CA Rennes, 7e ch., 15 octobre 2003, n° 02-01644
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
AXA France IARD (SA)
Défendeur :
CMR de Bretagne ; Lemaire (Epoux) ; Etablissement Français du Sang ; Polyclinique Rennaise (SA) ; Caisse Régionale des Artisans et Commerçants de Bretagne, Aviva Assurances (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laurent
Conseillers :
Mme Lafay, M. Garrec
Avoués :
Me Gautier, Bourges, SCP Castres Colleu & Perot, SCP Chaudet & Brebion, SCP Bazille & Genicon
Avocats :
SCP Bessy & Gaborel, Mes Cartron, Billaud, Vuillemin
M. Lemaire, né le 15 octobre 1925, a subi plusieurs interventions chirurgicales pour des problèmes orthopédiques. Il a notamment été opéré le 18 janvier 1984 pour pose d'une prothèse de la hanche à la clinique Saint Vincent devenue Polyclinique Volney aux droits de laquelle vient la Polyclinique rennaise. Au cours de cette opération une transfusion de culots globulaires et de plasmas frais congelés a été pratiquée. M. Lemaire a présenté de l'asthénie et des démangeaisons à compter de l'année 1990.
En 1993 des tests ont révélé la présence d'anticorps du virus de l'hépatite C. M. Lemaire est affecté d'une cirrhose du foie.
Par jugement du 21 janvier 2002 le Tribunal de grande instance de Rennes a notamment :
retenu la responsabilité de l'établissement français du sang (EFS) et celle de la polyclinique Volney,
chiffré à 800 000 F (121 959,21 euro) le préjudice de M. Lemaire,
condamné l'EFS, la clinique et leurs assureurs à lui payer cette somme,
condamné les mêmes à payer à l'organisme social la somme de 9 048,96 euro,
condamné l'EFS à garantir la clinique et son assureur,
condamné Axa à garantir l'EFS, son assuré.
La Compagnie Axa a fait appel de cette décision. Les autres parties ont formé appels incidents ou demande additionnelle. Mme Lemaire est intervenue en appel pour demander réparation de son préjudice.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie aux dernières écritures déposées par la Compagnie Axa le 16 avril 2003, par l'EFS le 15 avril 2003, par la polyclinique rennaise et son assureur la Compagnie Aviva le 15 avril 2003, par M. Lemaire et son épouse le 2 avril 2003.
Sur ce,
Considérant que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 applicable aux instances en cours dispose qu'en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à sa date d'entrée en vigueur, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; que le doute profite au demandeur ;
Qu'il est établi que le 18 janvier 1984 M. Lemaire s'est vu injecter au moins cinq plasmas frais congelés et cinq culots globulaires ; que selon l'expert la rapidité du développement d'une cirrhose peut s'expliquer par l'âge élevé au moment de la contamination et par une consommation égale ou supérieure à 40 grammes d'alcool par jour ;
Que l'expert n'exclut donc nullement l'étiologie transfusionnelle en 1984 dans l'apparition de l'hépatite C ;
Qu'en présence d'une transfusion en 1984, d'une contamination par le virus de l'hépatite C et de l'apparition des symptômes de cirrhose hépatique en 1990 dans un délai compatible avec la date de cette transfusion, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que la contamination provient des produits sanguins ;
Considérant que l'EFS n'a pas pu effectuer d'enquête transfusionnelle complète et ne fait donc pas la preuve qui lui incombe que les produits sanguins administrés à M. Lemaire ne sont pas à l'origine de la contamination ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'EFS ;
Considérant que tant par les motifs pertinents du premier juge qu'en application de l'article 102 visé ci-dessus et de la présomption non renversée d'imputabilité de la contamination par des produits sanguins le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la clinique ; qu'il le sera également sur la garantie de l'EFS dès lors que la clinique n'avait aucun moyen de contrôler l'innocuité des produits sanguins livrés par celui-ci ;
Considérant que c'est par de justes motifs que la cour approuve que le tribunal a alloué à M. Lemaire une indemnité de 121 959,21 euro ;
Considérant que Mme Lemaire ne produit aucun élément d'appréciation relatif à son préjudice ; qu'elle est intervenue volontairement en fin de procédure et n'a donc pas souffert de sa longueur ;
Considérant qu'ajoutant au jugement il sera alloué à CMR de Bretagne la somme totale de 12 782,68 euro ;
Considérant que lorsque la loi donne à une autorité administrative compétence pour fixer les conditions d'exercice d'une profession ou d'une activité soumise à autorisation, à agrément ou à nomination par cette autorité, celle-ci peut, si la nature de la profession ou de l'activité l'exige, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, inclure au nombre de ces conditions l'obligation d'assurance ; que le contrôle exercé par l'Etat sur les centres de transfusion sanguine lui permettait de réglementer l'exercice de leur activité en étendant au profit des receveurs l'obligation d'assurance qui n 'était instituée par l'article L. 667 du Code de la santé publique qu'au profit des donneurs ; qu'il y a donc lieu de rejeter le moyen de l'EFS aux termes duquel l'assurance souscrite est une assurance non obligatoire ce qui rend nulle la clause de garantie subséquente ;
Considérant que c'est par des motifs très pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu la garantie de l'assureur ; qu'il sera simplement ajouté que le principe de non rétroactivité de la loi ne s'applique pas à l'arrêt rendu le 29 décembre 2000 par le conseil d'Etat qui a déclaré illégal l'arrêté du 27 juin 2000 en ce que le dernier alinéa de l'article 4 de son annexe comporte une clause type limitant dans le temps la garantie des centres de transfusion sanguine et que l'erreur de droit alléguée résultant d'une nouvelle jurisprudence ne saurait être cause de nullité ;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer à M. Lemaire pour l'ensemble de la procédure une somme de 4 500 euro et celle de 700 euro à CMR de Bretagne en appel ; que les autres demandes seront rejetées ;
Par ces motifs ; Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement sur les responsabilités, les préjudices et les recours en garantie. Constate que la SA Aviva assurances est anciennement Abeille assurances et que la SA Polyclinique rennaise vient aux droits de la Polyclinique Volney. Ajoutant au jugement, donne acte à Mme Lemaire de son intervention volontaire. La déboute ses demandes. Fixe à 12 782,68 euro le montant des débours de CMR de Bretagne. Condamne l'Etablissement Français du Sang, la société Axa, la SA polyclinique rennaise et la SA Aviva assurances à payer cette somme sous les garanties énoncées par le premier juge. Condamne sous les mêmes garanties l'établissement français du sang, la société Axa, la SA polyclinique rennaise et la SA Aviva assurances à payer à M. Lemaire la somme de 4 500 euro pour l'ensemble de la procédure et à CMR de Bretagne celle de 700 euro pour les frais d'appel en sus de 304,90 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne les mêmes sous les mêmes garanties aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.