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Décisions

CJCE, 2e ch., 21 février 1974, n° 15-73

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Schots ; De Tavernier ; Sarens ; Goovaerts ; Lefebvre ; Hancq ; Van Den Driessche ; Masset ; Milanesi-De Moor ; De Blander ; Pourceau ; Goeminne ; De Thier ; Debattice ; Houyet-Le Creff ; Debois ; Antonini ; Agazzi ; Gobin-Hunze ; Rainaldi-Behr ; Scheffler-Pillons ; Francois-Gerster ; Decoster-Berthelin ; Thielemans-Pauscin ; Verschueren-Delle Chiaie ; Goldsztajn-Wagner ; Weber-Kuehnle ; Maes-Dumpelmann ; Guiot-Tingaud ; Fleury-Callam ; Laloux-Herrmann ; Zalinsky-Potemkine ; Francq-Knuever ; Declerck-Van Den Reek ; Van Hamme-Willems ; Joppart-Kluwig ; Cludts-Detillon ; Theisen-Loewen ; Rauchs-Meny ; Kobor-Sonne ; Lehnertz-Neyt ; Souris-Hornemann ; Diton-Kirwald ; Corbiau-Marchello ; Duchesne-Labayie ; Dumonceau-Drieux ; Bechet-Winkler Debaise-Degli Esposti ; Fornasier-Simon ; Vander Velde-Feller ; Cosyns-Crosetto ; Steels-Wilsing ; Stiens-Frenzel ; Wolteche-Valle ; Durdurez-Cadringher ; Decock-Fischer ; Stern-Schmitt ; Herde-Jaeger ; Moes-Bouchaud ; Thilges-Porte ; Hagen-Van Liefferinge ; Swartenbroeckx-Weber ; Vanden Avont-Ziepries ; Despic-Tourolle ; Wautrequin-Trafojer ; Delacroix-Glania ; Nauwelaerts-Schedlitz ; Schoentgen ; Freymann-Fassbender ; Hissnauer-Ney ; Marino ; Demaret-Makowski ; De Smet-Zanke ; Reniers-Schiller ; Ewen-Buonocore ; Del Bon-Weber ; Moulin ; Terrens-Fellinger ; Bidoli-Scarsini ; Hettinger-Avancini ; Chandelle

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes ; Commission des Communautés européennes ; Parlement européen

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes Gregoire, Chome

CJCE n° 15-73

21 février 1974

LA COUR,

1. Attendu que les recours, déposés au greffe de la Cour entre le 27 février et le 23 mai 1973, tendent au paiement aux requérantes des arriérés de l'indemnité de dépaysement, à compter du jour où celle-ci leur fut retirée ou refusée, en application de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut des fonctionnaires, jusqu'au jour où elle leur fut rétablie ;

2. Qu'ils tendent en outre à l'annulation, pour autant que de besoin, des décisions des défenderesses retirant ou refusant aux requérantes le bénéfice de l'indemnité de dépaysement et des décisions de rejet de leurs réclamations visant à l'octroi de l'indemnité pour la période antérieure au 1er juillet 1972 ;

3. Attendu que, par mémoires incidents, les défenderesses ont soulevé, sur la base de l'article 91 du règlement de procédure, une exception d'irrecevabilité tirée de la tardiveté des recours, en faisant valoir que ceux-ci n'auraient pas été introduits dans le respect des règles fixées par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires ;

4. Qu'en effet, selon l'article 91, un recours à la Cour de justice ne serait recevable que si l'autorité investie du pouvoir de nomination a été préalablement saisie d'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, et dans le délai y prévu ;

5. Que, selon l'article 90, toute réclamation contre un acte faisant grief devrait être introduite auprès de l'autorité investie du pouvoir de nomination dans un délai de trois mois courant du jour de la notification de la décision au destinataire et en tout cas au plus tard du jour où l'intéressé en a connaissance ;

6. Qu'un simple examen des dates de suppression ou de refus du bénéfice de l'indemnité de dépaysement et de celles des recours montrerait que ceux-ci seraient irrecevables, étant introduits après l'expiration des délais fixés par les articles 90 et 91 du statut ;

7. Attendu que les requérantes objectent que les recours seraient, au premier chef, des actions en paiement des arriérés, et que de telles actions constitueraient une voie de recours autonome, qui ne serait pas soumise aux délais des articles 90 et 91 du statut ;

8. Attendu que les actions ainsi qualifiées visent en réalité à l'annulation des décisions prises par les institutions défenderesses et sont fondées sur la prétendue illégalité de ces décisions ;

9. Que, dans aucune des requêtes introductives de recours, le paiement demandé n'est présenté comme une demande en réparation de dommage causé par les institutions ;

10. Que, même si les requérantes ont entendu demander la réparation des préjudices causés par les institutions dans l'exercice de leurs fonctions, une telle action trouve, en l'espèce, son origine dans la prétendue illégalité des décisions des institutions et ne saurait donc être distinguée du recours en annulation ;

11. Que la base des recours se trouve ainsi exclusivement dans l'article 179 du traité CEE qui dispose que la Cour est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions résultant du régime applicable à ces derniers ;

12. Que les recours sont donc soumis aux délais des articles 90 et 91 du statut ;

13. Que ce moyen doit dès lors être rejeté ;

14. Attendu qu'une partie des requérantes soutient que le délai de recours n'aurait pas commencé à courir à leur égard, étant donné que les décisions originaires de suppression ou de refus de l'indemnité de dépaysement ne leur auraient pas été régulièrement notifiées conformément à l'article 25 du statut des fonctionnaires ;

15. Que ces requérantes n'auraient pu se rendre compte de ce que l'indemnité leur était supprimée ou refusée que par la lecture de leurs fiches de traitement, sans qu'il y ait eu, à cet égard, une communication écrite expresse et motivée ;

16. Qu'une fiche de traitement ne constituerait pas une décision au sens de l'article 25 du statut ;

17. Attendu qu'il n'est pas contesté que les requérantes ont eu connaissance des décisions originaires de suppression ou de refus de l'indemnité de dépaysement à leur égard plus de trois mois avant la présentation de la réclamation administrative ;

18. Que la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours quand la fiche fait apparaître clairement la décision prise ;

19. Que cette condition est remplie en l'espèce ;

20. Que ce moyen doit dès lors être rejeté ;

21. Attendu, enfin, que les requérantes font valoir différents arguments visant à démontrer que les délais de recours auraient en tout cas été rouverts à leur égard ;

22. Qu'une des requérantes soutient, à cet égard, que la disposition de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, présenterait un degré d'illégalité si marquée qu'elle devrait être considérée comme " inexistante" ;

23. Que la constatation de l'inexistence d'une règle aurait pour effet de relever la requérante de la forclusion opérée par l'écoulement des délais de recours ;

24. Que toutes les requérantes invoquent, au même effet, la survenance de certains "faits nouveaux" ;

25. Qu'un fait nouveau serait constitué par les arrêts de la Cour du 7 juin 1972, dans les affaires n° 20-71, Sabbatini contre Parlement européen, et n° 32-71, Bauduin contre Commission ;

26. Que l'annulation des décisions individuelles prononcée par ces arrêts aurait été motivée par l'illégalité constatée de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut ;

27. Que ce serait précisément en application de cette disposition, jugée illégale, qu'aurait été retiré ou refusé le bénéfice de l'indemnité de dépaysement aux requérantes ;

28. Qu'un second fait nouveau serait constitué par les décisions prises, à la suite des arrêts de la Cour, par les institutions défenderesses, à l'effet d'octroyer dorénavant - ou à nouveau - aux requérantes l'indemnité à partir du 1er juillet 1972 ;

29. Que ces décisions pourraient être qualifiées d'un revirement général de la pratique administrative et seraient constitutives ainsi d'un fait nouveau ;

30. Attendu qu'à la suite des arrêts de la Cour du 7 juin 1972 et des dispositions prises par les institutions, d'abord en faveur des requérantes individuellement, ensuite en faveur de la généralité des fonctionnaires, par les modifications introduites dans le statut du personnel, le principe du traitement égal des fonctionnaires, dans son application au problème de l'indemnité de dépaysement à accorder aux fonctionnaires féminins, n'est plus en cause ;

31. Que les recours tendent uniquement au paiement, aux requérantes, des arriérés de l'indemnité de dépaysement pour l'époque antérieure aux décisions visées ;

32. Qu'il apparaît dès lors que l'admissibilité des recours doit être jugée au regard des besoins de la sécurité juridique, indispensable au bon fonctionnement des institutions communautaires, que traduit la fixation de délais de recours par l'article 91 du statut ;

33. Attendu qu'on ne saurait en aucun cas qualifier d'"inexistante" la disposition de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, émanée de l'autorité compétente et prise dans le respect des conditions de procédure et de forme fixées par les traités ;

34. Attendu que, par "faits nouveaux", les parties entendent, en premier lieu, la circonstance qu'à la suite des arrêts du 7 juin 1972, la disposition de l'article 4, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut apparaît comme ayant été viciée et, dès lors, non valide à partir de l'entrée en vigueur du statut ;

35. Qu'en second lieu, elles attachent cette qualification aux décisions prises à leur égard par les institutions défenderesses, à la suite des mêmes arrêts de la Cour, étant entendu que ces décisions auraient eu pour effet de reconnaître, avec effet rétroactif, la non-validité de la disposition citée du statut ;

36. Attendu que les arrêts du 7 juin 1972 n'ont autorité de la chose jugée qu'à l'égard des parties en cause à cette époque ;

37. Qu'il convient de faire remarquer pour le surplus qu'ils n'ont pu prononcer l'annulation de la disposition règlementaire en cause, au sens de l'article 174, alinéa 1er, mais qu'ils ont simplement constaté l'inapplicabilité de cette disposition et prononcé, par voie de conséquence, l'annulation des décisions individuelles prises sur cette base ;

38. Que, dans ces conditions, ces arrêts ne sauraient être invoqués par des parties qui ont omis de faire fruit, en temps utile, des possibilités de recours qui leur étaient offertes par le statut et par le traité ;

39. Attendu que le revirement général de la pratique administrative, consécutif à ces arrêts, doit être considéré, dans les circonstances de l'espèce, comme l'application anticipée d'un amendement formel du statut des fonctionnaires, mais ne saurait être compris comme permettant une remise en cause rétroactive d'une situation résultant de décisions prises à l'égard des requérantes et devenues définitives à l'expiration des délais de recours ;

40. Attendu que ces moyens doivent donc être rejetés ;

41. Qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les recours ont été présentés hors délai et qu'ils doivent, de ce fait, être déclarés irrecevables ;

Sur les dépens

42. Attendu que les requérantes ont succombé en leurs recours ;

43. Qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;

44. Que toutefois, aux termes de l'article 70 du règlement de procédure, les frais exposés par les institutions, dans les recours des agents des Communautés, restent à la charge de celles-ci ;

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires,

Déclare et arrête :

1) Les recours sont rejetés comme irrecevables,

2) Chacune des parties supportera les dépens par elle exposés.