiliser les services d'une agence de publicité, la conception de l'annonce, sa spécification au regard du barème du régisseur et l'évaluation de son prix sont pris en charge par l'agence et non par le régisseur ou le sous-régisseur comme dans le cas d'espèce. Une commission de 5 % du prix de l'annonce, versée à l'agence, est alors déduite du montant facturé par le régisseur. La société Havas Dom et l'agence Performa Conseil étaient donc bien en situation de se faire concurrence pour cette partie de la prestation proposée aux annonceurs.

74. Il est reproché à la société Havas Dom d'avoir dénigré, entre 1997 et 1999, la société Performa Conseil auprès de certains annonceurs. Ce grief est fondé sur les déclarations du responsable de l'agence Performa Conseil à La Réunion, M. Jacky X, recueillies par les enquêteurs, ainsi que sur un certain nombre de courriers, adressés à l'agence Performa Conseil, qui ont été remis aux enquêteurs par M. X : une lettre de l'entreprise Bamatex du 23 octobre 1997, une télécopie de l'entreprise Eurolocation du 19 décembre 1997 et une lettre de l'entreprise Métallerie Bourbon du 18 décembre 1997. Or, aucune des entreprises concernées n'a été entendue par les enquêteurs afin de vérifier ces déclarations. Les courriers mentionnés aux paragraphes 42 et 43 sont de plus rédigés dans les mêmes termes, concernant le comportement d'Havas, ce qui peut faire douter de leur spontanéité. Un seul procès-verbal, en date du 8 août 1998, relatif aux déclarations du responsable administratif de l'association régionale de gestion de la formation professionnelle, est mentionné dans le rapport d'enquête mais il n'a pas été joint au rapport d'enquête.

75. Par ailleurs, la société Média Overseas a apporté dans ses observations en réponse à la notification de griefs des éléments montrant que les accusations de dénigrement portées par Performa Conseil à l'encontre de Havas Dom s'inscrivaient dans le cadre de relations commerciales conflictuelles entre les deux sociétés. La société Performa Conseil a en effet, au commencement de son activité à la Réunion, tenté de transmettre directement à l'ODA les ordres d'insertion de ses clients, puis, à la suite des refus qui lui ont été opposés par l'ODA, elle a contesté devant le Tribunal de commerce de Nanterre le contrat d'exclusivité confié par l'ODA à la société Havas Dom. Le 4 juillet 1996, le président du Tribunal de commerce de Nanterre a fait droit à la demande de Performa Conseil, mais son ordonnance a été infirmée le 18 octobre 1996 par la Cour d'appel de Versailles. Perfoma Conseil s'est par la suite désistée du pourvoi qu'elle avait formé contre cette décision. L'agence s'est finalement adressé à Havas Dom pour la première fois le 10 mars 1997.

76. De plus, il convient de relever que la société Havas Dom a ensuite constaté que l'agence Performa Conseil ne respectait pas les dates limites de traitement des ordres, et, surtout, ne versait pas les acomptes prévus. La société Média Overseas a fourni à l'appui de ses observations des documents montrant que la société Havas Dom avait été conduite à contacter l'ensemble des clients de l'agence Performa Conseil, par huissier, les 11 et 17 juillet 1997, après en avoir averti cette agence, pour les mettre en garde sur les risques de non-parution de leurs annonces et que, dans le cadre de ces contacts, de nombreux clients avaient affirmé avoir versé à l'agence Performa, soit l'intégralité du montant de la parution, soit un acompte. Il ressort de ces éléments que l'agence Performa Conseil avait conservé les sommes versées par ses mandants au lieu de les transmettre à Havas Dom. Il était donc légitime que celle-ci informe les annonceurs qu'elle n'avait pas reçu leur paiement et leur donne la possibilité d'assurer l'insertion effective de leur annonce.

77. Les éléments au dossier sont donc insuffisants pour démontrer que la société Havas Dom a mis en œuvre des pratiques de dénigrement à l'encontre de la société Performa Conseil.

78. Sans qu'il soit besoin de répondre aux moyens soulevés par la société Média Overseas tirés de la durée excessive de la procédure, de la non transmission par la DGCCRF de trois procès-verbaux d'audition des responsables de la société Havas Dom en date des 13 septembre 1998, 20 octobre 1998 et 23 octobre 1998 et des éventuelles conditions de liquidation d'une amende à son encontre, il y a lieu de considérer qu'il n'est pas établi que la société Média Overseas, venant aux droits de la société Havas Dom a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce en dénigrant l'agence Performa Conseil de 1997 à 1999.

Décision

Article unique : Il n'est pas établi que la société Média Overseas ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.