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Décisions

CJCE, 31 mars 1965, n° 21-64

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Macchiorlati Dalmas & Figli SCS

Défendeur :

Haute Autorité de la CECA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes Astolfi, Ziccardi

CJCE n° 21-64

31 mars 1965

LA COUR,

Sur la recevabilité

Attendu que le recours est dirigé contre la décision du 8 avril 1964 qui impose à la requérante le paiement de majorations de retard sur les prélèvements, conformément à l'article 6 de la décision n° 3-52 ;

Que la décision n° 3-52 est fondée sur l'article 50, paragraphe 3, du traité, aux termes duquel la Haute Autorité peut infliger des majorations de retard aux entreprises qui ne respecteraient pas les décisions prises par elle en matière de prélèvement ;

Que ces majorations constituent de ce fait des sanctions pécuniaires ou astreintes au sens de l'article 36 du traité ;

Que la faculté, reconnue à la Haute Autorité par l'article 6, alinéa 3, de la décision n° 3-52, d'en faire remise partielle ou totale dans les cas où elle l'estime justifié, indique que ces majorations ne sont pas de simples intérêts moratoires ;

Qu'aux termes de l'article 36, alinéa 2, du traité, les sanctions pécuniaires peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction ;

Attendu qu'à l'appui de son recours la requérante invoque notamment le caractère irrégulier de la décision du 13 février 1959 et de certaines décisions générales en matière de prélèvements, au motif que, lesdites décisions étant le support juridique et logique de la décision attaquée, leur irrégularité doit entraîner l'annulation de celle-ci ;

Que la défenderesse excipe de l'irrecevabilité de ces moyens ;

Attendu que l'article 36, alinéa 3, du traité ne saurait permettre à un requérant de se prévaloir non seulement de l'irrégularité des décisions et recommandations générales, mais encore de l'irrégularité des décisions et recommandations dont il a été le destinataire ;

Qu'une telle interprétation serait en contradiction avec le principe consacré par l'article 33 ; qu'en effet, le délai péremptoire de recours prévu par cette disposition correspond à la nécessité d'éviter que la légalité des décisions administratives ne soit remise en cause indéfiniment ;

Que la décision du 13 février 1959 est une décision individuelle adressée à la requérante ; que le délai d'un mois prévu pour l'introduction d'un recours étant expiré, la requérante ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision par le truchement de l'article 36, alinéa 3, du traité ;

Que, dès lors, les moyens invoqués par la requérante à l'encontre de cette décision sont irrecevables ;

Attendu qu'il ne peut être excipé de l'illégalité des décisions générales que dans la mesure où il existe un lien juridique direct entre l'acte attaqué et lesdites décisions générales ;

Qu'en l'espèce, l'acte attaqué se limite à fixer le montant des sommes dues par la requérante à titre de majorations de retard, le montant des arriérés à titre principal ayant été fixé dans la décision du 13 février 1959 ;

Que, partant, aucun lien juridique direct n'existe entre la décision attaquée et les décisions générales critiquées, dans la mesure où celles-ci ont trait au taux de prélèvement et aux éléments de calcul utilisés à cet effet ;

Que, par conséquent, les moyens invoqués par la requérante à l'encontre des décisions générales concernant les prélèvements ne sont recevables que pour autant qu'ils visent les dispositions desdites décisions qui se trouvent à la base de la décision entreprise du 8 avril 1964.

Sur le fond

Quant aux conclusions principales

En ce qui concerne la décision du 8 avril 1964

1) Attendu que la requérante soutient que cette décision est irrégulière du fait qu'elle ne serait pas motivée à suffisance de droit ; qu'elle fait tout d'abord valoir que ses motifs sont confus, et cite certains passages de l'exposé des motifs pour en déduire le caractère matériellement inexact et contradictoire ;

Que cependant, si l'on replace ces passages dans leur contexte, la décision litigieuse apparaît suffisamment motivée ; qu'elle laisse en effet clairement ressortir les éléments de fait et de droit qui l'étayent ;

Que la requérante soutient ensuite que ladite décision n'expose pas les raisons pour lesquelles la Haute Autorité a estimé devoir rejeter sa demande de remise des majorations de retard présentée le 18 février 1964 ;

Que cependant, aux termes de l'article 36, alinéa 3, du traité, la Haute Autorité est obligée d'entendre les intéressés avant de prendre des sanctions pécuniaires à leur égard, mais n'est pas tenue d'expliciter les raisons pour lesquelles elle estime ne pas donner suite aux observations formulées ;

Qu'en l'espèce, la requérante a été régulièrement mise en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision attaquée ; que, d'ailleurs, les raisons pour lesquelles ces observations n'ont pas été retenues par la Haute Autorité sont implicitement énoncées dans la partie de l'exposé des motifs qui prend position au sujet des observations analogues précédemment formulées par la requérante le 20 février 1962 ;

Que, pour toutes ces raisons, le moyen n'est pas fondé ;

2) Attendu que la requérante affirme en outre que la Haute Autorité a commis un détournement de pouvoir du fait qu'elle a maintenu l'exigence du paiement des majorations de retard, alors qu'au cours de l'entretien du 21 avril 1960 elle lui aurait donné l'assurance que ces majorations seraient remises au cas où les arriérés des prélèvements seraient régulièrement payés ;

Qu'elle ajoute que c'est sur la base de ces assurances qu'elle s'est désistée dans l'affaire n° 22-59 ;

Qu'à l'appui de ce moyen, elle se réfère à une partie de la correspondance échangée entre les parties après le 21 avril 1960, et avance des offres de preuve portant sur les assurances verbales que certains fonctionnaires de la Haute Autorité lui auraient données à cet égard ;

Attendu qu'il ne ressort pas de la lettre de la Haute Autorité du 6 mai 1960 que celle-ci ait donné l'assurance d'une remise des majorations litigieuses ;

Que les règles générales de droit régissant, d'une part, l'exercice de l'Autorité administrative, et, d'autre part, la validité ou l'efficacité des transactions, auraient exigé que cette assurance eut été formellement approuvée par les autorités responsables de la Haute Autorité ;

Que ce principe vaut d'autant plus qu'en l'espèce ladite assurance aurait comporté la renonciation de la Haute Autorité à faire valoir des prétentions qui découlaient d'une décision dûment adoptée par les autorités compétentes ;

Que, par lettres du 11 mai 1960 et du 20 février 1962, la requérante a sollicité de nouveau l'exonération des majorations de retard, sans faire état de la prétendue transaction qui l'en aurait déchargée ;

Que, dans ces conditions, l'offre de preuve présentée par la requérante est devenue sans objet du fait des considérations qui précèdent ; qu'il y a donc lieu de la débouter ;

Que, pour toutes ces raisons, le moyen doit être rejeté ;

3) Attendu que la requérante fait encore valoir que la décision du 8 avril 1964 viole l'article 6 de la décision générale n° 3-52, puisque dans le calcul des majorations de retard, elle aurait arrondi leur montant vers le haut, dépassant ainsi le taux global de 1 pourcent prévu par cet article ;

Qu'en effet le montant de chaque majoration de retard aurait été arrondi tant vers le haut que vers le bas et uniquement par fractions de lires, si bien que la dette globale de la requérante se trouverait augmentée de 0,83 lire ; que cette affirmation n'a pas été contestée ;

Que, cependant, cette infime augmentation a été largement absorbée par la réduction des majorations de retard décidée par la Haute Autorité ;

Que le montant des majorations de retard ne dépasse donc pas le pourcentage de 1 pourcent fixé par l'article 6 de la décision n° 3-52 ;

Que le moyen n'est donc pas fondé.

En ce qui concerne les décisions générales n° 3-52 et n° 29-55

1) Attendu que la requérante soutient que l'article 6 de la décision n° 3-52 et la décision n° 29-55 ne respectent pas l'article 50, paragraphe 3, du traité qui fixe le taux maximum des majorations de retard ;

Que ces dispositions seraient contraires au principe général contenu dans l'article 36 du traité, suivant lequel les intéressés doivent être mis en mesure de présenter leurs observations avant d'être soumis à des sanctions pécuniaires ;

Que l'article 6 précité fixerait un taux constant pour les majorations de retard, indépendamment de la nature, de la gravité et du caractère répété de l'inexécution qu'elles sanctionnent ;

Attendu qu'en ce qui concerne le premier moyen, l'article 6 de la décision n° 3-52 fixe à 12 pourcent le taux annuel des majorations de retard, alors que l'article 50, paragraphe 3, du traité, prévoit un taux annuel maximum de 20 pourcent ;

Qu'ainsi l'article 6 précité, n'ayant pas dépassé la limite énoncée par le traité pour la fixation des majorations de retard, ne saurait être considéré comme pris en violation du traité ;

Attendu qu'en ce qui concerne le deuxième moyen, les majorations de retard n'ont pas été en l'espèce appliquées en violation de l'article 36, alinéa 3, du traité, puisque la requérante a été mise en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision individuelle du 8 avril 1964, lui infligeant les majorations litigieuses ;

Attendu, enfin, quant au troisième moyen, qu'il ressort de la décision du 14 novembre 1962, en grande partie reproduite par la décision attaquée, que le montant des majorations de retard a déjà fait l'objet d'une réduction de 2 000 000 de lires ;

Qu'ainsi la Haute Autorité a tenu compte de la situation individuelle de la requérante et des éléments pouvant justifier un aménagement du montant contesté ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter ces moyens comme non fondés ;

2) Attendu que la requérante fait encore valoir que la décision n° 3-52 serait illégale, en ce qu'elle aurait été adoptée sans la consultation préalable du Conseil spécial de ministres, prévue par l'article 50, paragraphe 2, du traité, cet article devant s'appliquer également en matière de majorations de retard ;

Que les dispositions de l'article 50, paragraphe 2, du traité ne visent que les conditions d'assiette et de perception des prélèvements ; que si le législateur avait voulu étendre la portée de ces dispositions aux majorations de retard qu'il prend en considération dans le paragraphe suivant, il l'aurait expressément mentionné ;

Que, s'agissant de dispositions prévoyant des conditions de forme substantielles pour la validité des décisions de la Haute Autorité en matière de prélèvement, on ne saurait, par voie d'interprétation, en étendre l'application à des cas non prévus par le traité ;

Que, dès lors, le moyen est dépourvu de fondement.

Quant aux conclusions subsidiaires

Attendu que la requérante conclut en outre, à titre très subsidiaire, à une réduction équitable des majorations de retard ;

Qu'à l'appui de ces conclusions, elle avance une série d'éléments de faits tels que le niveau excessif atteint par les majorations litigieuses, les dimensions modestes de l'entreprise, la régularité avec laquelle celle-ci s'est acquittée de son obligation de verser le montant de la dette principale ;

Que le niveau des majorations litigieuses ne dépasse pas le maximum prévu par l'article 50, paragraphe 3, du traité ;

Que le montant global desdites majorations, tel qu'il est réduit par la décision du 14 novembre 1962, n'est pas excessif par rapport au montant de la dette principale, ou disproportionné par rapport aux capacités économiques d'une entreprise moyenne ;

Que la requérante n'a pas apporté la preuve de l'existence de difficultés économiques particulières dans lesquelles elle se trouverait et qui seraient de nature à justifier une réduction du montant des majorations litigieuses ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de modifier l'appréciation faite par la défenderesse quant au montant de ces majorations ;

Que les conclusions de la requérante doivent donc être rejetées.

Sur les dépens

Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens de l'instance ;

Qu'en l'espèce la partie requérante a succombé dans ses moyens ;

LA COUR,

Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté ;

2) La partie requérante est condamnée aux dépens de l'instance.