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Décisions

Cass. soc., 3 février 1988, n° 85-16.875

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Elf-France (Sté)

Défendeur :

Bourdon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Donnadieu (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Lesire

Avocat général :

M. Dorwling-Carter

Avocats :

SCP Labbé, Delaporte, SCP Desaché, Gatineau

Paris, du 11 juill. 1985

11 juillet 1985

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Attendu que M. Henri Bourdon, locataire-gérant d'une station-service de la société Elf-France, ayant fait l'objet le 2 novembre 1977 d'une décision d'affiliation au régime général de la sécurité sociale, la société Elf-France fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 11 juillet 1985) d'avoir maintenu cette décision, alors d'une part, que le statut social d'une personne ne peut découler que des conditions effectives dans lesquelles elle accomplit son travail et non du contenu d'une convention et que pour retenir l'existence d'un lien de subordination, les juges du fond ont relevé que celui-ci était démontré par les obligations incluses dans les contrats de location-gérance, alors de deuxième part, qu'il résultait clairement du contrat de location-gérance du 1er février 1974 comme du précédent en date du 1er février 1973 que non seulement M. Bourdon avait toute liberté d'exercer concurremment à la vente des carburants une activité de services et de vente de produits et articles divers, mais au surplus qu'il était invité à développer le plus possible une telle activité et qu'en estimant néanmoins que ses obligations contractuelles empêchaient M. Bourdon de s'y livrer, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 161, 162 et 165 du contrat de location-gérance et violé l'article 1134 du Code civil, alors, de troisième part, qu'en fondant sa décision sur les conclusions du rapport d'une expertise diligentée dans une instance prud'homale sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce rapport, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, alors de quatrième part qu'en estimant qu'à " l'évidence " les revenus retirés de l'activité de prestations de services et de la vente de produits autres que ceux de la société Elf-France ne pouvaient être moindres que les autres sans avoir recherché si cette activité ne procurait pas à l'intéressé des ressources lui permettant de se soustraire à une prétendue subordination à l'égard de la société Elf-France, la cour d'appel s'est prononcée par un motif hypothétique en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, enfin, qu'en omettant de répondre aux observations de la société Elf-France sur le rapport d'enquête administrative du 17 novembre 1981 et sur le moyen faisant valoir que, selon les affirmations de Mme Bourdon devant l'enquêteur, les bénéfices tirés de l'activité commerciale de la station-service avaient été supérieurs à ceux provenant de la vente des carburants, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir observé que les contrats de location-gérance souscrits par M. Bourdon imposaient à ce dernier un ensemble d'obligations particulièrement contraignantes qui étaient démonstratives de l'existence d'un lien de subordination envers la compagnie pétrolière et interdisaient à l'intéressé toute politique personnelle de prix, sa marge bénéficiaire sur la vente de carburants étant trop étroite, a relevé que toutes ces obligations avaient été en fait observées ; que sans dénaturer les stipulations contractuelles relatives aux ventes diversifiées, elle a estimé, à partir des éléments soumis à son appréciation et notamment du rapport d'enquête administrative du 17 novembre 1981 et d'un rapport d'expertise régulièrement versé aux débats, que l'activité de prestataire de services et de vente d'articles ou produits divers, à laquelle M. Bourdon n'était en mesure de consacrer que cinq à six heures par semaine, ne pouvait être que mineure ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées et légalement justifié sa décision sur le principe de l'assujettissement au régime général ;

Par ces motifs : Rejette le premier moyen ;

Mais sur le second moyen : - Vu les articles L. 241 et L. 242 (2°) devenus L. 311-2 et L. 311-3 (6°) du Code de la sécurité sociale ; - Attendu que pour décider que l'inscription aux organismes de travailleurs indépendants n'empêchait pas l'assujettissement durant la même période au régime général, la cour d'appel énonce essentiellement que les formalités n'ayant pas été accomplies envers toutes les caisses du régime des travailleurs non salariés, il n'existait pas de droit acquis ;

Attendu, cependant, que si le statut social d'une personne est d'ordre public et s'impose de plein droit dès que sont réunies les conditions de son application, il n'était pas discuté que M. Bourdon avait adhéré en raison de son activité de locataire-gérant aux caisses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse du régime des travailleurs non salariés et versé des cotisations à ces organismes ; que la décision administrative individuelle qui résultait de cette adhésion à des régimes autonomes s'opposait, quel que fût son bien ou mal fondé, à ce que l'immatriculation au régime général puisse mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés de l'affiliation antérieure, quand bien même l'intéressé n'aurait pas été inscrit à l'URSSAF, organisme du régime général, en vue du paiement de la cotisation d'allocations familiales ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement quant au point de départ de l'affiliation au régime général de M. Henri Bourdon du chef de son activité de locataire-gérant d'une station service de la société Elf-France, l'arrêt rendu le 11 juillet 1985, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Reims.