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Décisions

CJCE, 21 juin 2000, n° C-514/99

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

République française

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Moitinho de Almeida, Edward, Sevón, Schintgen

Juges :

MM. Kapteyn, Gulmann, La Pergola, Puissochet, Hirsch, Jann, Ragnemalm, Wathelet, Skouris, Mme Macken

Avocat général :

M. Mischo

CJCE n° C-514/99

21 juin 2000

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 décembre 1999, la République française a, en vertu de l'article 230 CE, demandé l'annulation de la décision par laquelle la Commission aurait refusé de modifier ou d'abroger sa décision 1999-514-CE, du 23 juillet 1999, fixant la date à laquelle l'expédition à partir du Royaume-Uni de produits bovins dans le cadre du régime d'exportation sur la base de la date peut commencer au titre de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98-256-CE du Conseil (JO L 195, p. 42).

2. Selon le Gouvernement français, "Cette décision a été révélée par la déclaration du 29 octobre 1999 du commissaire Byrne estimant qu'à la suite de l'avis du comité scientifique directeur (CSD) rendu le même jour il n'était pas nécessaire de 'réexaminer la décision de lever l'embargo sur les exportations de viande bovine britannique et surtout par la décision en date du 17 novembre 1999 par laquelle le collège a mis la France en demeure de se conformer à la décision 99-514 et de lever son embargo".

Les faits

3. À la suite de la découverte d'un lien probable entre une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob, maladie affectant l'être humain, et l'encéphalopathie spongiforme bovine (ci-après l'"ESB"), largement répandue à l'époque au Royaume-Uni, la Commission a adopté la décision 96-239-CE, du 27 mars 1996, relative à certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine (JO L 78, p. 47, ci-après la "décision d'embargo"), par laquelle elle a interdit au Royaume-Uni d'expédier, de son territoire vers les autres États membres et les pays tiers, notamment, des bovins vivants, de la viande bovine et des produits obtenus à partir de bovins.

4. Cette décision était fondée sur le traité CE, sur la directive 90-425-CEE du Conseil, du 26 juin 1990, relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 224, p. 29), modifiée, en dernier lieu, par la directive 92-118-CEE du Conseil, du 17 décembre 1992, définissant les conditions de police sanitaire ainsi que les conditions sanitaires régissant les échanges et les importations dans la Communauté de produits non soumis, en ce qui concerne lesdites conditions, aux réglementations communautaires spécifiques visées à l'annexe A chapitre Ier de la directive 89-662-CEE et, en ce qui concerne les pathogènes, de la directive 90-425 (JO 1993, L 62, p. 49), et notamment son article 10, paragraphe 4, ainsi que sur la directive 89-662-CEE du Conseil, du 11 décembre 1989, relative aux contrôles vétérinaires applicables dans les échanges intracommunautaires dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 395, p. 13), modifiée, en dernier lieu, par la directive 92-118, et notamment son article 9.

5. La décision d'embargo prévoyait, en son article 3, que le Royaume-Uni adresserait toutes les deux semaines à la Commission un rapport sur l'application des mesures prises en matière de protection contre l'ESB, en conformité avec les dispositions communautaires et nationales.

6. Selon l'article 4 de cette décision, le Royaume-Uni était invité à présenter de nouvelles propositions pour contrôler l'ESB sur son territoire.

7. Le septième considérant de la décision d'embargo indiquait que cette dernière devrait être revue après un examen d'un ensemble d'éléments mentionnés dans cette décision.

8. Le 16 mars 1998, le Conseil a adopté la décision 98-256-CE, concernant certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, modifiant la décision 94-474-CE et abrogeant la décision 96-239 (JO L 113,p. 32), par laquelle il a procédé à une levée de l'embargo, dans des conditions strictes, pour certaines viandes et produits de viande provenant de bovins abattus en Irlande du Nord [Export Certified Herds Scheme (régime de certification des troupeaux pour l'exportation)].

9. La reprise des exportations sous ce régime a été fixée par la décision 98-351-CE de la Commission, du 29 mai 1998, fixant la date à partir de laquelle les expéditions d'Irlande du Nord de produits provenant de bovins peuvent débuter dans le cadre du régime d'exportation de troupeaux certifiés en vertu de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98-256 (JO L 157, p. 110).

10. Par la décision 98-692-CE de la Commission, du 25 novembre 1998, modifiant la décision 98-256 (JO L 328, p. 28), le principe de l'autorisation d'expédition de produits bovins dans le cadre d'un régime d'exportation fondé sur la date (Date-Based Export Scheme - DBES, ci-après les "produits DBES") a été adopté par modification de l'article 6 de la décision 98-256. L'article 6, paragraphe 5, de cette dernière décision, tel que modifié par la décision 98-692, prévoit que la Commission, après avoir vérifié l'application de toutes les dispositions de cette décision sur la base des inspections communautaires et informé les États membres, fixe la date à retenir pour le début des expéditions des produits visés.

11. En application de cette disposition, la décision 1999-514 a fixé cette date au 1er août 1999.

12. Par lettre du 1er octobre 1999, la République française a transmis à la Commission l'avis émis par l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments (ci-après l'"AFSSA") le 30 septembre 1999, duquel il ressort que les récentes avancées scientifiques ainsi que le contexte factuel actuel soulèvent encore des questions quant à la sécurité des produits DBES. Les experts y font notamment valoir que le risque de contamination des bovins peut provenir d'une troisième voie, et non pas seulement des deux voies déjà connues, à savoir l'alimentation et la transmission maternelle. La République française a demandé que cet avis et les données sur lesquelles il était fondé soient examinés par le comité scientifique directeur (ci-après le "CSD").

13. La Commission a transmis cet avis au CSD, lui demandant de répondre aux questions suivantes:

1) Les avis et documents fournis par les autorités françaises contiennent-ils des informations scientifiques, des données épidémiologiques ou d'autres preuves qui n'auraient pas été prises en considération par le CSD?

2) Si ces documents contenaient des informations, données ou preuves, ou si le CSD avait à sa disposition une telle information nouvelle, cela nécessiterait-il un réexamen de l'un des quatre avis du CSD ayant trait directement à la justification scientifique du DBES?

3) À la lumière des réponses à la question ci-dessus, le CSD confirme-t-il (ou non) sa position que les conditions du DBES, si elles sont respectées de façon appropriée, sont satisfaisantes en ce qui concerne la sécurité de la viande ou des produits à base de viande?

14. Ces questions ont tout d'abord été examinées par le groupe spécialisé dans les encéphalopathies spongiformes transmissibles, à savoir le groupe ad hoc EST/ESB. Lors de ses réunions des 14 et 25 octobre 1999, celui-ci a examiné l'avis de l'AFSSA et n'est pas parvenu à des conclusions unanimes en ce qui concerne les questions qui lui avaient été posées par la Commission.

15. Lors de ses réunions des 28 et 29 octobre 1999, le CSD a également examiné cet avis et les questions de la Commission. Il a relevé que de nouvelles données étaient continuellement disponibles et qu'elles étaient examinées par lui ainsi que par le groupe ad hoc EST/ESB lors de leurs réunions mensuelles. Il a constaté que l'utilité de tests diagnostiques rapides n'était pas nouvelle, mais que les tests nouvellement développés n'avaient pas encore fait l'objet d'une évaluation. Cette évaluation serait complexe, mais il convenait d'y accorder une priorité. Ayant examiné les données épidémiologiques relatives à l'ESB au Royaume-Uni jusqu'à la mi-octobre 1999, il a constaté que l'incidence de la maladie continuait à décliner et qu'il n'y avait pas, dès lors, de raison de supposer l'existence d'une nouvelle voie d'infection. Il a conclu qu'il n'y avait aucune raison de réexaminer ses conclusions relatives à la justification du DBES. Il a insisté sur le fait que son évaluation du risque dépendait de l'action de la Commission et des États membres en vue de faire respecter méticuleusement les mesures proposées visant à exclure ou à limiter le risque. Il a relevé que la garantie du DBES britannique dépendait étroitement du maintien de l'interdiction de l'alimentation à partir de farines animales, de la règle des 30 mois et de la preuve claire que le risque par transmission maternelle était réduit au minimum. En conclusion, il a considéré que les mesures adoptées par le Royaume-Uni rendaient le risque du DBES britannique pour la santé de l'être humain à tout le moins comparable à celui existant dans les autres États membres.

16. Le 29 octobre 1999, jour où le CSD a rendu son avis, M. Byrne a fait une déclaration. Selon un document annexé à l'acte d'exception d'irrecevabilité déposé par la Commission, cette déclaration aurait notamment contenu les passages suivants:

"I have only received the committee's report within the past half hour. You will appreciate, therefore, that I can only comment in general on its contents.

However, I can say that the committee has confirmed that there is no need to review the decision to lift the ban on UK beef exports. This follows a very thorough examination which focuses on the concerns raised by the French authorities.

From my preliminary reading of the report, I can say that it is comprehensive, reasoned and balanced.

The Committee's conclusions have been already sent to the European Parliament and I will deal with this matter in Parliament next week.

I have made contact this evening with representatives of both the French, British and German Governements.

I expect to have discussions early next week with both Mr. Nick Brown and Mr. Jean Glavany regarding the scientific committee's opinion.

Clearly, we all need a few days to reflect on the full implications. However, I am optimistic that all will see it as a very positive development in resolving the current difficulties. I am now confident that a rapid solution is in sight.

I believe that the French and German authorities should take stock of the Committee's opinion and lift their national restrictions on import of British beef. These restrictions are no longer necessary in the light of the safeguards in place. The safeguards in question were introduced on sound scientific advice. This advice has now been re-confirmed."

("Je viens de recevoir l'avis du comité dans la demi-heure qui précède. Vous comprendrez, par conséquent, que je ne puis m'exprimer que de façon générale sur son contenu.

Cependant, je peux dire que le comité a confirmé qu'il n'était pas nécessaire de revoir la décision de lever l'embargo sur les exportations de viande bovine britannique. Cela résulte d'un examen très approfondi centré sur les préoccupations soulevées par les autorités françaises.

D'une lecture préliminaire du rapport, je peux dire qu'il est détaillé, motivé et équilibré.

Les conclusions du comité ont déjà été envoyées au Parlement européen et je traiterai de cette question au Parlement la semaine prochaine.

J'ai pris contact, ce soir, avec les représentants des Gouvernements de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne.

Je pense avoir des discussions au début de la semaine prochaine avec MM. Nick Brown et Jean Glavany au sujet de l'avis du comité scientifique.

Il est clair que nous avons tous besoin de quelques jours pour réfléchir à toutes les implications. Toutefois, je suis optimiste et je pense que tous le verront comme un développement positif en vue de résoudre les difficultés actuelles. Je pense avec confiance qu'une solution rapide est en vue.

Je crois que les autorités françaises et allemandes devraient faire le point à la suite de l'avis du comité et lever leurs restrictions nationales à l'importation du boeuf britannique. Ces restrictions ne sont plus nécessaires à la lumière des mesures de sauvegarde en place. Ces mesures en question ont été introduites à la suite d'un avis scientifique solide. Cet avis vient d'être reconfirmé.")

17. La République française n'ayant pas levé son embargo, diverses réunions ont eu lieu les 2, 5, 12 et 15 novembre 1999 entre des représentants des autorités françaises, britanniques et de la Commission.

18. Le 17 novembre 1999, la Commission a adressé à la République française une lettre de mise en demeure au sens de l'article 226 CE. La Commission y constatait, notamment, que, par son refus de permettre que le boeuf britannique conforme aux exigences communautaires soit commercialisé sur son territoire après le 1er août 1999, cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire. Par cette lettre, la Commission demandait au Gouvernement français de lui soumettre ses observations dans un délai de quinze jours et se réservait le droit, après les avoir examinées, d'émettre un avis motivé en vertu de l'article 226 CE.

La requête

19. Le recours est dirigé contre la décision de la Commission, révélée par la déclaration de M. Byrne du 29 octobre 1999 et par la décision du collège de la Commission d'adresser à la requérante une lettre de mise en demeure le 17 novembre 1999, de ne pas modifier, voire d'abroger, l'acte par lequel elle a décidé la levée de l'embargo sur la viande bovine britannique à compter du 1er août 1999 (ci-après la "décision attaquée").

20. Selon la requérante, cette décision ne peut être regardée comme constituant une simple décision confirmative dans la mesure où, à la suite de l'avis émis par l'AFSSA le 30 septembre 1999, la République française a transmis à la Commission les éléments scientifiques nouveaux sur lesquels s'était notamment fondée l'AFSSA pour émettre un avis défavorable à la levée de l'embargo.

21. Le recours est fondé sur trois moyens.

22. À titre principal, la requérante invoque la violation, par la Commission, du principe de précaution, en ce qu'elle n'aurait pas tenu compte de l'existence éventuelle d'une troisième voie de contamination, dite "transmission horizontale ou transmission par contact entre les animaux". Par ailleurs, l'incertitude quant à la distribution de l'agent infectieux dans l'organisme de l'animal au cours de la période d'incubation ne permettrait pas d'affirmer que les critères imposés pour l'exportation des bovins britanniques en termes de tissus (viandes désossées et dénervées) et d'âge de l'animal (entre 6 et 30 mois) offrent des garanties suffisantes pour assurer la protection de la santé publique.

23. La requérante invoque ensuite le caractère inadéquat de la procédure suivie par la Commission, en ce que cette dernière, d'une part, n'a pas tenu compte des opinions minoritaires exprimées au sein du groupe ad hoc EST/ESB et, d'autre part, n'a tenu compte ni de l'avis de l'AFSSA, ni des nouvelles informations scientifiques disponibles depuis la décision 1999-514 et l'avis de l'AFSSA, ni de l'abandon des règles d'étiquetage obligatoire qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2000.

24. Enfin, la requérante invoque l'insuffisance de motivation de la décision attaquée.

L'exception d'irrecevabilité

25. Conformément à l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la Commission a, par acte séparé, soulevé une exception d'irrecevabilité.

26. Elle invoque, en premier lieu, l'absence de décision de la Commission au sens de l'article 249 CE, relevant qu'aucune décision n'est jointe à la requête, ainsi que l'exige l'article 19 du statut CE de la Cour de justice, et que, même en cas d'allégation d'existence d'une décision implicite, la preuve de celle-ci incombe à la requérante.

27. S'agissant de la déclaration de M. Byrne du 29 octobre 1999, elle ne pourrait constituer une telle décision. Ce dernier n'aurait fait qu'exposer les conclusions du CSD et n'aurait pris aucune position au nom de la Commission. Par ailleurs, une modification de la décision 1999-514 aurait exigé qu'il soit recouru à la procédure de comitologie, conformément aux directives 89-662 et 90-425. Selon cette procédure, la Commission ne peut agir seule, mais est assistée obligatoirement du comité vétérinaire permanent, composé de représentants des États membres, donc aussi de la République française.

28. Quant à la décision d'envoyer une lettre de mise en demeure, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour qu'elle ne peut faire l'objet d'un recours en annulation.

29. La Commission invoque, en second lieu, le détournement de procédure, en faisant valoir que, à supposer que la République française ait été en droit d'obtenir une décision de la Commission, il s'agirait en réalité d'une omission de statuer et qu'il aurait appartenu à cet État de faire constater cette prétendue carence selon la procédure prévue à l'article 232 CE.

30. Le troisième motif d'irrecevabilité est tiré du défaut d'intérêt à agir. La décision 1999-514 ne serait en effet qu'une décision d'application des décisions précédentes, dont la République française ne demanderait pas la modification.

31. En quatrième lieu, la Commission souligne que, à supposer même qu'il y ait eu acte de la Commission, il s'agirait d'un acte confirmatif, ayant le même contenu que la décision 1999-514. L'avis du CSD établirait qu'il n'y avait pas d'éléments nouveaux. Quand bien même y en aurait-il eu, la décision alléguée de la Commission n'aurait fait que confirmer la décision précédente.

32. En dernier lieu, la Commission dénonce le caractère artificiel de la construction élaborée par le Gouvernement français dans le seul but d'éviter le problème créé par la forclusion d'un recours dirigé contre la décision 1999-514.

33. La requérante conteste l'exception d'irrecevabilité.

34. Elle maintient qu'il existe une décision de refus de modifier la décision 1999-514 et que la question essentielle en vue d'apprécier la recevabilité du recours est de déterminer si des éléments nouveaux ont été transmis. La question de savoir si les éléments transmis étaient de nature à remettre en cause la décision initiale est un élément de fond du litige, qui ne doit pas être pris en considération au stade de la recevabilité.

35. Elle conteste l'argument selon lequel il aurait fallu respecter la procédure de comitologie prévue aux directives 89-662 et 90-425. Elle souligne l'objectif de coopération et de coordination des politiques nationales et communautaires décrit à l'article 152 CE, en vue d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, et rappelle que, en application de l'article 9, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89-662, un État membre peut prendre des mesures conservatoires. Une fois adoptées, celles-ci doivent être communiquées à la Commission et aux autres États membres et, en application de l'article 9, paragraphe 4, de cette même directive, il appartient à la Commission de prendre une décision conformément à la procédure indiquée.

36. La requérante conteste le caractère artificiel du recours introduit, soulignant que, quel que soit le mode de calcul des délais, elle se trouvait toujours, le 30 septembre 1999, date à laquelle le premier avis de l'AFSSA a été rendu, dans les délais pour introduire un recours en annulation à l'encontre de la décision 1999-514. Si elle ne l'a pas fait, c'est afin de suivre la procédure normale prévue par la directive 89-662.

37. S'agissant de l'intérêt à agir, elle estime qu'il est constant qu'un État membre qui a transmis des éléments scientifiques nouveaux qu'il estime de nature à remettre en cause une décision de la Commission a un intérêt à agir contre le refus de cette dernière de modifier sa décision initiale au regard de ces éléments scientifiques.

38. La requérante conteste enfin que la voie appropriée eût été l'introduction d'un recours en carence. En effet, pour qu'il y ait carence, il faut que l'institution se soit abstenue de prendre position. En l'espèce, la Commission a pris position par la décision attaquée, position qui a été révélée par la déclaration de M. Byrne du 29 octobre 1999 et par la lettre de mise en demeure adressée aux autorités françaises.

Appréciation de la Cour

39. Conformément à l'article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque la Cour est manifestement incompétente pour connaître d'une requête ou lorsque celle-ciest manifestement irrecevable, la Cour, l'avocat général entendu, peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d'ordonnance motivée.

40. Le présent recours est introduit conformément à l'article 230 CE, qui dispose que la Cour contrôle la légalité des actes des institutions, autres que les recommandations et les avis.

41. Il est dirigé contre ce que la requérante affirme être une décision de refus de modifier la décision 1999-514, malgré les éléments prétendument nouveaux communiqués par elle à la Commission au sujet de l'existence éventuelle d'une troisième voie de contamination des bovins, mettant en cause le bien-fondé de la décision 1999-514.

42. Cette décision de refus serait implicite, mais aurait été révélée par la déclaration de M. Byrne du 29 octobre 1999 et par l'envoi par la Commission d'une lettre de mise en demeure, le 17 novembre 1999.

43. Il convient de relever que, dans cette déclaration, dont les termes ont été rapportés par la défenderesse, M. Byrne s'est livré, de façon très générale, à un compte rendu de l'avis émis par le CSD et a annoncé des négociations probables entre les autorités communautaires et celles des États membres concernés par le problème.

44. Une telle déclaration ne constitue pas une prise de position de la Commission en ce qui concerne les éléments transmis par la requérante. En effet, M. Byrne s'est contenté d'exposer l'avis du CSD et de formuler l'espoir qu'une solution soit trouvée aux difficultés ponctuelles.

45.

Elle ne peut dès lors être considérée comme exprimant une décision de refus de la Commission de modifier la décision 1999-514, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation.

46. Quant à l'envoi de la lettre du mise en demeure du 17 novembre 1999, il atteste de la volonté de faire sanctionner le manquement à l'exécution de la décision 1999-514, mais ne peut pas davantage être interprété comme révélant une décision de refus de modifier cette décision, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation.

47. L'absence d'une telle décision de refus de la part de la Commission est d'ailleurs corroborée par le fait que cette dernière n'avait pas été préalablement saisie d'une demande explicite de modification de la décision 1999-514, mais avait seulement reçu communication d'éléments prétendument nouveaux, susceptibles de modifier le contexte juridique et factuel pris en considération.

48. Si la requérante estimait que cette communication entraînait l'obligation, pour la Commission, d'adopter une décision nouvelle, il lui appartenait de suivre la procédure en carence instaurée par le traité.

49. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré manifestement irrecevable.

Sur les dépens

50. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La République française ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Ordonne:

1) Le recours est rejeté.

2) La République française est condamnée aux dépens.