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Décisions

Cass. crim., 29 novembre 2005, n° 05-80.701

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Association nationale de prévention de l'alcoolisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Delbano

Avocat général :

M. Commaret

Avocats :

Mes Odent, SCP Delvolve, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

Paris, du 21 janv. 2005

21 janvier 2005

LA COUR : Sur le pourvoie former par l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13ème chambre, en date du 21 janvier 2005, qui, dans la procédure suivie contre Michel X, Jean-Claude Y, Philippe Z, Benno A, Edouard A, Olivier B, Idrissa C, Xavier D, Colette E, Michel F et Huguette G, du chef de publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique, a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 3323-4 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non constitué le délit de publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique et débouté l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme (ANPA) de l'ensemble de ses demandes ;

"aux motifs que, "contrairement à ce qu'allègue l'ANPA, la mention "Absolut vodka" est vendue chez "Colette" ou au "Folie's Pigalle" suivie de l'adresse du dépositaire en question n'est pas critiquable puisqu'elle est expressément prévue par le texte ; la mention Absolut suivie du nom de l'établissement "Absolut Colette", "Absolut Folie's Pigalle" etc... ne saurait non plus être contraire au texte, dès lors qu'elle procède de l'apposition de la marque de la boisson alcoolisée avec le nom de l'établissement qui en est le dépositaire ; la "représentation de ronds lumineux" qu'incrimine l'ANPA peut certes évoquer la nuit, mais ces cercles ne sont pas uniformes sur toutes les affiches et évoquent pour certains d'entre eux le nom, l'enseigne ou le logo de l'établissement dépositaire ; ainsi le croissant de lune en forme de C entourant la bouteille de vodka est-il le logo de la maison Castel, les deux bouteilles superposées entourées de deux halos évoquent-elles "Le Duplex", les deux cercles superposés ont été déposés à titre de marque par la société Sarah qui exploite le magasin Colette et son "water bar" ; plus généralement ces taches de lumière, s'ils font penser au monde de la nuit, font référence aux distributeurs de la boisson, qui sont tous, à l'exception de Colette, des établissements de nuit et se rattachent donc aux indications permises par la loi ; enfin les objets qui entourent la bouteille et qui sont propres à chaque établissement distributeur, symbolisent clairement cet établissement et ne sont pas de nature à inciter à la consommation de la boisson : il en est ainsi du boa de couleur rouge dans l'affiche indiquant qu'Absolut vodka est vendue au Folie's Pigalle, de l'iguana qui fait d'ailleurs partie du logo de l'établissement, de la bouée représentant "Les Bains" ou de la couronne associée au "Queen" ; l'infraction de publicité illicite n'est donc pas constituée" ;

"alors que, d'une part, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques est autorisée dans les seules conditions strictement et limitativement définies par l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique, qui n'autorise que l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ; que cette publicité peut comporter en outre des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les publicités litigieuses mentionnaient non seulement le nom et l'adresse des dépositaires, autorisés par la loi, mais en outre procédaient à des associations par jeux de mots entre le nom de la boisson et celui des marques des dépositaires et comportaient des "ronds lumineux" évoquant le monde de la nuit, ainsi que les enseignes, logos et objets propres à chacun des établissements distributeurs : boa, iguana, bouée, couronne etc, mentions n'ayant aucun rapport avec les modalités de vente ou de consommation de la boisson, objet de la publicité, ni destinées à informer le public sur les spécificités de ladite boisson, mais en réalité à créer des slogans publicitaires dans le but de renforcer le caractère attractif de la publicité en associant le nom de la boisson à des marques symbolisant la jeunesse, la consommation, le luxe, le prestige et le monde de la nuit ; qu'en refusant d'en déduire que les publicités incriminées étaient contraires aux dispositions visées au moyen, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences juridiques qui en découlaient ;

"alors que, d'autre part, il importait peu que les enseignes, logos et objets propres à chacun des établissements distributeurs ne soient pas en soi de nature à inciter à la consommation de la boisson, condition non exigée par le texte précité, et que l'arrêt attaqué ne pouvait ajouter à son application" ; - Vu l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'il a été constaté l'apposition sur des panneaux publicitaires d'abribus d'affiches vantant la boisson alcoolique "Absolut vodka" qui représentaient une bouteille de cette marque, sur un fond noir éclairé d'une ou plusieurs taches lumineuses, rondes ou en forme de croissant de lune, agrémentées d'accessoires évocateurs de la discothèque ou du bar de nuit dans lesquels l'alcool litigieux était servi, tels qu'un boa de plumes oranges pour le "Folie's Pigalle", une couronne pour le "club privé Castel", une crête d'iguane pour le café "Iguana", le titre de l'affiche étant une association de la marque de vodka et du nom de l'établissement, tels que : "Absolut Les Bains", "Absolut Colette", "Absolut Queen", "Absolut Castel" ;

Attendu que l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme (ANPA) a fait citer, du chef de publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique, Jean-Claude Y, président de la société concessionnaire des abribus, et les dirigeants des sociétés exploitant les établissements commerciaux dont les noms figuraient sur les affiches, ainsi que, en qualité de civilement responsables, les personnes morales dont les prévenus étaient les préposés ; que le tribunal correctionnel a relaxé tous les prévenus et que seule la partie civile a interjeté appel ;

Attendu que, pour débouter l'ANPA de ses demandes, l'arrêt retient que les éléments décoratifs des affiches, ainsi que les taches lumineuses, même si elles évoquent le monde de la nuit, font référence aux établissements dépositaires de la boisson alcoolique, qui sont tous des établissements de nuit à l'exception d'un seul ; que les juges en concluent que les dispositions de l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique autorisent la publicité en cause ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que le décor des affiches publicitaires montrait des éléments destinés à donner de la boisson concernée une image liée à la séduction exercée par les établissements de nuit où elle peut être consommée, éléments étrangers à la stricte indication des noms des dépositaires de ladite boisson, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris, en date du 21 janvier 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.