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Décisions

CJCE, 28 juin 1993, n° C-64/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Donatab Srl ; Reditab Srl ; Società Tabacchi Industrie Varie Srl ; Associazione Professionale Trasformatori Tabacchi Italiani

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Kakouris, Rodríguez Iglesias, Zuleeg, Murray

Avocat général :

M. Darmon

Juges :

MM. Joliet, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Grévisse, Díez de Velasco, Kapteyn

Avocats :

Mes Cappelli, de Caterini

CJCE n° C-64/93

28 juin 1993

LA COUR,

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 12 mars 1993, la société Donatab, deux autres sociétés transformatrices de tabac et une association professionnelle (ci-après "requérants") ont, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation d'un téléfax adressé, le 20 janvier 1993, par la Commission aux autorités italiennes, ainsi que la déclaration d'inapplicabilité, conformément à l'article 184 du traité, du règlement (CEE) n 3477-92 de la Commission, du 1er décembre 1992, relatif aux modalités d'application du régime de quotas dans le secteur du tabac brut pour les récoltes 1993 et 1994 (JO L 351, p. 11).

2 Par les règlements (CEE) n° 2075-92, du 30 juin 1992, portant organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut (JO L 215, p. 70), n° 2076-92 du 30 juin 1992, fixant les primes pour le tabac en feuilles par groupe de tabac ainsi que les seuils de garantie répartis par groupe de variétés par État membre (JO L 215, p. 77) et n° 2077-92, du 30 juin 1992, relatif aux organisations et accords interprofessionnels dans le secteur du tabac (JO L 215, p. 80), le Conseil a procédé à une réforme de l'organisation commune des marchés dans le secteur du tabac brut.

3 Le règlement (CEE) n° 2075-92, précité, prévoit, à l'article 20, paragraphe 1, que

"les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect des dispositions communautaires dans le secteur du tabac brut. Ils notifient, à cette fin, à la Commission, dans les six mois suivant l'adoption du règlement, les dispositions pratiques de gestion et de contrôle qu'ils ont l'intention de prendre. Dans les trois mois qui suivent cette notification, la Commission approuve ces dispositions ou demande les ajustements nécessaires. Dans ce dernier cas, l'État membre adapte ses mesures dans les meilleurs délais..."

4 Le 1er décembre 1992, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 3477-92, précité, qui institue un système de certificats de culture à délivrer par l'entreprise de transformation aux producteurs sur la base des livraisons de tabac lors des campagnes 1989 à 1991. L'article 9, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que:

"les États membres déterminent la procédure de délivrance des certificats de culture ainsi que les mesures de prévention de fraudes conformément à l'article 20, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2075-92".

5 Le 8 janvier 1993, le ministère de l'Agriculture et des Forêts de la République italienne a transmis à la Commission, conformément à l'article 20 du règlement (CEE) n° 2075-92, précité, "un projet de décret national pour la mise en œuvre du régime de quotas pour la récolte 1993 (règlements (CEE) n° 2075-92 du Conseil et 3477-92 de la Commission)".

6 Dans la lettre de transmission, les autorités italiennes ont attiré l'attention de la Commission sur des points précis du projet de décret et réitéré un certain nombre de questions déjà posées à la Commission par une note antérieure de décembre 1992; faisant état de graves difficultés d'application de l'article 9, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 3477-92, précité, elles ont demandé une prorogation du délai prévu pour l'attribution des quotas de transformation.

7 Le 20 janvier 1993, la Commission a répondu aux autorités italiennes par un téléfax, rédigé en français, dont la teneur est la suivante:

"En réponse à votre fax visé en objet, j'ai l'honneur de vous faire connaître les premières réactions des services, sous réserve d'un complément de réponse, suite à un examen plus approfondi et plus complet des dispositions transmises.

1. En ce qui concerne le dernier considérant ainsi que l'article 8, paragraphe 3, et l'article 16, alinéa b), il s'agit d'une limitation de la liberté du producteur de conclure un contrat de culture avec un transformateur autre que celui qui lui a délivré le certificat de culture.

Ces dispositions sont contraires à l'article 10, paragraphe 2 et paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 3477-92, dont le libellé est clair: en vertu du paragraphe 3, les quantités couvertes par un certificat de culture sont à transférer à une entreprise de transformation autre que celle ayant délivré le certificat, si le producteur décide de conclure un contrat de culture avec cette autre entreprise. Dans ce cas, le quota de transformation de cette entreprise est augmenté par les quantités provenant de certificats de culture établis par d'autres entreprises, dont le quota est diminué en conséquence. Ce principe vaut pour les anciennes entreprises de transformation et pour les nouvelles.

Les services de la Commission prennent note des difficultés rencontrées par votre administration, notamment à l'égard de la reconnaissance de nouvelles entreprises et de leur capacité de transformation, ainsi qu'en ce qui concerne l'évaluation des cas spécifiques visés à l'article 9, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 3477-92. Une prorogation du délai prévu pour la répartition des quotas de 1993 sera donc proposée au Comité de gestion."

8 Estimant que ce téléfax constituait une décision qui les concernait directement et individuellement, les requérants ont introduit le présent recours en annulation dans le cadre duquel ils ont également demandé, au titre l'article 184 du traité, à la Cour de déclarer inapplicable le règlement (CEE) n° 3477-92, précité.

9 Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le 6 avril 1993, la Commission a, en vertu de l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure, soulevé une exception d'irrecevabilité à l'encontre du recours.

10 Le dossier comportant tous les éléments lui permettant de statuer, la Cour a décidé de se prononcer sans ouvrir la procédure orale, conformément à l'article 91, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure.

11 A l'appui de l'exception d'irrecevabilité, la Commission soutient, à titre principal, que le téléfax dont l'annulation est demandée ne constitue pas une décision susceptible de produire des effets juridiques, que ce soit à l'égard de la République italienne, destinataire du téléfax, ou à l'égard des requérants. Il s'agirait d'un simple avis des services de la Commission sur l'interprétation du règlement (CEE) n° 3477-92, précité, qui s'inscrit dans le cadre de la coopération entre ces services et les autorités nationales. A titre subsidiaire, la Commission fait valoir que, même à supposer que le téléfax en cause puisse être considéré comme une décision, celle-ci ne concernerait pas les requérants directement et individuellement. Le recours en annulation étant, dès lors, irrecevable, il devrait en aller de même de la demande incidente visant à déclarer inapplicable le règlement (CEE) n° 3477-92, précité.

12 Les requérants exposent, en revanche, que les mesures nationales en cause ont été communiquées à la Commission en application de l'article 9, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3477-92, précité, et de l'article 20, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2075-92, précité, et dépendent de l'approbation préalable de la Commission. Dans l'acte litigieux, la Commission demanderait certains ajustements, ce qui montrerait que l'acte attaqué a le contenu matériel d'une décision produisant des effets juridiques obligatoires. De plus cet acte concernerait les requérantes directement et individuellement; ainsi, les règlements réformant l'organisation du marché du tabac créeraient immédiatement dans le chef des entreprises de transformation le droit à des quotas de transformation et l'obligation d'établir des certificats de culture à l'intention des producteurs; l'acte attaqué les concernerait également individuellement, étant donné que le régime en cause viserait les seules entreprises de transformation qui ont historiquement produit du tabac, sur base du régime de primes de transformation au cours de la période de 1989 à 1991.

13 Pour statuer sur le bien-fondé de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant (voir, notamment, ordonnance du 8 mars 1991, Emerald Meats/Commission, C-66-91 et C-66-91R, Rec. p. I-1143; ordonnance du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C-50-90, Rec. p. I-2917).

14 A cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, par le téléfax du 20 janvier 1993, la Commission ne prend pas position de façon exhaustive et définitive sur le projet de décret qui lui a été transmis, mais se borne à faire part aux autorités italiennes de ses premières réactions sous réserve d'un complément de réponse, suite à un examen plus approfondi et plus complet.

15 Il convient d'ajouter qu'en ce qui concerne l'application du règlement (CEE) n° 3477-92, précité, la Commission se limite à rappeler la portée de l'article 10, paragraphes 2 et 3.

16 Enfin, même à supposer que le téléfax en cause puisse être considéré comme un acte de la Commission demandant des ajustements aux mesures nationales proposées, ce type d'acte s'inscrit dans le cadre d'une coopération entre la Commission et les autorités nationales inhérente et indispensable à une gestion efficace de la politique agricole commune et ne saurait être considéré comme produisant des effets juridiques à l'égard des particuliers.

17 Il en résulte que le téléfax du 20 janvier 1993 ne présente pas les caractères d'un acte produisant des effets juridiques à l'égard des particuliers et que, partant, le recours introduit au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, doit être rejeté comme irrecevable.

18 En ce qui concerne l'exception d'illégalité, il y a lieu de rappeler que l'article 184 du traité permet à toute partie, à l'occasion d'un litige mettant en cause un règlement du Conseil ou de la Commission de se prévaloir des moyens prévus à l'article 173, alinéa 1, du traité pour invoquer devant la Cour, l'inapplicabilité du règlement en cause.

19 Il est de jurisprudence que la possibilité que donne l'article 184 du traité d'invoquer l'inapplicabilité d'un règlement ne constitue pas un droit d'action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente (arrêt du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33-80, Rec. p. 2141).

20 La déclaration d'irrecevabilité du recours introduit par les requérantes, au titre de l'article 173 du traité, entraîne, en l'espèce, celle de la demande introduite au titre de l'article 184 du traité.

21 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le recours comme irrecevable dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

22 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Les parties requérantes ayant succombé en leur action, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

ordonne:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Les parties requérantes sont condamnées aux dépens.