CA Paris, 4e ch. B, 8 avril 2005, n° 03-10181
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
CFI (SA)
Défendeur :
Atral France (SA), Atral (SA), Diagral (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
Mme Regniez, M. Marcus
Avoués :
SCP Baufume Galland, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Binn, Veron
La société anonyme Comptoir Français de L'interphone (CFI) qui, comme les sociétés anonymes Atral France (anciennement dénommée Daitem), Atral et Diagral, commercialise des systèmes d'interphones permettant d'établir une communication entre l'extérieur d'une habitation et l'intérieur de celle-ci, d'où peut être commandée l'ouverture d'une porte d'entrée, leur reproche de mentionner sur l'emballage de leurs produits (et d'indiquer sur internet) qu'il bénéficie d'une autonomie de quatre ans, alors qu'en réalité cette durée ne concerne pas l'un de ses éléments essentiels, le "combiné", dont les piles, s'il ne repose pas sur son support, doivent être changées tous les mois.
Aux termes du jugement rendu le 4 mars 2003, aujourd'hui entrepris, le Tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 1re section) l'a déboutée de sa demande en concurrence déloyale formée à ce titre.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 24 décembre 2004, elle invite la cour à :
- infirmer ce jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- réserver ses droits en ce qui concerne l'action en contrefaçon de brevet,
- dire qu'en faisant figurer 1 mention "autonomie de 4 ans" sur les emballages des interphones litigieux, et en faisant usage de cette mention dans des publicités, notamment sur internet, les trois sociétés susnommées ont commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale et lui en doivent réparation conformément aux articles 1382 et suivants du Code civil,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 100 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
- leur interdire sous astreinte de faire figurer la mention incriminée sur les emballages des interphones litigieux,
- ordonner des mesures de publication judiciaires,
- condamner in solidum les trois sociétés susnommées aux dépens, ainsi qu'à leur payer la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par leurs dernières conclusions, en date du 17 mai 2004, les sociétés Atral, Atral France et Diagral prient la cour de confirmer le jugement attaqué, de débouter la société CFI de ses demandes et de la condamner, en sus des dépens, à lui payer la somme de 10 000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ceci étant exposé, LA COUR :
Considérant que sur l'emballage des produits litigieux vendus par les intimées figure, très visiblement, imprimée dans un cercle coloré, la mention de l'autonomie de quatre années attribuée au système, alors qu'en réalité cette durée n'est pas applicable au "combiné" dont, s'il n'est pas maintenu en permanence sur son support, les piles doivent être changées au terme d'un laps de temps de l'ordre d'un mois, ce que le consommateur n'apprend qu'en lisant la notice contenue à l'intérieur de la boîte, rien sur celle-ci ne révélant l'éventualité d'un renouvellement partiel d'alimentation beaucoup plus fréquent que ce qui est annoncé;
Que, contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges, les intimées n'ont pas, du moins de manière bien apparente à l'extérieur du cartonnage, spécifié que la durée de quatre années se rapportait à une autonomie maximale et que, par ailleurs, un consommateur d'attention moyenne n'est nullement en mesure de comprendre lors de son achat qu'un temps de cet ordre n'est atteint que dans des conditions particulières du matériel en cause, à savoir s'il s'abstient d'user de la faculté, pourtant en pratique importante, de déplacer le "combiné";
Que la longue autonomie annoncée constitue un argument de vente notable eu égard au coût des piles, aux désagréments liés à leur remplacement qui implique un approvisionnement et une manipulation ainsi qu'à ceux tenant aux conséquences à cet égard d'un oubli d'autant plus susceptible d'intervenir que le renouvellement ne s'opère pas simultanément pour tous les appareils;
Que l'autonomie de quatre ans est, sans nuance ou restriction, présentée de manière particulièrement apparente à côté de la durée de la garantie et est autant mise en valeur que cette autre indication fondamentale pour le consommateur;
Qu'il est constant que même si les modes d'utilisation et les prix des systèmes en présence sont différents, les produits de l'appelante et des intimées sont proposés à une même clientèle;
Qu'il s'ensuit que ces dernières, qui ont présenté leur marchandise dans des conditions de nature à tromper les acquéreurs potentiels ont commis à l'égard de la société CFI des actes de concurrence déloyale;
Qu'il convient partant d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris;
Considérant que la cour trouve en la cause, eu égard au manifeste détournement de clientèle et à la perte de clientèle qui en est nécessairement découlée, les éléments lui permettant de chiffrer à la somme de 8 000 euro le préjudice causé par le manquement précité;
Qu'il convient de condamner in solidum les intimées au paiement de cette somme et aussi de faire droit, selon les modalités ci-après indiquées dans le dispositif, à la demande d'interdiction;
Qu'en revanche, la publication judiciaire réclamée ne s'avère pas nécessaire;
Qu'il n'y a pas non plus lieu de réserver les droits de la société CFI en ce qui concerne l'action en contrefaçon de brevet, dès lorsqu'il lui appartient de les invoquer si elle l'entend ;
Considérant que l'équité conduit à accorder à la société CFI la somme de 3 000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR : Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Dit qu'en faisant figurer la mention "autonomie de quatre ans" sur les emballages des interphones litigieux et en faisant usage de cette mention notamment sur internet, les sociétés Atral France, Atral et Diagral ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société CFI; Les condamne in solidum à payer à cette dernière la somme de 8 000 euro à titre de dommages-intérêts; Leur fait défense, sous astreinte de 150 euro par infraction constatée à compter du quinzième jour suivant la signification du présent arrêt, de faire figurer la mention en question par rapport aux matériels litigieux, sur les emballages et dans les publicités; Réserve à cette chambre la liquidation de l'astreinte s'il y a lieu; Rejetant toute autre prétention, condamne in solidum les sociétés Atral France, Atral et Diagral aux dépens, dont le recouvrement pourra être contre elles poursuivi par la SCP Baufume-Galland, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à payer, en application de l'article 700 du même Code, la somme de 3 000 euro à la société CFI.