CA Bourges, ch. civ., 27 février 2006, n° 05-01063
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Usines de Rosières (SAS)
Défendeur :
Etudes et réalisation industrielles Florentaises (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Puechmaille
Conseillers :
Mmes Le Meunier-Poels, Boutet
Avoués :
Mes Le Roy des Barres, Guillaumin
Avocats :
Mes Saint-Olive, Chamboulive
Vu le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Bourges le 24 mai 2005 constatant que la SAS Usines de Rosières a rompu brutalement la relation commerciale établie qu'elle entretenait depuis 1988 avec la SARL ERIF, disant qu'elle a commis une faute et qu'elle devra indemniser la société ERIF de tous chefs de préjudices subis et la condamnant à lui verser 245 000 euro correspondant à un an de marge brute et au coût des licenciements outre 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la SAS Usines de Rosières le 17 juin 2005.
Vu les écritures de la SAS Usines de Rosières signifiées le 17 septembre 2005.
Vu les écritures de la SARL ERIF signifiées le 23 novembre 2005.
Une ordonnance a clôturé la procédure le 14 décembre 2005.
Sur quoi LA COUR,
Attendu qu'il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure à la décision déférée et aux conclusions des parties; qu'il sera utilement rappelé que suivant lettre du 21 octobre 1988 la société Usines de Rosières a confié à la SARL ERIF la totalité de son marché de découpe de laine de roche avec mise à disposition de son matériel ; qu'en 1989 la société Usines de Rosières a confié à la société ERIF la découpe de panneaux de Douffline; qu'en 1991 la société Usines de Rosières écrivait à la société Kerlane qu'elle se portait " caution de l'encours de matière première commandé par la société ERIF pour notre compte. Nous sous engageons à vous régler toute facture de matière première Kerlane qui nous est destinée en cas de défaillance de la société ERIF ce qui ne peut en aucun cas arriver puisque Rosières représentant 90 % du chiffre d'affaire de la société ERIF se doit d'assurer à ce dernier l'équilibre financier ";
Qu'à compter de l'année 2000 semble-t-il, la passation de commandes se faisait sous forme de contrats annuels à adresser par la société Usines de Rosières à la société ERIF au cours des mois de novembre ou décembre pour l'exercice suivant; que le 30 octobre 2003 la société Usines de Rosières a informé la société ERIF de l'arrêt de leurs relations contractuelles au 31 décembre 2003; que suite au courrier du conseil de la société ERIF en demande d'indemnisation la SAS Usines de Rosières revenait sur sa décision du 28 novembre 2003; que la société ERIF ayant réorienté sa politique et décommandé ses approvisionnements refusait les propositions de la SAS Usines de Rosières;
Attendu que l'article L. 442-6 5° du Code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour tout producteur commerçant industriel de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
- Sur la relation commerciale établie :
Attendu que les premiers juges ont justement retenu l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties; qu'en effet la notion de "relation commerciale établie" est étrangère à la notion restrictive de contrat commercial à durée déterminée et la dépasse; que le texte vise une situation contractuelle née de la pratique instaurée entre les parties ; qu'en l'espèce le rappel des faits tel qu'énoncé ci-avant démontre que les parties entretenaient des relations d'affaires stables, suivies et anciennes depuis une quinzaine d'années; que peu importe leurs formes et que celles-ci se soient matérialisées depuis quelques années dans la conclusion de contrats à durée déterminée sans clause de renouvellement tacite, dès lors que ceux-ci se sont succédés sans interruption; que de même il est indifférent que ces contrats aient porté sur la fourniture de matériaux différents;
- Sur la rupture brutale :
Attendu que pour rechercher la durée raisonnable ou suffisante du préavis il convient de se fonder sur les circonstances de fait entourant la relation commerciale rompue même si les parties avaient convenu d'un terme; qu'en l'espèce la société Usines de Rosières a donné à la société ERIF un préavis de 2 mois; que les premiers juges, par des motifs pertinents et adaptés que la cour adopte expressément, a justement considéré que ce préavis était insuffisant au regard de l'ancienneté des relations contractuelles liant les parties et de l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la société ERIF à l'égard de la SAS Usines de Rosières ; qu'en effet les relations commerciales se poursuivaient entre les parties depuis 15 ans; que la SAS Usines de Rosières savait, ainsi que les courriers précédemment visés le démontrent, que bien que ne disposant pas de clause d'exclusivité, le contrat la liant à la société ERIF représentait 90 % du chiffre d'affaire de cette dernière; que si la SAS Usines de Rosières établit qu'en 1999 elle demandait à la société ERIF de faire des efforts de réduction des coûts, force est de constater que le 18 février 2002 la SAS Usines de Rosières écrivait à la SARL ERIF qui avait obtenu un IQF 100 : " bravo mais poursuivez votre propre plan d'amélioration continue visant à l'excellence et au zéro défaut "; que dès lors, il ne saurait être fait grief à la société ERIF de ne pas avoir diversifié sa clientèle; que certes il ressort des attestations de M. Louet et M. Dumoulin que la société ERIF avait été invitée au cours du mois d'août 2003 à faire des efforts de réduction des coûts ; que cependant l'objet de ces discussions est inopérant sur la durée du préavis;
Attendu que de même, le fait que par la suite la SAS Usines de Rosières ait proposé la poursuite des relations commerciales est sans incidence dès lors que cette proposition est intervenue un mois avant la date de rupture et qu'elle n'a pas été acceptée par la SARL ERIF;
Attendu en conséquence que la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la SAS Usines de Rosières responsable d'une rupture brutale des relations contractuelles la liant à la société ERIF sera confirmée;
- Sur le préjudice :
Attendu que les premiers juges en allouant à la société ERIF une indemnité représentant un an de marge brute et le coût des licenciements ont justement évalué le préjudice subi ; que la décision déférée de ce chef sera confirmée;
Attendu qu'il convient d'allouer à la société ERIF une indemnité complémentaire de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré, conformément à la loi. Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ; y ajoutant Condamne la SAS Usines de Rosières à payer à la SARL ERIF une indemnité complémentaire de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Condamne la SAS Usines de Rosières aux entiers dépens.