CA Amiens, 1re ch., 29 janvier 2004, n° 01-04367
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Legloahec (Epoux)
Défendeur :
Bernhard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lannuzel
Conseillers :
M. Bougon, Mme Delon
Avoués :
SCP Selosse Bouvet, André, SCP Le Roy
Avocats :
Me Challan-Belval, SCP Sablon-Leeman-Berthaud
Vu l'arrêt rendu le 24 octobre 2003 par cette chambre de la présente cour ordonnant la réouverture des débats en invitant les parties à présenter leurs observations sur l'intérêt de Mme Legloahec agissant en qualité de représentante légale de Benjamin Legloahec à relever appel du jugement rendu le 17 septembre 2001 par le Tribunal de grande instance de Beauvais et sur les conséquences d'un éventuel défaut d'intérêt sur la recevabilité de l'appel et de l'intervention volontaire de M. Benjamin Legloahec devenu majeur;
Vu les conclusions de Mme Legloahec et de M. Benjamin Legloahec du 17 novembre 2003 demandant à la cour, déclarant l'appel recevable et infirmant le jugement déféré, à titre principal, de dire irrecevable la demande de M. Bernhard, l'objet du litige ayant disparu, à titre subsidiaire, de la dire irrecevable faute d'avoir été formulée à bref délai et pour le vice allégué d'être caché, de la déclarer mal fondée de l'absence d'erreur ou de dol affectant le consentement de l'acquéreur, à titre plus subsidiaire de réduire le montant de la somme réclamée par ce dernier et, en tout état de cause, de le condamner à une double indemnité de 500 euro, d'une part, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et, d'autre part, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les écritures de M. Bernhard du 7 novembre 2003 demandant à la cour, à titre principal, de déclarer irrecevable l'appel de Mme Legloahec, agissant ès qualités de représentante légale de Benjamin Legloahec, ainsi que l'intervention volontaire de celui-ci et, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement querellé en condamnant Mme Legloahec à lui payer la somme de 1 550 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Sur ce :
Attendu qu'aux termes de ses dernières conclusions Mme Legloahec fait valoir que l'indication dans l'acte d'appel de ce qu'elle agissait en qualité de représentant légale de Benjamin Legloahec résulte d'une simple erreur matérielle n'emportant pas irrecevabilité de l'appel dès lors qu'elle avait été réparée par les écritures ultérieurement prises en son nom propre; qu'il ressort en effet des écritures déposées dans l'intérêt de l'appelante dès le 19 mars 2002 que celle-ci ne conclut plus qu'en son nom personnel, mention de sa qualité de représentante légale de Benjamin Legloahec ne figurant pas davantage sur ses conclusions des 15 octobre 2002 ou 25 février 2003 et naturellement sur celles du 17 novembre 2003 ; qu'il y a ainsi lieu de retenir, comme le demande Mme Legloahec que l'irrégularité de la déclaration d'appel a été couverte et de déclarer l'appel recevable;
Attendu que l'argumentation développée par l'appelante quant à la régularité de son recours emporte reconnaissance par celle-ci de sa qualité de venderesse de la motocyclette cédée à M. Bernhard le 27 novembre 1999, cette qualité étant par ailleurs parfaitement établie par l'attestation qu'elle a rédigé à cette date dont elle ne conteste pas l'authenticité et dont les termes indiquent :"Je soussigné Legloahec Corinne avoir vendu pour la somme de 7 000 F une moto PW 80 cm3 Yamaha.... à M. Bernhard" ; que l'intervention volontaire à la procédure d'appel de M. Benjamin Legloahec est ainsi sans objet;
Attendu qu'il résulte des écritures de M. Bernhard tant en première instance qu'en cause d'appel que celui-ci sollicite l'annulation de la vente intervenue le 27 novembre 1999, à titre principal, sur le fondement des articles 1109 et 1110 du Code civil pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et seulement à titre subsidiaire ou infiniment subsidiaire sur celui des articles 1641 et suivants ou 1116 du même Code d'abord en raison de l'existence d'un vice caché au moment de la vente et ensuite en invoquant un dol imputable à Mme Legloahec, venderesse ; que la cour est ainsi tenue de se prononcer sur l'existence, invoquée à titre principal, d'une erreur sur les qualités substantielles de la motocyclette acquise par M. Bernhard avant, si ce premier moyen n'était pas retenu d'examiner, le cas échéant successivement, les griefs tenant au vice caché et au dol allégués qui ne sont invoqués qu'à titre subsidiaire par l'acquéreur;
Attendu que Mme Legloahec soutient que la perte de la motocyclette par M. Bernhard à la suite du vol dont elle a fait l'objet le 22 avril 2001, lequel en empêche la restitution, constitue une fin de non-recevoir à la demande en nullité de la vente formée par l'intimé ; que cependant l'impossibilité de restituer en nature la chose vendue n'empêche pas celui qui est en droit d'invoquer la nullité de la vente de le faire, la restitution, en cas d'annulation de la cession, pouvant être effectuée sous forme d'une indemnité compensatrice lorsque le vendeur établit que les conditions d'octroi de celle-ci sont réunies ; que la cour observe que Mme Legloahec forme au demeurant, à titre subsidiaire, une demande tendant à la réduction du montant de la somme réclamée par M. Bernhard au titre de la restitution du prix de vente en raison du vol précité ; que la demande en nullité de le vente présentée par M. Bernhard est recevable;
Attendu que selon les articles 1109 et 1110 du Code civil l'erreur, vice du consentement, n'est cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet; que cette nullité est alors encourue indépendamment de toute manœuvre du cocontractant pour induire en erreur;
Attendu qu'en l'espèce, alors qu'ainsi l'ignorance dans laquelle la venderesse se serait trouvée de l'année modèle réelle de la motocyclette objet de la vente du 27 novembre 1999 comme l'absence de toute manœuvre dolosive sont sans incidence sur l'appréciation de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue alléguée par M. Bernhard, il ressort du texte de l'annonce correspondant à l'engin acquis par ce dernier ainsi libellé "Vds YAM PW 80 en 1996, TBE, nbses pces, peint. nve, Rech 50 à vitesse, px: 7 000 F à/d - < tél > Dépt 60" qu'un lecteur de celle-ci pouvait légitimement penser que "1996" correspondait à l'année d'origine de la motocyclette, Mme Legloahec ne pouvant sérieusement prétendre que la mention "en 1996" devait être perçue comme signifiant "état neuf en 1996" une telle précision n'étant d'aucune utilité pour une vente intervenant trois années plus tard pour laquelle seul l'état contemporain à celle-ci importe alors qu'au surplus aucune des annonces, toutes relatives à des ventes de motocyclette, figurant sur la même page que celle litigieuse ne comporte une telle abréviation et que les deux exemples de cette abréviation produits par l'appelante sont complétés par l'indication de l'année modèle ce qui dans ce cas exclut toute possibilité d'erreur; que M. Bernhard pouvait d'autant plus être persuadé que la motocyclette en cause était un modèle 1996 que ses couleurs bleue et blanche correspondaient à celles utilisées par le constructeur pour ladite année, la précision "peint. nve" donnée par l'annonce n'impliquant pas que la couleur d'origine a été modifiée mais seulement que l'engin a été repeint peu avant la vente ; que par ailleurs si selon le rapport de l'expert mandaté par M. Bernhard l'ancienne couleur rose correspondant à des modèles des années antérieures pouvait être aperçue par endroit il ne résulte pas des termes utilisés par celui-ci ni des photographies produites aux débats, qui ne la révèlent pas, que celle-ci était décelable par un acquéreur profane procédant à des diligences d'usage;
Attendu que l'erreur sur l'année d'origine de la motocyclette vendue par Mme Legloahec a constitué pour M. Bernhard une erreur sur la qualité substantielle de la chose objet de la convention déterminante de son consentement puisqu'un engin datant de 1990, comme il est établi par les documents émanant de la société Yamaha Motor France n'était pas équivalent à un engin de 1996 dès lors qu'il est constant que de l'année d'origine dépend en grande partie la vétusté de la motocyclette et sa plus ou moins grande solidité, éléments influant nécessairement sur l'opinion que l'acquéreur peut se faire de la pérennité de la chose acquise et des conditions de son utilisation ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente conclue le 27 novembre 1999;
Attendu que Mme Legloahec, par l'effet de la rétroactivité de la nullité prononcée est réputée être constamment restée propriétaire de la motocyclette objet de la vente du 27 novembre 1999 dont la restitution en nature par M. Bernhard est empêchée par le vol dont elle a fait l'objet le 22 avril 2001 alors qu'elle était entreposée dans une pièce dépendant du domicile de l'acquéreur; que ce vol constitue, dès lors qu'il n'est pas démontré, d'une part, que ce domicile était par sa situation, sa disposition, son contenu ou l'insuffisance de sa protection exposé à un risque spécifique de cambriolage et, d'autre part, que M. Bernhard, tenu de restituer la motocyclette, a commis une faute à l'origine du vol, un cas fortuit dont les risques sont à la charge de la propriétaire ; que Mme Legloahec ne peut donc prétendre à indemnité compensatrice qu'elle qu'en soit la forme et spécialement comme elle le demande sous celle d'une minoration de la somme correspond au prix qu'il lui appartient de rembourser; que la décision du premier juge sera par suite confirmé en ce qu'il a condamné Mme Legloahec à restituer à M. Bernhard la somme de 7 000 F (1 067,14 euro) avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1999 date de la mise en demeure adressée par l'intimé;
Attendu que Mme Legloahec, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. Bernhard la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance devant la cour;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire; Déclare l'appel recevable; Confirme le jugement; Y ajoutant; Constate que l'intervention de M. Benjamin Legloahec est devenue sans objet; Condamne Mme Legloahec à payer à M. Bernhard la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance d'appel; Condamne Mme Legloahec aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Le Roy, avoué.