Cass. crim., 29 novembre 2005, n° 05-81.189
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Association nationale de prévention de l'alcoolisme
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Delbano
Avocat général :
M. Commaret
Avocats :
SCP Celice, Blancpain, Soltner, SCP Boutet, Me Odent
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : X Gérard, Y Gérard, la société Z, la société W, civilement responsables, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13ème chambre, en date du 9 février 2005, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers du chef de publicité illicite en faveur de l'alcool, a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme (ANPA) a fait constater par huissier l'apposition, dans des stations du métro parisien, d'affiches vantant le whisky William Lawson's, et qu'elle a fait citer pour publicité illicite en faveur de l'alcool, Gérard X, président du conseil d'administration de la société Z et Gérard Y, président de la société W, les personnes morales étant citées en qualité de civilement responsables ; que, sur appel de la seule partie civile du jugement de relaxe, la cour d'appel a constaté que les éléments constitutifs de l'infraction étaient réunis et a condamné solidairement les intimés à verser des dommages-intérêts à l'ANPA ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Célice, Blancpain et Soltner, pour Gérard Y et la société W, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 3323-4 et L. 3351-7 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Gérard X et la société W, civilement responsables, responsables de publicités illicites en faveur des boissons alcooliques et en conséquence les a condamnés à verser des dommages et intérêts à l'ANPA ;
"aux motifs que, contrairement à ses affirmations, Gérard Y, est le président de la société W qui exploite les produits de toutes les sociétés du groupe Bacardi-Martini, qui importe et assure la diffusion de la boisson alcoolique William Lawson's, que cette société a d'ailleurs passé commande de la publicité incriminée auprès de la société Z et qu'il a en conséquence la qualité d'annonceur des publicités en cause ;
"alors, d'une part, que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en déduisant l'imputabilité des faits litigieux à la société W de la seule référence à son objet social, sans répondre au moyen de ses conclusions qui soutenaient, preuve à l'appui, que le whisky William Lawson's ne relevait pas du panel des marques de la société Bacardi-Martini dont la société W avait la charge de la commercialisation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés aux moyens ;
"alors, d'autre part, qu'en retenant la qualité d'annonceur de Gérard Y par la considération que la société W avait passé la commande de la publicité litigieuse, cependant qu'il ressort des termes clairs et précis du bon de commande que l'annonceur était la société Bacardi-Martini, société distincte de la société W, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit bon de commande, violant les articles visés au moyen" ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que la cour d'appel a écartée par des motifs souverains répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et d'où il résulte que la société W, dont Gérard Y est le président, commercialisait en France le whisky William Lawson's, ne saurait être admis ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Boutet, pour Gérard X et la société Métro-bus Publicité, pris de la violation de l'article 111-4 du Code Pénal, des articles L. 3351-7, L. 3323-2, L. 3323-3 et L. 3323-4 du Code de la santé publique, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, dénaturation ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X et la Z responsables de publicités illicites en faveur des boissons alcooliques et les a condamnés solidairement avec Gérard Y et la société W à payer à l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme, partie civile, la somme de 30 000 euro, à titre de dommages et intérêts ;
"aux motifs que les deux affiches incriminées, décrites dans le constat de Me Valérie Guerrier, huissier de justice, en date des 20 et 21 novembre 2002, font apparaître sur le côté droit, une bouteille de whisky William Lawson's, au milieu un homme en kilt, avec la mention sur toute la largeur de l'image publicitaire, en partie médiane, de la phrase suivante, écrite en lettres majuscules sur deux lignes : "William Lawson's trop Ecossais pour vous ?" ; la première affiche "montre le torse nu d'un homme musclé portant un kilt écossais vert avec ceinture large en cuir noir et boucle à médaillon en métal ; le kilt relevé en partie sert à l'homme à porter des bûches de bois ; la photographie est coupée au niveau du cou et des cuisses de l'homme" ; que, sur le côté gauche, au niveau du kilt, figure la légende suivante : "Gordon Mac Z, responsable de la réparation des fûts en bois chez William Lawson's" ; que la seconde affiche "représente la photographie (prise de vue en contre-plongée) d'une partie des jambes d'un homme en kilt avec des chaussettes écossaises" ; qu'en bas, à gauche, figure la légende suivante : "Duncan A, responsable du vieillissement chez William Lawson's, déplace les fûts" ; que, si la reproduction d'une bouteille de whisky constitue une publicité autorisée pour une boisson alcoolique, l'image publicitaire avec la mention en haut de page de la phrase suivante, écrite en majuscules : "William Lawson's trop Ecossais pour vous ?" qui fait expressément référence à la virilité de l'écossais, en relation avec l'alcool, ne se rattache pas à l'une des informations limitativement énumérées par l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique ; que dès lors, les affiches publicitaires diffusées dans le métropolitain, aux stations Miromesnil, Richelieu-Drouot et Gare de Lyon ne respectant pas les conditions limitativement fixées par la loi, constituent bien des publicités illicites en faveur de l'alcool ; que Gérard X, président du conseil d'administration de la Z, qui exploite les emplacements publicitaires appartenant à la Régie Autonome des Transports Parisiens a donné son accord pour diffuser dans le métropolitain des publicités illicites en faveur de l'alcool et s'est personnellement rendu coupable du délit reproché ; qu'il ne pouvait méconnaître les prescriptions du Code de la santé publique et n'a pas délégué ses pouvoirs, qu'il a participé en connaissance de cause à la commission des infractions et s'est personnellement rendu coupable des délits reprochés ; qu'il ressort du témoignage de Jean-Pierre B..., président du Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) qu'il n'a pas été sollicité pour donner son avis pour les deux affiches publicitaires incriminées ;
"alors, d'une part, que la publicité pour les boissons alcooliques est autorisée dès lors qu'elle ne comporte qu'une ou plusieurs indications visées par l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique tels que, notamment, l'origine et le mode d'élaboration du produit ; que les publicités litigieuses représentent un écossais en kilt participant à la fabrication du whisky, l'un étant responsable de la réparation des fûts et l'autre de leur vieillissement, et que le slogan, "William Lawson's trop Ecossais pour vous ?", se borne à préciser l'origine écossaise du produit, le différenciant des whiskies irlandais ou américains ; que ces seules indications sont conformes à celles autorisées par le texte susvisé, qu'en déclarant lesdites affiches illicites, la Cour a dès lors violé les prescriptions légales précitées ;
"alors, d'autre part, que la licéité d'une publicité pour un produit alcoolique ne s'apprécie qu'au seul regard des indications limitativement énumérées, aucune interprétation de l'œuvre publicitaire ne pouvant concourir à la qualification de la publicité considérée ; que l'arrêt attaqué n'a pas constaté que l'une ou l'autre des indications des affiches litigieuses serait étrangère aux indications autorisées mais a seulement déduit, par une interprétation subjective de la conjonction des illustrations et du slogan précité, que ces affiches feraient "expressément référence à la virilité de l'écossais, en relation avec l'alcool" ; qu'en procédant par voie d'interprétation, la Cour a ajouté à l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique ;
"alors, enfin et en toute hypothèse que, la photographie du buste d'un homme en kilt portant du bois, avec l'indication qu'il est responsable de la réparation des fûts, ou la photographie des jambes en contre-plongée, et ce sans la moindre connotation érotique, d'un homme en kilt, avec l'indication qu'il est responsable du vieillissement, associées au slogan "William Lawson's trop Ecossais pour vous ?" n'évoque que l'origine et le mode de fabrication du produit ; qu'en affirmant que cette association feraient "expressément référence à la virilité de l'écossais, en relation avec l'alcool", la cour a dénaturé lesdites publicités" ;
Sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Célice, Blancpain et Soltner, pour Gérard Y et la société W, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 3323-4 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Gérard Y et la société W, civilement responsables, responsables de publicité illicite en faveur des boissons alcoolique et en conséquence les a condamnés à verser des dommages et intérêts à l'ANPA ;
"aux motifs que les deux affiches incriminées, décrites dans le constat de Me Valérie Guerrier, huissier de justice, en date des 20 et 21 novembre 2002, font apparaître sur le côté droit, une bouteille de whisky William Lawson's, au milieu un homme en kilt, avec la mention sur toute la largeur de l'image publicitaire, en partie médiane, de la phrase suivante, écrite en lettres majuscules sur deux lignes : "William lawson's, trop Ecossais pour vous ?" : la première affiche "montre le torse nu d'un homme musclé portant un kilt écossais vert avec une ceinture large en cuir noir et boucle à médaillon en métal ; le kilt relevé en partie sert à l'homme à porter des bûches de bois ; la photographie est coupée au niveau du cou et des cuisses de l'homme" ; que sur le côté gauche, au niveau du kilt, figure la légende suivante "Gordon Mac Z, responsable de la réparation des fûts en bois chez William Lawson's" ; que la seconde "présente la photographie (prise de vue en contre-plongée) d'une partie des jambes d'un homme en kilt avec des chaussettes écossaises" ; qu'en bas à gauche, figure la légende suivante : "Duncan A, responsable du vieillissement chez William Lawson's, déplace les fûts" ; que, si la reproduction d'une bouteille de whisky constitue une publicité autorisée pour une boisson alcoolique, l'image publicitaire avec la mention en haut de page de la phrase suivante, écrite en majuscules : "William Lawson's, trop Ecossais pour vous ?" qui fait expressément référence à la virilité de l'écossais, en relation avec l'alcool, ne se rattache pas à l'une des informations limitativement énumérées par l'article L. 3323-4 ; que, dès lors, les affiches publicitaires diffusées dans le métropolitain, aux stations Miromesnil, Richelieu-Drouot et Gare de Lyon, ne respectant pas les conditions limitativement fixées par la loi, constituent bien des publicités illicites en faveur de l'alcool ;
"alors que, le message litigieux ne fait aucune référence à une supposée "virilité de l'Ecossais qui (serait) associée à l'alcool" ; que la seule représentation d'un homme en action vêtu d'un kilt, référence culturelle et vestimentaire symbolisant l'Ecosse et donc l'origine du produit en cause, accompagnée d'un slogan destiné seulement à mettre en valeur cette origine par rapport aux whiskies ayant une autre provenance, ne permet pas de caractériser les éléments constitutifs du délit ; en sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour constater la réunion des éléments constitutifs du délit de publicité illicite en faveur de l'alcool, l'arrêt relève que la première des deux affiches incriminées montre le torse nu d'un homme musclé portant un kilt écossais relevé en partie pour porter des bûches, la photographie étant coupée au niveau du cou et des cuisses, avec la légende suivante "Gordon Mac Z, responsable de la réparation des fûts chez William Lawson's" et que la seconde affiche présente la photographie en contre-plongée d'une partie des jambes d'un homme en kilt et chaussettes écossaises, avec la légende "Duncan A, responsable du vieillissement chez William Lawson's, déplace les fûts" ; que les deux affiches comportent en outre, sur le côté, une représentation de la bouteille de whisky, et, sur toute leur largeur, le slogan "William Lawson's, trop Ecossais pour vous ?" ; que les juges énoncent que l'image et le slogan, qui font expressément référence à la virilité de l'Ecossais, en relation avec l'alcool, ne se rattachent pas à l'une des informations limitativement énumérées par l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, lorsqu'elle est autorisée, la publicité pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ; que les moyens doivent, dès lors, être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.