CJCE, 18 mars 1980, n° 154-78
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Spa Ferriera Valsabbia, Acciaierie E Ferriere Stefana Fratelli Fu Girolamo Spa, Afim Acciaierie e Ferriere Industria Metallurgica SNC, Spa Acciaierie e Ferriere Antonio Stefana, Spa Acciaieria di Darfo, Spa Sider Camuna, Spa Metallurgica Luciano Rumi, Spa Feralpi, Ols Officine Laminatoi Sebino - Acciaierie e Ferriere Laminatoi e Trafilati, SRL, Société des Aciéries de Montereau, Eisenwerk-Gesellschaft Maximilianshutte MbH, Korf Industrie Und Handel GmbH & Co Kg
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Malaguti, Marchesini, Landriscina, Vischi, Brosio, Bolleto, Liserre, Bruckhaus, Kreifels, Winkhaus, Lieberknecht, Canenbley, Moosecker, Motzo, Gelona
LA COUR,
1. Douze entreprises productrices de ronds à béton ont introduit des requêtes, enregistrées au greffe de la Cour entre le 14 juillet 1978 et le 26 mai 1979, demandant l'annulation et éventuellement la réforme des décisions individuelles par lesquelles la Commission les avait respectivement frappées d'amendes pour infractions à la décision générale n° 962-77-CECA, du 4 mai 1977 (JO L 114, p. 1), fixant des prix minimaux pour certains fers à béton. Toutes ces entreprises ont fondé leurs recours sur l'article 36 du traité CECA en se prévalant, d'une part, de l'irrégularité de la décision générale n° 962-77-CECA dont la méconnaissance leur était reprochée et, d'autre part, d'une série de moyens visant les décisions individuelles de sanction.
2. Par ordonnance du 27 juillet 1979, la Cour a décidé, en application de l'article 43 du règlement de procédure, de joindre, aux fins de la procédure orale, neuf de ces affaires qui concernaient des entreprises de la région de Brescia, à savoir les entreprises Valsabbia (n° 154-78), Stefana Fratelli (n° 205-78), Afim (n° 206-78), Antonio Stefana (n° 226-78), Di Darfo (n° 227-78), Sider Camuna (n° 228-78), Rumi (n° 263-78), Feralpi (n° 264-78), Ols (n° 39-79). A l'audience des 17 et 18 octobre 1979, ont en outre été appelées trois affaires concernant d'autres fabricants de ronds à béton, à savoir les entreprises Montereau (n° 31-79), Maximilianshutte (n° 83-79), Korf Industrie (n° 85-79). Etant donné la similitude d'objet et la connexité de ces douze affaires, confirmées par les débats oraux, il y a lieu de les joindre aux fins de l'arrêt.
3. Les considérations parallèles qui ont été développées au cours de la procédure écrite et à l'audience se regroupent toutes autour des deux branches communes à l'ensemble des affaires : l'invocation de l'irrégularité de la décision générale en vertu de l'article 36, alinéa 3, et le recours de pleine juridiction intenté contre les décisions individuelles de sanctions pécuniaires en vertu de l'article 36, alinéa 2.
4. La première branche pose la question de la recevabilité de l'exception d'irrégularité et des moyens de méconnaissance patente et de détournement de pouvoir invoqués à son appui. Il conviendra donc de résoudre à titre préliminaire ce problème.
5. Il importera ensuite d'examiner les griefs avancés par les requérantes contre la régularité de la décision générale n° 962-77-CECA qui devra être successivement examinée au regard de l'article 61 qui est sa base légale, au regard des autres dispositions du traité CECA ainsi que des principes généraux de droit qui président à l'interprétation et à l'application dudit traité et, enfin, au regard du respect des finalités que suppose l'exercice des pouvoirs dont la Commission a usé en adoptant ladite décision générale.
6. Ce n'est qu'après cet examen de la régularité de la décision générale qu'il conviendra éventuellement d'aborder, dans la seconde branche, l'étude des décisions individuelles de sanction. A propos de celles-ci, les requérantes, invoquant la force majeure, la légitime défense ou l'état de nécessité, ont en fait toutes invoqué des faits justificatifs dont il faudra étudier la portée en droit communautaire et l'application possible en matière de respect des prix minimaux. Il importera ensuite de rechercher si les requérantes ont pu profiter d'une faculté licite d'alignement de prix. Enfin, il sera alors possible de passer à l'appréciation du montant des amendes dont l'infliction a été la cause des présents recours.
Chapitre liminaire
De la recevabilité de l'exception d'irrégularité de la décision générale n° 962-77-CECA et des moyens et arguments soulevés par les requérantes à l'appui de ladite exception
7. Il convient de distinguer deux argumentations avancées par la Commission pour conclure à l'irrecevabilité de l'exception d'irrégularité de la décision générale n° 962-77-CECA, soulevée par toutes les requérantes. La première, constituant une exception générale d'irrecevabilité, soulevée dans les conclusions écrites de la Commission, ne concerne que les affaires Antonio Stefana (n° 226-78), Di Darfo (n° 227-78), Sider Camuna (n° 228-78) et Feralpi (n° 264-78). La seconde, par contre, concerne toutes les affaires dans lesquelles la Commission, ayant invoqué son pouvoir discrétionnaire, met en cause la recevabilité de moyens qui entraîneraient une appréciation par la Cour de la situation découlant des faits ou circonstances économiques. Même si cette argumentation n'est pas assortie de conclusions formelles, elle est à relever d'office, car elle concerne la compétence même de la Cour. Il importe d'examiner séparément et successivement ces deux branches de l'argumentation de la Commission.
8. Il est à remarquer que le premier argument de la Commission revient à dire que les requérantes n'avaient pas prouvé que la décision générale lésait de manière spécifique et directe des intérêts individuels propres et qu'elles ne pouvaient donc pas mettre en cause la régularité de cette décision générale pour défaut d'intérêt.
9. Il importe de distinguer, d'une part, l'intérêt à agir contre une décision individuelle et, d'autre part, l'intérêt à invoquer, à cette occasion, une exception d'irrégularité contre la décision générale qui constitue le fondement juridique de ladite décision individuelle. Il est hors de doute que les requérantes peuvent attaquer, par recours de pleine juridiction intenté en vertu de l'article 36, alinéa 2, du traité CECA, les décisions individuelles de sanctions pécuniaires dont elles sont destinataires. Par ailleurs, le troisième alinéa du même article dispose qu'elles peuvent se prévaloir, à l'appui de ce recours, de l'irrégularité des décisions générales dont la méconnaissance leur est reprochée ; mais elles ne peuvent le faire que "dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 33", c'est-à-dire, en premier lieu, dans le cadre des cas d'ouverture du recours de légalité et en prouvant leur intérêt à agir. Les requérantes, ayant invoqué la violation des formes substantielles, la violation du droit et le détournement de pouvoir, sont donc recevables dans leur action, leur exception d'irrégularité visant clairement des moyens relatifs à la légalité de la décision générale, ce qu'il leur est loisible de faire par le jeu combiné des articles 36 et 33. En outre, il ne saurait être contesté qu'elles ont intérêt à agir puisque l'application de la décision générale litigieuse, sur laquelle sont fondées les décisions pécuniaires de sanctions, est de nature à porter atteinte à leurs intérêts. Sur ce premier point, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission doit donc être rejetée.
10. En second lieu, le renvoi par l'article 36 à l'article 33, alinéa 1, vise également et surtout la seconde phrase de ce dernier texte, en vertu duquel "l'examen de la Cour ne peut porter sur l'appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques au vu de laquelle (est) intervenue (la) décision, sauf s'il est fait grief à la Haute Autorité d'avoir commis un détournement de pouvoir ou d'avoir méconnu d'une manière patente les dispositions du traité ou toute règle de droit relative à son application".
11. La première partie de la seconde phrase de l'article 33 pose ainsi des limites au contrôle par la Cour, dans l'examen de la légalité, des choix de politique économique opérés par la Commission ; la seconde partie les fait disparaître à la condition que le requérant allègue une méconnaissance patente du traité ou un détournement de pouvoir. Selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 21 mars 1955, affaire n° 6-54, Royaume des Pays-Bas/Haute Autorité, Rec. 1954-1955, p. 201), "l'article 33 n'exige pas, quant au grief soulevé, une preuve complète et préalable, dont l'administration entraînerait d'ailleurs d'emblée l'annulation de la décision". Il faut et il suffit donc, au stade de la recevabilité des arguments destinés à faire porter l'examen de la Cour sur l'appréciation de la situation découlant des faits et circonstances économiques de l'espèce, que les griefs de méconnaissance patente ou de détournement de pouvoir se trouvent accompagnés d'indices pertinents ; une exigence plus grande reviendrait à confondre la recevabilité d'une argumentation avec la démonstration au fond ; une interprétation plus laxiste, selon laquelle la simple assertion d'un des moyens cités suffirait pour ouvrir l'accès au contrôle par la Cour de l'appréciation économique, ferait dégénérer ce moyen en clause de pur style.
12. En l'espèce, les argumentations développées au cours des procédures écrite et orale ont suffisamment prouvé la difficulté du débat pour qu'il faille reconnaître que les griefs invoqués sont étayés par des indices pertinents à première vue. Cette constatation suffit à faire admettre, sur ce point, la recevabilité des recours.
Première partie. De la régularité de la décision générale n° 962-77-CECA
Chapitre I. Au regard de l'article 61 du traité CECA
13. La décision n° 962-77-CECA ayant été prise sur la base de l'article 61 du traité, la régularité de l'application de cet article implique le respect des conditions de forme et de fond, qu'il convient d'examiner successivement.
Section 1. Du respect des conditions de forme à observer lors de l'adoption d'une mesure relevant de l'article 61
14. La décision d'imposer des prix minimaux à l'intérieur du Marché commun que peut adopter la Commission est soumise à différentes sortes de conditions de forme. Cette décision doit répondre d'abord aux conditions générales qui gouvernent la forme de toute décision prise en vertu du traité CECA et qui sont spécifiées aux articles 5 et 15 dudit traité. Ensuite, l'article 61 lui-même contient des exigences spécifiques auxquelles doit répondre la motivation des décisions qu'il prévoit. Enfin, l'article 61 prévoit certaines formalités particulières dont il exige l'observation. Ces trois séries de conditions vont être examinées respectivement dans les trois paragraphes suivants.
Paragraphe 1. Du respect des conditions générales de forme (articles 5 et 15 du traité)
15. Selon les articles 5 et 15 du traité CECA, la communauté rend publics les motifs de son action et les décisions de la Commission sont motivées et visent les avis obligatoirement recueillis.
16. Certaines requérantes soutiennent que la motivation constitue une exigence fondamentale, surtout quand il s'agit d'un acte normatif comportant l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Or, d'après elles, la motivation de la décision n° 962-77-CECA serait "déformée, incomplète et insuffisante", et en désaccord avec les objectifs du traité. Cette décision s'appuierait sur une série d'affirmations sans preuve, ne tenant pas compte de la situation économique et des conditions de production de ces requérantes. Ensuite, la Commission n'aurait pas évoqué le fait que le Comité consultatif se serait référé à l'article 54 et non à l'article 61 pour apporter une solution à la crise.
17. La Commission rejette cette argumentation en rappelant qu'à travers les "considérants" de la décision, sa motivation a rappelé que la sidérurgie était en sérieuse difficulté depuis des années et que le secteur du rond à béton connaissait une dégradation plus forte que celui de la sidérurgie en général.
18. Il est certain que les dispositions générales des articles 5 et 15 du traité prescrivent des obligations à respecter par la Commission, mais aucune précision cependant n'a été formulée, ni quant à la forme, ni quant à l'étendue de cette obligation. Raisonnablement comprises, quand il s'agit d'un acte destiné à une application générale, ces prescriptions obligent la Commission à mentionner dans les motifs de sa décision la situation d'ensemble qui a conduit à son adoption et les objectifs généraux qu'elle se propose d'atteindre.
19. Dès lors, on ne saurait exiger que la Commission spécifie les différents faits nombreux et complexes au vu desquels la décision a été adoptée, ni a fortiori qu'elle en fournisse une appréciation plus ou moins complète, ni qu'elle réfute les opinions exprimées par les organismes consultatifs.
20. La motivation de la décision n° 962-77-CECA satisfait aux exigences des articles 5 et 15 du traité CECA.
21. Cette motivation en effet part de la constatation de l'état de crise de l'industrie sidérurgique et de ses incidences sur les prix, elle mentionne l'insuccès de la planification volontaire des livraisons dans le secteur des ronds à béton, elle insiste sur les difficultés particulières que rencontre le marché de ce produit.
22. Le grief porté contre la motivation de ne pas avoir mentionné la situation économique et les conditions de production des entreprises brescianes doit être écarté par la considération que la Commission s'est placée dans la perspective de la situation globale de l'industrie communautaire du secteur, étant donné le caractère général de la décision.
23. Quant à la remarque particulière visant le fait que la consultation du Comité consultatif a eu lieu dans le cadre de l'article 54 relatif au financement communautaire de programmes d'investissement des entreprises et non pas dans celui de l'article 61, il s'agit d'une information incomplète fondée sur une résolution du 17 mars 1977 de ce comité, omettant une session postérieure au 19 avril 1977, au cours de laquelle le Comité consultatif a pris position en faveur du thème spécifique de l'instauration des prix minimaux pour ronds à béton. Il est d'ailleurs fait mention de la consultation du Conseil et d'études faites en liaison avec les entreprises dans le dernier motif de la décision.
24. Il résulte de ces constatations que la décision n° 962-77-CECA a peut-être été motivée de façon succincte mais a suffisance de droit pour une décision générale et que les exigences des articles 5 et 15 du traité ont été respectées.
Paragraphe 2. Du respect des exigences spécifiques de motivation de l'article 61
25. L'article 61 prévoit que la Commission ne peut adopter des prix minimaux à l'intérieur du Marché commun que si elle reconnaît l'existence ou l'imminence d'une crise manifeste et la nécessité d'une telle décision pour atteindre les objectifs définis à l'article 3. Il prévoit par ailleurs que, dans la fixation des prix, la Commission doit tenir compte de la nécessité d'assurer la capacité concurrentielle tant des industries du charbon ou de l'acier que des industries utilisatrices, suivant les principes définis à l'article 3, alinéa c). Ces prescriptions de l'article 61 énoncent les conditions de fond auxquelles doit satisfaire la décision de fixation des prix minimaux. Il est cependant évident qu'elles ont pour conséquence que la motivation des décisions doit faire allusion à leur réalisation, afin de permettre précisément le contrôle judiciaire au fond.
26. La motivation d'une décision de fixation des prix minimaux doit donc mentionner et justifier brièvement :
- l'existence ou l'imminence d'une crise manifeste,
- la nécessité de la décision pour atteindre les objectifs définis à l'article 3,
- le respect de la capacité concurrentielle des entreprises productrices ou utilisatrices dans la fixation des prix.
27. Les requérantes, niant la réalisation des conditions au fond (ce qui sera examiné plus loin), ont souligné la prétendue indigence de la motivation correspondante. En conséquence, il y a lieu de l'examiner.
28. L'existence d'une crise manifeste est exposée dans le premier considérant de la décision où la Commission affirme que la sidérurgie se trouve depuis plusieurs années dans de sérieuses difficultés. Elle précise que l'offre dépasse considérablement la demande, que la part du marché couverte par les importations a fortement augmenté et que les prix ont été réduits bien en-dessous des coûts de production. L'énoncé de ces trois aspects de la crise suffit à en caractériser les particularités et donc à la définir de manière adéquate sur le plan de la motivation.
29. La nécessité de la décision pour atteindre les objectifs définis à l'article 3 est affirmée par le quatrième considérant, sur la base des raisons exposées aux deuxième et troisième considérants, c'est-à-dire les tentatives précédentes de la Commission faisant appel à des engagements volontaires des entreprises, leur échec et la dégradation conséquente du marché des ronds à béton et de la situation financière des entreprises. Cet exposé de la nécessité de la décision suffit à fournir une motivation cohérente sur ce point.
30. Enfin, à propos de la fixation des prix, le respect de la capacité concurrentielle des entreprises productrices et utilisatrices est évoqué au sixième considérant qui manifeste un souci de maintien de la "souplesse du marché" dans le choix des prix de base départ parité comme prix minimaux, et enfin au dixième considérant où il est précisé que les entreprises restent libres de publier des prix de base supérieurs aux prix minimaux fixés. Il ressort, par ailleurs, a contrario du onzième considérant que subsiste la faculté d'alignement sur les prix communautaires les plus favorables, pour autant qu'ils respectent la décision sur les prix minimaux. Sur ce point, la motivation qui aurait pu, sans doute, être plus explicite est cependant suffisante.
31. Les exigences spécifiques de motivation prévues à l'article 61 ont donc été respectées à suffisance de droit.
Paragraphe 3. Du respect des conditions de forme particulières, prévues à l'article 61
32. L'article 61 entoure l'élaboration d'une décision concernant l'instauration d'un régime de prix ayant pour effet de suspendre temporairement les règles normales de fonctionnement du Marché commun de la CECA, de formes conçues pour assurer à ces mesures les garanties de circonspection et de prudence, qui doivent être considérées comme substantielles, et que, partant, la Cour doit examiner aux fins de savoir si elles ont été observées.
33. L'article 61 prescrit d'abord que la décision de la Commission portant fixation de prix minimaux soit prise :
1. Sur la base d'études faites en liaison avec les entreprises et les associations d'entreprises conformément aux articles 46, alinéa 1, et 48, alinéa 3,
2. Après consultation du Comité consultatif,
3. Après consultation du Conseil, tant sur l'opportunité de cette mesure que sur le niveau de prix qu'elle détermine.
34. La Cour a constaté plus haut que mention avait été faite, dans le dernier considérant de la décision n° 962-77-CECA, des études et consultations dont s'agit. Selon les requérantes, il y aurait cependant violation des formes substantielles, car lesdites études et consultations n'auraient pas été menées avec un soin suffisant.
35. 1) Les requérantes italiennes estiment que la Commission, d'une part, n'a pas procédé à des études préalables sérieuses qui auraient permis notamment de constater que 50 % du secteur des fers à béton n'étaient pas en crise et que, d'autre part, si des études ont été faites, elles ne l'ont pas été en liaison avec elles.
36. La Commission fait remarquer qu'en vertu des dispositions du traité CECA, et notamment de ses articles 46 et 48, elle effectue des études permanentes de l'évolution des marchés et des tendances des prix et que les entreprises sont dans l'obligation de lui faire parvenir périodiquement des renseignements concernant la modification de leurs barèmes, le montant de leurs importations et de leurs exportations. Mais, en outre, elle s'est livrée depuis 1975 à des études spécifiques concernant les prix ; c'est ainsi que dans une communication en date du 2 mai 1975, adressée à toutes les entreprises de production d'acier (JO C 100, p. 1), la Commission, invoquant la détérioration des prix des produits sidérurgiques dans la Communauté et leurs effets sur l'emploi, informe les entreprises qu'elle va renforcer ses vérifications quant au respect des règles du traité en matière de prix et qu'elle suivra avec une attention particulière l'évolution des importations d'acier dans la Communauté et leur incidence sur le niveau des prix. En outre, la Commission rappelle sa décision n° 1272-75, du 16 mai 1975 (JO L 130, p. 7), relative à l'obligation pour les entreprises de déclarer mensuellement leur production d'acier brut prévue, estimée ou réalisée, puis sa décision n° 1870-75, du 17 juillet 1975 (JO L 190, p. 26), relative à l'obligation pour les entreprises de l'industrie de l'acier de déclarer certaines données concernant l'emploi (effectifs inscrits, entrées, licenciements, réduction de la durée de travail), ensuite sa décision n° 3017-76, du 8 décembre 1976 (JO L 344, p. 24), relative à l'obligation pour les entreprises de production de déclarer mensuellement dans les plus courts délais les livraisons des principaux produits, dont les ronds à béton, qu'elles effectuent à l'intérieur du Marché commun ainsi que leurs exportations vers les pays tiers. En matière de prix, la Commission avait envisagé la mise en place d'un système de prix minimaux et, le 19 janvier 1976, le Comité consultatif délibéra sur cette opportunité (doc. N A-430-76 F) qui recueillit la majorité des voix exprimées ; en présence de ce vote au début de 1976, et aussi d'une brève amélioration de la conjoncture, la Commission ne persévéra pas dans cette voie et estima que des résultats satisfaisants pouvaient être obtenus par des interventions non-contraignantes en orientant la production et la politique des prix grâce à des engagements volontaires assumés dans le cadre des programmes prévisionnels. Dans le cadre de ce choix économique, la Commission publia une communication de caractère général (JO C 303 du 23.12.1976, p. 3), décrivant les lignes d'actions qu'elle envisageait de suivre. Cette communication couvrait tous les aspects du problème : analyse et surveillance du marché, investissements, mesures de crise spécifiques en matière de production et de prix, relations entre la Communauté et les pays tiers sur le marché de l'acier, problèmes sociaux et régionaux. Cette communication fut suivie d'une autre, faite en application de l'article 46 du traité CECA (JO C 304 du 24.12.1976, p. 5), dans laquelle, après avoir rappelé qu'elle avait fait - dans son programme prévisionnel pour le premier trimestre 1977 - des prévisions concernant les livraisons subdivisées en 6 catégories de produits, dont les ronds à béton, la Commission annonçait son intention de faire des prévisions détaillées relatives aux livraisons de ces produits sur le marché intérieur de la Communauté, en les répartissant par entreprise ou groupe d'entreprises qui seraient invités à prendre l'engagement "individuel et confidentiel" de limiter leurs livraisons aux quantités qui leur seraient communiquées.
37. Il ressort de cet exposé sur l'action de la Commission avant la décision n° 962-77-CECA, que les entreprises sidérurgiques ne pouvaient ignorer les mesures spécifiques que la Commission entendait prendre et qu'ainsi informées, elles étaient en mesure, soit individuellement, soit par la voie de leurs organisations professionnelles, de lui faire connaître leurs propositions.
38. Enfin, l'association industrielle des Bresciani, qui regroupe 40 à 50 entreprises, a été invitée à plusieurs reprises à des réunions de travail préparatoires auxquelles deux de leurs représentants ont participé, notamment à celle ayant eu lieu le 25 mars 1977, au cours de laquelle un document, portant sur les coûts de production des entreprises, le problème des barèmes, les objectifs recherchés, le mode de calcul des prix, fut discuté.
39. 2) Le Comité consultatif a été consulté tant sur l'opportunité d'instaurer des prix minimaux pour les ronds à béton à l'intérieur du Marché commun que sur le niveau de ces prix, le 19 avril 1977 (doc. N A-1730-77 F), et il s'est alors dégagé de la discussion un large consensus sur la nécessité de prendre une telle mesure ; s'y sont seuls opposés les producteurs allemands et les utilisateurs.
40. 3) Le Conseil, consulté sur les mêmes questions, a approuvé cette mesure à l'unanimité.
41. Au surplus, le Parlement européen a voté une résolution appuyant la position arrêtée par la Commission pour surmonter la crise de l'industrie sidérurgique européenne (JO C 118 du 16.5.1977, p. 56).
42. Il résulte de toutes ces constatations que les conditions de forme imposées par le traité à la Commission ont été observées et qu'aucune forme prescrite sous peine d'invalidité n'a été méconnue.
Section 2. Du respect des conditions de fond prévues à l'article 61
43. Pour fixer des prix minimaux, il est nécessaire que la Commission 1) reconnaisse l'existence ou l'imminence d'une crise manifeste, 2) reconnaisse la nécessité de l'adoption d'une telle décision pour atteindre les objectifs définis à l'article 3, et 3) tienne compte de la nécessité d'assurer la capacité concurrentielle des industries de l'acier ainsi que des industries utilisatrices suivant les principes définis à l'article 3, alinéa c.
Paragraphe 1. De l'existence ou de l'imminence d'une crise manifeste
44. Les requérantes italiennes soutiennent que les petites et moyennes entreprises fabriquant des ronds à béton n'étaient pas en crise au début de l'année 1977, grâce à leur structure, à leur spécialisation, à leur technique.
45. Ces requérantes soutiennent que le jugement à porter sur l'existence d'une "crise" devrait englober non seulement les difficultés que rencontrent les grands complexes sidérurgiques du Nord, mais encore le fonctionnement satisfaisant de plus du tiers du secteur des ronds à béton. Elles déclarent que cette situation était la conséquence du jeu de la libre-concurrence dont bénéficiaient les entreprises de pointe grâce notamment au niveau technologique auquel elles étaient parvenues, mais qu'il ne s'agissait pas d'un état de crise.
46. La Commission - elle - considère d'abord la situation de la sidérurgie à l'intérieur de la Communauté, dans son aspect global.
47. C'est au vu des circonstances économiques et des études effectuées que, prenant en considération la récession de la production des ronds à béton dans l'ensemble de la Communauté et concluant que la sidérurgie se trouvait depuis plusieurs années dans de sérieuses difficultés ayant entraîné la perte de 50 000 emplois entre juillet 1975 et fin 1977, que l'offre dépassait continuellement la demande, que la part du marché couverte par les importations avait fortement augmenté, que les prix avaient été réduits bien en-dessous des coûts de production, la Commission, tirant les conséquences qui en découlaient, a reconnu l'existence d'une crise manifeste de la production.
48. La Cour constate que l'essentiel des recours des entreprises italiennes consiste à apprécier la décision n° 962-77-CECA exclusivement au regard de la situation des mini-aciéries italiennes.
49. Certes, la Commission est obligée, en vertu de l'article 3 du traité, d'agir dans l'intérêt commun, mais ceci ne veut pas dire qu'elle doive agir dans l'intérêt de tous les assujettis sans exception car son rôle ne comporte pas l'obligation de n'agir qu'à condition qu'aucun intérêt ne soit affecté. Par contre, elle doit agir en appréciant les divers intérêts, en évitant les conséquences dommageables, si la décision à prendre le permet raisonnablement. La Commission peut, dans l'intérêt commun, user de son pouvoir de décision selon les exigences des circonstances, même au préjudice de certains intérêts particuliers.
50. En conséquence, la Commission en analysant la rupture d'équilibre entre la production et la consommation des ronds à béton comme un état de crise manifeste, en remarquant que les entreprises allemandes ont confirmé cette manière de voir, que les entreprises italiennes qui la contestaient n'ont pu prouver leur thèse d'une manière suffisante, ne fait pas reposer sa décision sur des faits ou circonstances économiques matériellement inexacts, ni sur une erreur de droit, ni sur une appréciation manifestement erronée. Elle a donc pu valablement reconnaître l'existence d'une crise manifeste.
Paragraphe 2. Du respect de l'article 3 du traité
51. Les requérantes ont insisté sur le fait qu'à leur avis, la Commission aurait méconnu simultanément et cumulativement tous les objectifs de l'article 3 énumérés de a) à g), et notamment c), dans la mesure où cette disposition impose de veiller à l'établissement des prix les plus bas, objectif qui va à l'encontre de la fixation des prix minimaux. La décision n° 962-77-CECA, ajoutent-elles, est une mesure protectionniste qui va à l'encontre du progrès économique, puisque la Commission impose de pratiquer des prix supérieurs pour tenir compte des entreprises ayant des coûts de revient plus élevés.
52. Les requérantes, en réclamant le respect simultané de quasiment tous les objectifs visés à l'article 3, posent une exigence excessive et contradictoire.
53. La jurisprudence de la Cour, dans ses arrêts Meroni & Co/Haute Autorité du 13 juin 1958 (affaire n° 9-56, Rec. 1958, p. 43) et Groupement des hauts fourneaux et aciéries belges/Haute Autorité du 21 juin 1958 (affaire n° 8-57, Rec. 1958, p. 242), note que, l'article 3 ne visant pas moins de huit objectifs distincts, il n'est pas assuré qu'ils puissent être tous, en toutes circonstances et dans leur intégralité, simultanément poursuivis.
54. Elle en a déduit que, dans la poursuite des objectifs prévus à l'article 3 du traité, la Commission doit assurer la conciliation permanente que peuvent impliquer d'éventuelles contradictions entre des objectifs considérés séparément, et lorsque pareilles contradictions sont constatées, accorder à tel ou tel des objectifs de l'article 3 la prééminence que peuvent lui paraître imposer les faits et circonstances économiques au vu desquels la Commission a arrêté sa décision.
55. Si la nécessité d'un compromis entre les divers objectifs s'impose dans une situation normale de marché, il faut l'admettre a fortiori dans un état de crise qui justifie l'adoption de mesures exceptionnelles, de caractère dérogatoire par rapport aux règles normales de fonctionnement du Marché commun de l'acier et qui entraînent à l'évidence le non-respect de certains objectifs de l'article 3, ne serait-ce que celui (c), qui demande de veiller à l'établissement des prix les plus bas.
56. C'est en vertu de son pouvoir discrétionnaire que la Commission s'est fixé trois objectifs :
- permettre aux entreprises d'obtenir un minimum de ressources financières afin de procéder aux restructurations nécessaires, ceci en application de l'article 3 c),
- maintenir le niveau de l'emploi afin de ne pas détériorer les conditions de vie et de travail de la main-d'œuvre, ceci en application de l'article 3 e),
- à long terme, maintenir une capacité de production suffisante, ceci en application de l'article 3 a), objectifs qui lui ont paru justifiés par l'intérêt commun de la profession au vu des circonstances économiques du moment. Il appartenait ainsi à la Commission, en présence de l'état de crise de l'industrie des ronds à béton, dans le cadre de mécanismes de décision créés en vue de la mise en œuvre d'une politique sidérurgique destinée à pallier un état de crise manifeste, de retenir les objectifs qu'elle estimait adaptés à l'établissement d'un programme social et structurel conforme à la dimension des problèmes qui se posaient.
57. Cet ensemble de considérations conduit à dire qu'il existe des indices adéquats pour soutenir que - dans les circonstances de l'espèce, au moment où la décision a été prise - celle-ci a respecté les objectifs définis à l'article 3 qui correspondaient à la politique économique et sociale choisie par la Commission.
58. Pour que la décision envisagée soit régulière, il faut en outre que la Commission reconnaisse la nécessité de prendre une telle décision pour atteindre les objectifs définis à l'article 3.
59. La politique anticrise dans le secteur sidérurgique se fonde sur le principe fondamental de la solidarité entre les différentes entreprises, énoncé dans le préambule du traité CECA et concrétisé notamment dans de nombreux articles tels que l'article 3 (priorité à l'intérêt commun qui présuppose le devoir de solidarité), les articles 49 et suivants (système de financement de la Communauté basé sur le prélèvement), l'article 55, paragraphe 2 (utilisation commune des résultats de la recherche en matière technique et sociale), l'article 56 (aides de reconversion et de réadaptation), article 53 (instauration de mécanismes financiers).
60. C'est en application de ce principe que la Commission a envisagé de prendre des mesures non-contraignantes destinées à établir un meilleur équilibre entre l'offre et la demande des produits sidérurgiques ; ces mesures - comme déjà exposé - se fondaient entre autres sur l'engagement des entreprises sidérurgiques communautaires de respecter des prévisions de livraison fixées par la Commission et notifiées à chaque entreprise ou groupe d'entreprises. Or, à la différence des autres produits laminés pour lesquels les engagements volontaires de réduction de la production couvraient 90 % du montant fixé par la Commission, les objectifs de livraison pour les fers à béton n'ont fait l'objet d'engagements volontaires que dans une proportion de 50 %, taux nettement insuffisant pour permettre à la profession le redressement envisagé. Il en est résulté une dégradation accentuée du marché du fer à béton. Ainsi, la nécessité d'un système obligatoire de prix pour les ronds à béton était démontrée par l'échec du système des engagements volontaires portant sur la réduction de la production, alors que, pour les autres laminés, la Commission publiait des prix d'orientation (JO L 114 du 5.5.1977, p. 18).
61. Certaines requérantes, notamment Rumi (affaire n° 263-78), estiment que la Commission a fait une appréciation erronée de la situation économique équivalant à une méconnaissance manifeste des règles du traité, en instaurant un régime de prix minimaux, alors qu'"elle aurait dû recourir à l'article 58 du traité et mettre en place un régime de quotas de production accompagné d'un ensemble de mesures d'accompagnement".
62. Pour rejeter ce reproche de non-intervention directe dans le domaine de la production, il suffit de remarquer que l'article 58 subordonne la mise en œuvre d'un régime obligatoire de quotas à la constatation que les moyens d'action indiqués à l'article 57 ne permettent pas de faire face à la crise. Or, ces modes d'action indirects comprennent les interventions en matière de prix prévues par le traité et donc, l'instauration d'un régime de prix minimaux sur la base de l'article 61, alinéa b).
63. Ainsi, sans avoir à recourir à l'argument selon lequel la Commission a, en cette matière, un large pouvoir discrétionnaire de choix économique qui ne peut être contrebattu que si elle a commis un détournement de pouvoir ou méconnu d'une manière patente les dispositions du traité, il suffit d'observer, pour déclarer ce moyen mal fondé, que la Commission ne pouvait être tenue d'instituer un régime de quotas de production qu'en cas d'impossibilité avérée de porter remède à la crise moyennant, entre autres, des interventions en matière de prix.
64. En conséquence, en mettant en balance les désavantages du système des prix minimaux et la nécessité de la mesure édictée pour atteindre les différents objectifs de l'article 3, la Commission n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en optant pour le système retenu.
Paragraphe 3. Du niveau des prix en relation avec le respect de l'article 61 du traité in fine
65. La dernière condition relative à la régularité d'une décision concernant les prix minimaux est relative à la fixation de leur niveau.
66. L'article 61, dans son avant-dernier alinéa, précise que : " dans la fixation des prix, la Commission doit tenir compte de la nécessité d'assurer la capacité concurrentielle, tant des industries du charbon ou de l'acier que des industries utilisatrices, suivant les principes définis à l'article 3, alinéa c) ", article qui prescrit, outre de veiller à l'établissement des prix les plus bas, de permettre aux entreprises d'effectuer les amortissements nécessaires et de ménager aux capitaux engagés des possibilités normales de rémunération.
67. Pour atteindre le but de la mise en ordre de la situation financière des entreprises du secteur en crise et respecter les objectifs de l'article 61, la Commission a estimé que :
a) Les prix minimaux devaient être supérieurs aux prix de marché, mais fixés à un niveau tel qu'il évite des distorsions de concurrence en faveur de la sidérurgie et au préjudice d'autres secteurs économiques, qu'il tienne compte des objectifs généraux de la politique économique et en particulier des intérêts des entreprises utilisatrices d'acier et de leur situation sur le plan de la concurrence et qu'il évite de perturber les exportations et les importations ;
b) Il importait de tenir compte des coûts de production qui varient sensiblement en raison des techniques de production mises en œuvre par les différentes entreprises dont la moitié utilisait du minerai de fer qui, entre 1975 et 1977, avait augmenté, selon les Etats membres, de 8 à 35 %, et l'autre moitié de la ferraille qui avait diminué, selon les Etats membres, de 37 à 47 %.
68. En présence des objectifs à atteindre et de la principale donnée de fait qui concerne le domaine des prix, seul élément pratiquement ouvert à la concurrence - dans le secteur des ronds à béton les différences de qualité étant pratiquement insignifiantes - il a paru raisonnable à la Commission que le prix à retenir se situe à un niveau supérieur aux prix les plus bas entre 165 et 180 Uce (Bresciani), mais inférieur aux prix les plus élevés, 253 Uce (entreprises danoises).
69. Pour le déterminer d'une manière précise, la Commission a calculé, à la date du 25 avril 1977, les prix de base par tonne et décidé de fixer le prix minimal obligatoire à l'équivalent en monnaie nationale de 198 Uce pour les barres lisses et de 205 Uce pour les barres à adhérence améliorée.
70. Les requérantes critiquent la méthode arithmétique moyenne employée pour fixer les prix minimaux ; elles estiment que, pour être conforme à l'article 3, alinéa c), du traité, le prix minimal aurait dû être fixé sur la base du prix rémunérateur minimal des entreprises communautaires, prix correspondant au point de rencontre entre la demande et l'offre et répondant aux critères de l'article 3 concernant les amortissements et la rémunération des capitaux. En fait, disent-elles, les prix minimaux retenus favoriseraient "les entreprises moins compétitives ou extra-marginales et introduiraient dans le système une forme inacceptable de protectionnisme dirigiste", alors que le rôle propre des prix minimaux est "d'empêcher les ventes à prix cassés et de limiter le risque de ventes dangereuses de la part de spéculateurs disposés à pratiquer le dumping".
71. Sur ces critiques, il faut faire remarquer que la méthode de fixation du niveau des prix procède d'un caractère discrétionnaire et technique, dominé par le principe de solidarité, le respect des critères énumérés à l'article 61, avant-dernier alinéa, et celui des formes consistant dans la consultation du Comité consultatif et du Conseil.
72. La Cour peut seulement contrôler les choix de la Commission au sens du dernier alinéa de l'article 36, lorsque l'appréciation économique laisse transparaître une violation manifeste de la norme juridique et, en l'espèce, rechercher si le niveau de prix retenu empêchait la poursuite des objectifs visés à l'article 3.
73. En fait, comme le montant des coûts de production présentait des différences notables à l'intérieur de la Communauté, le niveau des prix ne pouvait s'aligner sur les coûts des entreprises ayant la productivité la plus élevée, car cette attitude eut rendu inutile le recours à des prix minimaux, compte tenu des finalités qui leur sont assignées par le traité et le régime instauré par la décision n° 962-77-CECA.
74. En ce qui concerne la nécessité du maintien de la capacité concurrentielle des entreprises de l'acier, il peut être fait remarquer que seules les entreprises brescianes avaient des prix de barème inférieurs aux prix minimaux tandis que leurs concurrents avaient des prix de barème supérieurs aux prix minimaux imposés. Les entreprises brescianes, en vendant exactement aux prix minimaux, disposaient encore d'une possibilité de vendre moins cher ou à tout le moins aux mêmes prix que leurs concurrentes touchées par la crise ; d'ailleurs le système des prix minimaux n'a pas suscité de distorsions notables dans les courants commerciaux traditionnels par rapport au volume global des échanges de ces produits.
75. Pour les industries utilisatrices dont la capacité industrielle doit également être assurée, non seulement celles-ci avaient donné leur accord au sein du Comité consultatif au système mis en place, mais comme il apparaît que le niveau des prix minimaux est inférieur aux prix japonais et américains, elles n'ont pas été lésées dans leurs intérêts.
76. Enfin, à propos du rôle prêté par la requérante Afim (affaire n° 226-78) aux prix minimaux, qui serait d'empêcher les "prix cassés", il convient de faire remarquer que cela revient à donner à l'article 61 une finalité qu'il ne comporte pas.
77. Ainsi, compte tenu du caractère complexe des prévisions économiques que comportait la fixation du niveau des prix, il apparaît que la Commission, dans cette appréciation, a tenu compte des principes définis à l'article 3, alinéa c), du traité.
78. En conséquence, après cet examen général sur l'appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques au vu de laquelle est intervenue la décision n° 962-77-CECA, il doit être conclu que cette décision générale ne présente aucune irrégularité au regard de l'article 61 du traité CECA.
Chapitre II. Du respect des autres articles du traité et des principes généraux invoqués par les requérantes
Section 1. Du respect des articles 2, 4 et 5 du traité
79. Les requérantes soutiennent que les articles 2, 4 et 5 ont été manifestement méconnus par la décision n° 962-77-CECA. Les articles 2 et 5 énoncent en termes larges la mission que la Communauté est appelée à remplir et l'article 4 fixe les principales prohibitions liées à l'instauration et au maintien du Marché commun du charbon et de l'acier ; or, la réalisation des finalités générales de ces articles, auxquelles doit tendre toute l'action de la Communauté, aurait été mise en échec par la décision n° 962-77-CECA.
80. En soutenant cette thèse, les requérantes oublient qu'en prévoyant, dans certaines hypothèses délimitées, des interventions par voie d'autorité, le traité introduit des dérogations aux règles normales de fonctionnement du Marché commun empruntées au principe de l'économie de marché.
81. Le législateur communautaire ayant prévu la faculté de prendre une mesure du type des prix minimaux a évidemment admis la possibilité de déroger provisoirement aux mécanismes concurrentiels sous la seule condition du respect des objectifs définis à l'article 3, alinéa c).
82. Il apparaît ainsi que les conditions de l'application de l'article 61 sont réunies lorsque la décision générale respecte les seuls objectifs harmonisés de l'article 3. S'il est exact qu'outre l'article 3, les articles 2, 4 et 5 fixent les objectifs fondamentaux de la Communauté, il est bon de noter que, lorsque la Commission est autorisée à prendre une mesure exceptionnelle et dérogatoire au fonctionnement normal du marché, les dispositions du traité en vertu desquelles la mesure est prise indiquent d'une manière précise les articles qui doivent être obligatoirement observés par la Commission.
83. Il en est ainsi de l'article 53, relatif aux mécanismes financiers qui sont autorisés, lorsque la Commission reconnaît qu'ils sont nécessaires à l'exécution des missions définies à l'article 3 et compatibles avec les dispositions du traité, en particulier de l'article 65 ; de l'article 58, en matière de quotas qui sont établis, compte tenu des principes définis aux articles 2, 3 et 4 ; de l'article 66 concernant certaines autorisations délivrées à certaines entreprises à la condition de respecter le principe énoncé à l'article 4, alinéa b) ; de l'article 74 ou en matière de dumping, la Commission est habilitée à prendre toutes mesures conformes au présent traité et, en particulier à l'article 3 ; de l'article 95 visant le cas d'une décision ou recommandation à prendre non-prévue au traité et où il est obligatoire de respecter les principes tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3, 4 et 5. Il apparaît d'ailleurs de cette énumération que les exigences des dispositions du traité relatives aux principes et objectifs à maintenir pour qu'une mesure dérogatoire soit régulière, correspondent à l'importance des dérogations portant atteinte aux règles et aux mécanismes du fonctionnement normal du marché ou à l'autonomie de l'entreprise.
84. Il résulte de ces constatations que la nature même de la mesure exceptionnelle prévue par le traité, dérogatoire sur un ou plusieurs points au fonctionnement normal du marché et qui l'altère d'une manière plus ou moins profonde, a conduit à entourer ces mesures de conditions de forme et de fond astreignantes qui doivent être respectées très strictement pour assurer la régularité de la décision, et parmi elles sont énumérés limitativement les principes et les objectifs qui doivent présider obligatoirement aux modalités de la décision dérogatoire, les autres principes et objectifs définis par le traité pouvant être considérés comme étant mis en réserve pendant la durée limitée de la mise en vigueur de ladite décision dérogatoire.
85. Les dispositions de l'article 61 - ne se référant exclusivement qu'à l'article 3 du traité - doivent être interprétées en ce sens que le respect des objectifs et des principes définis à cet article assure à lui seul la régularité d'une décision de prix minimaux.
86. Il n'est donc nul besoin de rentrer dans le détail de l'argumentation des requérantes s'appuyant sur les articles 2, 4 et 5, puisque l'observation des principes définis par ces articles n'est pas exigée impérativement pour la constatation de la régularité de la décision n° 962-77-CECA.
Section 2. De la régularité de la décision n° 962-77-CECA au regard des principes généraux du droit
87. Il convient de rappeler tout d'abord que l'article 61 a pour finalité de permettre à la Communauté de surmonter des situations de crise économique en faisant application du principe de solidarité.
Paragraphe 1. Au regard du respect du droit de propriété
88. Selon certaines requérantes, le régime des prix minimaux - s'il avait été appliqué - aurait créé des conditions telles que les opérateurs auraient été privés des entreprises qui leur appartiennent, en violation de la garantie accordée au droit de propriété par le 1er protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
89. Ainsi que la Cour l'a déjà souligné dans l'arrêt Nold du 14 mai 1974 (affaire n° 4-73, Rec. 1974, p. 491), on ne saurait étendre la garantie de la propriété des biens à la protection d'intérêts d'ordre commercial dont le caractère aléatoire est inhérent à l'essence même de l'activité économique. Il est à remarquer, d'ailleurs, qu'aucune fermeture d'entreprise due à l'application de la décision n° 962-77-CECA n'a été enregistrée.
90. Ce moyen doit donc être rejeté.
Paragraphe 2. Au regard du respect du principe de proportionnalité
91. Les requérantes soutiennent que l'application de la décision n° 962-77-CECA aurait imposé des charges excessives aux entreprises les plus productives et que les sacrifices ainsi demandés à ces entreprises auraient été disproportionnés au motif que la décision était insuffisante et lacunaire :
- insuffisante, en ce sens que les Etats membres auraient mené concomitamment une politique d'aide à leurs sidérurgies nationales, que la Commission aurait, dans le même temps, décidé la canalisation des ronds à béton, par le biais de l'Ufficio coordinamento e ripartizione ordini (Ucro), en Italie, et que la Commission n'aurait pas assez rapidement mis sur pied un système de contrôle et de surveillance pour veiller à l'application de la mesure, ce qui aurait entraîné par le moyen des infractions commises l'instauration des prix de marché inférieurs aux prix minimaux ;
- lacunaire, en ce sens qu'elle n'engloberait ni les négociants, ni les importations dans le système des prix minimaux.
92. Il convient d'examiner chacun de ces griefs séparément afin de rechercher s'il concerne effectivement, soit une insuffisance, soit une lacune de la décision générale, et c'est seulement en cas de réponse affirmative à cette question préalable que la Cour devra examiner le caractère disproportionné ou non des lacunes ou insuffisances ainsi constatées.
a) Sur l'examen des différents griefs
1) Sur la compatibilité de la mesure avec les aides nationales
93. Selon les requérantes, le fait que, malgré la décision n° 962-77-CECA, certains Etats membres aient pris des mesures nationales d'aides en faveur de leur sidérurgie, prouverait que cette décision était insuffisante.
94. La Commission répond que la décision n° 962-77-CECA était certes nécessaire mais insuffisante pour réorganiser l'ensemble de la sidérurgie communautaire ; ainsi cette décision, qui n'est elle-même qu'un élément d'un plan anticrise plus vaste, n'empêche en rien que les Etats membres prennent des mesures d'aide en vue de restructurer leurs sidérurgies nationales.
95. En conséquence, des politiques nationales séparées ne démontrent pas que les mesures prises à travers la décision n° 962-77-CECA sont insuffisantes et inappropriées par rapport aux objectifs fixés par cette décision ; donc les requérantes ne sont pas fondées à invoquer ce grief.
2) Sur la compatibilité de la mesure avec la canalisation par le biais de l'Ucro
96. Les requérantes estiment que la Commission en créant l'Ucro aurait non seulement admis que la décision n° 962-77-CECA aurait été insuffisante, mais qu'en outre, la création de cet organisme aurait entraîné de facto - pour les entreprises qui en étaient membres - l'abrogation de la décision n° 962-77-CECA.
97. Il est vrai que la Commission a autorisé l'accord ayant pour objet une coordination des ventes de ronds à béton par des entreprises sidérurgiques italiennes par la décision n° 78-711-CECA du 28 juillet 1978 (JO L 238, p. 28), mais la décision générale existant lors de la création de l'Ucro n'a pu en aucune façon être abrogée par la création de cet organisme.
98. Les requérantes ne sont donc pas fondées à invoquer ce grief.
3) Sur l'insuffisance de contrôle
99. Les requérantes allemandes et françaises soutiennent que la Commission n'aurait pas contrôlé assez rapidement les agissements imputables, d'après elles, essentiellement aux Bresciani, et qu'ainsi elle n'aurait pas empêché, durant les premiers mois postérieurs à la décision n° 962-77-CECA, les entreprises brescianes de vendre à des prix inférieurs aux prix minimaux, de telle sorte que ces pratiques non-réprimées auraient entraîné un dérèglement des prix du marché forçant les autres entreprises à enfreindre également la décision n° 962-77-CECA.
100. Mais, c'est à bon droit que la Commission rappelle, tout d'abord, que les premières vérifications ont été effectuées dès juin 1977 et que des contrôles antérieurs auraient été inefficaces au motif que les pratiques du secteur sidérurgique conduisent à n'émettre les factures correspondant aux ventes que deux mois après la conclusion de celles-ci et, ensuite, qu'en vertu de ses pouvoirs et de ses moyens, elle ne pouvait pas procéder à davantage de contrôles.
101. En effet, elle a effectué, de juin 1977 à septembre 1979, 181 contrôles (dont 19 en juin et juillet 1977), elle a en outre examiné durant la même période 122 797 certificats de conformité, examen qui lui a permis également de connaître les infractions.
102. En conséquence, dans le cadre de la recherche d'éventuelles lacunes du système des prix minimaux, ce grief doit être rejeté, tout au plus peut-il être réexaminé lors de la discussion concernant les faits justificatifs invoqués par les requérantes.
4) Sur la non-application de la mesure aux négociants
103. La Commission, en n'étendant pas sa décision n° 962-77-CECA aux négociants libres, leur aurait permis de vendre en-dessous des prix minimaux en toute légalité, d'autant plus que ces négociants auraient disposé de stocks équivalant à deux mois de chiffre d'affaires de vente, et qu'ils auraient pu continuer à s'approvisionner sur le marché extérieur puisque les importations n'étaient pas soumises à la législation sur les prix minimaux ; en outre, cette pratique aurait encore été facilitée en ce qui concerne les grands groupes intégrés verticalement, dans lesquels la société-mère productrice vendrait à sa filiale-négociant aux prix minimaux, alors que celle-ci revendrait à perte en-dessous des prix minimaux ; ce comportement anti-économique aurait été rendu possible par le fait que la société-mère supporterait les pertes de sa filiale et les compenserait par ses propres ventes bénéficiaires.
104. Dans sa réponse, la Commission soutient que l'article 61 ne serait applicable qu'aux entreprises au sens de l'article 80 du traité CECA et qu'il ne concernerait donc que les producteurs et leurs organisations de vente ; en conséquence, pour soumettre les négociants libres aux prix minimaux, il aurait fallu recourir à l'article 95 du traité, mesure qui ne pouvait s'envisager que dans une deuxième étape.
105. Il est constant que la Commission n'a jamais contesté que les négociants disposaient de deux mois de stocks leur permettant de vendre en-dessous des prix minimaux et que 85 % des ventes dans la Communauté s'effectuent par leur intermédiaire, mais elle a supputé insuffisamment que ces intermédiaires allaient vendre une partie de leurs stocks en-dessous de prix minimaux.
106. Par contre, la thèse de la requérante Maximilianshutte (affaire n° 83-79) concernant la possibilité pour les négociants - filiales de producteurs - de vendre en-dessous des prix minimaux n'a été soulevée que sous forme hypothétique, sans apporter la preuve qu'un seul négociant ait agi de la sorte, en soutenant que le simple fait qu'une telle possibilité existe suffirait à prouver l'insuffisance de la décision concernée : cette absence de preuve conduit à rejeter le moyen en ce qui concerne les négociants - filiales de producteurs.
107. Il est également constant que, pour la détermination du prix résultant du jeu de l'offre et de la demande, un déplacement infime de la masse de l'offre constitue un élément de perturbation non-négligeable ; en conséquence, l'exclusion des négociants du système des prix minimaux a constitué un moyen de pression dont disposait la clientèle pour agir sur le niveau des prix et solliciter des producteurs des prix inférieurs aux prix minimaux. Ces circonstances ont placé la Commission dans l'obligation d'étendre le système des prix minimaux aux négociants par la décision n° 3002-77 du 28 décembre 1977 (JO L 352, p. 8), le système mis en place par la décision n° 962-77-CECA présentait une lacune en n'imposant pas d'emblée aux négociants libres de respecter les prix minimaux.
5) Sur la non-application de la mesure aux importations en provenance de pays tiers entraînant la possibilité concomitante d'alignement
108. Selon les requérantes, les acheteurs communautaires auraient pu s'approvisionner à des prix inférieurs aux prix minimaux en toute légalité, en recourant aux importations en provenance de pays tiers. D'après les requérantes allemandes, en utilisant cette liberté ainsi laissée à ces importations, les producteurs italiens auraient vendu leurs ronds à béton en Bavière en-dessous des prix minimaux en les faisant transiter par la Suisse, ce qui aurait eu une influence considérable sur le niveau des prix en Bavière, où il n'aurait plus été possible de vendre aux prix minimaux ; en outre, la liberté laissée en fait aux entreprises communautaires de s'aligner sur des offres de prix en provenance de pays tiers et inférieurs aux prix minimaux aurait duré jusqu'au 14 mars 1978, date de la décision n° 527-78 (JO L 73, p. 16), interdisant l'alignement sur des offres de prix en provenance de certains pays tiers.
109. En réponse à ces griefs, la Commission rappelle tout d'abord que, dans ce domaine, les articles 74 et 86 du traité ne lui permettraient pas de prendre directement des mesures interdisant les importations en provenance de pays tiers, et que, dans le cadre de ses pouvoirs, elle avait pris trois recommandations le 15 avril 1977 - soit quinze jours avant la décision n° 962-77-CECA - tendant toutes trois à lutter contre les importations en provenance de pays tiers [recommandation n° 77-328-CECA - recommandation n° 77-329-CECA - recommandation n° 77-330-CECA (JO L 114 du 5.5.1977, p. 4, 6 et 15)].
110. Il ne peut ainsi être reproché à la Commission de n'avoir pas essayé de lutter contre les importations en provenance de pays tiers. Il importe de relever au surplus que, dans ses négociations avec les pays tiers, la Commission se trouve confrontée à des difficultés non-négligeables du fait que la CECA est exportatrice nette d'acier ; dans ces conditions, elle est à la fois obligée d'assurer la poursuite des exportations communautaires que d'essayer de limiter les importations dans la Communauté et elle pouvait craindre, en prenant des décisions restrictives non-négociées à l'égard de pays tiers, de susciter de la part de ceux-ci des mesures de rétorsion préjudiciables à l'intérêt commun.
111. Quant au cas particulier des importations de ronds à béton italiens via la Suisse, la Commission soutient que, d'une part, ces importations n'auraient été anormalement élevées qu'en octobre et décembre 1977 et non de juin à septembre 1977, et que, d'autre part, dans le cadre des mesures prises contre les importations, elle aurait conclu début 1978 un accord avec la Suisse qui aurait permis de respecter les prix minimaux dans ses exportations de fers à béton vers le Marché commun.
112. Il apparaît ainsi que la Commission, dans ce cas particulier et dans les circonstances du moment, a utilisé les moyens dont elle disposait et qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir fait aucun effort pour interdire dès mai 1977 de telles importations, alors surtout que de telles interdictions ne pouvaient intervenir que dans un système négocié.
113. Néanmoins, il reste que les importations en provenance de pays tiers ont pu momentanément perturber le marché et surtout influencer les prix, d'autant plus que certaines entreprises communautaires se seraient alignées sur les offres de prix inférieures aux prix minimaux en provenance de pays tiers, dès lors que ces offres pouvaient être faites.
114. Il convient de rappeler que l'article 6, paragraphe 2, de la décision n° 962-77-CECA était déjà destiné à lutter contre de tels alignements, sur des offres de fers à béton en provenance de tous pays non-membres de la Communauté, qui ne sont autorisés que dans la mesure où les prix rendus destination ne sont pas inférieurs aux prix rendus "qui résultent d'un barème de prix communautaire plus favorable" ; ce texte empêchait donc, en fait, de vendre en-dessous des prix minimaux puisque tous les barèmes communautaire devaient comporter des prix respectant la décision n° 962-77-CECA.
115. Malgré cet article, il semblerait que des alignements aient été effectués en-dessous des prix minimaux puisque dans le deuxième considérant de la décision n° 527-78, la Commission a admis que l'expérience avait montré l'impossibilité d'obtenir le respect de ces prix minimaux lorsque les offres à des prix inférieurs et ne représentant que des quantités réduites pouvaient servir de base à des alignements et que c'est cette expérience qui a rendu nécessaire la suppression de la faculté d'alignement sur des offres de prix en provenance de certains pays tiers.
116. En conséquence, il convient d'admettre que la tolérance de fait concernant les alignements sur des offres en quantité réduite en provenance de pays tiers, jointe à la liberté d'importation, doit être retenue comme ayant été une lacune du système des prix minimaux.
b) Sur le caractère disproportionné des sacrifices imposés compte tenu des lacunes ainsi révélées
117. Il convient d'examiner maintenant si, compte tenu des lacunes constatées, les obligations imposées aux entreprises ont entraîné dans le chef des requérantes des charges disproportionnées qui constitueraient une infraction à la proportionnalité. Aux allégations des requérantes à ce sujet, la Commission répond que la validité d'une décision générale ne saurait dépendre de l'existence ou de l'absence d'autres décisions formellement indépendantes.
118. Cet argument n'est pas pertinent en l'espèce et la Cour doit rechercher si les lacunes constatées ont imposé aux requérantes des charges disproportionnées, eu égard aux objectifs fixés par la décision n° 962-77-CECA. Mais la Cour a déjà reconnu dans son arrêt du 24 octobre 1973 (affaire n° 5-73 - Balkan - Rec. 1973, p. 1091) que "si les institutions doivent veiller, dans l'exercice de leurs pouvoirs, à ce que les charges imposées aux opérateurs économiques ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs que l'autorité est tenue de réaliser, il ne s'ensuit cependant pas que cette obligation doive être mesurée par rapport à la situation particulière d'un groupe déterminé d'operateurs".
Suite des motifs sous le num.doc : 678JO154.1
119. Il apparaît que le système instauré par la décision n° 962-77-CECA a globalement fonctionné malgré les lacunes révélées et a atteint finalement les objectifs poursuivis par cette décision. S'il est exact que la lourdeur des sacrifices demandés aux requérantes a pu être aggravée par les lacunes du système, il n'en reste pas moins que cette décision n'a pas constitué une intervention démesurée et intolérable au regard du but recherché.
120. Dans ces circonstances et prenant en considération que l'objectif fixé par la décision n° 962-77-CECA répond à l'obligation faite à la Commission d'agir dans l'intérêt commun, que la nature même de l'article 61 du traité CECA entraîne nécessairement comme conséquence que certaines entreprises doivent consentir, en vertu de la solidarité européenne, davantage de sacrifices que d'autres, il ne peut être reproché à la Commission d'avoir imposé des charges disproportionnées aux requérantes.
Chapitre III. Du grief de détournement de pouvoir
121. Selon les requérantes, la décision n° 962-77-CECA serait entachée de détournement de pouvoir car la Commission aurait poursuivi un but différent de celui pour lequel l'article 61 l'autorise à fixer des prix minimaux à l'intérieur du Marché commun.
122. D'après elles, la décision avait pour buts véritables de protéger les grands complexes sidérurgiques qui étaient extra-marginaux sur le marché du rond à béton, en leur conservant leur part de marché au moyen des prix minimaux.
123. Selon elles, la restructuration du secteur - but proclamé par la Commission dans la décision n° 962-77-CECA - aurait dû s'effectuer par la loi du marché contraignant les entreprises non rentables à arrêter la production du rond à béton.
124. Par cette décision générale visant toutes les entreprises - dont la situation est bien connue de la Commission - celle-ci favoriserait donc les entreprises non productives au détriment des consommateurs et des entreprises efficaces. Elle freinerait ainsi l'expansion de celles-ci pour "casser" leur "brillante concurrence", en mettant à leur charge les conséquences d'une crise connue par d'autres "au nom d'une solidarité communautaire non définie".
125. En somme, les requérantes voient dans la mesure adoptée l'intention d'appliquer une mesure de rétorsion contre les entreprises efficaces et particulièrement celles de la zone de Brescia qui n'avaient pas accédé à l'invitation de la Commission de contingenter leur production.
126. La Commission fait remarquer que les requérantes ne procèdent à l'examen de la décision des prix minimaux qu'au regard de leur situation personnelle ; elles oublient que les institutions communautaires ont pour mission de considérer la situation d'ensemble de la sidérurgie communautaire et de prendre - selon les impératifs du traité - des mesures globales propres à résoudre les problèmes de l'ensemble de la branche d'activité concernée.
127. Elle rappelle que ses objectifs ont été clairement exposés et elle s'élève contre les allégations des Bresciani.
128. Des considérants de la décision n° 962-77-CECA, des mémoires déposés par la Commission et des débats oraux, il découle que la Commission, par cette mesure, entendait porter remède à la situation du marché des ronds à béton, en cherchant en particulier à réaliser un meilleur équilibre entre l'offre pléthorique et la demande, ainsi qu'entre les prix, de manière à augmenter le taux moyen d'utilisation de la capacité de production de l'ensemble des entreprises.
129. L'effet de la décision relative aux prix minimaux sur les petites et moyennes entreprises, comme sa répercussion sur les grands complexes sidérurgiques, découle nécessairement de cette mesure adoptée régulièrement dans une situation reconnue de crise manifeste et conforme aux objectifs définis à l'article 3 du traité, ainsi que cela a déjà été démontré. Il s'agit d'une conséquence inévitable d'une mesure légale et non du résultat d'une intention de nuire personnellement à certaines entreprises. Les requérantes n'ont d'ailleurs pas réuni le faisceau d'indices concordants qui permettrait éventuellement de conclure à un détournement de pouvoir.
130. Ainsi, les requérantes n'ont pas apporté la preuve d'une utilisation des pouvoirs de la Commission à des fins autres que celles prévues par l'article 61.
Deuxième partie. De la régularité des décisions individuelles de sanction
131. Les décisions individuelles de sanction prises par la Commission en vertu de l'article 64 du traité doivent répondre aux exigences de motivation prévues par le traité ; en outre, la Cour doit apprécier la situation des requérantes au regard de l'existence des éventuels faits justificatifs et des possibilités d'alignement que les requérantes invoquent.
Chapitre 1. Sur le défaut de motivation
132. Les requérantes exposent que les décisions individuelles ne contiennent pas de motivation adéquate, la Commission se bornant à prononcer avec automatisme une amende en se contentant de faire référence à la décision n° 962-77-CECA. Ainsi, avec une pseudo-motivation telle que "compte tenu de la nature des infractions, du montant des ventes sous-côtées ainsi que de la capacité contributive réelle de l'entreprise... ", la Commission pouvait fixer l'amende à n'importe quel montant. Les requérantes reprochent encore à la Commission de ne pas avoir répondu à leurs observations formulées lors de la procédure administrative, ce qui serait d'autant plus critiquable que l'exigence de motivation constitue la seule protection efficace des droits des assujettis.
133. La Commission fait valoir que, lorsque la motivation d'une décision individuelle rappelle les articles du traité et les décisions générales appliquées, établit les faits dans les considérants et relie logiquement le dispositif à ce qui l'a précédé, cette décision est valablement motivée.
134. La rédaction des décisions individuelles montre que la Commission a employé pour toutes les entreprises le même schéma : après avoir visé les textes du traité et les décisions applicables, elle indique dans quelles conditions les infractions auxdits textes ont été relevées, portées à la connaissance des entreprises et comment celles-ci ont présenté leurs observations. Les éléments constitutifs de l'infraction sont ensuite énumérés et l'amende qui en résulte, précisée.
135. Au vu de ce schéma, il était possible de se rendre compte que, si les requérantes rapprochaient la décision individuelle qui les frappait de la décision générale n° 962-77-CECA, elles ne pouvaient ignorer les violations des textes qui leur étaient reprochées ; dès lors, on ne peut faire grief à la Commission de n'avoir pas complété les décisions individuelles par la motivation spéciale de la décision générale dont elles portent exécution et que les intéressées ne pouvaient ignorer. D'ailleurs, l'ampleur des moyens évoqués au cours de la procédure écrite et des débats oraux par les requérantes montre que la motivation existante n'a nullement nui au développement de leur défense.
136. Ce moyen est donc dénué de fondement.
Chapitre 2. Des faits justificatifs invoqués
137. Les requérantes ont invoqué divers faits justificatifs, usant de qualifications variées pour caractériser la situation de contrainte pesant sur leur existence ou, à tout le moins, sur la continuité de leur fonctionnement, dans laquelle elles se seraient trouvées du fait de l'application de la décision n° 962-77-CECA. Elles ont classé ces excuses sous trois qualifications - la légitime défense, la force majeure et l'état de nécessité - qu'il importe d'examiner successivement.
De la légitime défense
138. En ce qui concerne la légitime défense, cette notion qui implique un acte de défense à l'encontre d'une attaque injustifiée ne peut exonérer de leur responsabilité des opérateurs économiques qui violent sciemment une décision générale dont la régularité ne prête à contestation ni en elle-même, ni au regard des faits et circonstances économiques au vu desquels elle est intervenue. En l'espèce, la décision générale n° 962-77-CECA ayant été reconnue régulière au regard des conditions de forme et fond exigées par le traité CECA, les requérantes ne sont pas fondées à invoquer la légitime défense, ce fait justificatif ne pouvant être opposé à une autorité publique agissant légitimement dans le cadre légal de ses compétences.
De la force majeure
139. Les requérantes déclarent que, du fait du comportement "d'autres producteurs" qui ne respectaient pas la décision sur les prix minimaux, elles se seraient trouvées en présence d'un cas de force majeure les contraignant à violer la décision n° 962-77-CECA pour éviter d'être exclues du marché des ronds à béton.
140. Mais la reconnaissance d'un cas de force majeure suppose que la cause extérieure invoquée par des sujets de droit ait des conséquences irrésistibles et inévitables au point de rendre objectivement impossible pour les personnes concernées le respect de leurs obligations et, en l'espèce, de ne leur laisser d'autre alternative que celle de violer la décision n° 962-77-CECA.
141. Or, il ressort des pièces produites que, sur 181 entreprises contrôlées entre juin 1977 et septembre 1979, seules 29 ont commis des infractions aux prix minimaux. En conséquence, il apparaît qu'une majorité d'entreprises s'est effectivement adaptée, soit en recourant à d'autres clientèles ou à d'autres fabrications, soit en maintenant un certain niveau de production tout en respectant les prix minimaux. La cause extérieure invoquée par les requérantes ne les plaçait donc pas dans une situation de caractère inéluctable, ce qui exclut à leur profit l'application de la notion de force majeure.
De l'état de nécessité
142. Les requérantes ont invoqué l'état de nécessité dans lequel elles se seraient trouvées et en vertu duquel elles auraient été contraintes à ne pas remplir les obligations imposées par la décision générale n° 962-77-CECA. En particulier, les requérantes italiennes affirment qu'elles n'auraient pratiquement eu aucun moyen de diminuer les coûts fixes, étant donné les risques de grève et d'agitation sociale dans l'hypothèse de licenciements et qu'ainsi, vu la perte de chiffre d'affaires, leurs existences mêmes auraient été menacées ; les requérantes Montereau et Korf estiment que le principe "nécessité fait loi" justifie leur comportement ; la requérante Maxhutte soutient que le "seul salut" de son entreprise était de reconquérir sa part de marché en vendant en-dessous des prix minimaux et estime que l'état de nécessité dans lequel elle se serait trouvée résulterait d'un ensemble de facteurs recouvrant à la fois les lacunes et insuffisances du système et le fait que Maxhutte aurait respecté les prix minimaux en juin et juillet, alors que ses concurrents ne l'auraient pas fait. Les requérantes allèguent ainsi avec des arguments diversifiés qu'elles se trouvaient en présence d'une menace grave mettant l'existence de leur entreprise en péril.
143. Mais sans qu'il y ait lieu d'examiner si la menace dont elles ont fait état pouvait provoquer un état de nécessité justifiant leur comportement, il suffit de constater qu'aucune des entreprises ayant respecté la décision générale n° 962-77-CECA n'a été en danger de faillite ou de liquidation et que si certaines des requérantes ont enregistré une diminution du volume de leurs ventes, leur existence n'a pas été réellement menacée.
144. En ce qui concerne l'entreprise Stefana Antonio qui s'est trouvée dans une situation financière particulièrement difficile, il faut noter que cette situation était due au choix du moment de la modification de ses structures et donc de son appréciation erronée d'une conjoncture défavorable connue de tous ; ce comportement personnel ne lui permet pas d'évoquer l'état de nécessité.
Chapitre 3. Sur l'alignement
145. La requérante Feralpi, rejointe par les autres requérantes italiennes sur ce point, a soutenu que son comportement aurait été licite au motif qu'elle aurait vendu des ronds à béton à des prix minimaux résultant d'alignements pratiqués conformément aux normes communautaires.
146. A cette fin, Feralpi soutient d'abord - en se fondant sur l'article 6 de la décision n° 30-53 du 2 mai 1953 (JO, p. 109), tel que modifié par l'article 2 de la décision n° 72-440-CECA du 22 décembre 1972 (JO L 297, p. 39) - qu'elle aurait le droit de s'aligner sur des prix effectivement pratiqués par d'autres entreprises communautaires, et non seulement sur des prix de barèmes d'un concurrent.
147. Mais la Commission soutient à bon droit que ledit article 6 précise que ce droit d'alignement n'existe que pour les produits pour lesquels "l'obligation de publicité des prix est supprimée ou limitée", c'est-à-dire pour des produits énumérés à l'article 8 de la décision n° 31-53 du 2 mai 1953 (JO, p. 111), tel que modifié par la décision n° 72-441-CECA du 22 décembre 1972 (JO L 297, p. 42), au nombre desquels ne figurent pas les ronds à béton.
148. En conséquence, l'alignement intracommunautaire, en ce qui concerne les ronds à béton, ne pouvait s'effectuer valablement que sur des prix de barème d'un concurrent communautaire.
149. Feralpi soutient ensuite que, jusqu'au 15 mars 1978 - date de l'entrée en application de la décision n° 527-78, portant interdiction de l'alignement sur les offres de produits sidérurgiques en provenance de certains pays tiers - il lui aurait été non seulement possible de s'aligner sur de telles offres, mais également de s'aligner sur des prix intracommunautaires préalablement alignés sur des offres de prix de pays tiers.
150. La Commission répond à cet argument en soutenant qu'un alignement sur des offres de prix en provenance de pays tiers ne serait validé que si l'entreprise notifiait la transaction dans laquelle elle a procédé à de tels alignements, dans les trois jours suivant cette transaction, conformément à l'article 1 de la décision n° 23-63 du 11 décembre 1963 (JO 187-63, p. 2976).
151. Si l'argumentation de la Commission ne visait que la régularité formelle de l'opération d'alignement, elle devrait être rejetée, car l'absence de notification ne constitue pas une infraction aux prix minimaux.
152. C'est toutefois à bon droit que la Commission soutient que la requérante aurait dû apporter la preuve qu'elle s'est alignée sur des offres de prix en provenance de pays tiers ; or, cette preuve n'ayant pas été apportée par Feralpi, il n'est donc pas possible d'admettre la validité d'un tel alignement, et a fortiori la validité d'un alignement sur une offre de prix intracommunautaire elle-même alignée préalablement - et sans que la preuve en soit fournie - sur une offre de prix en provenance d'un pays tiers.
153. Feralpi soutient, en dernier lieu, en ce qui concerne les ventes effectuées en République fédérale d'Allemagne, qu'elle se serait alignée sur des barèmes publiés par des entreprises allemandes ; ainsi elle n'aurait pas commis d'infraction aux prix minimaux, mais tout au plus, dans le cas où ces alignements seraient irréguliers, des infractions à l'article 60 du traité CECA.
154. Il convient tout d'abord de rappeler que l'article 6, alinéa 1, de la décision n° 962-77-CECA ne fait pas obstacle aux alignements "sur les prix rendus plus favorables des barèmes d'autres producteurs de la Communauté" ; toutefois, tous les barèmes des entreprises communautaires doivent être conformes à la décision instaurant les prix minimaux, et aucun alignement intracommunautaire ne donne la possibilité de vendre en-dessous des prix minimaux. Il en résulte que toute vente en-dessous des prix minimaux constitue non seulement un alignement intracommunautaire irrégulier, infraction à l'article 60 du traité CECA, mais aussi une infraction aux prix minimaux.
155. Or, Feralpi, en déduisant du prix de barème allemand, sur lequel elle a prétendu s'aligner, les frais de transport de Lonato (point de parité de Feralpi) au point de parité destination, obtenait un prix de vente "aligné" inférieur au prix résultant de l'application du barème d'une entreprise communautaire, pratique interdite par l'article 6, alinéa 1 : en conséquence, les ventes effectuées en République fédérale d'Allemagne en-dessous des prix minimaux constituent des infractions à l'article 61 du traité CECA.
Troisième partie. Sur la réduction des amendes
Chapitre 1. En général
156. Les requérantes ont demandé à titre subsidiaire, soit dans leurs conclusions, soit lors de la procédure orale, la réduction du montant de l'amende.
157. Il convient de rappeler que ces infractions ont été commises en temps de crise, crise ayant mis en péril l'existence de nombreuses entreprises du secteur et ayant entraîné la mise en place d'un plan anticrise principalement axé sur le principe de solidarité seul à même de permettre à l'ensemble du secteur de surmonter cette crise.
158. Certes, il convient de constater que, pour respecter ce principe, les entreprises les plus productives devaient accepter des sacrifices, surtout eu égard à la liberté dont jouissaient les négociants et les importateurs des pays tiers en matière de prix durant l'année 1977, période pendant laquelle la plupart des infractions relevées ont été commises.
159. Mais la Commission, en ayant décidé d'appliquer un taux d'amende relativement faible, 25 % du montant des sous-cotations aux entreprises sans problèmes financiers particuliers, 10 % du même montant aux entreprises moyennes avec bilan négatif et 1 % de ce montant aux entreprises en faillite, eu égard au taux qu'elle peut appliquer en vertu de l'article 64 du traité - le double du montant des ventes irrégulières -, a équitablement tenu compte des faits de la cause.
160. En conséquence, les demandes de réduction d'amendes des requérantes ne sont pas fondées, hormis les demandes qui vont être examinées ci-après portant sur une mauvaise application des taux fixés par la Commission ou sur d'éventuelles réductions du montant des sous-cotations.
Chapitre 2. Sur les cas particuliers
1. Antonio Stefana
161. Cette entreprise a soutenu qu'au moment où l'amende lui a été infligée, elle se serait trouvée dans une situation financière très critique, ce qui n'a pas été infirmé par la Commission ; en conséquence, et selon les critères fixés par celle-ci, c'est le taux de 10 % du montant des sous-cotations qui doit être appliqué à cette entreprise et non le taux de 25 % ; ainsi son amende doit être réduite de 50 852 000 lires à 20 340 800 lires.
2. Sur les demandes portant sur d'éventuelles réductions du montant des sous-cotations
a) Di Darfo
162. La requérante invoque tout d'abord un vice de procédure, en ce sens qu'elle n'aurait été convoquée à Bruxelles pour donner des compléments d'explications orales que le 23 juin 1978, alors que la réunion était fixée au 29 juin 1978, et que sa demande de prorogation de délai aurait reçu une réponse négative ; pour ces motifs elle demande que la décision individuelle de sanction du 18 août 1978 soit annulée, en soutenant que le refus de la Commission l'aurait empêchée de présenter valablement sa défense.
163. La Commission observe qu'elle ne serait pas obligée d'accorder audience aux parties et qu'il ne saurait ainsi y avoir de délai péremptoire de préavis ; en conséquence, il n'existerait en cette matière ni vice de procédure, ni empêchement de présenter une défense appropriée.
164. S'il est exact que l'article 36 du traité, auquel Di Darfo s'est référée, se limite à prescrire à la Commission de mettre l'intéressé en mesure de présenter ses observations avant de prendre une sanction pécuniaire, et qu'en l'occurrence, l'entreprise a pu présenter des observations écrites, il faut néanmoins observer que le délai accordé par la Commission à l'entreprise Di Darfo - concernant sa convocation à une audience à Bruxelles - aurait pu être calculé plus largement afin de ne pas affecter la possibilité, pour cette entreprise, de faire connaître utilement son point de vue sur certains documents litigieux. Cette manière d'agir n'entraîne pas cependant ipso facto l'annulation de la décision attaquée pour autant que la requérante a eu la possibilité de présenter préalablement des observations écrites, mais les documents qu'elle a omis de faire valoir dans ses observations écrites à la Commission, et qu'elle aurait voulu présenter lors de l'audience où elle n'a pas pu se rendre, doivent être pris en considération par la Cour.
165. La requérante soutient ensuite que les factures n° 1626, 1628 et 1630 - toutes trois du 2 septembre 1977 - ne concerneraient pas les ronds à béton, mais les laminés ST 37, et que ces factures n'entreraient donc pas dans le champ d'application de la décision n° 962-77-CECA. Mais la Commission ayant observé à bon droit que sur les factures figure un cachet "alignement partiel sur le barème Afim", et que ce barème ne comporte que des ronds à béton, il convient de rejeter l'argument de la requérante.
166. Elle soutient enfin que la Commission aurait inclus à tort dans les ventes incriminées des factures dont les commandes étaient effectuées antérieurement à la mise en application de la décision n° 962-77-CECA : il s'agirait de deux groupes de commandes effectuées à l'entreprise Maretto Blein par l'intermédiaire de la Spa Darma de Milan, d'une part, et à la Spa Baraclit par l'intermédiaire de l'entreprise Albani di Merate, d'autre part.
167. La Commission a rejeté cette argumentation au motif que les commandes jointes par Di Darfo en guise de preuves n'auraient pas été produites lors de l'inspection. Mais cet argument de la Commission n'est pas fondé puisque, dans ce cas particulier, il convient de prendre en considération les documents que l'entreprise a omis de présenter lors des observations écrites faites à la Commission et qu'elle n'a pas eu l'occasion de présenter ultérieurement.
168. Au cours de la procédure orale, la Commission a produit une des factures (n° 1514) pour lesquelles Di Darfo soutenait que les commandes étaient antérieures au 8 mai 1977 ; certes, cette facture est datée du 2 août 1977, mais elle ne peut en aucun cas constituer une preuve contraire aux documents produits par Di Darfo établissant que les commandes constituant un contrat - en vertu duquel les parties étaient d'accord sur le produit vendu et le prix - avaient été effectivement passées avant le 8 mai 1977.
169. En conséquence, il convient d'admettre l'argument de la requérante et d'exclure les ventes correspondant à ces commandes du nombre de celles sujettes à pénalité, celles-ci représentant 3,4 % du total, il convient de diminuer le montant de l'amende de Di Darfo de 3,4 % et donc de la réduire de 27 830 000 lires à 26 383 780 lires.
b) Rumi
170. La requérante soutient que ce serait à tort que la Commission aurait pris comme référence, pour calculer le montant des sous-cotations, le prix de 540 DM la tonne de ronds à béton, au motif qu'elle aurait vendu ses ronds à béton par alignement sur les parités de Saarbrucken et Oberhausen et que, par le jeu des frais de transport, le prix de la tonne aurait ainsi été ramené à 451,87 DM ; elle estime ainsi que le montant des sous-cotations baisserait de 200 à environ 100 millions de lires et que l'amende ne devrait être calculée que sur cette dernière somme.
171. C'est à bon droit que la Commission a observé, d'une part, que le document produit à l'appui de cette demande a trait à des ventes postérieures à celles prises en considération pour le calcul des sous-cotations, et, d'autre part, que la destination finale des produits dont il s'agit était les Pays-Bas ; dans ces conditions, un alignement sur des points de parité allemands est contraire à l'article 60 du traité, et comme cet alignement irrégulier aurait permis à la requérante de vendre en-dessous des prix minimaux, il constitue également une infraction aux prix minimaux, donc ce moyen invoqué par la société Rumi doit être rejeté.
c) Feralpi
172. La requérante soutient que la Commission lui aurait reproché à tort d'avoir pratiqué des prix inférieurs aux prix minimaux à travers un groupe de factures où ces prix litigieux seraient inscrits à la main, en prétendant que de telles annotations n'auraient aucune valeur probatoire étant donné que ces factures seraient étrangères aux rapports contractuels réels.
173. La Commission a produit des copies de télex concernant les ventes en question laissant apparaître une différence entre le prix de vente exprimé en marks allemands et conforme aux prix minimaux, et le montant destiné à être porté sur la facture exprimé en lires et inférieur aux prix minimaux.
174. Cette preuve ayant au surplus été confirmée par le témoignage écrit de l'inspecteur de la Commission, il convient en conséquence de rejeter ce moyen.
175. La requérante soutient aussi qu'elle aurait vendu des ronds à béton avec un extra de qualité dont la Commission n'aurait pas tenu compte dans le calcul du montant des sous-cotations.
176. Il convient de rappeler que l'article 2 de la décision n° 3000-77 déclare que les prix minimaux sont des prix de base, extra de qualité inclus, alors que la décision n° 962-77-CECA avait simplement déclaré dans son article 2 que les prix minimaux sont des prix de base. Dans ces conditions, à partir du 1er janvier 1978, date de la mise en vigueur de la décision n° 3000-77, les prix minimaux comprenaient les extra de qualité, alors que le montant de ces extra pouvait s'ajouter aux prix minimaux dans la décision n° 962-77-CECA.
177. Etant donné que les infractions ont été commises entre le 3 mars et le 3 mai 1978, les sous-cotations doivent être égales à la différence entre le prix minimal (extra de diamètre inclus) - et le prix de vente - auquel la transaction a été effectuée - qui comprend le prix de base et les extra de qualité.
178. En conséquence, prenant en considération la situation relevée ci-dessus, la Cour décide que l'amende est ramenée de 55 110 000 lires à 50 000 000 lires.
Sur les dépens
179. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.
180. En vertu du paragraphe 3 du même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
181. Dans les affaires n° 154-78 (Valsabbia), n° 205-78 (Stefana Fratelli), n° 206-78 (Afim), n° 227-78 (Di Darfo), n° 228-78 (Sider Camuna), n° 263-78 (Rumi), n° 264-78 (Feralpi), n° 31-79 (Montereau) - y compris le référé - n° 39-79 (Ols), n° 83-79 (Maximilianshutte), n° 85-79 (Korf Industrie), les requérantes ayant succombé dans l'essentiel de leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.
182. Dans l'affaire n° 226-78 (Antonio Stefana), la Commission ayant succombé sur la demande subsidiaire de réduction du montant de l'amende, les dépens sont compensés.
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) Les amendes infligées aux requérantes sont réduites :
- pour Antonio Stefana (n° 226-78) à 19 042 Uce, soit 20 340 800 lires,
- pour Di Darfo (n° 227-78) à 25 168 Uce, soit 26 883 780 lires,
- pour Feralpi (n° 228-78) à 46 298 Uce, soit 50 000 000 lires.
2) Les recours sont rejetés pour le surplus.
3) Les requérantes dans les affaires n° 154-78 (Valsabbia), n° 205-78 (Stefana Fratelli), n° 206-78 (Afim), n° 227-78 (Di Darfo), n° 228-78 (Sider Camuna), n° 263-78 (Rumi), n° 264-78 (Feralpi), n° 31-79 (Montereau), n° 39-79 (Ols), n° 83-9 (Maximilianshutte) et n° 85-79 (Korf Industrie) sont condamnées aux entiers dépens.
4) Dans l'affaire n° 226-78 (Antonio Stefana), les dépens sont compensés.