TPICE, 2e ch. élargie, 5 juin 1996, n° T-162/94
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NMB France (SARL), NMB-Minebea-GmbH (Sté), NMB UK Ltd (Sté), NMB Italia Srl (Sté)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Federation of European Bearing Manufacturers'Associations
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kirschner
Juges :
MM. Vesterdorf, Bellamy, Kalogeropoulos, Potocki
Avocats :
Mes Forrester, MacLennan, Kaplanidis, Dietrich Ehle, Volker Schiller
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),
Cadre juridique, faits à l'origine du litige et procédure écrite
1 L'accord relatif à la mise en œuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) (JO 1980, L 71, p. 90, ci-après "code antidumping de 1979"), approuvé, au nom de la Communauté, par la décision 80-271-CEE du Conseil, du 10 décembre 1979, concernant la conclusion des accords multilatéraux résultant des négociations commerciales de 1973 à 1979 (JO 1980, L 71, p. 1), prévoyait dans son article 8, paragraphe 3:
"Le montant du droit antidumping ne doit pas dépasser la marge de dumping déterminée conformément à l'article 2 [...] En conséquence, s'il est constaté, après application du droit, que le droit ainsi perçu dépasse la marge réelle de dumping, la partie du droit qui dépasse la marge sera restituée aussi rapidement que possible."
2 Les paragraphes 5 et 6 de l'article 2 du code antidumping stipulaient:
"Lorsqu'il n'y a pas de prix à l'exportation, ou lorsqu'il apparaît aux autorités concernées que l'on ne peut faire fond sur le prix à l'exportation par suite de l'existence d'une association ou d'un arrangement de compensation entre l'exportateur et l'importateur ou une tierce partie, le prix à l'exportation pourra être reconstruit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant [...]
Pour que la comparaison entre le prix d'exportation et le prix intérieur dans le pays d'exportation (ou dans le pays d'origine) [...] soit équitable, elle portera sur des prix pratiqués au même stade commercial, qui sera normalement le stade sortie usine [...] Il sera dûment tenu compte dans chaque cas, selon ses particularités, des différences dans les conditions de vente, des différences de taxation et des autres différences affectant la comparabilité des prix. Dans les cas visés au paragraphe 5 ci-dessus, il devrait être tenu compte également des frais, droits et taxes compris, intervenus entre l'importation et la revente, ainsi que des bénéfices."
3 Suite à l'adoption du code antidumping de 1979, le Conseil a institué un régime commun de défense en matière de dumping, d'abord par le règlement (CEE) n° 2176-84, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1, ci-après "règlement n° 2176-84"), puis par le règlement (CEE) n° 2423-88, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après "règlement n° 2423-88" ou "règlement de base").
4 Selon l'article 16, paragraphe 1, du règlement de base:
"Lorsqu'un importateur peut prouver que le droit perçu dépasse la marge de dumping effective [...] le montant en excédent est remboursé. Ce montant est calculé en fonction des changements intervenus dans la marge de dumping [...] Tous les calculs concernant les remboursements sont faits conformément aux articles 2 ou 3 et se fondent, dans toute la mesure du possible, sur la même méthode que celle utilisée au cours de l'enquête initiale [...]"
5 La marge de dumping à prendre en considération aux fins de l'application de l'article 16, paragraphe 1, a été définie par l'article 2, paragraphe 14, sous a), du règlement de base comme "le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation".
6 En ce qui concerne la détermination du prix à l'exportation, l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement de base disposait:
"Lorsqu'il [...] apparaît qu'il existe une association ou un arrangement de compensation entre l'exportateur et l'importateur [...] ou que, pour d'autres raisons, le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté ne peut servir de référence, le prix à l'exportation peut être construit sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant [...] Dans de tels cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente, y compris une marge bénéficiaire raisonnable [...]
Ces ajustements incluent notamment les éléments suivants:
[...]
ii) droits de douane, droits antidumping [° règle dite du 'droit assimilé à un coût'ou du 'double jump'°] et autres taxes payables dans le pays d'importation du fait de l'importation ou de la vente des marchandises;
[...]"
7 Les requérantes, filiales à part entière du groupe japonais Minebea (Nippon Miniature Bearing), distribuent dans la Communauté des roulements à billes fournis par les sociétés NMB et Pelmec Singapour, qui font partie du même groupe.
8 En vertu du règlement (CEE) n° 2089-84 du Conseil, du 19 juillet 1984, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains roulements à billes originaires du Japon et de Singapour (JO L 193, p. 1), les importations, par les filiales européennes de Minebea, de roulements à billes fabriqués à Singapour, entre autres, par le groupe Minebea, ont été grevées d'un droit antidumping de 33,89 % du prix net, franco frontière, non dédouané.
9 Après avoir payé ce droit, les requérantes, à l'exception de la société NMB France, ont introduit plusieurs demandes de remboursement basées sur l'article 16 du règlement n° 2176-84. En ce qui concerne les demandes relatives aux importations effectuées en 1985 et en 1986, la Commission les a partiellement acceptées et partiellement rejetées, le rejet partiel ayant été basé sur l'application de la règle du "droit assimilé à un coût" [règle identique, dans le règlement n° 2176-84, à celle figurant dans le règlement n° 2423-88; voir, ci-dessus, point 6, sous ii)]; en effet, en calculant le prix à l'exportation construit, la Commission a déduit les droits antidumping acquittés par les trois requérantes.
10 Ces dernières, considérant que la règle du "droit assimilé à un coût" est contraire à des dispositions de droit supérieures, ont introduit devant la Cour de justice un recours dirigé contre le rejet partiel de leurs demandes de remboursement.
11 Dans ses conclusions relatives à ce litige, présentées le 21 mars 1991 sous l'arrêt de la Cour du 10 mars 1992, NMB e.a./Commission (C-188-88, Rec. p. I-1689, I-1704), l'avocat général M. Tesauro a proposé à la Cour de faire droit au recours. Il a estimé que, tandis que dans le cas des procédures de réexamen l'application de la règle du "droit assimilé à un coût" semble parfaitement justifiée, son application dans les procédures de remboursement entraîne des conséquences incompatibles tant avec les principes essentiels de la réglementation antidumping qu'avec certains principes fondamentaux de l'ordre juridique communautaire. En effet, pour mettre fin au dumping ° c'est-à-dire pour éliminer la marge de dumping ° et obtenir par conséquent le remboursement, un importateur lié devrait augmenter ses prix de revente à l'acheteur indépendant uniquement d'un montant égal à la marge de dumping constatée, et non pas davantage; en présence d'un tel "single jump", le produit en question ne serait plus vendu à un prix artificiellement abaissé, et il ne serait donc plus nécessaire d'adopter des mesures de défense commerciale. Dans une telle situation, les droits antidumping payés ne devraient, dès lors, pas être considérés comme un coût à déduire du prix de revente; autrement, on aboutirait à déceler une marge de dumping, alors que, en réalité, aucune marge de dumping n'existe, et l'importateur lié serait assujetti à une charge discriminatoire par rapport à l'importateur indépendant.
12 Dans son arrêt NMB e.a./Commission, précité, la Cour a rejeté le recours comme non fondé. En effet, il ressort de cet arrêt, d'une part, que la règle du "droit assimilé à un coût" s'applique tant dans l'hypothèse de réexamen que dans celle de remboursement, le but de la construction du prix à l'exportation étant le même dans les deux cas: dans l'un et l'autre, il s'agit, selon la Cour, de constater la marge de dumping effective. La Cour a, d'autre part, relevé que la différence de traitement alléguée entre les importateurs liés et les importateurs indépendants est justifiée par la différence existant entre leurs situations respectives par rapport aux pratiques de dumping et ne constitue donc pas une discrimination. Elle a, en outre, constaté qu'il n'y a pas de contrariété entre les dispositions du règlement n° 2176-84 et celles du code antidumping de 1979. Enfin, elle a également rejeté les griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalité et d'un détournement de pouvoir.
13 Les requérantes, dont le recours a donc été rejeté, ne se sont pas contentées de cette solution. Pour les importations effectuées au cours de la période allant de janvier 1987 à septembre 1991 inclusivement, chacune des requérantes, y compris la société NMB France, a introduit, conformément à l'article 16 du règlement de base et à l'article 16 du règlement n° 2176-84 précédent, de nouvelles demandes de remboursement portant sur des droits antidumping acquittés durant la période en cause.
14 Par quatre décisions (92-332-CEE, 92-333-CEE, 92-334-CEE et 92-335-CEE), du 3 juin 1992, relatives à des demandes de remboursement de droits antidumping perçus sur certaines importations de roulements à billes originaires de Singapour (JO L 185, p. 35, 38, 41 et 44), notifiées le 15 juin 1992 à NMB (UK) Ltd et le 16 juin 1992 à NMB France SARL, NMB Italia Srl et NMB-Minebea-GmbH, la Commission a partiellement fait droit aux demandes de remboursement. En effet, la Commission a reconnu, dans ces décisions, que les droits antidumping perçus dépassaient les marges de dumping du fait de la diminution de la valeur normale, survenue sur le marché intérieur de Singapour. Toutefois, les demandes de remboursement ont été partiellement rejetées du fait que, en calculant le prix à l'exportation construit, la Commission a déduit les droits antidumping acquittés par les requérantes, en faisant application des dispositions réglementaires en vigueur, notamment de la règle du "droit assimilé à un coût", et en se référant à l'arrêt NMB e.a./Commission, précité.
15 C'est dans ces conditions que les requérantes ont introduit le présent recours, qui a été enregistré au greffe de la Cour le 22 août 1992. La procédure écrite dans l'affaire, à l'origine inscrite sous le numéro de rôle C-346-92, s'est entièrement déroulée devant la Cour et a suivi un cours régulier. Par ordonnance du 2 juillet 1993, le président de la Cour a admis la FEBMA (Federation of European Bearing Manufacturers'Associations) à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
16 Par ordonnance du 18 avril 1994, la Cour a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal, en application de l'article 4 de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), dans la version de la décision 94-149-CECA, CEE du Conseil, du 7 mars 1994, portant modification de la décision 93-350 (JO L 66, p. 29).
17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre élargie), par décision du 15 novembre 1994, a arrêté des mesures d'organisation de la procédure et a invité les parties, ainsi que ° en application de l'article 21, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour ° le Conseil, à déposer certains documents et à répondre à une série de questions. Le 10 mars 1995, les requérantes ont déposé un mémoire en réponse. En ce qui concerne les dimensions économiques du litige, en particulier la question de savoir, d'une part, dans quelle mesure les requérantes ont procédé à un "single jump", à un "double jump" ou à une mesure intermédiaire et, d'autre part, dans quelle mesure leurs prix de revente et les prix de vente ultérieurs dans la Communauté ont effectivement été augmentés, les requérantes ont produit des listings informatiques dans lesquels trois factures ont été choisies afin d'illustrer la méthode de calcul utilisée.
18 Par ordonnance du 12 juin 1995, le président de la première chambre élargie a accordé le traitement confidentiel, envers la FEBMA, demandé par les requérantes pour certains éléments de leurs réponses aux questions du Tribunal ainsi que pour certains éléments des observations de la Commission sur lesdites réponses. Par décision du Tribunal du 19 septembre 1995, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre élargie, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.
19 Entre-temps, les négociations commerciales multilatérales du cycle de l'Uruguay ouvertes dans le cadre du GATT en 1986 avaient abouti, en 1994, à l'adoption d'un nouveau code antidumping [voir la décision 94-800-CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1 et 103)]. Ce nouveau code de 1994 reprend, dans son article 2.3, relatif à la construction du prix à l'exportation du fait d'une association entre l'exportateur et l'importateur, l'ancienne réglementation du code de 1979 et réitère dans son article 2.4 que, dans une telle hypothèse "il devrait être tenu compte également des frais, droits et taxes compris, intervenus entre l'importation et la revente, ainsi que des bénéfices". En matière de remboursement de droits antidumping, le code de 1994 contient la règle suivante:
"Article 9.3.3
Pour déterminer si, et dans quelle mesure, un remboursement devrait être effectué lorsque le prix à l'exportation est construit conformément au paragraphe 3 de l'article 2, les autorités devraient tenir compte de tout changement de la valeur normale, de tout changement des frais encourus entre l'importation et la revente, et de tout mouvement du prix de revente qui est dûment répercuté sur les prix de vente ultérieurs, et devraient calculer le prix à l'exportation sans déduire le montant des droits antidumping acquittés lorsque des éléments de preuve concluants sont présentés sur ces points."
20 Le 22 décembre 1994, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 3283-94, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 349, p. 1), qui, selon son article 24, est entré en vigueur le 1er janvier 1995 et qui, selon son quatrième considérant, vise à transposer dans le droit communautaire le nouveau code antidumping de 1994.
21 L'article 11, paragraphe 10, du règlement n° 3283-94 se lit comme suit:
"Dans toute enquête effectuée en vertu du présent article, la Commission examine la fiabilité des prix à l'exportation au sens de l'article 2. Toutefois, lorsqu'il est décidé de construire le prix à l'exportation conformément à l'article 2, paragraphe 9, elle doit calculer le prix à l'exportation sans déduire le montant des droits antidumping acquittés, lorsque des éléments de preuve concluants sont présentés selon lesquels le droit est dûment répercuté sur les prix de revente et les prix de vente ultérieurs dans la Communauté."
22 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé, le 10 octobre 1995, d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois posé des questions supplémentaires concernant les nouvelles réglementations de 1994, auxquelles les parties ont répondu à l'audience.
23 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 6 décembre 1995.
Conclusions des parties
24 Dans leur requête, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
° annuler les décisions 92-332, 92-333, 92-334 et 92-335, dans la mesure où elles leur refusent des remboursements de droits antidumping perçus en 1987, 1988, 1989, 1990 et 1991 sur des importations de roulements à billes originaires de Singapour, en déclarant l'article 2, paragraphe 8, sous b), point ii), du règlement n° 2423-88 inapplicable, conformément à l'article 184 du traité, dans la mesure nécessaire à cette fin;
° ordonner toutes autres mesures que de droit;
° condamner la Commission aux dépens;
° condamner la FEBMA, partie intervenante au soutien des conclusions de la Commission, aux dépens de son intervention.
25 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° rejeter le recours comme irrecevable ou, subsidiairement, comme non fondé;
° condamner les parties requérantes aux dépens.
26 La FEBMA, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° rejeter le recours;
° condamner les requérantes aux dépens encourus par elle.
Sur la recevabilité du recours
Arguments des parties
27 Sans soulever une exception d'irrecevabilité formelle, la Commission considère l'introduction du présent recours comme un abus de procédure. En effet, les requérantes, tout en attaquant formellement des actes différents de ceux qui étaient en cause dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, n'avanceraient en l'espèce, de leur propre aveu, aucun argument qui n'ait déjà été invoqué dans ladite affaire. En réalité, elles ne feraient que contester l'arrêt NMB e.a./Commission. Par conséquent, la Commission invite le Tribunal à rejeter le présent recours, sinon pour irrecevabilité, du moins au motif qu'aucun argument nouveau n'a été invoqué par rapport à l'affaire NMB e.a./Commission et qu'il n'y a donc aucun élément permettant de remettre en cause cet arrêt. Elle ajoute que, si le présent recours était déclaré recevable, les requérantes pourraient se soustraire aux conditions strictes prévues pour la voie de recours extraordinaire que constitue la demande en révision d'un arrêt, au sens de l'article 41 du statut (CE) de la Cour.
28 Sur le plan des principes, la Commission relève que la décision du juge communautaire de revenir sur un des arrêts antérieurs de la Cour est une décision grave qui ne doit être prise que dans des circonstances exceptionnelles. En effet, une telle décision non seulement signifierait qu'une injustice ° irréparable ° à été commise dans l'affaire précédente et dans de nombreuses autres affaires parallèles, mais mettrait aussi en question l'autorité même des arrêts de la Cour et serait de nature à miner la stabilité et la sécurité juridique et à encourager d'innombrables tentatives de revenir sur la chose jugée.
29 Dans la mesure où les requérantes tentent de justifier leur demande de reconsidérer l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, en raison du caractère extraordinairement inéquitable des décisions administratives attaquées et par l'allégation de certaines lacunes dans l'arrêt, la Commission souligne, d'une part, que les décisions incriminées sont requises par la législation applicable pour lutter contre la pratique déloyale que constitue le dumping et, d'autre part, que, dans l'affaire NMB. e.a./Commission, les arguments auraient été présentés de manière claire et exhaustive, et la Cour les aurait pleinement compris, ainsi qu'il ressort du rapport d'audience, des conclusions de l'avocat général et de l'arrêt.
30 Si les requérantes renvoient enfin à l'ouverture, dans le contexte du GATT, de procédures qui pourraient aboutir à la condamnation de la pratique incriminée de la Communauté, la Commission estime que de telles procédures ne sauraient modifier la situation juridique dans la Communauté. En effet, la nature du règlement des différends selon la procédure du GATT serait foncièrement différente de celle des décisions judiciaires: le GATT serait essentiellement un système de "législation par consensus". Par conséquent, même si une telle procédure de règlement des différends devait être engagée, ses résultats n'auraient pas de caractère décisif, mais consisteraient au plus dans des recommandations adressées à la Communauté qui n'auraient pas de force impérative devant le juge communautaire.
31 La FEBMA, partie intervenante à l'appui des conclusions de la Commission, estime que les requérantes n'ont aucun intérêt légitime à une protection juridictionnelle, leurs griefs ayant déjà fait l'objet de l'arrêt NMB e.a./Commission, précité. Cet arrêt réglerait tous les aspects invoqués dans le présent recours, lequel serait fondé exactement sur les mêmes moyens que ceux avancés dans la première procédure et constituerait donc en réalité un recours déguisé contre le premier arrêt.
32 Les requérantes rétorquent que leur recours vise à l'annulation des décisions 92-332 à 92-335, lesquelles ont concerné directement et individuellement les quatre requérantes, en ce que celles-ci se sont vu refuser le remboursement de droits antidumping perçus entre 1987 et 1991 auquel elles prétendent avoir régulièrement droit. Ces décisions auraient été basées sur des considérations fondamentalement illégales. Les requérantes estiment donc qu'elles sont d'autant plus fondées à demander que celles-ci fassent l'objet d'un contrôle juridictionnel qu'il n'existe aucune disposition déclarant un recours irrecevable au motif que, si un précédent arrêt était suivi, le recours serait considéré comme non fondé.
33 Tout en admettant que l'argumentation avancée dans leur recours est semblable à plusieurs titres à celle présentée dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, les requérantes soutiennent que l'introduction du présent recours est justifiée par le caractère extraordinairement inéquitable des décisions attaquées, par le fait que l'arrêt NMB e.a./Commission contient certaines lacunes, ainsi que par l'introduction dans le cadre du GATT d'une procédure qui peut aboutir à la condamnation de la pratique de la Communauté. Pour ces motifs, le juge communautaire devrait porter à nouveau son attention sur les points soulevés dans le présent recours.
34 Toujours au niveau du GATT, les requérantes ont rappelé que les négociations menées dans le cycle de l'Uruguay ont conduit, en 1992, à un accord informel qui s'est manifesté dans un projet de réglementation, le "document Dunkel". Celui-ci serait susceptible de réformer le code antidumping dans un sens qui corrobore leur point de vue. En effet, l'article 9.3.3 de ce texte prévoirait expressément le calcul du prix à l'exportation sans aucune déduction des droits antidumping versés.
35 Les requérantes se prononcent enfin sur le risque allégué par la Commission de voir des parties succombantes retourner fréquemment devant le juge communautaire pour demander que leur cause antérieure soit réentendue. Elles soulignent que ce souci ne paraît guère justifié, étant donné que les procédures sont coûteuses, longues et rarement entreprises à la légère, un requérant n'ayant pas, en général, d'intérêt à s'infliger inutilement les frais et retards supplémentaires qu'une procédure judiciaire entraîne. Par ailleurs, il serait extrêmement rare qu'une partie requérante soit en mesure de soulever à nouveau devant le juge communautaire l'illégalité d'un nouvel acte semblable à un acte déjà considéré comme légal. Selon les requérantes, il existe dès lors un double filtre: la lourdeur des procédures et le nombre très limité des situations où des parties privées sont les destinataires d'actes identiques à des actes précédemment attaqués.
Appréciation du Tribunal
36 Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que le Tribunal n'est lié par des arrêts de la Cour que dans les circonstances définies par l'article 54, deuxième alinéa, du statut (CE) de la Cour, d'une part, et en application du principe de l'autorité de la chose jugée, d'autre part.
37 Par conséquent, il convient d'examiner, en l'espèce, si l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, par lequel la Cour a rejeté comme non fondé le recours introduit par les sociétés NMB (Deutschland) GmbH, NMB Italia Srl et NMB (UK) Ltd, est susceptible de faire obstacle à la recevabilité du présent recours. Selon une jurisprudence bien établie, telle ne saurait être le cas que si le recours tranché par l'arrêt NMB e.a./Commission avait opposé les mêmes parties, avait porté sur le même objet et avait été fondé sur la même cause que le présent recours (arrêt de la Cour du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission, 172-83 et 226-83, Rec. p. 2831, point 9, ordonnance de la Cour du 1er avril 1987, Ainsworth e.a./Commission, 159-84, 267-84, 12-85 et 264-85, Rec. p. 1579, point 3, arrêt de la Cour du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358-85 et 51-86, Rec. p. 4821, point 12, et arrêt du Tribunal du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T-28-89, Rec. p. II-59, point 23), étant précisé que ces conditions ont nécessairement un caractère cumulatif.
38 A cet égard, il y a lieu de constater que le recours introduit dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, visait à l'annulation des décisions 88-327-CEE, 88-328-CEE et 88-329-CEE (JO L 148, p. 26, 28 et 31), par lesquelles la Commission avait rejeté des demandes de remboursement, à concurrence de 2,9 millions d'écus environ, de droits antidumping perçus en 1985 et 1986 sur des importations de certains roulements à billes, alors que le présent recours concerne des décisions distinctes et postérieures, portant sur d'autres quantités et périodes d'importation ainsi que sur des montants de remboursement différents. Or, ainsi que le Tribunal l'a déjà précisé dans son arrêt Maindiaux e.a./CES, précité (point 23), l'acte dont l'annulation est demandée constitue un élément essentiel permettant de caractériser l'objet d'un recours. Par conséquent, le présent recours étant dirigé contre des actes autres que ceux visés dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, on ne saurait considérer que les deux recours en cause ont le même objet. Il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt NMB e.a./Commission ne s'oppose pas à la recevabilité du présent recours.
39 Il y a lieu de relever ensuite que, même si les griefs soulevés à l'appui du présent recours coïncident, dans une large mesure, avec ceux avancés dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, ils présentent néanmoins des différences significatives. En effet, il faut prendre en considération que le cadre juridique dans lequel se place le présent litige a, depuis le prononcé de l'arrêt NMB e.a./Commission, fait l'objet d'une évolution sur le plan tant du droit international que du droit communautaire: d'une part, les négociations menées dans le cadre du cycle de l'Uruguay ont conduit, en 1992, à l'élaboration du "document Dunkel" et d'un projet de nouveau code antidumping qui a été adopté entre-temps et dont l'article 9.3.3 représente un certain assouplissement de la règle du "droit assimilé à un coût" (voir ci-après points 84 et 104); d'autre part, les décisions attaquées par le présent recours sont fondées sur un autre règlement de base communautaire, à savoir le règlement n° 2423-88, que celles qui faisaient l'objet du recours NMB e.a./Commission, à savoir le règlement n° 2089-84, et ces deux règlements divergent sur plusieurs points, notamment sur le libellé de la disposition qui est au centre du présent litige et qui concerne le remboursement des droits antidumping acquittés. Dès lors, il existe, en l'espèce, des éléments qui excluent que le présent recours puisse être considéré comme une simple reproduction du recours NMB e.a./Commission.
40 Quant à la requérante NMB France, il suffit d'ajouter qu'elle n'était pas partie requérante dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, devant la Cour.
41 Il s'ensuit que le présent recours est recevable dans son ensemble et que le Tribunal doit, par conséquent, procéder à l'examen du fond. Ce faisant, il conviendra de tenir compte simultanément de l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, et des questions nouvelles soulevées par le présent recours (voir les arrêts de la Cour du 11 mai 1983, Kloeckner-Werke/Commission, d'une part, 311-81 et 30-82 et, d'autre part, 136-82, Rec. p. 1549 et 1599, point 5).
Sur l'objet du recours
42 En cours d'instance, les requérantes ont signalé, en réponse aux questions posées par le Tribunal, que les droits antidumping instaurés par le règlement n° 2089-84, précité, ont été supprimés pour les produits originaires de Singapour par le règlement (CEE) n° 2553-93 du Conseil, du 13 septembre 1993, modifiant le règlement n° 2089-84 (JO L 235, p. 3), et cela seulement à compter du 21 septembre 1990. Elles ont déclaré que, en conséquence, les droits antidumping qu'elles avaient acquittés sur les importations de roulements à billes en provenance de Singapour, effectuées à partir du 21 septembre 1990, ont été restitués en totalité, fin 1993/début 1994. Les requérantes en ont conclu que leur recours est devenu entièrement sans objet en ce qui concerne NMB France, et partiellement en ce qu'il porte sur les demandes de remboursement couvrant les importations effectuées par les trois autres requérantes à partir du 21 septembre 1990.
43 La Commission a confirmé que le recours est devenu sans objet sur ces points.
44 A cet égard, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne plus particulièrement NMB France, la décision 92-332, par laquelle la Commission a partiellement refusé le remboursement sollicité par cette requérante, ne concerne que des importations réalisées au cours de la période d'octobre 1990 à septembre 1991. Or, les requérantes et la défenderesse convenant que NMB France a été remboursée en totalité des droits antidumping acquittés pour cette période, à l'inclusion de ceux dont le remboursement avait été refusé par la décision 92-332, le Tribunal doit prendre acte de ce que le recours est devenu sans objet, dans la mesure où il a été formé par NMB France. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de statuer sur le recours introduit par cette requérante.
45 Il résulte de ce qui précède que, pour ce qui est des trois requérantes autres que NMB France, le recours est également devenu sans objet, dans la mesure où il a initialement porté sur le non-remboursement des droits antidumping perçus au titre des importations effectuées pendant la période allant du 21 septembre 1990 jusqu'à septembre 1991. Par conséquent, il n'y a pas lieu non plus de statuer sur le recours, pour autant qu'il couvre cette période.
46 Il s'ensuit que les conclusions résiduelles de ces trois requérantes ne visent plus qu'à l'annulation des décisions 92-333, 92-334 et 92-335 dans la mesure où elles leur refusent le remboursement des droits antidumping prélevés du mois de janvier 1987 au 20 septembre 1990 sur des importations de roulements à billes originaires de Singapour.
Sur le fond
Quant à l'objet et à la portée des griefs soulevés à l'appui du recours
47 Dans leur requête, les requérantes ont indiqué que ° contrairement à l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, où elles avaient notamment plaidé que le règlement communautaire en vigueur devait être interprété en ce sens que la règle du "droit assimilé à un coût" ne s'applique pas en matière de remboursement ° le présent recours se limite à soulever, sur le fondement de l'article 184 du traité, une exception d'illégalité du règlement de base, en ce qu'il viole les principes généraux de proportionnalité et de non-discrimination, ainsi que le principe fondamental, consacré par le code antidumping de 1979, selon lequel les droits antidumping ne doivent pas dépasser la marge de dumping effective.
48 Avant de développer ces griefs, les requérantes ont, dans la partie introductive de leur requête, limité le présent litige à une pure question de principe, les faits de la cause n'étant pas contestés entre les parties. Le différend ne porterait que sur un seul point de droit, à savoir la légalité de la règle du "droit assimilé à un coût". En particulier, les requérantes ne font pas grief aux décisions attaquées de comporter des erreurs matérielles de calcul.
49 Le Tribunal a invité les requérantes à produire des exemples concrets du mode de calcul utilisé dans le cadre de la procédure de remboursement, afin d'être en mesure d'apprécier le fonctionnement de la règle litigieuse. Les requérantes ont fourni ces éléments, sans toutefois produire devant le Tribunal l'ensemble des chiffres qui ont fait l'objet des décisions attaquées. En réponse à une question sur ce point, elles ont déclaré à l'audience qu'il serait extrêmement difficile de fournir des chiffres précis et de donner une image globale. Étant donné que des droits antidumping ont été imposés sur les importations de roulements à billes à partir de 1984 et qu'environ 25 millions de ces produits ont été vendus depuis lors, la production de chiffres précis constituerait une tâche démesurée, de tels chiffres devant être examinés, non pas facture par facture, mais au moyen de dizaines de milliers de relevés d'ordinateur. Pour sa part, la Commission a souligné à l'audience la complexité de la tâche et le volume des calculs.
50 Quant à la motivation des décisions litigieuses, les requérantes ont expliqué, dans leurs observations sur le rapport d'audience et à l'audience, que le remboursement partiel des droits antidumping opéré par les décisions attaquées s'explique par une combinaison des trois motifs suivants: une augmentation des prix de revente des requérantes, une réduction des frais qu'elles ont exposés entre l'importation et la revente ainsi qu'une diminution de la valeur normale sur le marché intérieur de Singapour; pour ce qui est de certaines transactions, les requérantes auraient même effectué un "double jump", ce que la Commission a admis lors de l'audience. Il ressort, en outre, des exemples de remboursement chiffrés fournis par les requérantes que les droits antidumping payés n'ont effectivement été restitués que dans la seule mesure où le "single jump" a été dépassé, ce qui limite, par voie de conséquence, un remboursement total des droits antidumping au cas de la réalisation préalable d'un "double jump".
51 Il ressort de la requête (voir, ci-dessus, point 48) que les requérantes n'ont, par contre, pas exposé en détail les répercussions concrètes, sur leur situation économique et financière, de l'ensemble des opérations de remboursement litigieuses. Par conséquent, il y a lieu de constater que les requérantes ont limité leur recours à la seule question de la légalité de la règle du "droit assimilé à un coût", donc à une question juridique qu'elles ont soumise au Tribunal sans contester les différentes méthodes de calcul et leurs résultats chiffrés auxquels la Commission est arrivée dans les décisions attaquées.
52 Le Tribunal n'est donc pas en mesure d'apprécier, dans le cadre de son contrôle de légalité, l'impact réel de la règle litigieuse du "droit assimilé à un coût" sur les possibilités d'écoulement, les marges bénéficiaires et la situation concurrentielle générale des requérantes. Le contrôle du Tribunal se limite, dès lors, à l'examen d'une pure question de droit qui a été détachée par les requérantes du contexte économique propre au cas d'espèce (voir l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak/Commission, T-51-89, Rec. p. II-309, points 11 à 13).
53 Afin de délimiter le cadre juridique du contrôle de légalité aux fins du présent recours, il convient encore de préciser que, si les demandes de remboursement rejetées par les décisions attaquées ont, en partie, été introduites auprès de la Commission sous l'empire du règlement n° 2176-84 ° avant l'entrée en vigueur, le 5 août 1988, du règlement n° 2423-88 °, seule la légalité de ce dernier est mise en cause en l'espèce, même en ce qui concerne les demandes de remboursement concernant la période antérieure à son entrée en vigueur. En effet, ce règlement qui, dans son article 18, premier alinéa, abroge le règlement n° 2176-84, énonce, dans son article 19, second alinéa, qu'il "s'applique aux procédures déjà ouvertes", ce qui englobe les procédures visant à obtenir le remboursement de droits antidumping acquittés. Par ailleurs, les décisions attaquées, que la Commission a adoptées en 1992 et qui couvrent la période depuis janvier 1987, sont fondées sur le seul règlement n° 2423-88.
Sur le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité
Arguments des parties
54 Les requérantes rappellent que le but poursuivi par la législation antidumping de la Communauté est de prévoir des règles et procédures permettant d'arrêter des mesures en vue de neutraliser ou d'empêcher le dumping. Or, l'effet de la règle du "droit assimilé à un coût" serait d'assurer la perception de droits antidumping à un niveau beaucoup plus élevé que ce qui est nécessaire à la réalisation de cet objectif. Pour cette raison, les requérantes soutiennent que la règle du "droit assimilé à un coût" viole le principe de proportionnalité qui, selon une jurisprudence constante de la Cour (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 18 mars 1980, Forges de Thy-Marcinelle et Monceau/Commission, 26-79 et 86-79, Rec. p. 1083, point 6), vise à éviter que les charges imposées aux opérateurs économiques dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs que l'autorité est tenue de réaliser.
55 Dans la mesure où la Commission a justifié ce traitement par le raisonnement selon lequel l'importateur lié en tant qu'auteur d'un dumping aurait toutes les raisons de ne pas augmenter ses prix ou, s'il le fait, de répercuter sur son client le bénéfice de la restitution du droit antidumping, les requérantes considèrent qu'un tel raisonnement se résume en la présomption irréfragable que, si un importateur lié obtient un remboursement, il le transférera inévitablement au premier acheteur, ce qui équivaut à l'octroi d'un rabais déguisé par rapport au prix initial.
56 Les requérantes ajoutent que de nombreux produits, y compris les roulements à billes, sont vendus d'une manière qui, en raison des milliers de ventes effectuées et de factures individuelles délivrées, rend irréalisable le transfert aux acheteurs de remboursements sous forme de rabais sur le prix de vente initial. Cette difficulté serait accrue par le laps de temps substantiel qui s'écoule généralement entre la vente à l'acheteur et la réception du rabais. Dans ces circonstances, il serait dénué de sens d'offrir aux acheteurs d'éventuels rabais sous la forme d'un hypothétique remboursement futur. Effectivement, si de tels rabais étaient octroyés, il serait plus indiqué de les considérer comme des rabais relatifs à des ventes réalisées au moment de leur octroi et non aux ventes initiales ayant donné lieu aux demandes de remboursement présentées plusieurs années auparavant.
57 En réponse aux mesures d'organisation de la procédure arrêtées par le Tribunal, les requérantes ont précisé qu'il existe de nombreuses procédures moins strictes destinées à empêcher le versement de ristournes occultes, tant dans le règlement de base, notamment ses articles 13, paragraphe 11, et 14, que dans les procédures douanières nationales relatives à la détection et à la sanction de la fraude en matière de douane. Ces moyens appropriés à résoudre le problème pourraient se révéler très efficaces: la fraude à la douane serait un délit pénal et la Commission serait en droit de mener, et mènerait effectivement, des enquêtes "antiabsorption" au titre de l'article 13, paragraphe 11, du règlement de base ainsi que des procédures de réexamen au titre des articles 14 et 15 du même règlement.
SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC: 694A0162.1
58 Les requérantes ont, en particulier, relevé que de nouvelles circonstances pertinentes pour la solution du présent litige sont apparues après l'entrée en vigueur du règlement n° 3283-94. En effet, le nouveau règlement antidumping communautaire aurait abandonné l'ancienne pratique consistant à exiger un "double jump" avant d'accorder un remboursement intégral des droits antidumping acquittés. La mise en œuvre de cette règle nouvelle permettant d'accorder des remboursements pleins et entiers aux importateurs liés qui justifient d'un "single jump" démontrerait que les arguments invoqués à l'appui de la pratique antérieure de la Commission n'étaient pas fondés. Ce nouveau règlement confirmerait donc que les craintes antérieures de la Commission relatives aux ristournes occultes étaient exagérées et que la Commission a imposé aux requérantes une contrainte disproportionnée en refusant de restituer les droits sauf en cas de "double jump". A l'audience, les requérantes ont ajouté que l'article 9.3.3 du nouveau code antidumping de 1994 démontre, à lui seul, que la règle litigieuse pratiquée par la Commission est disproportionnée.
59 La Commission rappelle que, dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, la Cour a expressément évoqué le principe de proportionnalité au point 51 des motifs de l'arrêt et a rejeté l'argumentation basée sur ce principe. Ce faisant, la Cour aurait considéré que, puisque la règle litigieuse n'exigeait pas une hausse de prix dépassant la marge de dumping effective, le moyen tiré de la disproportion n'était pas concluant. Quant au risque éventuel que l'importateur lié répercute les droits antidumping remboursés sur ses clients par des rabais occultes, la Commission n'a pas réitéré dans son mémoire en défense cet argument qu'elle avait avancé devant la Cour dans l'affaire NMB e.a./Commission (voir le rapport d'audience, Rec. p. I-1691, I-1699).
60 Dans ses réponses du 17 février 1995 aux questions du Tribunal (p. 8), la Commission a déclaré qu'elle ne soutient plus que la règle du "droit assimilé à un coût" est justifiée pour faire face au danger de ristournes secrètes concédées par les importateurs liés à leurs clients après le remboursement des droits antidumping. Selon ces réponses, elle "ne fonde pas sa justification [de la règle litigieuse] sur le point de savoir si oui ou non les droits antidumping remboursés sont en fait ristournés aux clients et s'il y a du dumping déguisé". Il serait donc indifférent que cela se produise ou non, ou que cela soit faisable ou non dans un cas donné. A l'audience, la Commission a précisé que la justification de la règle litigieuse ne doit pas être basée sur une présomption de fraude ou de malhonnêteté dans le chef des requérantes.
61 Au lieu d'invoquer un risque de fraude, la Commission a motivé, à l'audience, la règle du "droit assimilé à un coût" par les considérations suivantes: l'introduction des droits antidumping viserait à corriger, de manière radicale et permanente, le comportement de dumping sur le marché, plus précisément à influer sur le prix du marché et à éliminer ainsi tout préjudice pour l'industrie communautaire. Or, aussi longtemps que les droits antidumping rempliraient leur fonction dans des situations où le dumping originel sur le marché n'a pas disparu (donc dans les cas d'un "single jump"), ils devraient rester en vigueur. Pour qu'il puisse y avoir remboursement des droits acquittés, il faudrait que la situation du marché ait changé de manière définitive (par voie d'un "double jump").
62 La Commission a ajouté qu'il faut vérifier si l'importateur lié à l'exportateur obtient un prix égal à la valeur normale, ce qui ne serait pas le cas lorsque l'importateur lié augmente le prix de revente pour éliminer le dumping ("single jump"), tout en payant le même montant au titre du droit antidumping. En effet, dans cette hypothèse, rien n'aurait changé par rapport à la situation de dumping préexistante; si l'importateur lié obtenait déjà à ce stade une restitution des droits payés, il encaisserait un profit injustifié. Ce ne serait qu'en augmentant ce prix une deuxième fois du même montant ("double jump") que l'importateur lié à l'exportateur recevrait un prix identique à la valeur normale.
63 La Commission a ensuite considéré, avec le soutien de la FEBMA, que les articles 13, paragraphe 11, et 14 du règlement de base ne revêtent aucun intérêt pour la présente affaire, étant donné qu'ils poursuivent des objectifs différents de ceux des dispositions relatives au remboursement. En effet, ces dispositions seraient destinées à permettre l'adaptation permanente des mesures antidumping aux changements de situation intervenant après leur adoption, alors que les procédures de remboursement ne peuvent concerner que le passé et ont des finalités différentes.
64 En ce qui concerne l'acceptation d'engagements, au titre de l'article 10 du règlement de base, en tant que méthode moins contraignante, la Commission a observé qu'un engagement de ne pas pratiquer de dumping à l'avenir, sous réserve de sanctions, serait toujours moins contraignant pour les exportateurs et leurs importateurs liés que l'institution de droits antidumping. Cette solution n'aurait cependant pas été retenue, avec l'aval de la Cour, dans la législation communautaire afin de remédier au dumping (arrêts de la Cour du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133-87 et C-150-87, Rec. p. I-719, point 45, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156-87, Rec. p. I-781, point 70).
65 A propos du nouveau règlement antidumping n° 3283-94, la Commission a exposé que les requérantes ont tort d'affirmer que ce règlement a abandonné la pratique antérieure du "double jump" nécessaire pour un remboursement entier. Le nouveau règlement se limiterait plutôt à énoncer certaines règles plus précises en la matière et à prévoir que, dans des circonstances déterminées, le "double jump" n'est pas nécessaire. Par ailleurs, la Commission a contesté la thèse des requérantes selon laquelle un remaniement de la législation démontre que les dispositions antérieures n'étaient pas indispensables et avaient donc un caractère excessif.
66 La Commission a enfin nié la pertinence des nouvelles règles du GATT pour répondre à la question de savoir si l'ancienne règle litigieuse était ou non disproportionnée. En effet, le nouveau code antidumping serait beaucoup plus volumineux que le précédent et contiendrait une série de nouvelles règles plus détaillées. Or, il ne serait pas admissible de considérer que, à chaque fois que le législateur procède à des modifications, les règles antérieures deviennent invalides parce que disproportionnées.
67 Quant à la défense présentée en définitive par la Commission (voir, ci-dessus, points 61 et 62), les requérantes ont exposé à l'audience que l'objectif des droits antidumping n'est pas de pénaliser mais de corriger un comportement sur le marché. Ces droits constitueraient non pas une amende définitive, mais un facteur correcteur, neutre, qui devrait être restitué si le dumping a été éliminé. Il ne serait donc pas légitime que la Communauté garde de l'argent qui devrait être versé aux importateurs liés, une fois la marge de dumping supprimée. S'agissant de la proportionnalité, il faudrait apprécier les finalités légitimes de la législation en vigueur. Or, la finalité que la Communauté peut légitimement poursuivre serait d'assurer que les prix dans la Communauté augmentent en fonction de la marge de dumping et que l'efficacité de cette mesure de protection ne soit pas déjouée par des manœuvres frauduleuses. Toute mesure allant au-delà d'une vérification que le dumping a bien été éliminé serait disproportionnée.
68 En réponse aux mesures d'organisation de la procédure arrêtées par le Tribunal, la FEBMA a indiqué que les sociétés du groupe Minebea, y compris les requérantes, ont, dans le secteur de certains types de roulements à billes, pratiquement surmonté les mesures antidumping, en ce que les droits imposés n'ont pas été répercutés sur les prix de vente et que la sous-cotation des prix sur le marché communautaire est restée inchangée. Cela démontrerait que les requérantes ne se sentent pas réellement gênées par l'exigence du "double jump".
Appréciation du Tribunal
° Sur les limites du contrôle du pouvoir d'appréciation du Conseil par le juge communautaire
69 Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, tel qu'il a été consacré, après l'adoption des décisions attaquées, par l'article 3 B, paragraphe 3, du traité CE, était déjà élevé par une jurisprudence constante au rang des principes généraux du droit communautaire. En vertu de ce principe général, la légalité d'une réglementation communautaire est subordonnée à la condition que les moyens qu'elle met en œuvre soient aptes à réaliser l'objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (voir, en dernier lieu, les arrêts de la Cour du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, C-426-93, Rec. p. I-3723, point 42, et du Tribunal du 13 juillet 1995, O'Dwyer e.a./Conseil, T-466-93, T-469-93, T-473-93, T-474-93 et T-477-93, Rec. p. II-2071, point 107).
70 Toutefois, il est également de jurisprudence constante que, s'agissant d'un domaine où le législateur communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que le traité lui attribue, seul le caractère "manifestement inapproprié" d'une mesure arrêtée, par rapport à l'objectif que l'institution compétente est chargée de poursuivre, peut affecter la légalité d'une telle mesure (voir, pour le domaine de la politique agricole commune, l'arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280-93, Rec. p. I-4973, points 90 et 91, et l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 107).
71 Il convient de constater que le règlement de base en matière de défense contre le dumping a été adopté par le Conseil sur la base de l'article 113 du traité, c'est-à-dire dans le domaine de la politique commerciale commune. Or, ainsi que le Tribunal l'a déjà relevé dans son arrêt du 18 septembre 1995, Noelle/Conseil et Commission (T-167-94, Rec. p. II-0000, point 85), la politique commerciale commune est caractérisée par un large pouvoir d'appréciation, indispensable à sa mise en œuvre, dans le chef du législateur communautaire. Ce pouvoir couvre nécessairement l'adoption et l'aménagement du règlement de base en cause en l'espèce. En effet, placé devant le choix entre différentes options pour la mise en œuvre (dans les limites tracées par le code antidumping, voir ci-après points 99 et suivants) de la défense contre le dumping, le Conseil doit opérer, en élaborant ce règlement, des arbitrages entre des intérêts divergents
72 Il convient d'ajouter que le large pouvoir d'appréciation dont dispose le législateur communautaire en la matière correspond au pouvoir d'appréciation qu'une jurisprudence constante reconnaît aux institutions communautaires lorsqu'elles adoptent, en application des règlements de base, des actions de protection antidumping concrètes (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 4 octobre 1983, FEDIOL/Commission, 191-82, Rec. p. 2913, point 30, du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264-82, Rec. p. 849, point 16, du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, précité, point 63, du 10 mars 1992, Sharp Corporation/Conseil, C-179-87, Rec. p. I-1635, point 58, et l'arrêt du Tribunal du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, T-163-94 et T-165-94, Rec. p. II-1381, points 70 et 113). La Cour a notamment jugé que le choix entre différentes méthodes de calcul indiquées dans un règlement de base suppose l'appréciation de situations économiques complexes, ce qui limite d'autant le contrôle exercé par le juge communautaire sur une telle appréciation (arrêt de la Cour du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, 255-84, Rec. p. 1861, point 21).
73 Il s'ensuit que le contrôle du juge communautaire doit se limiter, dans le domaine de la protection contre les mesures de dumping, à la question de savoir si les mesures arrêtées par le législateur communautaire, en l'espèce la règle du "droit assimilé à un coût", sont manifestement inappropriées par rapport au but poursuivi.
° Sur la proportionnalité de la règle litigieuse
74 En l'espèce, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité est basé sur deux arguments. Les requérantes ont d'abord fait valoir le caractère excessif de la règle litigieuse considérée en tant que telle. Elles se sont prévalues ensuite de la nature plus souple des dispositions communautaires et internationales postérieures (de 1994) pour démontrer le caractère excessif de la règle litigieuse. Par conséquent, il y a lieu d'examiner ces deux lignes d'argumentation.
75 En ce qui concerne la règle litigieuse du "droit assimilé à un coût", il convient de rappeler que le législateur communautaire a, par le jeu des articles 16 et 2, paragraphe 8, du règlement de base, expressément déclaré applicable cette règle en matière de remboursement de droits antidumping acquittés. Ce faisant, il a procédé, par rapport à l'article 16 du règlement n 2176-84 précédent, à une précision conforme à l'interprétation, faite dans l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, de cette dernière disposition. La règle litigieuse a donc pour conséquence que l'importateur lié n'a droit au remboursement intégral des droits antidumping acquittés que s'il a, d'une part, éliminé le dumping originaire ayant entraîné l'imposition des droits antidumping et, d'autre part, répercuté le montant de ces droits, étant précisé que cette élimination et cette répercussion doivent avoir été réalisées par une baisse de la valeur normale, une augmentation des prix de vente dans la Communauté, une réduction des coûts de commercialisation dans la Communauté ou une combinaison de ces trois éléments.
76 Quant à la finalité de ce système, il y a lieu de constater, tout d'abord, que les mesures de défense contre le dumping ont pour objectif général de protéger l'industrie communautaire contre les effets négatifs du dumping. C'est dans ce contexte que les dispositions relatives au remboursement de droits antidumping acquittés poursuivent l'objectif spécifique de faire restituer ces droits dans la mesure où ils ont dépassé la marge de dumping effective, étant donné que l'industrie communautaire se serait vu accorder, dans cette mesure, une protection excessive par rapport au dumping effectivement pratiqué.
77 A cet égard, il convient de rappeler que, dans la procédure devant le Tribunal, la Commission a expressément renoncé à l'argument ° qu'elle avait avancé dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée, devant la Cour ° selon lequel la règle du "droit assimilé à un coût" serait nécessaire pour éviter des abus de la part de l'importateur lié consistant dans la répercussion sur son client du bénéfice de la restitution du droit antidumping par voie de "rabais déguisés". Par conséquent, il n'est plus nécessaire d'examiner cet argument.
78 Il y a cependant lieu de relever que ° selon les explications fournies par la Commission devant le Tribunal ° la règle litigieuse, en tant que mécanisme destiné au calcul de la marge de dumping effective, subordonne la restitution des droits antidumping payés par l'importateur lié à la réalisation préalable d'un "double jump", au motif que le fait de se contenter d'un "single jump" ne constituerait pas un moyen suffisamment efficace pour obtenir, dans la mesure du possible, que le comportement de dumping, dont le groupe formé par l'importateur lié et son exportateur a fait preuve, soit abandonné de manière radicale et permanente et que seul un "double jump" entraînerait un changement définitif du comportement sur le marché.
79 Afin d'examiner si, au regard des finalités susmentionnées, la règle litigieuse doit être qualifiée de "manifestement inappropriée" au sens de la jurisprudence susmentionnée (voir ci-dessus, point 70), il convient de rappeler que les droits antidumping, en ce qu'ils frappent l'importation, sont à la charge de l'importateur et augmentent donc ses coûts d'importation. Par conséquent, lorsque, après l'imposition de ces droits, la marge de dumping initialement constatée n'aurait été ni éliminée ni même réduite ° c'est-à-dire lorsque rien n'aurait changé dans le comportement de l'importateur lié ni dans celui de son groupe entier, le droit antidumping imposé ayant été absorbé à l'intérieur de leur groupe °, la marge de dumping non seulement resterait identique, mais se serait même amplifiée en raison de l'absorption des droits imposés. Ce raisonnement qui a été retenu par l'avocat général à l'égard des seules procédures de réexamen au titre de l'article 14 du règlement de base (conclusions sous l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, Rec. p. I-1713 et I-1714 et, en particulier, note 5), est également vrai pour les procédures de remboursement au titre de l'article 16 du même règlement. En effet, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt NMB e.a./Commission (points 32 et 33), il s'agit dans l'une et l'autre de ces hypothèses de constater la persistance ou non d'une marge de dumping effective, et aucun élément susceptible d'établir que cette constatation doit être effectuée selon des mécanismes de calcul différents n'a été révélé au cours de la procédure devant le Tribunal.
80 Dans ces conditions, lorsque l'importateur lié, après l'imposition de droits antidumping, fait un premier pas en éliminant la seule marge de dumping initiale ("single jump"), il n'est pas évident que le législateur communautaire doive prévoir comme conséquence un remboursement intégral de ces droits. En effet, la circonstance pour l'importateur lié d'éviter, au moyen d'un "single jump", une amplification du dumping initial ne signifie pas encore que cet importateur a effectivement procédé à un changement définitif de son comportement sur le marché. Pour cette raison, il n'est pas impératif de le récompenser par l'octroi d'un remboursement.
81 En outre, il n'est pas contesté que le "double jump", quant à lui, élimine le dumping: si l'importateur lié répercute le double montant des droits antidumping payés sur les prix de revente ou si la valeur normale baisse d'un montant correspondant à un "double jump" (dans le pays d'exportation ou d'origine), le dumping a, en tout état de cause, disparu. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas manifestement inapproprié que le législateur communautaire ait limité le remboursement des droits antidumping aux cas d'un "double jump" où le refus d'une restitution serait en effet disproportionné.
82 Il résulte de ce qui précède que la règle du "droit assimilé à un coût" se présente, à la lumière du présent examen limité à de pures questions de droit, comme un mécanisme qui a été basé sur des motifs raisonnables. Le Tribunal ne saurait donc constater que le législateur communautaire, en adoptant cette règle, a dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation. Par conséquent, la règle litigieuse ne peut en aucun cas être considérée comme une mesure qui serait "manifestement inappropriée" pour assurer à l'industrie communautaire une protection équitable contre les mesures de dumping.
83 S'il n'est donc pas à exclure que d'autres moyens moins contraignants que la règle litigieuse aient été envisageables ° ce que les requérantes prétendent et les parties défenderesse et intervenante contestent °, le Tribunal ne saurait toutefois substituer son appréciation à celle du Conseil sur le caractère plus ou moins adéquat de ladite règle retenue par le législateur communautaire, dès lors qu'il n'a pas été établi que cette règle est "manifestement inappropriée" pour réaliser l'objectif poursuivi (voir l'arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, précité, points 93 à 95).
84 En ce qui concerne les conséquences, pour la solution du présent litige, des nouvelles dispositions adoptées, pendant la procédure devant le Tribunal, au niveau tant du GATT que de la Communauté, il convient de rappeler que les requérantes invoquent l'article 11, paragraphe 10, du règlement n° 3283-94 et l'article 9.3.3 du code antidumping de 1994, en faisant valoir que le fait d'avoir abandonné la règle litigieuse dans ces nouvelles dispositions en démontre le caractère excessif. Cependant, le caractère manifestement inapproprié de cette règle n'ayant pas été établi, les nouvelles dispositions invoquées par les requérantes ne sauraient être considérées que comme des options différentes qui auraient certes pu être retenues par le législateur communautaire, sans que le Tribunal puisse pour autant constater que le Conseil était obligé, en 1988, d'adopter des dispositions similaires, plus favorables aux requérantes que la règle litigieuse. L'argument tiré des nouvelles dispositions communautaires et internationales ne saurait, dès lors, être retenu.
85 A titre subsidiaire, il convient d'ajouter que, même si le contrôle juridictionnel n'était pas limité au caractère manifestement inapproprié de la règle litigieuse, l'examen du Tribunal ne pourrait pas aboutir à un résultat différent. En effet, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont réduit la portée de leur grief à une question purement juridique (voir, ci-dessus, point 51). Par conséquent, le Tribunal n'est pas en mesure d'inclure dans son examen la réalité économique dans laquelle la règle litigieuse a trouvé application.
86 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal ne peut pas constater que le législateur communautaire a, en adoptant la règle litigieuse, dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation et, par voie de conséquence, enfreint le principe de proportionnalité. Le grief tiré de la violation de ce principe doit donc être rejeté.
Sur le grief tiré de la violation du code antidumping de 1979
Arguments des parties
87 Les requérantes estiment que le Tribunal devrait constater l'illégalité de la règle du "droit assimilé à un coût", en ce qu'elle enfreint l'article 2, paragraphe 6, du code antidumping de 1979, les droits antidumping ne constituant pas des frais, des droits et des taxes intervenus entre l'importation et la revente. L'application de cette règle conduirait à la constatation d'une marge de dumping, bien que, en réalité, il n'en existe pas, alors que la Communauté est obligée, en vertu d'un principe fondamental consacré par le code antidumping, de ne percevoir de droits antidumping qu'à concurrence du montant nécessaire pour compenser ou empêcher un dumping et de rembourser des droits payés si leur montant dépasse celui de la marge de dumping effective. Un tel remboursement serait, par définition, nécessaire si les droits ont eu l'effet recherché, à savoir d'inciter à mettre fin au dumping soit par des relèvements du prix des ventes à l'exportation, soit par d'autres modifications apportées aux éléments du calcul du dumping. Le refus d'accorder les remboursements nécessaires pour assurer que le montant du droit antidumping perçu ne dépasse pas la marge de dumping effective serait par conséquent illégal.
88 Les requérantes contestent que le droit antidumping acquitté puisse être considéré comme un coût pris au sens des coûts de l'importateur lié, comme le sont les droits de douane. En effet, même le droit antidumping définitif serait par nature un droit provisoire destiné à neutraliser approximativement le dumping prévisible, cette approximation se fondant sur des constatations de dumping effectuées durant la période d'enquête initiale (en 1984 dans le cas du groupe NMB). La procédure de remboursement aurait pour fonction d'aboutir à la détermination définitive de la marge effective de dumping pour les importations faisant l'objet de la demande de remboursement et, dès lors, à celle du droit qu'il est concrètement admissible de percevoir sur ces importations. Dans un tel système, le droit provisoire et approximatif ne pourrait lui-même constituer un facteur à prendre en compte pour créer une marge effective de dumping plus élevée. Il serait tout aussi absurde qu'un paiement anticipé exigé à titre d'acompte sur une dette fiscale dont le montant définitif reste à déterminer à une date ultérieure puisse être retenu comme un facteur augmentant même le montant de la dette fiscale définitive.
89 Les requérantes estiment que l'analyse selon laquelle la règle du "droit assimilé à un coût" enfreint les obligations de la Communauté en vertu du code antidumping est confirmée par un examen des pratiques des partenaires commerciaux de la Communauté. Dans ce contexte, elles soulignent qu'elles n'entendent pas insinuer que la Communauté est tenue de suivre les pratiques ou les règles de ses partenaires commerciaux. Toutefois, des indications utiles pourraient être tirées de l'étude de ces règles et pratiques. Or, dans les régimes antidumping des États-Unis, de l'Australie et du Canada, les droits antidumping perçus ne serviraient pas à augmenter la marge de dumping effective. Il serait donc suffisant, pour obtenir un remboursement de ces droits, de procéder à une simple majoration du prix de revente afin d'éliminer le dumping. Elles renvoient encore aux conclusions de l'avocat général sous l'arrêt NMB e.a./Commission, précité (Rec. p. I-1709), qui a relevé que la pratique divergente des partenaires commerciaux de la Communauté est un élément dont on doit tenir compte pour l'interprétation de la législation communautaire et qui confirmerait que le système adopté par la Commission n'est pas intrinsèquement nécessaire et inéluctable.
90 Les requérantes s'appuient, en outre, sur le "document Dunkel" dont l'article 9.3.3 impose aux autorités compétentes de tenir compte de "toute variation du prix de revente qui se reflète régulièrement dans les prix de revente subséquents", puis, de "calculer le prix à l'exportation sans aucune déduction au titre du montant des droits antidumping versés si des éléments de preuve concluants sont fournis sur ce qui précède". Ce texte ne permettrait manifestement pas la déduction du droit antidumping assimilé à un coût. La référence aux variations du prix de revente des clients des importateurs liés s'expliquerait par le raisonnement que, si ce prix n'augmente pas, bien que le prix apparent de l'importateur lié ait augmenté, cela donne à penser qu'un rabais dissimulé a été versé.
91 En réponse aux mesures d'organisation de la procédure arrêtées par le Tribunal, les requérantes ont admis que l'article 2, paragraphes 5 et 6, du code antidumping, pris isolément et analysé selon des critères exclusivement linguistiques, n'exclut pas la règle du "droit assimilé à un coût". Elles ont cependant souligné qu'une lecture sans préjugé du code, et qui tienne compte de la logique de ses dispositions en matière de restitution, permet de parvenir à la conclusion que la règle litigieuse est incompatible avec le code.
92 Elles ont ajouté que le libellé du nouveau code antidumping de 1994 démontre qu'aucune règle n'impose d'assimiler le droit antidumping à un coût. Le nouveau code démontrerait notamment que, aux fins de l'interprétation de l'ancien article 2, paragraphes 5 et 6, les droits antidumping ne font pas partie des ajustements à opérer obligatoirement pour construire le prix à l'exportation.
93 A l'audience, les requérantes ont déclaré que les dispositions du code antidumping de 1979 sont déjà claires et simples, en ce que les droits antidumping perçus qui dépassent la marge réelle de dumping doivent être restitués aussi rapidement que possible (article 8, paragraphe 3). En ce qui concerne le nouveau code antidumping de 1994, elles ont souligné que son article 9.3.3 abandonne la règle du "droit assimilé à un coût". Or, cette nouvelle disposition aurait été l'un des points les plus litigieux dans le cadre des négociations; elle constituerait un compromis de dernière minute. La Communauté aurait été isolée sur ce point lors des négociations. En effet, aucune autre partie contractante n'appliquerait la théorie du "double jump".
94 La Commission rappelle que tous les arguments avancés par les requérantes ont déjà été invoqués dans l'affaire NMB e.a./Commission, précitée. Dans son arrêt rendu dans cette affaire, la Cour aurait examiné l'ensemble de ces arguments dans la mesure nécessaire à son raisonnement et aurait abouti à des conclusions correctes. En effet, au point 17 de cet arrêt, la Cour aurait expressément renvoyé au rapport d'audience pour un plus ample exposé des faits et arguments. Les arguments des requérantes auraient été dûment résumés dans le rapport d'audience annexé à l'arrêt, ce qui montre qu'ils ont été pleinement pris en considération par la Cour. Pour cette raison, la Commission se réfère, dans le cadre de sa défense, au raisonnement développé par la Cour dans l'arrêt en cause.
95 Dans la mesure où les requérantes mentionnent le "principe de base", selon lequel le droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping effective et que, s'il la dépasse, l'excédent doit être remboursé, la Commission soutient que, ce principe n'étant contesté par personne, il n'est pas étonnant que la Cour n'en ait pas expressément traité. Or, la véritable question sur laquelle la Cour devait se pencher aurait été celle de savoir ce que constitue la "marge de dumping effective" que le droit antidumping ne peut excéder. Cette question aurait été examinée aux points 36 à 40 et 46 à 58 de l'arrêt en cause. En réalité, les requérantes prétendraient que la "marge de dumping effective" doit être différente de ce que prévoit l'article 2, paragraphe 8, sous b), point ii), du règlement de base.
96 Enfin, la Commission estime que la référence faite par les requérantes aux pratiques des partenaires commerciaux de la Communauté est dénuée de pertinence en l'espèce. S'il est vrai que trois des partenaires commerciaux de la Communauté ont des régimes antidumping que les requérantes considèrent comme moins sévères pour les importateurs liés que le régime communautaire, il conviendrait de souligner que les différences entre les modes de fonctionnement de ces trois régimes antidumping rendent la comparaison difficile. Par ailleurs, les partenaires commerciaux de la Communauté auraient reconnu que l'adoption de la formule préconisée par les requérantes créerait des difficultés inadmissibles dans l'application des règles antidumping. Aussi le "document Dunkel" envisagerait-il d'inclure dans le nouveau code antidumping une disposition permettant expressément de déduire dans certaines circonstances des droits antidumping versés par les importateurs liés pour la construction du prix à l'exportation.
97 A l'audience, la Commission a déclaré que l'article 9.3.3 du nouveau code antidumping de 1994, tout en apportant un assouplissement à l'exigence d'un "double jump", confirme la règle du "droit assimilé à un coût". En effet, ce nouveau texte ne figurerait pas dans les dispositions générales relatives au calcul de la marge de dumping et à la construction du prix à l'exportation, mais constituerait une règle de dérogation en matière de remboursement. Or, les dispositions générales de l'article 2.4 du nouveau code, relatives à la construction du prix à l'exportation, n'auraient pas changé par rapport à l'ancien code de 1979. Par conséquent, l'existence même de l'article 9.3.3 démontrerait que les droits antidumping sont inclus dans les droits mentionnés à l'article 2.4, sinon l'article 9.3.3 serait superflu. Par ailleurs, toutes les parties contractantes du nouveau code antidumping auraient été unanimes sur ce point.
98 La FEBMA, partie intervenante, rappelle que, dans son arrêt NMB e.a./Commission, précité, la Cour a déclaré que la règle du "droit assimilé à un coût" n'est pas incompatible avec le code antidumping. Ce code poserait le principe selon lequel des ajustements doivent être faits pour les frais intervenus entre l'importation et la revente, y compris les droits antidumping et les taxes. Les requérantes n'avanceraient aucun argument juridique nouveau à l'encontre de cette décision.
Appréciation du Tribunal
99 En ce qui concerne la violation alléguée des règles du code antidumping de 1979, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, qu'il découle du point 31 de l'arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil (C-69-89, Rec. p. I-2069), qu'une telle violation peut être invoquée dans le cadre du contrôle de la légalité du règlement de base communautaire.
100 Il convient de rappeler ensuite que le régime de remboursement communautaire attaqué par les requérantes est, en substance, identique au régime antérieur qui a fait l'objet de l'arrêt NMB e.a./Commission, précité. En effet, l'article 16 du règlement n° 2423-88, en ce qu'il renvoie expressément à la règle litigieuse du "droit assimilé à un coût", n'a apporté qu'une précision par rapport à l'article 16 du règlement n° 2176-84, précision qui est d'ailleurs conforme à l'interprétation de cette dernière disposition telle que la Cour l'a consacrée dans ledit arrêt.
101 Ainsi que la Cour l'a jugé dans cet arrêt (points 46 et 47), la seule différence existant, au regard de la construction du prix à l'exportation, entre le règlement communautaire pertinent et le code antidumping du GATT de 1979 ° également en cause en l'espèce ° est que, alors que le code se limite à énoncer le principe selon lequel il sera dûment tenu compte des frais intervenus entre l'importation et la revente "droits et taxes compris", le règlement communautaire spécifie certains des droits et autres frais, y compris notamment les droits antidumping, dont il convient de tenir compte lors de l'ajustement. La Cour en a déduit qu'il n'y a pas de contrariété entre les dispositions du règlement communautaire et celles du code antidumping.
102 Il y a lieu d'admettre que le libellé du code antidumping de 1979 est clair en ce qu'il prévoit, dans son article 8, paragraphe 3, que le montant du droit antidumping ne doit pas dépasser la marge de dumping et que le droit dépassant cette marge doit être restitué aussi rapidement que possible. Cependant, il n'y a aucune précision comparable quant à la construction du prix à l'exportation, nécessaire à la détermination de la marge de dumping effective. En particulier, les articles 2, paragraphes 5 et 6, et 8, paragraphe 3, ne s'expriment ni explicitement ni implicitement sur la question de la licéité de la règle du "droit assimilé à un coût".
103 Par conséquent, il y a lieu de constater que les parties contractantes du GATT n'ont pas réglé dans le code antidumping cette problématique spécifique qui leur était connue. Le code est donc caractérisé également sur ce point par une grande souplesse. Il ne saurait, dès lors, être interprété comme comportant une obligation particulière de la Communauté (arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, précité, point 111) de ne pas instaurer, en exécution du code, une règle du "droit assimilé à un coût" (voir également l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, FEDIOL/Commission, 187-85, Rec. p. 4155, point 12). La thèse des requérantes, selon laquelle la règle litigieuse enfreint le code antidumping, doit, dès lors, être rejetée comme non fondée.
104 Cette conclusion n'est infirmée ni par l'article 9.3.3 du nouveau code antidumping de 1994 ni par la disposition correspondante contenue dans le "document Dunkel", simple projet de code, qui expriment tous deux une certaine restriction à la liberté des parties contractantes dans l'application de la règle du "droit assimilé à un coût". Au contraire, le code antidumping de 1994 présuppose, dans son article 2.4, quatrième phrase, l'existence d'une règle du "droit assimilé à un coût", et ce n'est que par son article 9.3.3 qu'il prévoit un assouplissement à sa mise en œuvre.
105 Par ailleurs, chacun des codes antidumping successifs procède des négociations commerciales multilatérales menées dans le cadre de chacun des cycles respectifs du GATT; loin de relever d'un système de normes cohérentes, les différents codes reflètent l'évolution économique mondiale et le rapport de forces existant entre les parties contractantes à l'époque considérée. Par conséquent, l'application du code antidumping de 1979 ne saurait être substantiellement influencée par une interprétation effectuée à la lumière d'un code postérieur et encore moins d'un simple projet de code.
106 Dans la mesure où les requérantes se réfèrent encore aux pratiques des partenaires commerciaux de la Communauté, il suffit de rappeler que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé dans l'arrêt NMB e.a./Commission, précité (point 49), l'adoption d'autres méthodes par les partenaires commerciaux ne rend pas illégale la règle du "droit assimilé à un coût", telle qu'elle figure dans le règlement de base critiqué.
107 Il résulte des développements qui précèdent que les requérantes ne sauraient invoquer les dispositions du code antidumping de 1979 pour contester la légalité de ladite règle. Par conséquent, le grief tiré de la violation de ce code doit également être rejeté.
Sur le grief tiré de la violation du principe de non-discrimination
Arguments des parties
108 Les requérantes, d'une part, font valoir que la règle du "droit assimilé à un coût" opère une discrimination illégale au détriment des importateurs liés, par rapport aux importateurs indépendants, et, d'autre part, contestent la thèse contraire selon laquelle le fait de ne pas appliquer ladite règle entraînerait une discrimination illégale à l'encontre des importateurs indépendants. Elles renvoient aux conclusions de l'avocat général sous l'arrêt NMB e.a./Commission, précité (Rec. p. I-1719 et I-1720), qui a également estimé que le système défendu par la Commission est discriminatoire au détriment de l'importateur lié.
109 Dans ce contexte, les requérantes procèdent, tout d'abord, à une description des conditions du marché communautaire des roulements à billes. Ce marché serait extrêmement concurrentiel: du côté de l'offre, il y aurait un nombre important de grands producteurs multinationaux et, du côté de la demande, il y aurait de nombreuses sociétés industrielles de premier plan disposant d'un pouvoir économique très élevé. Dans ces circonstances, les acheteurs n'accepteraient pas une double majoration du prix, telle qu'elle est exigée des importateurs liés en vertu de la règle du "droit assimilé à un coût", et leur attitude ne serait pas non plus modifiée par l'offre d'un rabais lié à un remboursement éventuel à une date future indéterminée.
110 L'importateur lié ne pourrait obtenir de remboursement que s'il procède à une double majoration de son prix. Pour l'importateur indépendant, en revanche, une seule majoration du prix en serait l'unique condition; en ce qui concerne le droit antidumping perçu,il serait placé devant un choix d'ordre économique: il pourrait soit supporter le coût du droit durant le temps voulu pour obtenir le remboursement, soit répercuter tout de suite ce coût sur son client.
111 Les requérantes contestent la thèse selon laquelle, pour placer l'importateur lié sur le même pied que l'importateur indépendant, il est nécessaire de l'obliger, sur le plan juridique, à procéder à la double majoration de prix. A cet égard, elles s'opposent au raisonnement de la Cour dans l'arrêt NMB e.a./Commission, précité (points 37 et 38), selon lequel les importateurs indépendants seraient amenés à répercuter les droits antidumping sur leurs acheteurs, étant donné que, sans une telle répercussion, d'une part, ils perdraient les intérêts correspondant au montant versé et subiraient les effets d'une éventuelle dépréciation monétaire et, d'autre part, ignorant les données sur lesquelles se base la détermination de la marge de dumping, ils courraient le risque que le remboursement ne leur soit pas accordé malgré l'augmentation du prix à l'exportation.
112 Les requérantes soulignent que les deux premiers éléments mentionnés par la Cour apparaissent comme dépourvus de pertinence, étant donné qu'il s'agit de risques qui s'appliquent de façon absolument identique tant aux importateurs liés qu'aux importateurs indépendants. Le troisième élément serait hautement théorique. L'importateur lié ferait certes partie d'un groupe qui a pleinement connaissance de toutes les informations qu'il estime pertinentes pour la demande de remboursement, alors que l'importateur indépendant n'aurait normalement pas connaissance de certains des éléments du calcul de dumping qui lui sont nécessaires pour obtenir un remboursement. Toutefois, l'exportateur apporterait normalement son soutien à la demande de remboursement présentée par l'importateur indépendant, en donnant les informations appropriées. Dès lors, au regard des informations nécessaires pour introduire une demande de remboursement, la position de l'importateur indépendant ne serait pas sensiblement différente de celle de l'importateur lié.
113 La Commission rappelle, tout d'abord, que la thèse d'un traitement discriminatoire au détriment des importateurs liés par rapport aux importateurs indépendants a été rejetée par l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, au motif que les importateurs liés et les importateurs indépendants ne se trouvent pas dans des situations comparables et que la différence de traitement se justifie par le fait que, autrement, ce sont les importateurs indépendants qui seraient discriminés. En d'autres termes, la différence formelle de traitement serait nécessaire pour garantir que les deux catégories d'importateurs soient en fait traitées sur un pied d'égalité en ce sens que chacune d'entre elles doive augmenter ses prix du même montant.
114 A cet égard, la Commission précise que l'importateur indépendant cherche à faire des bénéfices en achetant un produit à quiconque peut le lui fournir aux conditions les plus avantageuses. Les objectifs des importateurs liés à un fabricant pratiquant le dumping seraient complètement différents, puisque leur situation juridique et économique les oblige à mener des politiques contrôlées par la société mère qui servent les objectifs de cette dernière en tant que fabricant et exportateur et qui peuvent impliquer la vente à perte de grandes quantités de produits dans la Communauté. Que les activités des importateurs liés soient rentables ou non importerait peu, dès lors que les intérêts à long terme du groupe sont défendus. Les importateurs liés n'auraient pas besoin de tirer des bénéfices de leurs opérations d'importation et de revente, alors que l'existence même des importateurs indépendants dépend de la réalisation de profits.
115 La FEBMA soutient que la règle du "droit assimilé à un coût" est une condition vitale de l'efficacité du règlement de base et de la protection contre le dumping. Elle affirme que les importateurs liés s'abstiennent habituellement de répercuter les droits antidumping sur les prix, ce qui ferait échouer les mesures antidumping dont le véritable objectif consiste à protéger la production communautaire par un accroissement du prix des produits en cause et une diminution corrélative des parts du marché de ces produits. Or, un remboursement ne pourrait se justifier que si l'acheteur dans la Communauté a dû définitivement supporter la première augmentation de prix correspondant aux droits antidumping. Les clients d'importateurs liés dans la Communauté devraient donc supporter deux fois les effets des droits antidumping sur les prix d'importation. Dans ces circonstances, il y aurait beaucoup plus de chances que les importateurs liés répercutent irréversiblement les droits antidumping, avec pour effet d'augmenter le prix dans la Communauté.
Appréciation du Tribunal
116 Il y a lieu de rappeler que le principe de non-discrimination est reconnu par une jurisprudence constante comme faisant partie des principes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe général s'oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et que des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133-93, C-300-93 et C-362-93, Rec. p. I-4863, points 50 et 51, et l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 113). Par ailleurs, s'agissant du contrôle juridictionnel des conditions de mise en œuvre de ce principe, il convient de répéter que, en matière de politique commerciale commune, le législateur communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation.
117 Ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt NMB e.a./Commission, précité (points 34 et 35), la différence de traitement alléguée entre les importateurs indépendants et les importateurs liés, en ce qui concerne le remboursement des droits antidumping, est justifiée par la différence existant entre leurs situations respectives au regard des pratiques de dumping et ne constitue donc pas une discrimination. En effet, alors que les importateurs indépendants sont étrangers aux pratiques de dumping, les importateurs liés à l'exportateur se trouvent, de ce fait, de l'autre côté de la barrière de dumping, en ce qu'ils participent aux pratiques constitutives du dumping et que, en tout état de cause, ils sont en mesure de connaître tous les éléments sur lesquels le dumping est fondé.
118 Par ailleurs, on ne saurait nier que les droits antidumping qu'il a acquittés à l'importation constituent pour l'importateur indépendant un coût supplémentaire auquel il doit faire face d'une manière ou d'une autre. Dans ces conditions, le fait d'assimiler, par la règle litigieuse, les mêmes droits à un coût dans le chef de l'importateur lié ne revient qu'à mettre sur un pied d'égalité économique ces deux catégories d'opérateurs (voir, sur ce point, l'arrêt NMB e.a./Commission, précité, point 39).
119 Il convient d'ajouter que tant le code antidumping de 1979 que celui de 1994 prévoient la faculté pour les parties contractantes de réserver un traitement particulier à la situation dans laquelle il est impossible de se fonder sur le prix à l'exportation, en raison de l'existence d'une association entre l'exportateur et l'importateur (article 2, paragraphe 5, du code de 1979 et article 2.3 du code de 1994). C'est donc au niveau même du GATT que la situation des importateurs liés à leur exportateur fait l'objet d'une réglementation spécifique caractérisée par le doute quant à la fiabilité du prix à l'exportation effectivement pratiqué. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au législateur communautaire d'avoir violé le principe de non-discrimination en prévoyant l'application de la règle du "droit assimilé à un coût" à l'encontre des seuls importateurs liés.
120 Dans la mesure où les requérantes semblent encore faire valoir que la règle litigieuse, appliquée aux seuls importateurs liés, dépasse le degré licite d'un traitement particulier réservé à cette catégorie d'opérateurs, le Tribunal estime que, sur ce point, le contrôle de légalité se ramène à celui d'ores et déjà effectué à l'égard du principe de proportionnalité. Or, le Tribunal a rejeté le grief tiré d'une violation de ce principe.
121 Par conséquent, le grief tiré de la violation du principe de non-discrimination ne saurait davantage être retenu.
122 Aucun des griefs avancés à son soutien n'ayant été accueilli, l'exception tirée de l'illégalité du règlement de base ne peut qu'être écartée dans son ensemble. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté comme non fondé.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
123 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes NMB-Minebea-GmbH, NMB (UK) Ltd et NMB Italia Srl ayant succombé en leurs conclusions dans la mesure où celles-ci ont porté sur les droits antidumping perçus de janvier 1987 jusqu'au 20 septembre 1990, et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner ces requérantes aux dépens y afférents.
124 Le recours étant devenu sans objet en ce qui concerne la requérante NMB France SARL et, pour les trois autres requérantes, en ce qui concerne les droits antidumping perçus pour la période du 21 septembre 1990 au mois de septembre 1991, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.
125 A cet égard, le Tribunal constate que la suppression des droits antidumping opérée par le règlement n° 2553-93, et qui a eu pour effet de priver partiellement le présent recours de son objet, n'est pas intervenue parce que le Conseil ou la Commission ont admis la thèse des requérantes relative à l'illégalité de la règle du "droit assimilé à un coût", mais parce que ces institutions ont écarté une répétition du préjudice matériel pour l'industrie de la Communauté (29e considérant du règlement). Dans ces conditions, le Tribunal considère comme équitable de faire supporter également aux requérantes les dépens relatifs aux éléments du recours qui sont devenus sans objet.
126 En ce qui concerne la partie intervenante, le Tribunal estime équitable, dans les circonstances de l'espèce, qu'elle supporte ses propres dépens, conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours formé par la société NMB France SARL.
2) Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours formé par les sociétés NMB-Minebea-GmbH, NMB (UK) Ltd et NMB Italia Srl dans la mesure où il porte sur le remboursement des droits antidumping perçus pour la période à partir du 21 septembre 1990.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Les requérantes supporteront solidairement les dépens à l'exception de ceux exposés par la partie intervenante, qui supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours formé par la société NMB France SARL.
2) Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours formé par les sociétés NMB-Minebea-GmbH, NMB (UK) Ltd et NMB Italia Srl dans la mesure où il porte sur le remboursement des droits antidumping perçus pour la période à partir du 21 septembre 1990.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Les requérantes supporteront solidairement les dépens à l'exception de ceux exposés par la partie intervenante, qui supportera ses propres dépens.