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Décisions

CJCE, 27 septembre 1983, n° 216-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Universität Hamburg

Défendeur :

Hauptzollamt Hamburg-Kehrwieder

CJCE n° 216-82

27 septembre 1983

LA COUR,

1 Par ordonnance du 20 juillet 1982, parvenue à la Cour le 12 août suivant, le Finanzgericht Hamburg a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation, d'une part, des articles 173 et 177 du traité et, d'autre part, des règlements n° 1798-75 du Conseil, du 10 juillet 1975, relatif à l'importation en franchise des droits du tarif douanier commun des objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel (JO L 184, p. 1), et n° 3195-75 de la Commission, du 2 décembre 1975, fixant les dispositions d'application du règlement n° 1798-75 (JO L 316, p. 17).

2 Ces questions sont posées dans le cadre d'un recours introduit par l'Université de Hambourg contre le refus des autorités douanières allemandes d'octroyer la franchise à l'occasion de l'importation d'un appareil électronique de contrôle et de mesure dénommé 'Packard 2425 tri-carb spectrometer', provenant des États-Unis et destiné, par l'université, à la 'mesure de la radioactivité dans les tissus et les liquides organiques d'animaux de laboratoire dans le cadre d'une recherche anatomique expérimentale visant à localiser et à détecter quantitativement les processus métaboliques chimiques de l'organisme du mammifère'.

3 Il ressort du dossier que les autorités allemandes ont saisi la Commission de la demande de l'université, conformément aux dispositions des règlements précités. Dans sa décision 78-851 du 5 octobre 1978 (JO L 293, p.30), destinée à tous les États membres, la Commission a déclaré que les conditions pour l'admission en franchise, visées à l'article 3, paragraphe 1 sous b), du règlement n° 1798-75 précité, n'étaient pas réunies en considération du fait que des appareils de valeur scientifique équivalente audit appareil et susceptibles d'être utilisés au même usage particulier étaient fabriqués dans la communauté. C'est à la suite de cette décision que, le 7 mai 1979, les autorités allemandes ont rejeté définitivement la demande de l'université.

4 Au cours de la procédure devant la juridiction nationale, l'université a fait valoir que les appareils fabriqués dans la communauté n'étaient pas équivalents à l'appareil américain, compte tenu des besoins spécifiques de la recherche indiquée dans sa demande. C'est dans ces circonstances que le Finanzgericht Hamburg a posé à la Cour les questions suivantes :

1) Une décision adressée par la Commission aux États membres, au titre de l'article 4, paragraphe 6, première phrase, du règlement (CEE) n° 3195-75 de la Commission, du 2 décembre 1975, aux termes de laquelle les conditions visées à l'article 3, paragraphe 1 sous b), du règlement (CEE) n° 1798-75 du Conseil, du 10 juillet 1975, pour l'admission en franchise d'un certain instrument ou appareil ne sont pas remplies, concerne-t-elle également directement et individuellement la personne ayant importé l'instrument ou appareil qui a fait l'objet de la décision, cette personne pouvant donc demander l'annulation de cette décision en déposant un recours contre la Commission et, dans l'affirmative, à compter de quelle date et dans quels délais?

2) La personne concernée par une décision prise par la Commission au titre de l'article 4, paragraphe 6, première phrase, du règlement (CEE) n° 3195-75 peut-elle exciper de l'illégalité de la décision dans le seul délai de deux mois prévu à l'article 173, troisième alinéa, du traité CEE en déposant un recours contre la Commission, ou bien peut-elle exciper de l'illégalité de la décision également devant la juridiction nationale dans le cadre du recours déposé contre la fixation du droit de douane, la question de la validité de la décision pouvant dès lors être déférée dans ce cas par la juridiction nationale à la Cour de justice des Communautés européennes dans le cadre d'une procédure préjudicielle?

3) Au cas où l'illégalité de la décision peut être invoquée dans la procédure engagée devant la juridiction nationale : la décision 78-851-CEE de la Commission, du 5 octobre 1978, relative à l'appareil dénommé 'Packard tri-carb liquid scintillation system, model 2425' est-elle invalide pour ce motif que des appareils similaires, comme le mentionne la décision de la Commission, sont certes fabriqués dans la communauté, mais qu'ils possédaient des performances inférieures à l'appareil importé, compte tenu en particulier des spécifications de l'utilisateur?

Sur les deux premières questions

5 Par ces questions, la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si, par le fait de ne pas avoir introduit un recours en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, contre une décision de la Commission du type de celle en cause, dans les délais indiqués au troisième alinéa du même article, la où les personnes concernées par cette décision sont forcloses, selon le droit communautaire, pour invoquer l'invalidité de celle-ci dans une procédure devant une juridiction nationale. En vue de trancher ce problème, il convient d'examiner la procédure instaurée par les règlements précités.

6 Selon l'article 3 du règlement n° 3195-75, la demande d'admission en franchise doit être introduite auprès de l'autorité compétente de l'État membre où l'établissement scientifique en cause est situé. Aux termes de l'article 4, cette autorité nationale statue directement sur la demande dans tous les cas où les éléments d'information dont elle dispose lui permettent d'apprécier s'il existe ou non des appareils de valeur scientifique équivalente présentement fabriqués dans la communauté. Ce n'est donc que si l'autorité nationale ne s'estime pas en mesure d'apprécier elle-même cette question qu'elle est tenue d'en saisir la Commission et le droit communautaire n'exige pas que le demandeur soit informé de cette saisine.

7 La décision prise par la Commission est adressée à tous les États membres. Elle doit donc, en vertu de l'article 191 du traité, être notifiée à ces états et elle prend effet par cette notification. En revanche, elle n'a pas à être notifiée au demandeur de la franchise et elle ne compte pas parmi les actes dont le traité exige la publication. Même si, dans la pratique, la décision est effectivement publiée au journal officiel des communautés, son libelle ne permet pas nécessairement au demandeur de constater qu'elle à été prise à l'occasion de la procédure entamée par lui.

8 Comme la décision lie les États membres, l'autorité nationale doit, en cas de décision négative de la Commission, rejeter la demande d'admission en franchise, mais le droit communautaire ne l'oblige pas à faire référence à la décision de la Commission dans l'acte par lequel la demande est rejetée ; en outre, ainsi que le cas d'espèce le démontre, cet acte peut intervenir avec un certain décalage par rapport à la notification de ladite décision.

9 Enfin, ainsi que le Finanzgericht l'a rappelé à juste titre, l'établissement scientifique en cause doit, en vue d'introduire un recours contre la décision de la Commission en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, démontrer que cette décision le concerne directement et individuellement.

10 Dans ces conditions, le rejet de la demande de l'établissement scientifique par l'autorité nationale constitue le seul acte qui soit adressé directement à celui-ci, dont il ait nécessairement pris connaissance en temps utile et qu'il peut attaquer en justice sans rencontrer de difficultés pour démontrer son intérêt à agir. Conformément à un principe général du droit qui a trouvé son expression dans l'article 184 du traité CEE, le demandeur doit avoir la possibilité, dans le cadre d'un recours forme selon le droit national contre le rejet de sa demande, d'exciper de l'illégalité de la décision de la Commission qui sert de fondement à la décision nationale prise à son encontre.

11 Cette constatation suffit pour donner une réponse susceptible de dissiper les doutes exprimés par la juridiction nationale, sans qu'il soit nécessaire de prendre position sur le problème plus vaste des rapports généraux entre les articles 173 et 177 du traité, ni de donner une réponse séparée à la première question préjudicielle.

12 Il convient donc de répondre aux deux premières questions du Finanzgericht que la où les personnes concernées par une décision prise par la Commission au titre de l'article 4 du règlement n° 3195-75 peuvent exciper de l'illégalité de la décision devant la juridiction nationale dans le cadre du recours déposé contre la fixation du droit de douane, la question de la validité de la décision pouvant dès lors être déférée à la cour dans le cadre d'une procédure préjudicielle.

Sur la troisième question

13 Par cette question, le Finanzgericht demande si la décision 78-851 précitée est invalide pour la raison que les appareils similaires fabriqués dans la communauté possèdent des performances inférieures à l'appareil importe, compte tenu en particulier des spécifications de l'utilisateur.

14 A cet égard, il faut d'abord souligner que les règlements en cause visent à assurer un examen approfondi des demandes dont la Commission est saisie et à l'encontre desquelles un ou plusieurs États membres ont exprimé un avis défavorable. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 3195-75 précité, cet examen est fait par des experts de tous les États membres, qui se réunissent dans le cadre du comité des franchises douanières, qui ont à leur disposition non seulement la demande, mais également la documentation technique y afférente, et qui procèdent à une comparaison des appareils en cause en tenant compte de l'usage particulier auquel l'importateur entend affecter l'appareil importe. Étant donné le caractère technique de cet examen, la Cour ne saurait censurer le contenu d'une décision prise par la Commission en conformité avec l'avis du comité qu'en cas d'erreur manifeste de fait ou de droit ou de détournement de pouvoir.

15 Il y a lieu, en outre, de faire observer que l'équivalence des appareils en cause doit être appréciée non pas sur la seule base des spécifications techniques de ces appareils que l'utilisateur, dans sa demande, a qualifiées de nécessaires pour sa recherche, mais, en ordre principal, sur la base d'une appréciation objective de l'aptitude des appareils à réaliser les expériences auxquelles l'utilisateur a destiné l'appareil importe. Or, les expertises auxquelles la juridiction nationale a fait procéder dans le cas d'espèce sont basées sur les spécifications techniques indiquées par l'université, sans examen de leur justification par rapport aux besoins inhérents à la recherche visée; elles comportent des réserves expresses selon lesquelles un jugement certain sur la valeur scientifique des appareils en cause ne peut s'effectuer qu'en les utilisant dans le cadre de l'objectif scientifique poursuivi et en comparant leurs performances. Il en résulte que ces expertises ne suffisent pas pour établir l'existence d'une erreur manifeste entachant la validité de la décision litigieuse.

16 Le dossier ne comportant pas d'autres éléments qui permettent de conclure à l'existence d'une telle erreur ou d'un détournement de pouvoir, il convient de répondre à la troisième question que l'examen de la Cour n'a révélé aucun élément susceptible d'affecter la validité de la décision 78-851 de la Commission du 5 octobre 1978.

Sur les dépens

17 Les frais exposés par le Gouvernement du Royaume de Danemark et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Hamburg, par ordonnance du 20 juillet 1982, dit pour droit :

1) La ou les personnes concernées par une décision prise par la Commission au titre de l'article 4 du règlement n° 3195-75 de la Commission, du 2 décembre 1975, fixant les dispositions d'application du règlement n° 1798-75 du conseil relatif à l'importation en franchise des droits du tarif douanier commun des objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel, peuvent exciper de l'illégalité de la décision devant la juridiction nationale dans le cadre du recours déposé contre la fixation du droit de douane, la question de la validité de la décision pouvant dès lors être déférée à la Cour dans le cadre d'une procédure préjudicielle.

2) L'examen de la Cour n'a révélé aucun élément susceptible d'affecter la validité de la décision 78-851-CEE de la Commission, du 5 octobre 1978, complétant la décision du 23 mai 1977, excluant du bénéfice de la franchise des droits du tarif douanier commun l'appareil scientifique dénommé 'Packard 2425 tri-carb spectrometer' avec téléimprimeur.