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Décisions

CCE, 6 octobre 2004, n° M.3099

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Areva/Urenco/ETC JV

CCE n° M.3099

6 octobre 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, vu le règlement (CEE) n° 139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), et notamment son article 26, paragraphe 2, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 22 juin 2004 d'engager la procédure dans la présente affaire, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations (3), vu le rapport final rendu par le conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), Considérant ce qui suit:

I. DEMANDE CONJOINTE CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 22 DU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS

1. Les 8 et 26 avril 2004, la Commission a reçu une demande conjointe de renvoi ("demande de renvoi") des autorités françaises, suédoises et allemandes, conformément à l'article 22 du règlement (CEE) n° 4064-89 ("règlement sur les concentrations"), concernant un projet de concentration par lequel l'entreprise Société de participations du Commissariat à l'Énergie Atomique SA ("Areva", France) acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle commun de l'entreprise Enrichment Technology Company Limited ("ETC", Royaume-Uni), auparavant sous contrôle unique de l'entreprise Urenco Limited ("Urenco", Royaume-Uni), par achat d'actions.

2. La Commission a estimé que cette demande satisfaisait aux conditions imposées par l'article 22, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations. Les États membres ayant formulé la demande de renvoi ont transmis à la Commission la documentation dont ils disposaient, consistant essentiellement en des communications des parties. Ces informations ont été complétées ultérieurement par les parties à l'opération.

3. Par décision en date du 22 juin 2004, la Commission a conclu que l'opération notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et le fonctionnement de l'Accord EEE. La Commission a donc ouvert la procédure conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

4. Le 3 septembre 2004, des engagements ont été présentés par Areva et Urenco (les "Parties").

5. Le comité consultatif a examiné le projet de la présente décision le 23 septembre 2004.

6. La présente décision est adoptée en application de l'article 8, paragraphe 2, et de l'article 10, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations. Conformément à l'article 10, paragraphe 2, les décisions prises en application de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations doivent intervenir dès qu'il apparaît que les doutes sérieux visés à l'article 6, paragraphe 1, point c), sont levés. Tel est notamment le cas lorsque les parties ont présenté des engagements. Les engagements proposés par les parties lèvent les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le Marché commun, de sorte qu'une décision autorisant la concentration peut être adoptée en application de l'article 8, paragraphe 2, et de l'article 10, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

II. LES PARTIES

7. Areva est contrôlée par le Commissariat à l'Énergie Atomique ("CEA"), qui est lui-même contrôlé par l'État français. Areva intervient essentiellement dans trois domaines: a) l'ensemble des activités du cycle de l'énergie nucléaire, b) la connectique, et c) la transmission et la distribution d'électricité. Elle est notamment présente sur le marché des services d'enrichissement de l'uranium par l'intermédiaire de sa filiale Eurodif, propriétaire de la plus grande usine d'enrichissement d'Europe. Cette usine, qui exploite la technologie dépassée et onéreuse de la diffusion gazeuse, devient vétuste. Eurodif a une capacité nominale de production de 10,8 millions d'unités de travail de séparation ("UTS") par an. En 2002, Eurodif a livré quelque 9 millions d'UTS.

8. Urenco Limited a été créée dans le cadre du traité d'Almelo, conclu au début des années 1970 entre l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni afin de développer et d'exploiter la technologie de centrifugation à des fins d'enrichissement de l'uranium. Les actionnaires d'Urenco comprennent British Nuclear Fuels (BNFL), Ultra Centrifuge Nederland Limited, RWE et E.ON. Urenco est la holding du groupe Urenco, qui comporte essentiellement deux sociétés, Uranium Enrichment Company (UEC) et Enrichment Technology Company (ETC). UEC est présente à l'échelle mondiale dans le domaine des services d'enrichissement de l'uranium faisant appel à la technologie moderne et performante de la centrifugation.

9. ETC, l'objet de l'opération, intervient dans le domaine du développement, de la conception et de la fabrication de centrifugeuses destinées à l'enrichissement de l'uranium.

III. L'OPÉRATION

10. Le projet d'opération consiste en l'acquisition par Areva d'une participation de 50 % dans ETC, qui deviendra ainsi l'entreprise commune d'Areva et d'Urenco. Les activités d'ETC se limiteront au pôle amont de la recherche et du développement, de la conception et de la construction d'équipements de centrifugation, tandis qu'Areva et Urenco poursuivront leurs activités sur le marché de l'enrichissement de l'uranium qui se situe en aval.

11. Areva exploite actuellement une usine d'enrichissement par diffusion gazeuse, qu'elle considère comme coûteuse par rapport aux installations faisant appel à la technologie de centrifugation et dont elle estime la durée de vie limitée ([5-20]* ans). Le CEA ayant écarté la possibilité de mettre au point sa propre technologie d'enrichissement par ultracentrifugation et par laser, Areva a engagé des discussions avec les fabricants d'équipements de centrifugation et décidé de créer une entreprise commune avec Urenco, s'agissant "de loin de la solution la plus économique, la moins risquée et la plus rapide" pour remplacer l'usine d'enrichissement par diffusion gazeuse existante par une usine d'enrichissement par centrifugation. (5). Cette nouvelle usine devrait entrer en fonctionnement en 2007 et, selon les estimations actuelles, elle devrait avoir une capacité de production de 7,5 millions d'UTS lorsqu'elle sera pleinement opérationnelle. Cela permettra à Areva de maintenir à long terme une position concurrentielle active sur le marché de l'enrichissement de l'uranium.

12. Pour Urenco, cette opération se justifie par la volonté de rentabiliser ses investissements passés, de manière directe, en vendant à Areva la moitié d'ETC, et de manière indirecte, en élargissant la clientèle d'ETC.

IV. CONCENTRATION

13. Suite au projet d'opération, Areva et Urenco contrôleront chacune 50 % du capital et des droits de vote d'ETC et exerceront ainsi un contrôle en commun sur ETC. En particulier, il est établi qu'elles désigneront un nombre égal de membres du conseil d'administration et que les administrateurs nommés par chacune d'elles auront un droit de veto en ce qui concerne les décisions stratégiques proposées, telles que celles relatives au plan d'entreprise et au budget d'ETC notamment. Toutes les autres décisions du conseil d'administration devront être prises à la majorité des voix.

14. Urenco a cédé à ETC tous les moyens nécessaires à la conception et à la fabrication des équipements de centrifugation, dont les installations de production, la technologie (droits de propriété intellectuelle), les ressources financières et le personnel. L'entreprise commune a donc été mise en mesure d'exécuter toutes les fonctions liées à son activité professionnelle.

15. Le fait que l'entreprise commune se consacrera pendant une période considérable essentiellement à la vente d'équipements de centrifugation à ses sociétés mères ne semble pas remettre en cause le fait qu'il s'agit d'une entreprise commune de plein exercice. Eu égard aux délais particulièrement longs qui prévalent dans l'industrie nucléaire, cette période pourrait être considérée comme une période initiale, au terme de laquelle on peut s'attendre à ce que d'autres opérateurs deviennent clients d'ETC.

16. À cet égard, la Commission fait observer que, même si les entreprises spécialisées dans l'enrichissement ont généralement produit leurs équipements en interne (à une seule exception connue et significative près), cela devrait changer à l'avenir. Certaines des entreprises auxquelles la Commission s'est adressée lors de son enquête ont confirmé le point de vue des parties selon lequel le marché des équipements d'enrichissement devrait s'élargir dans un délai raisonnable. Aucune des entreprises auxquelles la Commission s'est adressée au cours de son enquête n'a exprimé un point de vue différent sur ce point.

17. La Commission considère par conséquent que l'entreprise commune accomplira de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations et que le projet d'opération constitue donc une concentration. Ce point de vue est appuyé par les autorités allemandes et françaises.

18. Cette concentration n'a pas de dimension communautaire, puisque les seuils définis à l'article 1er du règlement sur les concentrations ne sont pas atteints, le chiffre d'affaires réalisé par Urenco dans la Communauté ne dépassant par 250 millions d'euro et aucune des parties ne réalisant plus de 25 millions d'euro de chiffre d'affaires dans les trois États membres.

V. LES MARCHÉS EN CAUSE ET LEUR APPRÉCIATION AU REGARD DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Contexte

19. La fabrication du combustible nucléaire comporte plusieurs étapes de transformation de l'uranium naturel en combustible pour les réacteurs nucléaires. L'uranium existe sous des formes légèrement différentes, connues sous le nom d'isotopes. Ces isotopes se distinguent les uns des autres de par le nombre de particules neutrons dans le noyau. L'uranium naturel que l'on trouve dans l'écorce terrestre est un mélange de trois isotopes: l'uranium-238 (U-238), représentant 99,275 %, l'U-235 - 0,720 % et des traces d'U-234 - 0,005%. L'uranium-235 est la seule matière d'origine naturelle capable de subir une réaction de fission en chaîne, libérant de grandes quantités d'énergie. (6)

20. La première étape du cycle du combustible est l'extraction de l'uranium naturel. L'uranium peut être extrait de mines à ciel ouvert ou de galeries souterraines, en fonction de sa profondeur essentiellement. Suite à l'extraction, le minerai est concassé et finement broyé. Il est ensuite traité à l'acide pour dissoudre l'uranium, qui est alors extrait d'une solution. L'uranium peut également être extrait par lixiviation in situ, un procédé qui consiste à dissoudre l'uranium de sa gangue de minerai et à le pomper vers la surface. Le produit final qui résulte de l'extraction ou de la lixiviation in situ est le concentré d'oxyde d'uranium ("U3O8") qui, pour pouvoir être utilisé comme combustible, doit subir plusieurs processus destinés à produire du combustible utilisable. L'étape suivante dans la production d'un combustible utilisable consiste à convertir l'oxyde d'uranium en un gaz, l'hexafluorure d'uranium (UF6), ce qui permet de l'enrichir.

L'enrichissement

21. La production d'énergie dans les réacteurs nucléaires résulte principalement de la fission ou séparation des atomes U-235, processus qui libère de l'énergie sous forme de chaleur. L'U-235 est le principal isotope fissile de l'uranium. L'isotope U-238 ne contribue pas directement à la fission. L'U-235 et l'U-238 sont chimiquement identiques, mais ils diffèrent au regard de leurs propriétés physiques, notamment de leur masse (7). Cette différence entre l'U-235 et l'U-238 permet aux isotopes de se séparer et, ainsi, d'accroître ou "enrichir" le pourcentage d'U-235. Tous les procédés d'enrichissement actuels exploitent directement ou indirectement cette petite différence de masse.

22. Certains réacteurs, comme les réacteurs Candu de conception canadienne et les réacteurs britanniques Magnox par exemple, utilisent de l'uranium naturel comme combustible. La plupart des réacteurs actuels (réacteurs à eau légère ou REL) utilisent de l'uranium enrichi, où la proportion des isotopes U-235 a été augmentée pour passer de 0,7 % à 2-5 %. (8) Cela permet de renforcer la performance technique au niveau de la conception et du fonctionnement des réacteurs, surtout des plus grands, et d'utiliser de l'eau ordinaire comme modérateur.

23. À l'heure actuelle, l'enrichissement de l'uranium naturel se fait soit par diffusion gazeuse, soit par centrifugation. Ces deux procédés utilisent du gaz UF6 comme matière première. Les molécules d'atomes U-235 étant environ 1 % moins denses que le reste, c'est cette différence de masse qui sert de base aux deux procédés. Deux types d'uranium sortent des usines d'enrichissement par diffusion gazeuse ou centrifugation: l'uranium naturel enrichi et l'uranium naturel appauvri. Cet uranium naturel appauvri peut également être enrichi par diffusion ou par centrifugation. (9)

24. La capacité des usines d'enrichissement se mesure en UTS. Cette unité donne une mesure du travail de séparation nécessaire pour enrichir une quantité donnée d'uranium. Elle est fonction de la quantité d'uranium transformé, de la mesure dans laquelle il est enrichi (c'est-à-dire du degré d'augmentation de la concentration de l'isotope U-235 par rapport au reste) et du niveau d'appauvrissement du reste. Cette unité, appelée Unité de Travail de Séparation et exprimée en kilogrammes, indique l'énergie utilisée aux fins de l'enrichissement lorsque les quantités de produits et de matières premières sont exprimées en kilogrammes ou en tonnes. Par exemple, la production d'un kilogramme d'uranium enrichi à 3 % d'U-235 nécessite 3,8 UTS si la teneur de rejet (10) de l'usine est de 0,25 % ou 5,0 UTS si la teneur de rejet est de 0,15 % (nécessitant alors seulement 5,1 kg et non plus lieu 6,0 kg d'uranium naturel).

25. Il faut entre 100 000 et 120 000 UTS pour enrichir la quantité annuelle de combustible nécessaire à un réacteur à eau légère typique de 1 000 MWe. Le coût de l'enrichissement est fortement lié à l'énergie électrique utilisée. Le procédé de la diffusion gazeuse consomme quelque 2 500 kWh par UTS, alors que les usines modernes d'enrichissement par centrifugation ne nécessitent que 50 kWh par UTS environ. L'enrichissement représente près de la moitié du coût du combustible nucléaire et environ 5 % du coût total de l'électricité produite.

La diffusion gazeuse

26. Le procédé d'enrichissement par diffusion gazeuse consiste à faire passer sous pression de l'hexafluorure d'uranium à travers des membranes poreuses ou diaphragmes. Comme les molécules d'U-235 sont plus légères que les molécules d'U-238, elles sont plus rapides et ont plus de chances de passer au travers des pores de la membrane. L'UF6 qui se diffuse à travers la membrane est ainsi légèrement enrichi, tandis que le gaz qui ne passe pas à travers est appauvri en U-235. Ce processus est répété à maintes reprises dans une série d'étages de diffusion appelés cascade. Chaque étage se compose d'un compresseur, d'un diffuseur et d'un échangeur de chaleur destiné à supprimer la chaleur de compression. L'UF6 enrichi est retiré d'un côté de la cascade et l'UF6 appauvri est supprimé à partir de l'autre extrémité. Le gaz doit ensuite subir cette opération quelque 1 400 fois pour obtenir un produit d'une teneur en U-235 de 3-4 %.

27. À l'heure actuelle, la diffusion gazeuse représente environ 40 % de la capacité mondiale en matière d'enrichissement et est exploitée sur le plan commercial aux États- Unis par USEC et en France par Eurodif.

La centrifugation

28. Tout comme la diffusion gazeuse, le procédé d'enrichissement par centrifugation s'alimente en gaz UF6 et exploite la légère différence de masse entre l'U-235 et l'U-238. Le gaz est introduit dans une série de tubes à vide, contenant chacun un rotor d'un ou deux mètres de long et de 15-20 cm de diamètre. Lorsque l'on fait tourner les rotors rapidement, à une vitesse de 50 000 à 70 000 tours/minute, les molécules les plus lourdes chargées d'U-238 se concentrent à la périphérie du cylindre, tandis que les molécules U-235 migrent vers le centre de la centrifugeuse. Ces changements de concentration sont accentués en faisant circuler le gaz axialement à l'intérieur du cylindre. Le gaz enrichi alimentera les étapes suivantes tandis que le gaz UF6 appauvri retourne à l'étape précédente. Enfin, l'uranium enrichi et l'uranium appauvri sont retirés de la cascade lorsque leur teneur a atteint le niveau souhaité.

29. Bien que la capacité d'une seule centrifugeuse soit bien plus faible que celle d'une étape de diffusion, sa capacité est bien plus grande en termes de séparation des isotopes. Les différentes étapes de la centrifugation nécessitent en principe un grand nombre de centrifugeuses travaillant en parallèle. Ces étapes sont ensuite organisées en cascades, comme dans le cas de la diffusion gazeuse. En revanche, l'opération ne peut demander à être répétée que 10 à 20 fois en ce qui concerne la centrifugation, contre un millier de fois ou plus pour ce qui est de la diffusion gazeuse. À l'heure actuelle, les centrifugeuses sont exploitées sur le plan commercial en Russie et en Europe par Urenco. Les quatre usines russes représentent environ 40 % de la capacité mondiale et celle d'Urenco environ 12 %. (11) Au Japon, JNC et JNFL exploitent de petites usines d'enrichissement par centrifugation. La Chine possède également des usines d'enrichissement par centrifugation importées de Russie. (12)

Après l'enrichissement

30. Après enrichissement, le gaz UF6 est transformé en dioxyde d'uranium (UO2), qui est comprimé en pastilles de combustible. Ces pastilles sont ensuite enfilées dans de longs tubes métalliques qui sont regroupés en fagots destinés à devenir les assemblages de combustibles qui forment le coeur du réacteur. Le combustible usé est retiré du réacteur et stocké en vue de son retraitement ou de son élimination souterraine.

31. Les assemblages de combustibles usés qui sont retirés du coeur du réacteur sont fortement radioactifs et dégagent beaucoup de chaleur. C'est pourquoi ils sont entreposés dans des piscines spéciales attenantes au réacteur, où leur chaleur et leur radioactivité diminuent. On peut ensuite réutiliser certaines parties du combustible. Le combustible usé subit un traitement chimique destiné à récupérer les matières fissiles et fertiles à des fins de recyclage. L'uranium récupéré peut de nouveau être enrichi et le plutonium, qui est crée lors de la fission, peut être recyclé pour fabriquer de nouveaux combustibles composés d'un mélange d'oxyde d'uranium et d'oxyde de plutonium, le "MOX" (de l'anglais "mixed oxides").

Le traité Euratom et le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (13)

32. Le traité Euratom a été adopté en 1957 par les 6 États membres fondateurs. Il a été mis en place notamment pour garantir la sécurité des approvisionnements en combustibles nucléaires et pour encourager le développement des industries nucléaires. La pertinence de cet objectif, consistant à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans la Communauté, a été mise en exergue dans le récent Livre vert de la Commission, intitulé "Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique" (14).

33. Ainsi que l'a confirmé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt 1-78 (15), les dispositions du chapitre VI du traité Euratom "manifestent le soin que le traité mit à définir de manière précise et contraignante le droit d'exclusivité que la Communauté exerce dans le domaine de l'approvisionnement nucléaire, à l'intérieur comme dans les rapports externes". Afin de garantir la fourniture de matières nucléaires au moyen d'une politique commune d'approvisionnement basée sur le principe de l'égalité d'accès aux sources d'approvisionnement, l'Agence d'approvisionnement Euratom a été instituée par le traité Euratom. L'Agence d'approvisionnement est dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière.

34. Au titre du traité Euratom, l'Agence d'approvisionnement dispose d'un droit d'option sur les minerais, matières brutes et matières fissiles spéciales produites sur le territoire de la Communauté, ainsi que du droit exclusif de conclure des contrats portant sur la fourniture de minerais, matières brutes ou matières fissiles spéciales en provenance de l'intérieur ou de l'extérieur de la Communauté. Pour être juridiquement valables au plan communautaire, les contrats de fourniture doivent être soumis à l'Agence d'approvisionnement en vue de leur conclusion.

35. L'article 305, paragraphe 2, du traité CE dispose que "les dispositions du présent traité ne dérogent pas aux stipulations du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique".

36. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ("TNP"), qui a été signé en 1968, comporte le cadre réglementaire multilatéral relatif aux technologies d'enrichissement et aux matières nucléaires. Ce traité constitue le fondement du régime de contrôle et est destiné à garantir que la technologie et les matières nucléaires soient utilisées à des fins pacifiques. Par ailleurs, les signataires du TNP ont convenu de mettre en œuvre des mesures législatives régissant le contrôle des exportations de leur technologique sensible. L'Agence internationale de l'énergie atomique ("AIEA) est chargée de vérifier le respect des principes établis par le TNP en ce qui concerne les installations responsables du cycle du combustible par le biais de ses accords de garanties négociés avec les signataires du traité. Il en résulte que l'industrie nucléaire est fortement réglementée en ce qui concerne tant l'objectif de sécurité d'approvisionnement que celui de non-prolifération des matières nucléaires.

MARCHES EN CAUSE AUX FINS DE L'APPRECIATION DE LA PRESENTE OPERATION

37. La présente opération implique deux marchés de produits qui sont liés verticalement:

i) le marché de la fourniture d'équipements permettant l'enrichissement d'uranium et

ii) le marché de l'uranium enrichi. Ces deux marchés font l'objet d'une appréciation séparée.

FOURNITURE D'ÉQUIPEMENTS PERMETTANT L'ENRICHISSEMENT D'URANIUM

A. DÉFINITION DU MARCHÉ DE PRODUITS

38. Ce marché concerne l'acquisition de la technologie et des équipements permettant l'installation de nouvelles capacités d'enrichissement. Selon les parties, le marché en cause est celui de la technologie et des équipements de centrifugation.

39. Jusqu'à récemment, quiconque souhaitait enrichir de l'uranium devait développer la technologie et construire les installations de production lui-même (16). Le marché des équipements devrait se développer dans l'avenir. Toutefois, des technologies concurrentes, telles que l'enrichissement laser parallèlement aux technologies de centrifugation, pourraient apparaître sur le plus long terme.

40. L'enquête de la Commission a révélé qu'il est peu probable que d'autres technologies exercent des pressions concurrentielles à moyen terme étant donné que i) la diffusion gazeuse s'avère être considérablement plus onéreuse en termes de frais d'exploitation et qu'elle n'est donc pas concurrentielle (17) et que ii) les autres technologies n'en sont pas à un stade de développement industriel ou commercial.

41. Par conséquent, le marché de produits à prendre en considération aux fins de l'appréciation de la présente affaire peut être soit le marché de la technologie et des équipements de centrifugation, soit celui des équipements d'enrichissement dans son ensemble puisque, sur le court à moyen terme, les seuls équipements commercialisés seront basés sur la technologie de centrifugation et que, par voie de conséquence, l'appréciation au regard du droit de la concurrence n'en sera pas modifiée.

B. DÉFINITION DU MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

42. Les parties considèrent que le marché géographique de la technologie et des équipements de centrifugation est de dimension mondiale. À la suite du projet de concentration, ETC proposera ses équipements de centrifugation dans le monde entier, de même que les clients rechercheront des fournisseurs dans le monde entier. Les frais de transport des équipements de centrifugation sont d'ailleurs généralement peu élevés par rapport au coût total de construction d'une usine d'enrichissement. Les parties déclarent que les questions réglementaires qui restreignent le commerce/l'acquisition de la technologie et des équipements de centrifugation se limitent aux pays actuellement considérés comme présentant un risque du point de vue de la prolifération, étant donné que le TNP a pour objet d'empêcher les États non dotés d'armes nucléaires d'utiliser des matières ou technologies nucléaires à des fins de production d'armes nucléaires. C'est pourquoi les matières nucléaires font l'objet de garanties (contrôles) de l'AIEA, établies par des accords spéciaux et des protocoles conclus avec l'AIEA. De plus, les orientations à l'intention des fournisseurs nucléaires (NSG, Nuclear Suppliers Guidelines) (18) prévoient que les fournitures de matières et d'équipements sont subordonnées à des garanties de "portée totale", c'est-à-dire que toutes les installations sont visées par les garanties.

43. L'enquête de la Commission a indiqué qu'il était possible qu'un marché mondial des équipements d'enrichissement se développe. À la suite du projet de concentration, ETC ne serait autorisée, selon les termes du TNP et des NSG, qu'à vendre ses équipements aux pays ayant signé des accords avec des pays qui sont parties au traité d'Almelo ou ayant signé avec les signataires du traité d'Almelo19 un accord visant à empêcher la prolifération de la technologie. Les États-Unis sont jusqu'à présent le seul pays à avoir signé un tel accord; la France devrait le faire dans un avenir proche. Les parties maintiennent que, compte tenu des longs délais qui caractérisent l'industrie nucléaire, il ne s'agit pas d'une restriction sérieuse puisque des accords intergouvernementaux pourraient être négociés dès lors que des clients convenables pour les équipements auront été trouvés.

44. Compte tenu de ce qui précède, il semble que le marché de la technologie et des équipements d'enrichissement soit de dimension mondiale.

C. APPRÉCIATION AU REGARD DU DROIT DE LA CONCURRENCE

45. Les parties affirment que la concentration n'a pas d'effet sur le marché des équipements, étant donné qu'Areva n'a pas accès à une technologie moderne en matière d'équipements et qu'elle n'est dès lors pas un concurrent potentiel sur ce marché.

46. À l'heure actuelle, trois sociétés, en plus d'Urenco, utilisent des équipements de centrifugation pour enrichir l'uranium. Il s'agit de la société russe Minatom/Tenex ("Tenex"), d'une capacité d'environ 20 millions d'UTS, de la société japonaise JNFL, d'une capacité de 1 050 millions d'UTS, et de la société chinoise CNNC, d'une capacité d'1 million d'UTS (20). Alors que les centrifugeuses chinoises reposent sur la technologie russe, le Japon a mis au point ses propres équipements de centrifugation. Préalablement au projet d'opération, Areva avait engagé des discussions avec la société japonaise JNFL au sujet du développement d'une technologie de centrifugation. Tenex pourrait entrer en concurrence avec ETC sur le marché des équipements, puisqu'elle a déjà vendu des équipements de centrifugation à la société d'enrichissement chinoise China National Nuclear Corporation (CNNC). Il est également possible que la société américaine USEC commercialise à l'avenir sa technologie d'enrichissement. Par ailleurs, une société australienne est en train de mettre au point une technologie laser qui, à plus long terme, pourrait devenir une technologie concurrente.

47. Quatre répondants à l'enquête de la Commission considèrent que la concentration limiterait les incitations à l'innovation sur ce marché, puisqu'Areva cesserait ses activités indépendantes de recherche ou développement. [Le CEA, organisme public français,] avait précédemment exercé des activités de développement d'une technologie de centrifugation, activités qu'il a cependant cessées en 1978. [Le CEA] a depuis concentré ses ressources sur le développement de la technologie laser, auquel il a néanmoins mis un terme en 2003 (21). Selon les parties, si Areva décidait de reprendre ses propres activités de développement de la technologie de centrifugation, cela pourrait demander entre 10 et 15 ans avant d'atteindre le stade de la faisabilité industrielle. USEC a rencontré les mêmes problèmes concernant le développement de la technologie laser, auquel elle a d'ailleurs renoncé récemment, avant de relancer son programme de développement de la technologie de centrifugation en 1998. USEC compte être pleinement opérationnelle en 2008, soit 10 ans après la reprise des efforts de développement de la technologie de centrifugation.

48. À la suite du projet de concentration avec ETC, Areva n'aurait plus d'intérêt à développer une autre technologie d'enrichissement, puisque l'ensemble des activités de recherche et de développement auraient lieu chez ETC. Une tierce partie avance que cela mettrait un terme à la concurrence entre les deux seules sociétés d'enrichissement d'Europe pour ce qui est des nouveaux projets destinés à poursuivre le développent de la technologie.

49. En réponse, les parties allèguent que: i) Areva n'a jamais réalisé d'activités de recherche indépendantes dans ce domaine et que l'organisme public français, le CEA, qui a mené ces programmes de R&D, a mis un terme à ses activités de recherche sur la technologie de centrifugation il y a près de 30 ans; ii) les résultats des éventuelles activités de recherche qu'Areva ou le CEA pourrait démarrer aujourd'hui arriveraient trop tard pour permettre à la société de survivre sur le marché de l'enrichissement; iii) ces préoccupations vaudraient tout autant quelle que soit la structure de l'opération (entreprise commune, vente totale, accord de fourniture ou autre); et iv) les motivations encourageant ETC à investir en R&D seront en fait plus importantes suite à l'opération qu'en son absence.

50. Le fait que les activités de recherche ont été entreprises par le CEA et non par Areva doit être considéré comme neutre étant donné que l'État français possède la totalité de ces deux entités et que l'attribution de programmes de recherche à des entreprises ou institutions spécifiques possédées par l'État français doit être vue comme une question d'organisation interne. [Le CEA] a fait de lourds investissements dans la recherche sur l'enrichissement laser de l'uranium, recherche qui s'est avérée vaine et qui a désormais été abandonnée.

51. L'argument selon lequel les résultats d'éventuelles activités de recherche réalisées par Areva (ou le CEA) arriveraient trop tard pour éviter à Areva de sortir du marché est difficile à apprécier. Areva a déclaré publiquement à plusieurs reprises que son usine d'enrichissement par diffusion gazeuse pouvait être exploitée jusqu'au début des années 2020. Areva ou le CEA pourrait développer, seul(e) ou éventuellement avec un partenaire, une technologie de centrifugation adéquate. Il est néanmoins fort peu probable que cette technologie puisse être aussi performante que celle d'Urenco qui fait l'objet d'un développement permanent depuis plus de trente ans. Dans le même temps, les hausses prévues du coût de l'électricité ne cesseraient d'amoindrir la compétitivité de la production de l'usine d'enrichissement par diffusion gazeuse d'Areva.

52. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au considérant 46, Urenco est actuellement concurrencée par Tenex et JNFL et en proie à la concurrence potentielle d'USEC. Il n'est pas certain que les activités de recherche qu'Areva pourrait entreprendre puissent donner lieu à un produit commercialement viable. Par ailleurs, si ces activités de recherche s'avéraient fructueuses, il est fort probable que le produit d'Areva ne serait en mesure d'entrer effectivement en concurrence que sur le long terme. Dans ces circonstances, il semble que l'effet de l'opération sur l'innovation puisse être marginal et spéculatif. Les marchés de l'innovation sont habituellement fonction d'un grand nombre de paramètres incertains et ne justifient donc souvent pas une intervention réglementaire. Cela est particulièrement vrai dans un cas tel que celui de la technologie d'enrichissement de l'uranium, où le cycle de vie d'un nouveau produit est compris entre 10 et 20 ans. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission considère que l'opération ne soulève pas de doutes sérieux en ce qui concerne le marché des équipements d'enrichissement de l'uranium ou de centrifugation.

ii) URANIUM ENRICHI

A. DÉFINITION DU MARCHÉ DE PRODUITS

53. La fourniture d'uranium enrichi comporte une fourniture principale provenant des usines d'enrichissement à vocation commerciale, d'une part, et une fourniture secondaire provenant essentiellement du mélange de l'uranium hautement enrichi (UHE) d'origine militaire, d'autre part.

Uranium naturel enrichi/ uranium appauvri enrichi

54. L'uranium enrichi utilisé pour le combustible nucléaire est couramment appelé uranium faiblement enrichi (UFE). L'uranium faiblement enrichi peut être fabriqué selon diverses méthodes de production. Après conversion, l'uranium naturel peut être enrichi de sorte à faire passer la teneur en U-235 à 3-5 % ainsi qu'il a été décrit ci-dessus (considérants 21-29). Ce produit porte habituellement le nom d'uranium naturel enrichi.

55. On peut également produire de l'UFE en procédant à l'enrichissement de l'uranium appauvri (rejets) au moyen de l'extraction de l'uranium 235 restant dans les rejets. L'enrichissement des rejets diffère en termes de rendements financiers et n'est réalisé qu'en Russie par Tenex. Areva et Urenco fournissent les rejets à Tenex en vue de leur enrichissement et [...]. Il n'y a pas de différence entre l'uranium naturel équivalent (UF6) résultant de l'enrichissement des rejets et l'uranium d'origine naturelle (UF6), ceux-ci répondant notamment aux mêmes spécifications en matière d'alimentation. Même s'il peut y avoir quelques différences insignifiantes dues au dosage des isotopes d'uranium, les deux produits sont conformes à la spécification ASTM acceptée internationalement22 concernant l'UFE produit à partir d'uranium naturel, qui détermine les exigences en fonction de la teneur isotopique et des mélanges chimiques. L'enquête de la Commission a montré que l'uranium naturel enrichi et l'uranium appauvri enrichi sont considérés comme des produits totalement interchangeables par les services d'utilité publique. Ces derniers affirment en effet qu'il n'y a pas d'écart de prix notable entre ces deux produits et que la substituabilité est parfaite du côté de la demande.

Uranium hautement enrichi (UHE) mélangé

56. Les matières nucléaires déclarées excédentaires par rapport aux besoins militaires par les États-Unis et la Russie sont transformées en combustible pour les réacteurs nucléaires commerciaux. Il s'agit principalement d'uranium hautement enrichi (UHE), contenant au moins 20 % et habituellement environ 90 % d'U-235. L'UHE peut être mélangé à de l'uranium à faible teneur en U-235 pour produire de l'UFE, à teneur en U-235 inférieure à 5 %, pour les réacteurs nucléaires. Il est mélangé à de l'uranium appauvri (U-238 en majorité), à de l'uranium naturel (0,7 % U-235) ou à de l'uranium partiellement enrichi. (23)

57. L'enquête de la Commission a révélé que l'uranium hautement enrichi mélangé joue un rôle mineur sur le marché européen mais un rôle important en dehors de l'Europe, aux États-Unis notamment. Les services d'utilité publique avancent que l'UFE produit à partir d'UHE en le mélangeant à de l'uranium naturel ou appauvri et dans le respect de la spécification ASTM peut être considéré comme un produit parfaitement interchangeable avec l'uranium naturel enrichi ou l'uranium appauvri enrichi.

Uranium mélangé enrichi (UME)

58. L'uranium mélangé enrichi peut être identifié comme une catégorie possible d'UFE. Au lieu de faire ré-enrichir l'uranium retraité au moyen d'équipements conventionnels, certains services d'utilité publique, souvent en partenariat avec des fabricants communautaires, envoient la matière en Russie où elle est mélangée à de l'uranium hautement enrichi d'origine militaire. Suite à son mélange, la matière est renvoyée dans la Communauté sous forme d'uranium enrichi en vue de la fabrication d'éléments combustibles. (24) Il s'agit d'uranium enrichi contenant des traces d'isotopes secondaires dans des proportions qui n'ont pas d'impact technique ou radiologique sur la fabrication, la manipulation ou l'irradiation du combustible. L'uranium mélangé enrichi a ainsi un avantage sur l'uranium retraité enrichi en matière de manipulation et d'autorisation des centrales électriques. Le nombre d'installations de fabrication autorisées à accepter un tel produit est toutefois limité. L'UME est produit en Russie et importé dans la Communauté où il est livré aux fabricants de combustibles. L'UME est utilisé par un nombre très réduit de services d'utilité publique en raison de contraintes techniques et réglementaires et représente environ [0-10] % de l'UFE européen. La question de savoir s'il conviendrait d'intégrer l'UME dans le marché de produits de l'UFE peut être laissée en suspens puisque la quantité d'UME sur le marché européen, voire même sur le marché mondial, est insignifiante.

Uranium retraité enrichi/MOX

59. Lors du retraitement du combustible nucléaire usé, le plutonium et l'uranium sont récupérés séparément. L'uranium représente environ 96 % de ce combustible usé. Si la composition de l'uranium retraité dépend de la durée pendant laquelle le combustible s'est trouvé dans le réacteur, il s'agit essentiellement d'U-238. Il contient habituellement 1 % d'U-235 et de faibles quantités d'U-232 et d'U-236. Le premier est un émetteur gamma, ce qui rend la matière difficile à manipuler. Le dernier, représentant environ 0,5 % de la matière, est un absorbeur de neutrons, ce qui suppose que si l'uranium retraité est utilisé pour fabriquer du combustible neuf, il doit être enrichi légèrement plus que s'il s'agissait d'uranium naturel. 25 L'uranium retraité ré-enrichi présente néanmoins également l'inconvénient que les impuretés sont elles aussi enrichies, ce qui oblige à procéder à l'enrichissement sur des cascades dédiées à l'enrichissement d'uranium retraité. Pour des raisons pratiques, le ré-enrichissement d'uranium retraité ne se fait que dans des usines d'enrichissement par centrifugation, où il est possible de limiter la contamination à des cascades individuelles. Le risque de contamination a par ailleurs un impact négatif sur la fabrication ultérieure des assemblages de combustibles contenant de l'uranium retraité et l'utilisation de ce combustible dans les centrales nucléaires. En règle générale, le coût de production (en UTS) de l'enrichissement d'uranium retraité est similaire à celui de l'enrichissement d'uranium naturel. Toutefois, en ce qui concerne l'enrichissement d'uranium retraité, Urenco [doit] couvrir ses coûts supplémentaires résultant du fait que l'uranium retraité n'est pas une source d'alimentation standard, ainsi que des plus grandes exigences en matière de protection (blindage, etc.). La contamination suppose par ailleurs des frais supplémentaires de déclassement.

60. Du côté de la demande, l'utilisation d'uranium retraité enrichi exige que les installations disposent d'une autorisation particulière. L'uranium retraité enrichi ne répond en principe pas aux spécifications requises par la plupart des fabricants de combustibles et la fabrication de combustible à partir de cette matière serait plus coûteuse. L'uranium retraité enrichi n'est pas conforme à la spécification ASTM C-990-96 concernant le combustible produit à partir d'uranium naturel. Le coût d'utilisation de l'uranium retraité enrichi est nettement plus élevé que celui de l'uranium naturel enrichi.

61. Le plutonium présent dans le combustible usé peut être réutilisé pour fabriquer du MOX. La production de combustible MOX ne suppose pas d'enrichissement, mais plutôt un mélange des deux produits. Le MOX n'est utilisé que dans les réacteurs spécialement prévus à cet effet. À l'instar de l'uranium retraité enrichi, le coût de fabrication du MOX est nettement plus élevé que celui de l'uranium naturel faiblement enrichi. L'utilisation de MOX nécessite parfois d'apporter des modifications techniques au réacteur, afin d'adapter son comportement dynamique. De plus, après irradiation, le MOX doit être entreposé plus longtemps pour refroidir avant d'être transporté vers une installation d'entreposage ou une usine de retraitement. L'enquête de la Commission a montré que le MOX et l'uranium naturel enrichi sont des produits très différents et qu'ils ne sont pas interchangeables. Il existe un grand nombre de différences en termes de fonctionnalité notamment, par exemple la protection radioactive plus importante requise par la fabrication du combustible et la difficulté de manipulation. Le coût d'utilisation du MOX est par ailleurs nettement plus élevé que celui de l'uranium naturel enrichi.

62. Les parties sont d'accord avec la Commission pour dire que l'uranium hautement enrichi mélangé, l'uranium naturel enrichi et l'uranium appauvri enrichi, dont la teneur en isotopes U-235 est de 3-6 %, sont tous des produits de substitution. Les parties estiment toutefois que l'uranium mélangé enrichi peut également être considéré comme un substitut à l'uranium faiblement enrichi, de par son enrichissement ou son mélange à de l'uranium hautement enrichi. S'il est vrai que le prix de l'uranium mélangé enrichi semble plus élevé de prime abord, tout ce qui entoure sa fourniture est plus complexe. Les parties déclarent que, même si l'uranium mélangé enrichi et même le MOX ne sont pas considérés comme faisant partie du marché de l'uranium enrichi, ils exercent des pressions concurrentielles sur la détermination des prix sur ce marché et sont considérés comme des produits de remplacement possibles par les services d'utilité publique.

Conclusion

63. Compte tenu de ce qui précède, on peut conclure que le marché de produits englobe l'uranium naturel enrichi, l'uranium appauvri enrichi et l'uranium hautement enrichi mélangé, avec une teneur en U-235 de 3-6 %. Eu égard à leurs caractéristiques différentes, l'uranium retraité enrichi et le MOX ne doivent pas être considérés comme faisant partie du marché de produits en cause. Il n'est pas nécessaire, aux fins de la présente décision, de trancher la question de savoir si l'uranium mélangé enrichi fait partie du marché de produits, puisque cela ne modifierait pas sensiblement l'appréciation au regard du droit de la concurrence du projet d'opération.

B. LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE EN CAUSE

64. La Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (26) ("Communication sur la définition du marché") définit le marché géographique en cause de la manière suivante: "Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable".

65. Les différents faits et arguments qui présentent un intérêt pour l'appréciation du cadre géographique en cause dans la présente affaire sont présentés et discutés ci-après.

La position des parties

66. Les parties ont suggéré que le marché de la fourniture d'UFE est de dimension mondiale. Elles font principalement observer: i) que ce marché compte un nombre limité de fournisseurs qui sont tous présents à l'échelle mondiale; ii) que l'UFE est un produit complètement homogène soumis à des normes internationales, indépendamment de l'endroit où il a été enrichi; iii) que les frais de transport de l'UFE sont relativement peu élevés et ne représentent qu'environ [0-10] % du prix par UTS en ce qui concerne les expéditions transatlantiques; iv) que les considérations en matière de non-prolifération n'empêchent pas les envois d'UFE entre pays signataires des traités de non-prolifération; v) qu'il n'y a pas de quotas limitant les importations d'UFE dans la Communauté; et vi) que les restrictions en matière d'exportation d'UFE de la Communauté à destination d'autres zones géographiques et, en particulier, les droits antidumping et compensateurs imposés par les États-Unis à l'encontre des sociétés d'enrichissement européennes, ne présentent pas d'intérêt pour l'appréciation de la dimension géographique du marché du point de vue des clients européens.

67. En guise de position de repli, elles affirment que le marché géographique en cause est à tout le moins de dimension européenne: "[S]i la Commission venait à considérer que le marché de l'enrichissement d'uranium n'a pas de dimension mondiale, la dimension géographique du marché serait au moins paneuropéenne." (27)

68. Pour étayer leurs arguments, les parties ont commandé une étude au cabinet-conseil LECG. Cette étude, qui est basée sur les prix que les parties ont obtenus pour des ventes et sur les offres qu'elles ont faites dans différentes zones géographiques, est destinée à apporter la preuve que le marché géographique en cause dépasse le territoire communautaire. Ce rapport est discuté ci-dessous (considérants 84 à 100).

Les résultats de l'enquête de la Commission par rapport à la position des parties

Le nombre limité des acteurs

69. L'enquête de la Commission a confirmé qu'il n'existe dans le monde que quatre grandes sociétés assurant la fourniture d'UFE, à savoir Areva, Urenco, USEC (États-Unis) et Tenex (Russie). Deux acteurs plus petits, CNNC (Chine) et JFNL (Japon), sont également présents, mais ils fournissent essentiellement leur marché national. Le Japon et la Chine sont tous deux des pays importateurs nets d'UFE. Cependant, même si l'on ne tient compte que des quatre principaux fournisseurs, on ne peut pas dire qu'ils sont tous présents à l'échelle mondiale. Les besoins de la Russie sont exclusivement satisfaits par Tenex. Aux États-Unis, les ventes d'uranium hautement enrichi mélangé d'origine militaire russe sont exclusivement réalisées par USEC auprès des utilisateurs finals dans le cadre du programme dit "Des mégatonnes aux mégawatts" (Megatons to Megawatts); l'intervention de Tenex se limite à celle d'un intermédiaire agissant pour le compte du ministère russe de l'Energie atomique (Minatom).

Produit homogène

70. L'enquête de la Commission a montré que l'UFE est un produit homogène vendu conformément aux spécifications ASTM.

Frais de transport

71. L'enquête de la Commission a confirmé globalement le point de vue des parties consistant à dire que les frais de transport (de l'ordre de [0-10] %) ont un impact marginal sur le coût de l'UFE et que les services d'utilité publique se procurent de l'UFE auprès d'entreprises implantées dans différentes zones géographiques.

Non-prolifération

72. L'enquête a confirmé que les considérations en matière de non-prolifération n'ont pas d'incidence sur les transferts d'UFE entre pays signataires du TNP qui, conformément aux NSG (28), disposent d'un système de garanties de portée totale. Ces pays représentent la quasi-totalité des utilisations d'UFE.

Situation réglementaire des importations d'UFE dans la Communauté

73. Malgré l'absence de quotas limitant les importations d'UFE dans la Communauté, les réponses aux demandes de renseignements de la Commission montrent que les acheteurs communautaires d'UFE s'accordent quasiment tous à dire que la déclaration de Corfou (considérants 121 à 140) limite les possibilités d'achat en Russie des services d'utilité publique européens. Cette déclaration a pour but de veiller à ce que les importations d'UFE de la Communauté en provenance de Russie n'entraînent pas une réduction appréciable des parts de marché des producteurs européens susceptible de nuire à leur viabilité en tant que fournisseurs. La déclaration fait référence à la part de marché moyenne cumulée des producteurs européens entre 1991 et 1993, qui se situait aux alentours de 80 %.

La position de la Commission

74. La Commission est d'avis que les restrictions frappant les exportations d'UFE d'origine communautaire à destination d'autres zones géographiques et, en particulier, les droits antidumping et compensateurs américains sont le signe de conditions de concurrence différentes dans ces zones.

75. Pour examiner le marché géographique en cause, la Commission a suivi la méthodologie énoncée dans la Communication sur la définition du marché. C'est donc sur la base de la distribution des parts de marché et des prix dans différentes zones géographiques qu'une hypothèse de travail a été mise au point, puis testée sur la base de considérations du côté de l'offre et de la demande.

Parts de marché

La stabilité de la part de marché élevée des deux producteurs européens sur le marché européen

76. Le fait que des fournisseurs soient en mesure de maintenir longtemps une position forte et stable sur le marché dans une zone géographique donnée est un élément indiquant qu'ils peuvent ne pas subir de pressions concurrentielles substantielles de la part de forces extérieures à cette zone. Cette circonstance plaide en faveur de la définition de la zone en question comme un marché géographique distinct du point de vue de la concurrence. D'autre part, les différences de parts de marché peuvent s'expliquer par des raisons historiques et ne sont pas en soi incompatibles avec une définition plus large du marché.

77. Dans la présente affaire, comme le montre la figure 1 ci-dessous, les deux sociétés européennes d'enrichissement se sont partagées environ 80 % du marché européen au cours des treize dernières années.

<emplacement tableau>

78. À cet égard, il importe de noter que, même si les parts de marché de chacun des deux producteurs européens ont connu des fluctuations au cours de la période considérée, leur part de marché cumulée est constamment restée aux alentours de 80 % du marché communautaire. On peut déduire de la grande stabilité des parts de marché cumulées des deux producteurs européens qu'ils ne subissaient pas de pressions concurrentielles véritablement significatives de la part des sociétés d'enrichissement implantées dans des zones géographiques différentes, qui n'ont jamais pu se développer dans la Communauté au détriment des producteurs européens.

79. Quelles que soient les raisons à l'origine de cette situation, le fait que les deux sociétés européennes d'enrichissement ont longtemps détenu une part de marché très élevée et stable peut laisser entendre que la Communauté pourrait être considérée comme un marché géographique distinct.

Des parts de marché différentes dans des régions géographiques différentes

80. L'uranium enrichi est essentiellement consommé dans quatre régions: la Communauté, les Amériques (surtout les États-Unis), la Russie (dont les nouveaux États indépendants) et l'Asie (Chine, Corée, Japon et Taïwan). La Russie est entièrement réservée aux fournisseurs russes. Dans la Communauté, Areva et Urenco détiennent ensemble une part de marché d'environ 80 %, USEC moins de 5 %, et Tenex, un peu moins de 20 %.

81. L'entreprise russe Tenex fournit de l'uranium hautement enrichi mélangé qui est ensuite vendu par USEC aux États-Unis. La matière mélangée pouvant être considérée comme faisant partie des ventes d'USEC étant donné que c'est elle qui passe les contrats avec les clients, USEC aurait alors une part de 64 %. Sinon, la part des producteurs russes se monterait à plus de 30 % et les parts d'USEC, d'une part, et d'Areva et Urenco considérées ensemble, d'autre part, seraient d'environ 30 % chacune.

82. En Asie, USEC est le plus grand fournisseur, avec plus de 50 % du marché. La Commission part du principe que la fourniture d'uranium enrichi s'inscrit dans le cadre des accords de coopération en matière nucléaire dans cette région. Les fournisseurs européens détiennent à eux tous à peine 30 % et les Russes moins de 10 %.

<emplacement tableau>

83. Il en résulte clairement que les parts de marché diffèrent considérablement selon les régions, ce qui peut laisser entendre qu'il pourrait y avoir différents marchés géographiques en cause. D'autre part, les différences de parts de marché selon les pays peuvent s'expliquer par des raisons historiques et ne sont pas en soi incompatibles avec une définition plus large du marché.

Les prix

Étude réalisée par LECG

84. Les parties ont présenté un rapport (le "rapport LECG") qui analyse les niveaux des prix dans les différentes régions du monde. Ce rapport analyse les types suivants d'information sur les prix: i) prix contractuels annuels moyens (en EUR/UTS) des fournitures réalisées par Areva et Urenco dans l'EEE, aux États-Unis, au Japon et dans d'autres parties du monde (de 1994 à 2003); ii) prix annuels moyens (en USD/UTS) offerts par Urenco pour la fourniture de services d'enrichissement à travers le monde (1994-2003), et iii) prix offerts dans différentes offres (en USD/UTS) par Urenco pour la fourniture de services d'enrichissement à travers le monde (1994-2003). Les parties affirment que ces comparaisons de prix montrent qu'à l'exception d'un ou deux cas particuliers (29), Areva et Urenco facturent des prix similaires par UTS [dans différentes régions du monde].

85. La Commission a examiné s'il ressort des comparaisons de prix fournies par les parties que les prix sont globalement similaires à travers le monde.

86. Il s'avère que les informations concernant les prix contractuels annuels moyens révèlent certaines différences entre l'EEE, les États-Unis, le Japon et d'autres parties du monde ces dernières années, différences qui ne sont pas insignifiantes. On note tout de même une tendance à la convergence. En ce qui concerne Urenco, les informations montrent que son prix moyen par UTS dans l'EEE exprimé en euro est plutôt resté constant [...] [...]. (30) Au cours de la même période, les prix ont nettement augmenté aussi bien en Asie qu'aux États-Unis. Entre 1995 et 2000, le prix moyen pratiqué par Urenco aux États-Unis est passé de [...] (31) à plus de [...] (32), soit une hausse de plus de [...]. (33) En 2001 et 2002, le prix moyen d'Urenco aux États-Unis était [...] (34) plus élevé que dans l'EEE en raison des droits antidumping instaurés en 2001.

87. Les prix moyens pratiqués par Urenco en Asie entre 1995 et 2000 ont également augmenté [...] pour se situer, en 2001, à un niveau d'environ [...] (35) supérieur aux prix pratiqués dans l'EEE. Le resserrement récent des écarts de prix est en partie dû à la dépréciation du dollar américain, qui a fait baisser la valeur des contrats exprimés en euro. On observe une différence similaire en ce qui concerne la tendance et les niveaux des prix moyens des ventes d'Areva. (36) Les prix moyens pratiqués en Asie et aux États-Unis ont augmenté [...] entre 1995 et 2000 alors qu'ils sont restés stables ou ont même baissé dans l'EEE au cours de la même période. La hausse des prix d'Urenco en dehors de l'EEE coïncide avec une augmentation [...] de plus de [...] (37) des ventes d'Urenco aux clients hors EEE entre 1995 et 2002. (38)

88. [...]. Néanmoins, entre 1995 et 2003, les prix sont restés stables dans tous les pays de l'EEE à l'exception de [...], où les prix ont augmenté de 1995 à 1997.

89. Une comparaison des prix offerts par Urenco révèle un certain écart entre les prix pratiqués dans l'EEE et hors EEE à partir de l'année 1999 avec [...] (39), mais également une tendance à la convergence. Cet écart ne peut s'expliquer totalement par les droits compensateurs instaurés par les États-Unis, puisqu'ils ne l'ont été qu'en 2001 [...]. (40)

90. Les prix des contrats effectivement signés par Urenco constituent un indicateur plus pertinent des prix du marché. Ces prix montrent [...] (41). Si on exprime les prix contractuels en euro, on constate que les prix ont connu une hausse plus rapide aux États-Unis que dans la Communauté entre 1995 et 2001 et qu'en moyenne, les contrats européens d'Urenco ont [...] (42). De plus, la dépréciation du dollar de ces dernières années a manifestement fait chuter les prix des contrats américains exprimés en euro alors que le prix des contrats européens en euro est resté stable. Les évolutions des prix relatifs provoquées par les fluctuations monétaires semblent indiquer que l'arbitrage n'est pas courant dans ce secteur. (43)

91. Les parties présentent également une analyse de régression, dans le but d'analyser de manière plus systématique le lien entre les prix offerts par Urenco (pour toutes les offres, retenues ou non) et la région d'approvisionnement, en tenant compte d'autres variables susceptibles d'expliquer les prix offerts. (44) Une régression portant sur les prix contractuels à partir des variables suggérées par les parties (comme étant les variables explicatives pertinentes) indique que l'on ne peut exclure des écarts de prix significatifs entre les régions. En particulier, les prix moyens aux États-Unis [...]. (45)

92. La sélection des variables qui caractérisent les contrats semble également problématique. Un examen des clauses sous-jacentes des contrats révèle une grande complexité des conditions de chaque contrat individuel. Chercher à retranscrire cette complexité par un nombre limité de variables indicatrices semble trop simple et risquerait de produire des résultats imprécis. Par exemple, [...]. Compte tenu de l'extrême complexité et de la variabilité des conditions des contrats, le recours à une analyse par régression linéaire dans ce cas particulier serait problématique et probablement également peu instructif.

93. La Commission met par ailleurs en doute certaines des autres conclusions du rapport. Le rapport fait remarquer que "[s]i la déclaration de Corfou (46) avait une incidence significative sur les prix européens, cela se traduirait par une montée des prix contractuels en Europe (mais pas dans le reste du monde) à partir de 1996" (47). Il s'avère néanmoins que la déclaration de Corfou a eu pour principal effet, et même pour principal objet, d'empêcher une baisse des prix en Europe, autrement dit, de maintenir les prix stables (ce qui s'est effectivement passé). Par ailleurs, le rapport indique que la "déclaration de Corfou n'a pas fait passer les prix pratiqués dans l'EEE au-dessus des niveaux mondiaux" (48). Toutefois, dans un contexte où chacun des principaux marchés bénéficie d'un certain type de protection, il n'est pas évident que les prix doivent être plus élevés dans l'EEE qu'ailleurs pour que la déclaration de Corfou puisse avoir une incidence. Le rapport n'a d'ailleurs pas montré que les prix pratiqués dans l'EEE étaient égaux à ceux pratiqués en Russie.

Observations complémentaires concernant les prix

94. Lorsqu'elle interprète les niveaux des prix tels qu'ils existent dans le monde, la Commission constate que ce secteur se caractérise actuellement par l'existence de deux technologies d'enrichissement concurrentes mais profondément différentes, l'une (diffusion gazeuse) présentant des coûts élevés, et l'autre (centrifugation) des faibles coûts. Selon la Commission, ces différences de technologie ainsi que les problèmes de capacité à court terme de la société la plus performante, Urenco, créent un "prix focal" sur le marché. Les prix d'Urenco [...].

95. Les différences de coûts ne sont pas seulement liées au coût total par UTS mais aussi, et surtout, aux coûts variables par UTS. Ainsi que les parties l'ont indiqué, la proportion des coûts variables dans l'exploitation d'une usine d'enrichissement par diffusion gazeuse (amortie) est très importante [...] (49), en raison de la grande quantité d'électricité nécessaire à la diffusion gazeuse, et assez faible [...] pour une usine d'enrichissement par centrifugation.

96. Les différences au niveau des coûts variables impliquent que la détermination des prix [...]: la fourchette de prix à l'intérieur de laquelle l'enrichissement par centrifugation est rentable (c'est-à-dire où les revenus marginaux dépassent les coûts marginaux) est nettement plus large qu'en ce qui concerne la diffusion gazeuse. Comme toute entreprise ordinaire, les acteurs de la diffusion gazeuse ne pratiqueraient pas un prix inférieur à leur coût variable moyen. À cet égard, les coûts variables moyens de l'enrichissement par diffusion gazeuse constituent un prix plancher pour Areva, au-dessous duquel elle ne peut descendre. En revanche, l'enrichissement par centrifugation reste rentable à ce niveau, en ce sens où les marges bénéficiaires ne sont pas négligeables. C'est sa technologie supérieure qui permet à Urenco de profiter de cette flexibilité tarifaire.

97. [...] Ce schéma est confirmé par les informations fournies par les parties concernant les prix moyens, de même que par l'examen des informations sur différents appels d'offres. Un nombre considérable de clients ont également décrit la politique tarifaire d'Urenco dans ces termes (50). Le modèle suivi par Urenco consiste à développer progressivement sa capacité et à proposer un prix de sorte à obtenir des contrats permettant d'exploiter pleinement sa capacité.

98. On peut observer un schéma similaire en ce qui concerne la fixation des prix d'Urenco aux États-Unis, où USEC est le principal acteur du marché. La technologie de diffusion gazeuse d'USEC est plus ancienne que celle d'Areva et ses usines d'enrichissement sont aussi légèrement moins performantes. USEC a pu compenser son inefficacité relative dans une certaine mesure grâce à la possibilité qui lui était offerte de se procurer de l'uranium hautement enrichi mélangé auprès de la Russie au titre des accords de déclassement États-Unis/Russie. Ces approvisionnements ont cependant également coûté assez cher à USEC. Ainsi qu'il est expliqué ci-après (considérants 107-113), USEC est actuellement jugée moins compétitive qu'Urenco.

99. Les prix de référence pratiqués tant dans la Communauté qu'aux États-Unis semblent donc être déterminés par le niveau de prix auquel les deux principales entreprises d'enrichissement par diffusion gazeuse (Areva dans la Communauté et USEC aux États-Unis) sont en mesure de fonctionner. Urenco [...]. Le fait que les prix pratiqués dans les deux régions soient déterminés par la même technologie (diffusion gazeuse) peut supposer qu'il n'y ait pas un si grand écart de prix entre la Communauté et les États-Unis. Néanmoins, [...].

Conclusion concernant les prix

100. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la conclusion du rapport LECG, selon laquelle les éléments qui y sont apportés constituent la preuve manifeste que le marché géographique en cause va au-delà du territoire de la Communauté, n'est pas suffisamment motivée. C'est pourquoi la Commission ne peut accorder de l'importance au rapport LECG quant à son appréciation du marché géographique.

Liens entre les clients et les producteurs communautaires

101. Eurodif, la filiale d'Areva qui exploite l'usine d'enrichissement par diffusion gazeuse Georges-Besse, a [...], Synatom (l'agence d'approvisionnement nucléaire belge) et Enusa (l'agence d'approvisionnement espagnole) comme actionnaires minoritaires. [Areva compte Électricité de France (le premier exploitant français de centrales nucléaires) parmi ses actionnaires minoritaires]. Les actionnaires indirects d'Urenco comprennent deux grands services d'utilité publique allemands, RWE et E.ON.

102. Si rien n'oblige les services d'utilité publique à acheter tout ou partie de l'uranium enrichi dont ils ont besoin auprès de l'entreprise dont ils sont actionnaires, on peut s'attendre à ce qu'ils aient une certaine préférence pour le fournisseur dans lequel ils ont un intérêt financier. Les services d'utilité publique concernés représentent plus de la moitié de l'électricité nucléaire fournie dans la Communauté. Ces liens pourraient laisser penser que le marché géographique est de dimension communautaire.

Les contraintes limitées imposées par les autres fournisseurs

103. Ainsi que le stipule la Communication sur la définition du marché, la définition géographique d'un marché a pour objet d'identifier les concurrents des entreprises en cause qui sont capables de peser sur leur comportement (51). Seules Minatom/Tenex et USEC peuvent être considérées comment étant potentiellement capables de peser sur Areva et Urenco sur le marché communautaire.

Tenex

104. Il est généralement admis par les parties, des tiers et l'Agence d'approvisionnement Euratom (AAE) que la déclaration de Corfou limite la fourniture de matières russes à 20 % du marché communautaire. La déclaration de Corfou et la question de la sécurité d'approvisionnement sont discutées dans le détail ci-après (considérants 120-139). Tenex semble tout de même faire peser une certaine contrainte concurrentielle sur les parties.

105. La quasi-totalité des répondants à la demande de renseignements de la Commission considèrent la déclaration de Corfou comme une restriction des approvisionnements en provenance de Russie. Un certain nombre estime qu'elle s'applique également à d'autres fournisseurs non-européens. Selon Tenex, le fournisseur russe, "la mise en œuvre de la déclaration de Corfou constitue une contrainte réglementaire qui limite les exportations russes et réserve 80 % du marché européen à Areva et Urenco."

106. Il n'est donc pas certain que l'on puisse considérer que Tenex fait peser une contrainte concurrentielle significative sur Areva/Urenco. Sa part de marché globale est limitée par la déclaration de Corfou. Elle peut donc ne pas avoir d'intérêt à réduire ses prix pour obtenir des parts de marché puisque son volume total est limité et que toute baisse de prix serait synonyme de diminution des recettes et des bénéfices. Ses objectifs consistent à maximiser ses rémunérations en fixant ses prix à un niveau lui permettant de vendre son "quota". Logiquement, si les prix sur le marché devaient augmenter, Tenex augmenterait d'autant ses prix. Par ailleurs, la déclaration de Corfou étant appliquée au cas par cas, Tenex pourrait, dans des circonstances particulières, exercer une certaine pression sur les parties.

USEC

107. Compte tenu des barrières réglementaires auxquelles la société russe Tenex se trouve confrontée en Europe, il importe de déterminer si la seule autre grande société d'enrichissement implantée hors de l'Europe, la société américaine USEC, fait effectivement peser une contrainte significative en Europe sur les deux producteurs européens.

108. Il convient de noter à cet égard que l'enquête de la Commission a clairement montré que cette société ne propose pas d'UFE en Europe à un prix compétitif. Les prix d'USEC sont de l'ordre de [...] USD, ce que les répondants à l'enquête de la Commission ne jugent pas être compétitif. Il importe de signaler que sa part du marché communautaire est faible et en baisse depuis de nombreuses années.

109. Malgré les récentes baisses du taux de change USD/EUR, USEC n'a pas représenté une force concurrentielle en Europe, ne fournissant qu'un nombre limité de clients de longue date. La nomination d'un représentant européen d'USEC pourrait laisser percevoir une position plus active bien qu'elle n'ait pas encore fait augmenter les ventes. Un client potentiel qui a cherché à savoir au mois de mai s'il était possible de passer des contrats en euro n'a jamais obtenu de réponse. (52) Ce même client a déclaré que les conditions contractuelles d'USEC ne sont pas favorables. De plus, USEC semble ne proposer ses prix qu'en USD. Les sociétés européennes auraient donc à se couvrir moyennant un coût supplémentaire d'environ 3 % ou supporter elles-mêmes le risque de change.

110. Le document élaboré par le comité consultatif de l'AAE pour le sommet UE/Russie (53) indique, au sujet d'USEC, qu'"[a]ux États-Unis, l'enrichisseur réduit sa production de manière radicale et compte sur les importations d'uranium enrichi russe ainsi que sur les restrictions de concurrence pour rester présent sur son propre marché et d'autres marchés. Il ne représente actuellement (2002) que quelque 3 % des achats des services d'utilité publique de l'UE et ne semble plus être une source économique pour l'UE, ce qui ne laisse plus que 3 enrichisseurs pour approvisionner l'UE."

111. La capacité limitée observée d'USEC à entrer en concurrence peut s'expliquer par une analyse de ses coûts par rapport à ceux de ses rivaux. Les installations d'enrichissement d'USEC sont encore plus anciennes que celles d'Eurodif et ses coûts sont plus élevés, en dépit du fait que ses frais de déclassement aient été pris en charge par le ministère américain de l'Energie. Dans un rapport élaboré en 2001 (54) pour la haute direction d'Areva, les coûts de production de l'usine d'enrichissement par diffusion gazeuse de Paducah étaient estimés à [...]/UTS à un rendement de [...] millions d'UTS/an. D'après ce même rapport, les coûts de production d'USEC étaient [2 à 5] fois supérieurs à ceux de Tenex.

112. Il semble donc qu'USEC ait soumissionné sans succès en Europe face à l'une ou l'autre des sociétés exploitant la technologie de centrifugation (Urenco et Tenex). De plus, ses coûts semblent être plus importants que ceux d'Eurodif.

113. La capacité actuellement limitée d'USEC à entrer en concurrence en Europe est démontrée par le recul de sa part de marché à mesure de l'expiration de ses anciens contrats qui sont généralement de longue durée. Depuis 1995 USEC n'est parvenue à obtenir qu'un nouveau contrat, par ailleurs très petit, dans la Communauté.

114. Il semble qu'USEC ne connaisse pas un grand succès en Europe avec son usine actuelle.

Cette conclusion semblerait valoir pour un large éventail de taux de change.

Le rôle d'USEC à l'avenir.

115. À l'heure actuelle, environ 50 % des ventes totales d'USEC (environ 5 millions d'UTS/an) concernent l'uranium hautement enrichi mélangé provenant de Russie, source d'approvisionnement garantie jusqu'en 2013. Le restant de la production est assuré par l'usine d'enrichissement par diffusion gazeuse d'USEC située à Paducah, dont la capacité est de 8 millions d'UTS/an et la production actuelle de 6 millions d'UTS/an. Ces sources sont actuellement suffisantes pour assurer les ventes d'USEC aux États-Unis et dans le reste du monde, en Asie principalement. Il existe une deuxième usine d'enrichissement par diffusion gazeuse, plus petite et moins performante, à Portsmouth (Ohio). Cette usine, qui appartient aujourd'hui au ministère américain de l'Energie, est en réserve froide.

116. Pour l'avenir, USEC est en train de mettre au point un modèle de centrifugeuse qui, comme elle l'espère, devrait être opérationnelle d'ici 2010. L'usine d'enrichissement équipée de ces centrifugeuses "Super Jumbo" devrait avoir une capacité d'environ 3,5 millions d'UTS (55).

117. En ce qui concerne le marché américain, il ne faut pas perdre de vue qu'il est prévu que la nouvelle usine d'enrichissement par centrifugation d'Urenco au Nouveau-Mexique sera opérationnelle en 2008, avec une capacité d'environ 3 millions d'UTS. La Commission suppose que cette usine est plus particulièrement destinée à approvisionner les clients américains. La capacité ajoutée par Urenco pourrait avoir pour effet de réduire le volume vendu par USEC sur le marché américain.

118. La capacité réelle totale aux États-Unis sera donc accrue sur le moyen terme, surtout après 2008/2010. Bien qu'USEC ne puisse actuellement pas être considérée comme un véritable concurrent dans la Communauté, on ne peut exclure la possibilité qu'elle cherche, à compter de cette échéance, à mieux exploiter sa capacité, à en orienter une partie sur les ventes dans la Communauté et à redoubler d'efforts pour entrer en concurrence dans la Communauté. Compte tenu des longs délais qui caractérisent ce secteur et de la pratique commerciale consistant à conclure les contrats d'approvisionnement avant même de disposer de la capacité nécessaire, les effets pourraient bien se faire sentir avant les dates mentionnées.

Conclusion concernant les restrictions

119. Tenex semble donc être en mesure de ne faire peser qu'une contrainte limitée sur le comportement d'Areva et d'Urenco. La part de marché de Tenex est limitée par la déclaration de Corfou et l'intérêt qu'elle porte à discipliner les autres acteurs se limite à des cas particuliers. C'est pourquoi la Commission considère que Tenex fait peser une contrainte limitée dans la Communauté. USEC ne semble actuellement pas être en mesure d'entrer en concurrence de manière très efficace en Europe. Toutefois, eu égard à l'accroissement de capacité envisagé aux États-Unis d'ici 2008/2010, on ne peut exclure qu'USEC puisse devenir un bien plus rude concurrent et fasse peser une contrainte concurrentielle sur les acteurs européens du marché d'ici là.

Considérations relatives à la sécurité d'approvisionnement

120. L'enquête de la Commission a montré que les clients s'accordent unanimement sur l'importance de la sécurité et de la diversité des approvisionnements en UFE. Ce point de vue est par ailleurs partagé par les parties, des tiers et l'AAE.

La déclaration de Corfou

121. La question de la sécurité d'approvisionnement est inextricablement liée à la déclaration de Corfou. La préoccupation de la Communauté européenne de l'énergie atomique pour la sécurité d'approvisionnement a été démontrée en 1994 lors de l'adoption de la déclaration de Corfou (56) par le Conseil et la Commission. Cette déclaration faisait suite à l'échec des négociations engagées avec les autorités russes en vue de restreindre l'afflux d'uranium naturel et enrichi à très bon marché qui menaçait la stabilité de l'industrie européenne et, en particulier, le pôle fabrication des sociétés européennes d'enrichissement. Cette déclaration a pour objet de veiller à ce que les importations communautaires d'UFE en provenance de Russie ne provoquent pas une réduction appréciable des parts de marché des producteurs européens, susceptible de nuire à leur viabilité en tant que fournisseurs. La déclaration fait référence à la part de marché cumulée moyenne que détenaient les producteurs européens dans la Communauté entre 1991 et 1993, qui se situait aux alentours de 80 %. La Commission a récemment reçu mandat de négocier un accord sur le commerce des matières nucléaires avec la Russie.

122. L'application de la déclaration de Corfou est administrée par l'AAE, sous la supervision de la Commission. L'Agence a un droit de veto sur tous les contrats d'enrichissement, qui est dérivé de son droit de cosignature de ces contrats mais qu'elle exerce rarement dans la pratique. Les services d'utilité publique ont conscience des contraintes imposées par la déclaration de Corfou. Les clients ont pour habitude de consulter l'AAE lorsqu'ils lancent des appels d'offres, le plus souvent près de deux ans avant les premières livraisons prévues par leurs nouveaux projets de contrats, et ils connaissent tous la position de l'Agence. Lors de cette consultation, l'AAE fait savoir au service d'utilité publique en question si elle juge prudent de passer un contrat avec un fournisseur donné et peut le contraindre à se retirer d'éventuels arrangements contraires à la politique de l'AAE. Les clients sont ainsi informés longtemps à l'avance du point de vue de l'AAE et peuvent anticiper les problèmes. Dans cette situation, l'AAE n'a pas à exercer son pouvoir de veto pour veiller à la bonne application de ses politiques en matière de sécurité et de diversification des approvisionnements.

123. L'AAE dispose d'un large pouvoir d'appréciation. La Cour de justice a en effet clairement confirmé, dans l'affaire KLE, que, "s'agissant de décisions en matière de politique économique et commerciale ainsi que de politique nucléaire, nécessitant une évaluation de situations économiques complexes, l'Agence dispose d'un large pouvoir d'appréciation et que le contrôle juridictionnel doit être limité à celui de l'erreur manifeste d'appréciation ou du détournement de pouvoir". (57)

124. L'AAE s'est montrée souple dans l'application de la déclaration de Corfou. Certains pays, comme la Finlande (58) et l'Espagne, enregistrent historiquement des importations plus importantes en provenance de Russie. EDF, le plus grand consommateur d'uranium enrichi de la Communauté, n'absorbe qu'une faible proportion des quantités auxquelles il a droit, ce qui permet à l'AAE de faire preuve de souplesse vis-à-vis des autres services d'utilité publique. Un autre client a déclaré avoir pu importer de Russie plus de 30 % de l'uranium dont il avait besoin au cours des cinq dernières années, car EDF n'avait pas utilisé son plafond de 20 %. D'autres clients ont déclaré juger inflexible l'application de la déclaration, en précisant qu'ils ne dépassaient pas la proportion de fournisseurs non-communautaires plafonnée à 20 %. Certains clients ont déclaré pouvoir dépasser le plafond de 20 % au cours d'une année à condition de réduire leurs achats russes au cours de l'année ou des années suivantes. EDF a confirmé que l'AAE vérifie systématiquement la quantité de ses achats en Russie. Il s'agit là d'un mécanisme efficace grâce auquel les parties contractantes peuvent connaître le point de vue de l'AAE sur une opération donnée et adapter les modalités de leurs achats en conséquence.

125. Il y a également lieu de préciser que, sous l'angle de la concurrence, peu importe que "le rôle de l'AAE" (qui est habilitée à approuver tous les contrats d'enrichissement) soit "plutôt dissuasif" (59) ou qu'un éventuel refus de signer un contrat puisse être contesté auprès de la Commission en application de l'article 53 du traité Euratom. Le mécanisme susvisé (considérants 121-124) évite le besoin de procédures officielles.

126. Dans la pratique, la déclaration n'a été invoquée que pour contrôler le flux d'uranium enrichi russe entrant en Europe. L'unique autre producteur non-européen d'importance, USEC, n'a pas été très performant dans le passé et sa part de marché a reculé.

La politique d'Euratom en matière de sécurité d'approvisionnement

127. L'un des grands objectifs du traité Euratom consiste à garantir la sécurité d'approvisionnement des utilisateurs européens en matières nucléaires. Au titre de l'article 2, point d), du traité, la Communauté doit "veiller à l'approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires". La mise en œuvre de cette obligation est l'objet du Titre II, chapitre 6 (articles 52 à 76), qui établit une politique commune d'approvisionnement en minerais, matières brutes et matières fissiles spéciales. Dans ce contexte, l'article 52, paragraphe 2, point b), dispose notamment que l'AAE dispose du "droit exclusif de conclure des contrats portant sur la fourniture de minerais, matières brutes ou matières fissiles spéciales en provenance de l'intérieur ou de l'extérieur de la Communauté".

128. Il convient de souligner à cet égard que dans l'affaire KLE le Tribunal de première instance a considéré que "l'Agence peut légitimement s'opposer à des importations de matières nucléaires, si ces importations risquent de porter atteinte à la réalisation des objectifs du traité, notamment par leur incidence sur les sources d'approvisionnement. Un tel risque peut être considéré comme un obstacle juridique s'opposant à l'exécution d'une commande, au sens de l'article 61, premier alinéa, du traité (...). Autrement dit, pour assurer la diversification géographique des sources d'approvisionnement extérieures, l'Agence dispose du pouvoir discrétionnaire de s'opposer - en utilisant son droit exclusif de conclure les contrats de fourniture de minerais et autres combustibles nucléaires de manière à assurer la sécurité de l'approvisionnement selon le principe de l'égal accès aux ressources, conformément à la mission qui lui est confiée par le traité - à certaines importations d'uranium qui porteraient atteinte à cette diversification" (60).

129. Dans la définition de sa politique d'approvisionnement, l'Agence a clairement lié l'objectif de la sécurité d'approvisionnement à la viabilité de l'industrie nucléaire européenne. Selon elle, préserver la viabilité du secteur européen de l'enrichissement est le meilleur moyen d'assurer à long terme la sécurité d'approvisionnement en UFE des services d'utilité publique européens. Cela est particulièrement important étant donné le nombre très limité de sociétés d'enrichissement qui approvisionnent le marché: quatre grands fournisseurs, Areva, Urenco, Tenex et USEC et, occasionnellement, CNNC. Cela ressort par exemple du rapport annuel de l'AAE pour 2002 dans lequel, examinant les distorsions causées sur le marché mondial de l'enrichissement par les restrictions à l'égard de la Russie en matière d'enrichissement et les différends commerciaux aux États-Unis, l'Agence précise qu'elle "a continué à surveiller la situation afin d'assurer la viabilité de l'industrie européenne et la sécurité d'approvisionnement des utilisateurs européens sur le long terme" (61).

130. La politique de l'AAE en matière de sécurité d'approvisionnement est également abordée dans un document d'information élaboré par le groupe de travail sur les questions commerciales (Trade Issues Working Group) de l'Uranium Institute, que les parties ont transmis à la Commission. Ce document souligne que "la politique de l'AAE visant à maintenir la diversité des principales sources d'approvisionnement pour le combustible nucléaire n'est pas exclusivement applicable aux pays de la CEI (Communauté des États indépendants, c'est-à-dire les pays de l'ex-Union soviétique). L'AAE a déclaré qu'elle surveillerait de près les ventes de tout stock conséquent en vue d'en détecter toute éventuelle incidence négative sur la stabilité ou la sécurité de l'approvisionnement à long terme du marché européen. Si l'introduction de ces stocks sur le marché européen devait avoir lieu au détriment de la sécurité d'approvisionnement de l'UE, l'AAE a précisé qu'elle prendrait les "mesures correctives qui s'imposent". (62)

131. Cette approche a ensuite été confirmée par la Commission dans sa Communication sur la sûreté nucléaire dans le cadre de l'Union européenne, qui stipule, dans le contexte des relations avec la Russie dans le domaine de l'énergie nucléaire, que selon la déclaration "un plafond pour les enrichisseurs européens doit être maintenu aux environs de 80 % du marché européen" (63).

L'opinion des parties concernant la sécurité d'approvisionnement

132. Les parties conviennent que l'AAE est tenue d'assurer la sécurité et la diversité de l'approvisionnement des services d'utilité publique communautaires en uranium enrichi et qu'elle s'est prévalue de la déclaration de Corfou dans la réalisation de ces objectifs. Leur position est énoncée aux considérants 133 à 136 ci-dessous.

133. Dans la notification, les parties ont déclaré que "selon la déclaration de Corfou, la politique réglementaire destinée à assurer la viabilité du secteur européen de l'enrichissement peut impliquer le maintien de la part actuelle des importations de services d'enrichissement dans l'UE" (64).

134. Elles ont également précisé dans la notification que, "suite à l'accord général de partenariat et de coopération signé avec la Russie en 1994, les États membres de l'UE et la Commission ont défini une politique destinée à assurer la viabilité du secteur européen de l'enrichissement compte tenu de la menace que font peser la Russie et les États-Unis sur la production européenne en important des matières issues du processus de désarmement. Au moyen d'une déclaration dite de Corfou, les États membres de l'UE et la Commission ont convenu de maintenir la part actuelle des importations de travail de séparation exécuté par des entreprises implantées à l'extérieur de l'UE/EEE pour des services d'utilité publique situés dans l'UE/EEE au titre des dispositions du traité Euratom et sous la surveillance de l'Agence d'approvisionnement Euratom". (65)

135. Dans leur réponse à la décision de la Commission d'ouvrir une enquête approfondie, les parties ont indiqué que la "déclaration [de Corfou] avait vocation à tenir lieu de mécanisme réglementaire destiné à sauvegarder la fourniture d'UTS de l'Europe en préservant la viabilité du secteur européen de l'enrichissement et en empêchant la sur dépendance à l'égard d'une source unique" (66).

136. Dans leur réponse au questionnaire de la Commission du 29 juin 2004, elles ont réitéré que "la fourniture de services d'enrichissement par des fournisseurs non européens est couverte par la déclaration de Corfou, émise dans le contexte des discussions engagées par l'UE avec la Russie au début des années 1990, à l'époque où de grandes quantités d'uranium hautement enrichi mélangé étaient disponibles à des prix extrêmement bas, sur lesquels pas même les prestataires de services d'enrichissement les plus compétitifs ne pouvaient s'aligner" (67).

Points de vue de tiers sur la sécurité d'approvisionnement

137. Les réponses aux demandes de renseignements de la Commission ont révélé que les clients d'UFE choisissent leurs fournisseurs en fonction de trois grandes préoccupations: la fiabilité et la sécurité de l'approvisionnement, la diversité de l'approvisionnement et le prix. Par exemple, plusieurs clients européens importants ont indiqué qu'ils peuvent ne pas choisir un fournisseur moins cher s'ils ne le considèrent pas suffisamment fiable (68).

138. La sécurité d'approvisionnement est de la plus haute importance non seulement pour l'AAE, mais également pour l'industrie dans son ensemble, ainsi qu'il ressort du procès-verbal du comité consultatif d'Euratom (composé de représentants de tous les niveaux de l'industrie nucléaire) qui insiste sur l'importance que revêt la préservation de la sécurité d'approvisionnement et de la viabilité du secteur européen de l'enrichissement.

Conclusion concernant la politique d'Euratom

139. Il résulte clairement de ce qui précède que l'AAE a le devoir de veiller à l'approvisionnement continu des services d'utilité publique communautaires en UFE. Elle dispose des pouvoirs nécessaires pour assurer la sécurité et la diversité de l'approvisionnement des acheteurs européens d'UFE et dispose d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'usage de ces pouvoirs. Elle a su en faire bon usage pour veiller à ce que la viabilité des deux sociétés européennes d'enrichissement, Eurodif et Urenco, ne soit pas compromise. La part de marché cumulée de ces sociétés s'est stabilisée aux alentours de 80 % depuis 1990.

140. Vu l'accent qui est mis sur la sécurité et la diversité de l'approvisionnement par tous les intéressés et le précédent établi par la déclaration de Corfou, il est évident que l'AAE ou la Communauté européenne de l'énergie atomique pourrait prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la poursuite du fonctionnement et la viabilité des sociétés européennes d'enrichissement. Il n'est pas possible de prédire la forme exacte que pourraient prendre ces mesures, dont la portée se limiterait bien entendu à la Communauté. Il semble que l'AAE considère que la sécurité d'approvisionnement est assurée dès lors que la part cumulée du secteur européen de l'enrichissement sur le marché européen se situe aux alentours de 80 %. Dans le passé, ce sont les approvisionnements russes en UFE qui ont fait peser une menace.

Les demandes de renvoi

141. Dans leurs demandes de renvoi formulées en application de l'article 22, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, les autorités françaises et allemandes ont affirmé que des contraintes réglementaires réduisaient considérablement les importations d'UFE dans la Communauté et qu'il convenait dès lors de définir le marché géographique en cause comme étant de dimension européenne. Les autorités allemandes ont également souligné que les liens existants entre les plus grands exploitants européens de centrales nucléaires, d'une part, et Areva (69) et Urenco (70), d'autre part, renforçaient la position de ces deux entreprises sur le marché européen.

Conclusion globale concernant le marché géographique

142. La Commission considère d'après les arguments exposés ci-avant (considérants 64 à 142) que certains éléments laissent entendre que le marché en cause peut être de dimension communautaire puisque les conditions à l'intérieur de la Communauté sont suffisamment homogènes et qu'elles diffèrent de manière appréciable des zones géographiques voisines. La Commission a néanmoins également découvert des éléments indiquant que Tenex fait actuellement peser certaines contraintes concurrentielles. Les conditions de concurrence pourraient évoluer dans un avenir prévisible puisqu'il se pourrait qu'USEC réoriente une partie de sa capacité nouvelle vers l'Europe. En tout état de cause, la question de la détermination du marché géographique peut être laissée en suspens puisque les engagements présentés par les parties le 3 septembre 2004 lèvent les doutes sérieux de la Commission quant à la compatibilité du projet de concentration avec le Marché commun, que le marché en cause soit de dimension communautaire ou de plus grande dimension. C'est pourquoi la question de savoir si le marché géographique en cause est de dimension communautaire ou plus vaste peut être laissée en suspens aux fins de la présente décision.

C. APPRÉCIATION AU REGARD DU DROIT DE LA CONCURRENCE

143. La Commission reconnaît les avantages potentiels de cette opération de concentration qui permet à Areva d'accéder à la technologie de centrifugation et, ainsi, d'avoir la certitude de pouvoir rester un acteur actif et concurrentiel sur le marché. La Commission observe que l'accès d'Areva à la technologie d'enrichissement de l'uranium par centrifugation contribuera à la sécurité d'approvisionnement de l'Europe, qui est l'un des objectifs du traité Euratom. Si elle ne trouve pas une technologie de pointe pour remplacer la technologie de diffusion gazeuse obsolète exploitée par son usine d'enrichissement, Areva a peu de chances de rester sur le marché sur le long terme.

144. En revanche, l'enquête de la Commission a mis en évidence le fait que l'opération de concentration, sous la forme notifiée par les parties, soulevait des doutes sérieux. Ces doutes ont trait aux plus grandes possibilités de coordination que l'entreprise commune ETC offre aux parties en ce qui concerne leurs capacités d'enrichissement et leur production sur le marché européen.

145. Selon la Commission, ces doutes sérieux sont liés à la création d'une position dominante collective pour Areva et Urenco sur le marché communautaire de l'enrichissement au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, ou à la coordination de leur comportement, au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations (71), sur le marché communautaire de l'enrichissement ou un autre marché de dimension plus large.

146. Les éléments sur lesquels la Commission s'appuie pour se forger un avis sont exposés ci-après de manière plus détaillée (considérants 147-220).

1. Le marché de l'UFE - parts de marché et niveaux de capacité

147. Le marché mondial de l'UFE représente quelque 4 milliards d'euro par an, alors que les ventes annuelles dans la Communauté avoisinent les 900 millions d'euro.

148. Les quantités d'uranium enrichi fournies par les principaux acteurs du marché (en tonnes d'UTS) dans la Communauté sur la période 1994-2003 sont indiqués dans la figure 2 ci-après (source: AAE):

<emplacement tableau>

149. Les parts de marché correspondantes sont présentées dans le tableau 2 ci-dessous

<emplacement tableau>

150. Ainsi que le montre le tableau 2, la part de marché cumulée d'Areva et d'Urenco sur le marché communautaire se situe aux alentours de 80 % minimum depuis 1996, année où les contrats conclus après 1994 (année de la déclaration de Corfou) sont entrés en vigueur.

151. Au niveau mondial, les parts de marché se répartissent de la manière suivante. Areva possède 25 %, Urenco 16 %, Tenex 27 %, USEC 29 % (dont plus de la moitié sur la base de l'uranium hautement enrichi russe), JNFL 1 % et CNNC 1 % (chiffres de 2002) (73). La part de marché cumulée des parties à l'échelle mondiale est donc de 41 %. 152. En termes de capacité d'enrichissement, Urenco a une capacité de 6 millions d'UTS/an dans la Communauté (avec un niveau de production proche de la capacité) (74). Ses sites de production se trouvent à Capenhurst (Royaume-Uni), Almelo (Pays-Bas) et Gronau (Allemagne) Urenco développe progressivement sa capacité d'enrichissement dans la Communauté. Pour ce qui est du marché américain, tout est prêt pour la construction d'une nouvelle usine, LES (au Nouveau-Mexique), d'une capacité d'environ 3 millions d'UTS qui devrait être opérationnelle à partir de 2008 (75).

153. L'usine Georges-Besse d'Areva à Pierrelatte ("GB", France) a une capacité de production de 10,8 millions d'UTS/an (production actuelle de [7,5.10,5] UTS/an) (76). Suite à l'opération et à l'accord de fourniture de centrifugeuses ("AFC") qui l'accompagnera, l'usine d'Areva sera remplacée par une nouvelle usine ("GB-2"). Dans l'AFC, Areva a pris l'engagement d'acquérir une capacité de [1-5] millions d'UTS/an, assorti de deux options concernant l'acquisition d'une capacité supplémentaire de [0,5-5] millions d'UTS/an. Si elle exerce cette option, comme cela semble fort probable eu égard aux niveaux actuels des ventes d'Areva, la capacité d'Areva s'élèvera à [5-10] millions d'UTS/an. Cette capacité devrait être en place d'ici 2016 (77). D'autres accroissements de capacité pourraient être envisagés ultérieurement.

154. USEC a une capacité de production nominale de 8 millions d'UTS/an (production actuelle de 6 millions d'UTS/an). Cette production est assurée par son usine d'enrichissement par diffusion gazeuse implantée à Paducah (Kentucky). Elle obtient par ailleurs près de 5 millions d'UTS/an en tant qu'importateur d'uranium hautement enrichi russe d'origine militaire (non disponible pour le marché communautaire) (78). Les ventes d'USEC sont très limitées dans la Communauté.

155. Tenex a une capacité de production de 20 millions d'UTS/an, qu'elle exploite intégralement. Sa production actuelle est de 10 millions d'UTS/an d'enrichissement. Le restant de sa capacité est destiné au ré-enrichissement des rejets (79).

156. JNFL et CNNC ont une capacité de production d'environ 1 million d'UTS/an chacune, qui est principalement destinée à la consommation intérieure.

2. Impact de l'opération sur la concurrence

157. Les doutes sérieux de la Commission peuvent être regroupés selon les principaux éléments suivants:

(a) l'entreprise commune permet aux parties de contrôler leurs décisions réciproques concernant les accroissements de capacité d'enrichissement;

(b) le contrôle des niveaux de capacité est susceptible de faire monter les prix dans la Communauté et, dans une moindre mesure, dans le reste du monde (coordination explicitement réalisable en matière de capacité);

(c) l'entreprise commune facilite la coordination tacite concernant l'offre dans la Communauté.

Ces éléments sont développés ci-après (considérants 158-219).

L'entreprise commune permet aux parties de contrôler leurs décisions réciproques concernant les accroissements de capacité d'enrichissement.

158. Selon la Commission, l'opération veut que tout achat de machines neuves, c'est-à-dire tout accroissement de capacité, de la part d'Areva ou Urenco nécessitera l'accord unanime du conseil d'administration d'ETC, dont Areva et Urenco nommeront un nombre égal de membres. En d'autres termes, chacune des deux parties pourra empêcher l'autre partie de procéder à un accroissement de capacité.

159. D'après le pacte d'actionnaires d'ETC, toute une série de décisions sont réservées au conseil d'administration ("questions réservées au conseil d'administration"), dont plusieurs décisions ayant une incidence sur la fourniture de centrifugeuses aux sociétés mères d'ETC: (80)

9.2 a) adoption ou modification de la stratégie, du budget ou du plan d'entreprise;

9.2 b) approbation des dépenses d'investissement réalisées par ETC au-delà de [...] millions d'euro;

9.2 c) approbation des nouveaux contrats de vente dont la valeur sort des paramètres du budget en cours;

9.2 (k) tout accord ou arrangement (ou la modification, variation ou résiliation d'un tel accord ou arrangement) entre ETC et/ou ses filiales, d'une part, et un actionnaire ou un membre de ce groupe d'actionnaires, d'autre part.

160. Les questions réservées au conseil d'administration nécessitent l'accord unanime de tous les administrateurs présents à la réunion, [Confidentiel: informations sur les arrangements du conseil d'administration] (81) nommés par Areva et de deux administrateurs nommés par Urenco. (82) Chacune des parties a donc un droit de veto sur les questions réservées au conseil d'administration.

161. Les questions réservées au conseil d'administration permettent à chacune des parties de s'opposer à tout nouveau contrat de vente de machines entre ETC et l'autre société mère (au-delà du nombre de cascades déjà promis à Areva et Urenco dans l'accord de fourniture de cascades, le plan provisoire et la stratégie commerciale). (83) Leurs droits de veto concernant le plan d'entreprise annuel et le budget annuel (clause 9.2 a)) conféreront régulièrement à chacune des parties une influence déterminante sur la détermination du nombre de centrifugeuses à livrer à l'autre partie.

162. Même si, pour une raison quelconque, un contrat de vente envisagé n'est pas couvert par le budget annuel, il ne peut être conclu par ETC sans l'accord unanime de son conseil d'administration (clause 9.2 c)). De plus, tout contrat de vente additionnel avec une société mère constitue un accord entre ETC et un actionnaire au sens de la clause 9.2 k) et est dès lors soumis à l'accord unanime du conseil d'administration. Par ailleurs, toute livraison substantielle de centrifugeuses supplémentaires à une société mère nécessite un accroissement de capacité correspondant susceptible de dépasser le seuil -relativement faible- (84) de [<10] millions d'euro au-dessus duquel l'accord unanime du conseil d'administration est requis au titre de la clause 9.2 b). Il est donc exclu, selon les termes du pacte d'actionnaires, qu'Areva ou Urenco puisse acheter des centrifugeuses à ETC sans l'accord préalable explicite de l'autre société mère.

163. Cette conclusion ne saurait être modifiée par la clause 9.3 concernant les "accords entre parties liées", selon laquelle "lorsqu'une décision sur une question opérationnelle en rapport avec un accord entre parties liées est une question réservée au conseil d'administration, les administrateurs prennent toutes les mesures qui s'imposent, en tenant compte des meilleurs intérêts d'ETC, pour veiller à ce qu'ETC exécute de manière opportune les obligations qui lui incombent en vertu de l'accord entre parties liées concerné". Les accords entre parties liées tels qu'ils sont définis par la clause 1.1 du pacte d'actionnaires n'ont cependant trait qu'aux accords qui ont été conclus entre ETC et Urenco ou Areva, respectivement. (85) La clause 9.3 n'est donc applicable qu'aux contrats de vente qui ont déjà été conclus ou qui pourraient l'être à l'avenir avec l'accord unanime du conseil d'administration d'ETC en vertu des clauses 9.2 c) et/ou 9.2 k). En revanche, la clause 9.3 ne peut être invoquée en ce qui concerne la conclusion de contrats de vente (ou d'autres contrats) entre ETC et Areva ou Urenco.

Le contrôle des niveaux de capacité est susceptible de faire monter les prix dans la Communauté et le reste du monde.

164. Ainsi qu'il a été indiqué sous a) (considérants 158-163), l'entreprise commune offre à chacune des parties la possibilité de contrôler le niveau de capacité de l'autre partie. Par voie de conséquence, les deux concurrents européens sur le marché de l'enrichissement de l'uranium seront en mesure de mettre en place une coordination parfaite des décisions en matière de capacité. Étant donné le lien étroit entre capacité et production, cette coordination risque de faire monter les prix dans la Communauté et le reste du monde.

Le lien entre capacité et production

165. Dans le domaine de la technologie de centrifugation, il existe un lien très étroit entre les niveaux de capacité et la production totale. Tout d'abord, du point de vue technique, la technologie exige de ne pas couper les centrifugeuses pendant toute leur durée de vie une fois qu'elles ont commencé à tourner ([...]). Le fait de couper et de redémarrer les centrifugeuses augmente considérablement le risque de les endommager. La technologie et les équipements de centrifugation sont conçus pour fonctionner en permanence sans opération de maintenance ou d'entretien pendant toute leur durée de vie.

166. En outre, les usines d'enrichissement par centrifugation sont des usines à haute intensité de capital. Leur investissement initial (construction de l'usine et acquisition des centrifugeuses) est très lourd par rapport aux coûts de production variables, ce qui exige une exploitation économique totale de la capacité disponible. Les coûts marginaux étant extrêmement faibles, même des prix relativement bas en matière d'enrichissement couvriraient les frais d'exploitation et contribueraient à compenser les dépenses de capital. C'est pourquoi les entreprises sont incitées à produire autant que possible et à exploiter l'intégralité de leur capacité disponible.

167. Les parties ont indiqué que le fait que les usines d'enrichissement par centrifugation doivent fonctionner pendant toute leur durée de vie ne signifie pas que leur niveau de production reste constant. La production d'UFE (en termes de produit enrichi en uranium) dépendrait de la quantité d'uranium enrichi utilisée à titre d'alimentation et de son niveau d'enrichissement. Un exemple consisterait à exploiter la capacité à des fins de ré-enrichissement des rejets. Les possibilités permettant de varier la production d'UFE de cette manière semblent néanmoins limitées, le ré-enrichissement de rejets n'étant pas une activité très attractive au plan économique (86). Mais surtout, il semble peu probable dans ce contexte que les parties puissent baser leurs décisions d'investissement sur la perspective de pouvoir procéder au ré-enrichissement des rejets.

168. Le lien entre capacité et production dans le domaine de la technologie de centrifugation est également confirmé par les taux d'utilisation historique et actuel de la capacité d'Urenco, qui sont de l'ordre de [90-100] %.

Les niveaux de capacité ont de lourdes retombées sur les prix

169. Avec le développement de la technologie de centrifugation, adoptée par un nombre croissant d'entreprises, le marché de l'enrichissement est un marché sur lequel les niveaux de capacité auront des retombées de plus en plus lourdes sur les niveaux des prix qui finiront par apparaître sur le marché.

170. La demande de services d'enrichissement est plutôt inélastique. La plupart des clients ont déclaré que si le prix des services d'enrichissement venait à augmenter de 5 %, ils réduiraient la quantité d'UTS commandée de 2 % (majorité des répondants (87)) à 7 % (un répondant), ce qui se traduit par une élasticité de la demande de services d'enrichissement d'environ 0,4. Cela est dû au fait que tous les exploitants de centrales nucléaires ont tout intérêt à exploiter leur centrale à pleine capacité.

171. Les prestataires de services d'enrichissement par centrifugation ont intérêt à produire à pleine capacité, mais ne peuvent produire au-delà de leur capacité au cours d'une année donnée (88). L'offre devrait continuer à présenter une certaine élasticité dans l'avenir prévisible de par l'offre d'UFE russe (sur les marchés permettant le développement de ces importations (89)) et l'utilisation des stocks par les négociants. Pourtant, compte tenu des contraintes réglementaires existantes et de la préférence des clients pour les sources d'approvisionnement sûres, ces sources supplémentaires d'UFE ont peu de chances d'empêcher les hausses du prix de l'UFE. De même, une baisse de la demande d'UFE ferait baisser les prix puisque la production excédentaire devrait être écoulée sur le marché. Vu le manque de flexibilité du rapport production/capacité inhérent à la technologie de centrifugation, les niveaux de capacité constitueront l'un des principaux facteurs déterminants du niveau des prix des services d'enrichissement.

172. Les entreprises ont parfaitement conscience de l'impact des niveaux de capacité sur le niveau des prix. Elles ont en effet très bien compris que l'ajout de capacités sur le marché peut faire baisser le niveau des prix. À cet égard, Urenco fait la déclaration suivante sur son site web:

"Au cours des deux dernières décennies, le marché de l'enrichissement s'est trouvé dans une situation de surabondance considérable de l'offre; c'est ainsi que les nouveaux arrivants sur le marché ont en grande partie répondu aux besoins des nouveaux réacteurs ou empiété sur l'activité des professionnels en exercice. Ces dernières années, certains fournisseurs n'ont cherché qu'à gagner des parts de marché, sans se soucier de ne pas vendre à perte et sans chercher à obtenir un taux de rentabilité à long terme. Les contrats de longue durée, plus anciens et aux prix plus élevés, ont soutenu l'offre de produits issus de la production à coût élevé. Les facteurs ont fait chuter les prix du marché à des niveaux artificiellement bas ces dernières années. [...] suite à la fermeture de capacités et en raison d'autres facteurs, on constate un nouvel équilibre entre l'offre et la demande, ce qui, associé à des ventes moins agressives, a permis de consolider le niveau des prix." (90)

173. Cette prise de conscience est par ailleurs visible dans les programmes d'activités d'Urenco, où il est dit que [...] (91).

Intérêt accru à limiter les accroissements de capacité faisant monter les prix

174. Le fait que les acteurs d'un marché donné aient conscience de l'incidence de leurs décisions en matière de capacité sur les prix et, partant, sur les bénéfices, ne pose pas problème tant qu'ils continuent de concevoir leurs plans en toute autonomie.

175. Or, l'entreprise commune a pour effet de centraliser les décisions d'Areva et d'Urenco concernant les accroissements de capacité. Il est probable dans ce cas que la capacité totale installée par les deux sociétés européennes soit déterminée de manière à maximiser le bénéficie commun d'Areva et d'Urenco. Dans un tel cas de figure, le niveau de la capacité d'Areva et d'Urenco finira par être plus faible que si les décisions en matière de capacité étaient prises en toute autonomie et que les deux sociétés se faisaient concurrence pour obtenir leur part de marché respective.

176. Limiter la capacité globale des parties risque de limiter la capacité offerte aux consommateurs européens. Même en l'absence de coordination tacite ultérieure au niveau de l'offre de services d'enrichissement, cela risque de faire monter les prix dans la Communauté, suite à l'évolution de l'équilibre de l'offre et la demande.

177. On peut s'attendre à une incidence considérable sur les prix européens, Areva et Urenco étant des acteurs importants sur le marché communautaire. En effet, Areva et Urenco détiennent actuellement plus de 80 % du marché communautaire, une part de marché qui est restée plutôt stable ces dix dernières années.

178. En outre, le marché est lui-même très concentré, un petit nombre d'autres acteurs y étant présents. L'IHH, l'indice Herfindahl-Hirschman, qui est un indice de concentration du marché, est de 4 320 dans la Communauté, ce que l'on peut juger être très élevé. Les deux autres grands acteurs à l'échelle mondiale, Tenex et USEC, sont restreints au niveau des quantités qu'ils peuvent vendre dans la Communauté. Dans ce contexte, la coordination des décisions en matière de capacité par les deux seuls acteurs significatifs du marché communautaire va très certainement donner lieu à une hausse considérable des prix européens.

179. Plus particulièrement, Tenex subit les contraintes de la politique d'approvisionnement d'Euratom et de l'hésitation de certains clients communautaires à compter sur les importations de Russie pour satisfaire une grande partie de leurs besoins (voir la section portant sur la définition du marché géographique).

180. La présence d'USEC n'est à ce jour que marginale dans la Communauté en raison de ses prix plus élevés résultant de l'exploitation de ses usines d'enrichissement par diffusion gazeuse qui sont désuètes et peu performantes.

181. En ce qui concerne l'avenir prévisible d'USEC, celle-ci prévoit de remplacer d'ici 2010 ses usines d'enrichissement obsolètes par une nouvelle technologie de centrifugation.

182. Par ailleurs, selon les dernières estimations, la capacité prévue de l'installation d'enrichissement par centrifugation d'USEC ne serait que de 3 à 4 millions d'UTS, ce qui couvre environ un tiers des besoins aux États-Unis (11 millions d'UTS par an environ) (92). Dans le même temps, l'installation d'enrichissement par diffusion gazeuse actuelle d'USEC qui se situe à Paducah doit être fermée. Il est probable qu'USEC cherche d'abord à utiliser sa capacité pour augmenter/maintenir la part qu'elle détient sur son marché national (93).

183. La Commission admet qu'une limitation de capacité ne se traduit pas systématiquement par une limitation de la production vendue dans la Communauté. Areva et Urenco vendent une quantité considérable de services d'enrichissement hors de l'Europe (94), à tel point que leur capacité totale est plus importante que leurs ventes réelles en Europe. Si la demande venait à augmenter en Europe, les approvisionnements pourraient éventuellement être réorientés à partir d'autres zones géographiques. Il risque néanmoins d'y avoir une forte corrélation entre la capacité globale des parties et la production mise à la disposition des consommateurs européens.

184. Premièrement, comme le veut la pratique courante dans le secteur, une part considérable de la capacité utilisée pour fournir les clients non-communautaires est normalement consacrée aux contrats de longue durée. Une partie de la capacité ne peut ainsi jamais servir à réaliser des ventes dans la Communauté. En effet, comme c'est actuellement le cas d'Urenco, rien ne semblerait justifier qu'Urenco ou Areva décide, suite à l'opération de concentration, d'un accroissement de capacité à moins que chacune d'elles ait la certitude que le marché de l'exportation puisse absorber cette capacité. Les enrichisseurs exploitant la technologie de centrifugation tels qu'Urenco ont pour habitude d'accroître leur capacité après avoir obtenu des contrats pour l'achat des services d'enrichissement qui seront exécutés à partir de cette capacité.

185. Deuxièmement, lorsque le niveau de capacité global est limité pour chacune des parties, la réalisation d'une vente dans la Communauté suppose de renoncer à une vente dans le reste du monde. Tant que les marges en dehors de la Communauté sont positives, la réalisation de ventes dans la Communautaire suppose un certain coût d'opportunité, à tout le moins par rapport à la situation où la capacité n'a pas valeur de contrainte (95). Cela réduit l'élasticité de l'offre en Europe en tout temps.

186. L'incidence de la coordination entre Areva et Urenco en matière de capacité risque également d'être substantielle au niveau mondial. Areva et Urenco détiennent aujourd'hui plus de 40 % du marché mondial, marché qui est très concentré, quoique dans une moindre mesure qu'au niveau communautaire. L'IHH est de 2 460 au niveau mondial, ce qui est considérable. On ne recense que deux autres grands intervenants sur le marché mondial: Tenex (technologie de centrifugation) et USEC (qui survit actuellement principalement grâce aux approvisionnements russes d'uranium hautement enrichi et qui met au point sa propre technologie de centrifugation).

187. La société japonaise JNFL et la société chinoise CNNC sont des acteurs modestes sur le marché mondial et risquent de le rester. Ainsi que le font remarquer les parties, JNFL exploite actuellement la technologie et les équipements de centrifugation, mais son usine de Rokkashomura ne sera pas techniquement ni économiquement viable à moyen terme. JNFL a annoncé son intention d'accroître sa capacité d'enrichissement après l'année 2000. Ce projet concerne la construction, d'ici 2010-2015, d'une usine d'une capacité de 1,5 million d'UTS par an, faisant appel à une nouvelle technologie de centrifugation japonaise, qui en est encore au stade du développement et qui n'a pas encore été industrialisée, agréée ou autorisée (96). CNNC s'est procuré des centrifugeuses en Russie, mais sa capacité est limitée (1 million d'UTS/an environ) et ne répond qu'aux besoins du marché national. Il semble dès lors peu probable que ces deux acteurs puissent neutraliser la pression exercée sur les prix du fait des décisions des parties en matière de capacité.

188. Il est fort peu probable que d'autres acteurs puissent entrer sur le marché de l'enrichissement dans l'avenir prévisible. Les parties estiment en effet qu'il faudrait une vingtaine d'années à une société qui n'a jamais investi dans le développement d'une technologie de centrifugation pour entrer sur le marché. Les investissements nécessaires sont substantiels. La construction de l'usine GB-II coûte à elle seule 3 milliards d'euro; la nouvelle usine d'Urenco aux États-Unis coûte [...] millions USD.

189. On ne peut de même pas considérer que les clients sont en mesure d'empêcher la coordination des deux parties en matière de capacité. Aucune des parties ne peut accroître sa capacité sans l'accord de l'autre partie. Les clients ne peuvent ébranler la stabilité d'une telle coordination. Il n'existe pas non plus, pour les raisons exposées aux considérants 176-191 ci-dessus, d'alternatives économiques suffisantes pour éviter d'avoir affaire aux deux parties.

190. Enfin, le fait que les parties aient défini certains plans concrets de création de capacité ne dissipe pas les doutes sérieux. Les programmes d'activités existants ne laissent pas entrevoir la possibilité d'un accroissement net de la capacité disponible. Une capacité nouvelle basée sur la technologie de centrifugation sera créée, mais la capacité existante basée sur la technologie de la diffusion gazeuse quitte le marché (97). De plus, dans un contexte où la demande de services d'enrichissement est en hausse dans la plupart des scénarios réalistes (surtout en raison de l'augmentation de la demande en Asie), le fait que les deux parties puissent contrôler leurs accroissements de capacité respectifs doit nécessairement être jugé problématique.

191. Pour les raisons exposées ci-dessus (considérants 164-190), la coordination d'Urenco et d'Areva concernant les niveaux de capacité est susceptible de limiter l'offre aussi bien à l'échelle de la Communauté que dans d'autres marchés géographiques, ce qui, à son tour, fera monter le prix des services d'enrichissement, notamment en Europe où les réponses des concurrents potentiels risquent d'être plus limitées pour des raisons réglementaires et de sécurité d'approvisionnement.

L'entreprise commune facilite la coordination tacite concernant l'offre dans la Communauté.

192. La section précédente (considérants 164-191) a indiqué que même en l'absence de coordination tacite ultérieure au niveau de l'offre de services d'enrichissement dans la Communauté, la coordination concernant les niveaux de capacité à l'échelle mondiale (au travers des décisions communes en matière de capacité) risque de faire monter les prix, y compris dans la Communauté. La présente section précise que, au-delà de l'incidence négative probable des décisions communes en matière de capacité sur les prix, l'opération peut également faciliter la coordination tacite concernant l'offre dans la Communauté. Ces doutes sérieux n'existeraient que si le marché géographique en cause était jugé être de dimension communautaire. À l'échelon mondial, les possibilités de coordination tacite concernant l'offre sont très limitées compte tenu des positions relativement plus fortes d'USEC et de Tenex.

193. Les facteurs qui rendent la coordination concernant l'offre dans la Communauté plus probable suite à l'opération que précédemment sont les suivants: i) la centralisation des décisions en matière de capacité au sein d'ETC, ii) le lien structurel d'ETC prévu par l'opération telle qu'elle a été notifiée, et iii) l'élargissement des possibilités offertes en matière d'échange d'informations.

194. La centralisation des décisions en matière de capacité risque de faire baisser le niveau de capacité total dont dispose chacune des parties, réduisant ainsi l'aptitude et l'incitation à développer la production dans le marché communautaire. Une société n'a pas d'intérêt à attirer une plus grande proportion des clients au détriment du concurrent si elle ne peut pas installer la capacité nécessaire pour répondre à cette demande nouvellement acquise.

195. La création d'un lien structurel au travers d'ETC, prévue par l'opération telle qu'elle a été notifiée, risque d'avoir pour effet d'aligner les incitations entre les deux sociétés de façon à maintenir la concurrence modérée sur le marché communautaire. L'entreprise commune remplit une fonction importante dans le fonctionnement des deux sociétés. Le fait que chaque partie dépende de l'autre pour des décisions stratégiques aussi primordiales que les décisions en matière de capacité augmente les chances qu'un certain type d'entente voie le jour quant à la position de chacune sur le marché européen.

196. Malgré un certain nombre de mesures envisagées par les parties pour mettre un terme aux flux d'informations, il est probable qu'ETC améliore la transparence, par exemple dans le cadre des discussions sur les besoins en capacité. Bien que des pare-feu formels aient été proposés dans le cadre de l'opération notifiée, il pourrait s'avérer difficile de contrôler les échanges informels d'informations dès lors que des informations sensibles sont communiquées à des personnes entretenant des liens étroits avec les sociétés mères (voir considérants 212-214 ci-dessous).

Parvenir à une entente commune

197. Le premier moyen permettant aux parties de mettre en place une coordination tacite concernant l'offre dans la Communauté réside dans la préservation d'une large part du marché communautaire. Plutôt qu'une coordination tacite directe au niveau des prix, qui semble difficile sur ce marché, la coordination concernant l'offre par la préservation d'une large part du marché communautaire est réalisable. Enfin, la coordination au niveau de l'offre n'a bien entendu pas pour effet de faire monter le niveau des prix qui seront pratiqués sur le marché (ou de l'empêcher de chuter en cas de baisse des coûts).

198. Dans l'hypothèse où le marché géographique en cause serait de dimension communautaire, il convient de noter qu'une entente commune ne doit être établie qu'entre deux acteurs du marché, Areva et Urenco. En effet, USEC ne représente pas une menace concurrentielle dans l'avenir proche et Tenex rencontre des difficultés pour approvisionner le marché communautaire.

199. La coordination au niveau de l'offre n'est en soi pas trop compliquée. Le fait de ne pas soumissionner pour un marché particulier ou de soumissionner en proposant des conditions non-attractives est un moyen de laisser un client (ou une opportunité de vente) à l'autre partie de façon à se préserver une large part du marché communautaire. Le nombre de clients sur le marché communautaire est très limité. On n'en recense en effet que treize, qui sont les services d'utilité publique européens qui exploitent des centrales nucléaires (98). Le nombre d'opportunités d'approvisionnement, comme les appels d'offres lancés pour répondre aux besoins (ou à une partie des besoins) des services d'utilité publique européens, ainsi que les occasions de reconduire des contrats sont très limités (10 à 20 par an).

200. Lorsqu'ils s'adressent à des fournisseurs, les clients spécifient en principe dans des termes assez précis ce dont ils ont besoin, soit sous la forme de cahiers des charges (parfois assortis de niveaux minimums et maximums), soit sous la forme de contrats d'approvisionnement forfaitaires. Il est assez facilement possible de déduire de ces spécifications le volume qu'elles représentent en termes d'enrichissement et de mesurer l'effet du contrat en termes de répartition des parts de marché.

201. Les parties maintiennent que les incitations à coordonner leur comportement au niveau de l'offre seront limitées étant donné qu'Areva et Urenco sont des sociétés très différentes. Areva est un fournisseur intégré qui intervient à différents stades du cycle du combustible nucléaire (extraction, conversion, enrichissement, fabrication des assemblages de combustibles, retraitement), tandis qu'Urenco n'intervient que dans la fabrication de centrifugeuses et l'enrichissement d'uranium. La Commission est néanmoins d'avis qu'il existe bien un intérêt à mettre en place une coordination au niveau de l'offre de services d'enrichissement, l'enrichissement représentant l'un des stades les plus onéreux du cycle du combustible nucléaire (99).

Transparence

202. Si le marché géographique en cause est de dimension communautaire, le degré de transparence sur ce marché semble suffisant pour maintenir la coordination concernant l'offre. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus (considérant 199), il y a peu de clients européens et peu d'opportunités d'approvisionnement chaque année. Mais surtout, la coordination n'est nécessaire que de la part de deux acteurs, Areva et Urenco.

203. Il est vrai que chacune des parties peut ne pas toujours savoir qui fournit quel client et dans quelles quantités. Cependant, ce qui importe le plus c'est que, lorsqu'elle remporte ou perd une opportunité de vente déterminée, chacune des parties peut obtenir une mine d'informations. Il importe de noter dans ce contexte qu'il y a très peu de fournisseurs potentiels en première ligne (Areva, Urenco et Tenex essentiellement).

204. Tout en soulignant que la société n'a pas pour habitude de communiquer des informations concernant les appels d'offres ou le nom des soumissionnaires, le service d'utilité publique finlandais TVO observe que "[n]ous entendons que les soumissionnaires connaissent habituellement parfaitement bien la situation du marché" (100). Vattenfall (Suède) fait remarquer à cet égard que "[l]es informations concernant les contrats de livraison passés par les fournisseurs avec leurs clients ne sont pas rendues publiques. Nous ne disons pas aux soumissionnaires qui est en concurrence et qui a remporté le contrat. Néanmoins, le marché du combustible nucléaire est si petit qu'il est difficile de maintenir longtemps la stricte confidentialité de ces informations." (101) Enfin, Fortum (Finlande) déclare avoir "le sentiment que les soumissionnaires savent très bien qui sont leurs principaux concurrents lors de chaque appel d'offres". (102)

205. Occasionnellement, des informations plus détaillées sur les offres individuelles sont révélées au cours de la procédure d'adjudication, lorsque les clients font part de leurs réactions sur les conditions offertes par d'autres candidats (103). Synatom (l'organisation belge responsable des marchés publics dans le domaine des services d'enrichissement) fait observer que: "[e]n ce qui concerne les adjudications ouvertes, nous pensons que les enrichisseurs connaissent rapidement les prix offerts par leurs concurrents, que ce soit par le biais des demandes de présentation d'une nouvelle offre ou de l'information sur le marché." (104)

206. La Commission admet que le degré de transparence est plus important dans le cadre des procédures d'appels d'offres, où les fournisseurs sont invités à faire une offre, que dans le cadre des opérations hors marché, par exemple pour la reconduction de contrats d'approvisionnement existants. Toutefois, lorsqu'ils étudient le point de savoir s'ils doivent reconduire des contrats existants, les services d'utilité publique cherchent également à se renseigner auprès d'autres fournisseurs potentiels (105).

207. Il est par ailleurs possible de tirer des informations sur les niveaux globaux des approvisionnements des acteurs du marché dans la Communauté, quoique, il faut en convenir, dans un certain délai, des statistiques officielles de l'AAE sur les approvisionnements. Puisqu'il n'existe que deux fournisseurs européens, l'un comme l'autre ont la possibilité de déterminer les ventes de l'autre acteur européen au cours d'une année donnée. Vu la longue durée des contrats de services d'enrichissement, il s'impose de considérer que le délai dans lequel les parties obtiennent des informations à partir des rapports de l'AAE est limité aux fins de détecter les éventuels écarts de l'autre partie par rapport à l'entente commune et d'y réagir.

Renforcement de la transparence eu égard au lien structurel

208. Il importe d'accorder une attention particulière à la position et au rôle d'ETC dans le renforcement de la transparence au profit des parties.

209. Le contrôle en commun d'ETC par Areva et Urenco renforcera la transparence entre les parties en ce qui concerne les plans de chacune en matière de capacité et d'autres paramètres concurrentiels (efficience de la capacité installée et objectifs de marché, par exemple). Cela est principalement dû aux flux d'informations entre ETC et ses actionnaires et, plus particulièrement, au rôle déterminant du conseil d'administration d'ETC qui est nommé par Areva et Urenco.

210. L'information permanente et exhaustive d'Areva et d'Urenco est assurée de par l'obligation d'ETC d'élaborer et de remettre, tous les [...], des états financiers et des comptes de gestion non audités ainsi que des états d'avancement [...]. (106)

211. En outre, Areva et Urenco seront constamment tenues informées de l'évolution des activités d'ETC au moyen [...] réunions du conseil d'administration [...] puisqu'elles nomment chacune [...] membres du conseil d'administration d'ETC. (107) D'après les statuts d'ETC, "l'activité de la société est gérée par les administrateurs qui peuvent en exercer tous les pouvoirs". (108) Le rôle de premier plan du conseil d'administration n'est pas restreint de manière substantielle par les cadres dirigeants qui sont désignés par le conseil d'administration pour se charger du fonctionnement courant. (109) Premièrement, le conseil d'administration reste toujours responsable de la supervision globale d'ETC. Deuxièmement, les candidats aux postes de cadres dirigeants peuvent aussi bien être des actionnaires que des candidats extérieurs. Troisièmement, les cadres dirigeants peuvent même être des administrateurs si les actionnaires y consentent. (110) Toutes les questions professionnelles essentielles d'ETC seront par conséquent traitées par ses administrateurs qui auront ainsi connaissance de toute question importante, dont la demande et les commandes de centrifugeuses d'Areva et d'Urenco.

212. La probabilité de flux d'information, concernant ETC ou ses actionnaires, entre ETC et ses actionnaires par le biais de ses administrateurs n'est pas véritablement réduite par les règles de confidentialité présentées dans la notification, et notamment les orientations en matière d'information. (111) D'après ces orientations, les actionnaires ne sont pas censés participer au fonctionnement courant d'ETC, pour lequel une structure de direction indépendante doit être créée. (112) Pourtant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus (considérant 211), les cadres dirigeants peuvent être choisis parmi les actionnaires et peuvent même être des administrateurs si les actionnaires y consentent. L'organigramme du conseil d'administration d'ETC prévoit que certains de ses membres seront également membres des conseils d'administration des sociétés mères. Bien que les cadres dirigeants soient tenus de ne pas transmettre d'informations sensibles sur le plan commercial aux actionnaires, leurs liens avec les actionnaires ne sont aucunement rompus et aucun mécanisme efficace n'est prévu pour faire exécuter cette obligation et en contrôler le respect.

213. D'après les orientations en matière d'information, les administrateurs nommés par Areva ou Urenco ne doivent recevoir aucune information sensible sur le plan commercial à moins qu'une question liée à leur fonction au sein du conseil d'administration ne l'exige et ne doivent pas utiliser ces informations à d'autres fins. (113) Toutefois, ainsi qu'il a été expliqué ci-dessus (considérants 210 et 211), la fonction des administrateurs au sein du conseil d'administration est vaste puisqu'ils exercent tous les pouvoirs de la société et qu'ils sont responsables de la supervision globale d'ETC. Les orientations en matière d'information acceptent donc implicitement que les administrateurs puissent recevoir des informations sur des accords passés entre ETC et ses actionnaires bien qu'ils ne soient pas autorisés à participer à la négociation de ces accords. (114) On constate là encore l'absence manifeste de mécanisme efficace permettant de faire exécuter cette obligation et d'en contrôler le respect. Mais surtout, il est quasiment impossible d'exécuter une telle obligation puisque la même personne joue à la fois le rôle d'administrateur d'ETC et celui de représentant de son actionnaire. Bien que les administrateurs doivent agir dans les meilleurs intérêts d'ETC, il n'est pas concevable qu'ils puissent simplement effacer les informations qu'ils reçoivent dans l'accomplissement de leur fonction d'administrateur lorsqu'ils exécutent leur fonction commerciale au sein d'Areva ou d'Urenco. De plus, la notion d'action "dans les meilleurs intérêts d'ETC" pourrait également être interprétée comme signifiant l'intérêt commun de ses actionnaires. (115) De plus, dans le cadre de la structure actuelle des accords, les administrateurs semblent plutôt être des délégués des actionnaires ayant pour mission de protéger les intérêts de ces derniers au sein d'ETC, ce qu'illustre de façon remarquable le fait que les administrateurs n'aient droit à aucune rémunération au titre de cette fonction (116) mais continuent à être rémunérés par l'actionnaire qu'ils représentent. Les administrateurs peuvent par ailleurs être à la fois membres du conseil d'administration d'ETC et de ceux des sociétés mères.

214. On peut dès lors en conclure que les orientations proposées en matière d'information ne prévoient pas de mesures suffisamment efficaces pour empêcher le flux d'informations sensibles, sur la demande de capacité de l'autre actionnaire notamment, entre ETC et ses actionnaires par le biais de ses administrateurs. La transparence entre Areva et Urenco est donc renforcée par leur entreprise commune ETC puisqu'elles reçoivent régulièrement des informations sensibles par le biais des [...] rapports et des administrateurs qu'elles envoient au conseil d'administration d'ETC.

Mécanismes de discipline

215. Les possibilités de déviation et d'augmentation des ventes dans la Communauté sont probablement limitées. Si une partie venait à s'écarter de l'accord tacite, l'autre pourrait réagir en revenant temporairement à une situation de concurrence intense à titre de représailles. Par ailleurs, la création d'un lien structurel au travers d'ETC est susceptible d'avoir pour effet d'aligner les incitations entre les deux sociétés de façon à maintenir la concurrence modérée sur le marché communautaire. L'entreprise commune remplit une fonction importante dans le fonctionnement des deux sociétés. Le fait que chaque partie dépende de l'autre pour des décisions stratégiques aussi primordiales que les décisions en matière de capacité augmente les chances que les sociétés adhèrent à une entente commune.

Réactions des concurrents ou des clients

216. Sur un marché communautaire hypothétique, les tiers, tels que les concurrents ou les clients, peuvent ne pas être en mesure de s'opposer à la coordination des deux plus grandes sociétés d'enrichissement de la Communauté au niveau de l'offre.

217. Les deux seuls autres concurrents significatifs en vue, Tenex et USEC, peuvent ne pas être en mesure de déstabiliser une éventuelle entente commune entre deux parties. Tenex subit certaines contraintes en matière d'approvisionnement du fait de la déclaration de Corfou. USEC n'est pas très compétitive et risque de ne pas l'être davantage dans l'avenir prévisible. La situation pourrait changer à partir du moment où USEC deviendra compétitive.

218. On ne peut pas non plus considérer que les clients soient en mesure d'empêcher la coordination des deux parties au niveau de l'offre. Bien que les clients ne soient pas nombreux, aucun d'entre eux (à l'exception d'EDF peut-être (voir considérant 219 ci-dessous)) ne représente individuellement une part suffisamment significative pour intervenir de façon à compromettre la coordination.

219. EDF représente la seule exception éventuelle. Vu sa taille, il s'impose de la juger capable de maintenir au moins un certain degré de concurrence entre les deux parties. C'est néanmoins là que les décisions communes en matière de capacité jouent un rôle important. Lorsque le niveau global de capacité devient juste pour les deux parties, l'influence d'EDF risque d'être comparativement plus faible.

3. Effets de l'entreprise commune en termes d'efficacité

220. Les parties ont indiqué que le projet d'opération suppose des gains d'efficacité significatifs au sens du règlement sur les concentrations. La Commission doute sérieusement que ces gains d'efficacité soient propres à l'opération de concentration. Toutefois, il n'est pas nécessaire, aux fins de la présente décision, que la Commission procède à une appréciation détaillée des gains d'efficacité déclarés par les parties puisque la version finale des engagements qu'elles ont proposés le 3 septembre 2004 (les Engagements) lève les doutes sérieux soulevés par la Commission quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun (voir section VI ci-après).

4. Conclusion

221. Compte tenu de ce qui précède, la Commission a des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun, le projet d'opération étant susceptible de conduire à la création d'une position dominante collective d'Areva et d'Urenco sur le marché communautaire de l'enrichissement au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations.

222. Selon les termes de l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations, pour autant que la création d'une entreprise commune constituant une concentration au sens de l'article 3 ait pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes, cette coordination est appréciée selon les critères de l'article 81, paragraphes 1 et 3, du traité en vue d'établir si la concentration est compatible ou non avec le Marché commun. Une restriction de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité est établie lorsque la coordination du comportement concurrentiel des sociétés mères est appréciable et qu'elle résulte de la création de l'entreprise commune.

223. Le marché de l'uranium enrichi se situe en aval des activités de l'entreprise commune, à savoir le développement, la conception et la construction de centrifugeuses destinées à l'enrichissement de l'uranium. Aucun élément ne tend à démontrer que l'entreprise commune aurait pour objet la coordination du comportement concurrentiel des parties dans le domaine de l'enrichissement d'uranium. Il existe tout de même le risque que la création de l'entreprise commune ait pour effet la coordination du comportement concurrentiel des parties dans le domaine de l'enrichissement d'uranium sur le marché communautaire ou un marché plus vaste.

224. Pour les raisons exposées ci-dessus dans le cadre de l'appréciation réalisée en application de l'article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, la Commission a des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun au motif que la création de l'entreprise commune entraînera une coordination du comportement concurrentiel des parties sur le marché de l'enrichissement de l'uranium. Vu les plus grandes possibilités que l'entreprise commune ETC offre aux parties en matière de coordination en aval en ce qui concerne leur capacité d'enrichissement et leur production sur le marché européen, toute coordination de ce type présenterait un lien de causalité avec la création de l'entreprise commune. C'est pourquoi la Commission a des doutes sérieux quant à la participation d'Areva à l'entreprise commune qui est susceptible de restreindre de manière appréciable la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité en rapport avec l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations. On ne peut pas non plus conclure avec une certitude suffisante que les conditions d'exemption prévues à l'article 81, paragraphe 3, du traité sont remplies. En particulier, rien n'indique que les restrictions imposées par les accords soient susceptibles de profiter au consommateur, ni qu'elles soient indispensables.

225. Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette question puisque les Engagements lèvent les doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun pour ce qui est de la coordination du comportement concurrentiel des parties sur le marché de l'enrichissement de l'uranium, au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations.

VI. ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LES PARTIES

226. Le 20 août 2004, les parties ont présenté, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, un ensemble d'engagements en vue d'obtenir l'autorisation de la concentration. Le 3 septembre 2004, les parties ont présenté un ensemble révisé d'engagements (ci-après "les Engagements"), qui sont annexés à la présente décision.

227. La Commission est d'avis que les engagements présentés le 3 septembre 2004 abordent et lèvent de manière satisfaisante les doutes sérieux soulevés par la concentration.

Résumé des Engagements présentés par les parties

228. Les Engagements se composent des éléments clés suivants: i) suppression des droits de veto des parties sur les accroissements de capacité; ii) renforcement des pare-feu pour empêcher les flux d'information entre les parties et l'entreprise commune; et iii) transmission d'informations à l'AAE afin de lui permettre de surveiller les prix de l'enrichissement et, s'il y a lieu, de prendre des mesures correctives en augmentant les importations de tiers. Ces éléments sont examinés séparément ci-après.

Suppression des droits de veto sur les accroissements de capacité

229. Ainsi qu'il a été exposé précédemment dans le détail (voir considérants 158-163), le pacte d'actionnaires de l'entreprise commune prévoit que la fourniture de centrifugeuses à Areva ou Urenco, qu'elle s'inscrive ou non dans le cadre du plan d'entreprise/budget de l'entreprise commune, nécessitera l'accord unanime du conseil d'administration d'ETC (en tant que "question réservée au conseil d'administration"). Puisque les deux parties nommeront un nombre égal de membres du conseil d'administration, tant Areva qu'Urenco seraient en mesure d'empêcher l'autre partie de procéder à un accroissement de capacité au-delà de ce que prévoit le plan d'entreprise en cours.

230. Afin de dissiper les inquiétudes de la Commission, les parties ont pris l'engagement de modifier le pacte d'actionnaires de façon à ce que, lorsqu'il est proposé que l'entreprise commune passe un nouveau contrat de fourniture de centrifugeuses avec l'une des parties, cette décision ne nécessite pas l'accord du conseil d'administration, mais soit laissée aux cadres dirigeants dès lors que: a) les conditions commerciales sont conformes au pacte d'actionnaires et ne sont donc pas plus favorables que les autres contrats passés avec Areva ou Urenco; b) les contrats sont subordonnés à l'approbation du comité mixte (117) et du comité quadripartite (118), ou à l'approbation d'un autre organisme réglementaire gouvernemental compétent; et c) l'investissement supplémentaire proposé en actif immobilisé ne dépasse pas [<20] millions d'euro. Le respect de ces dispositions par les parties sera contrôlé par les vérificateurs légaux de l'entreprise commune.

Pare-feu et engagements connexes

231. Afin de dissiper les inquiétudes de la Commission craignant que la création de l'entreprise commune n'entraîne une coordination entre Areva et Urenco par suite des plus grandes possibilités offertes par ETC en matière d'échange d'informations, les parties se sont engagées à renforcer les pare-feu entre les parties et ETC, d'une part, et entre chacune des parties, d'autre part.

232. Le mécanisme pare-feu implique plusieurs points différents destinés à réduire le flux d'information entre ETC et les sociétés mères et vice versa. Le mécanisme pare-feu suppose qu'Areva et Urenco n'auront pas accès aux informations sensibles sur le plan commercial concernant le groupe ETC et vice versa, qu'Areva et Urenco ne participeront pas au fonctionnement courant d'ETC et que la structure de direction d'ETC sera indépendante des parties. Il précise également certaines obligations particulières des membres du conseil d'administration d'ETC qui ne peuvent pas assumer de responsabilité commerciale pour l'une ou l'autre des parties dans le domaine de l'enrichissement de l'uranium. Cela implique que les membres du conseil d'administration d'ETC ne sont pas autorisés à demander ou recevoir des informations sensibles sur le plan commercial qui ne seraient pas liées à des questions réservées au conseil d'administration, qu'ils ne doivent pas utiliser des informations sensibles sur le plan commercial à d'autres fins et qu'ils ne doivent pas communiquer aux sociétés mères les informations sensibles sur le plan commercial qu'ils peuvent avoir reçues. Par ailleurs, aucun membre du conseil d'administration n'est censé participer à la négociation des contrats avec les actionnaires ou des tiers et aucune information sur ces contrats ne doit être divulguée aux actionnaires. Le conseil d'administration d'ETC ne recevra que les informations nécessaires pour permettre à ses membres d'honorer leurs obligations de confiance. Le respect de ces dispositions par les parties sera contrôlé par le vérificateur légal de l'entreprise commune.

Surveillance assurée par l'Agence d'approvisionnement Euratom

233. Pour renforcer le rôle de surveillance de l'AAE, les parties se sont également engagées à lui transmettre tous les éléments contractuels essentiels de leurs contrats d'enrichissement en cours et à venir. En outre, les parties s'engagent à communiquer toutes les informations pertinentes concernant les contrats d'enrichissement que l'AAE pourrait leur demander pour remplir son rôle de surveillance. Ces informations concernent notamment les prix et les conditions de paiement, ainsi que toute autre information pertinente sur les prix des contrats d'enrichissement passés avec les clients, qu'ils se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté. Ces informations permettront à l'AAE de suivre de près l'évolution des prix de l'uranium enrichi pratiqués par chacune des parties. Le Tribunal ayant déclaré que, "s'agissant de décisions en matière de politique économique et commerciale ainsi que de politique nucléaire, l'Agence dispose d'une large marge d'appréciation dans le cadre de l'exercice de ses compétences", (119) puisqu'elle est placée sous le contrôle de la Commission (120), cette dernière est d'avis que l'AAE est déjà habilitée à surveiller les prix des contrats d'enrichissement et qu'elle continuera de disposer, suite à la concentration, d'une marge d'appréciation lui permettant d'adapter sa politique d'approvisionnement. L'application passée de la déclaration de Corfou par l'AAE montre que la déclaration peut être appliquée de manière souple pour réaliser ses objectifs. L'AAE a confirmé qu'elle était disposée à assumer un tel rôle de surveillance.

Rapports et suivi

234. Les parties s'engagent également à transmettre à la Commission des rapports sur l'exécution des Engagements suite à la création de l'entreprise commune, puis tous les [...] mois. S'agissant des questions qui seront contrôlées par le vérificateur légal de l'entreprise commune, les parties transmettront les rapports de conformité correspondants à la Commission.

Appréciation des Engagements présentés par les parties notifiantes.

235. Selon les termes de l'article 10, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, la Commission adopte une décision en application de l'article 8, paragraphe 2, dès qu'il apparaît que les doutes sérieux concernant l'opération sont levés. En l'espèce, les doutes sérieux ont été levés par les engagements présentés par les parties le 3 septembre 2004.

Les Engagements transféreront la décision relative à la fourniture d'équipements aux parties aux cadres dirigeants d'ETC; ce n'est que dans des circonstances très exceptionnelles que le conseil d'administration sera compétent en la matière. Les cadres dirigeants, qui ne sont pas membres du conseil d'administration et qui n'ont pas d'arrangements contractuels avec les actionnaires, exécuteront seuls les commandes des sociétés mères sous réserve qu'elles ne soient pas contraires à l'intérêt économique de l'entreprise commune. L'assignation de la décision relative à la fourniture d'équipements aux cadres dirigeants exclura donc les droits de veto des parties en ce qui concerne leurs accroissements de capacité respectifs.

236. La Commission considère également que les limites inhérentes à l'assignation de cette décision aux cadres dirigeants sont acceptables. La disposition d'après laquelle les contrats doivent respecter les conditions commerciales selon lesquelles ces contrats sont habituellement conclus n'a pas d'incidence sur la suppression des droits de veto des parties. L'accord du comité gouvernemental compétent en ce qui concerne ces contrats est nécessaire pour des raisons de non-prolifération de la technologie d'enrichissement de l'uranium. Le seuil de [<20] millions d'euro concernant l'investissement supplémentaire d'ETC en actif immobilisé semble également convenable, même si la Commission n'a pas pu vérifier de manière approfondie les informations sous-jacentes en raison de leur caractère confidentiel. Selon les informations transmises par Urenco, la somme de [<20] millions d'euro correspond à plus de la moitié de l'investissement en capacité additionnelle réalisé par ETC afin de pouvoir équiper l'usine Georges-Besse II en centrifugeuses. Puisque le projet d'Areva implique le remplacement intégral de sa capacité d'enrichissement, il dépasse de loin tout projet d'accroissement (progressif) de la capacité d'une installation d'enrichissement existante. La Commission espère donc que la somme précisée couvrira tout investissement qui pourrait s'avérer nécessaire dans la pratique pour fournir les sociétés mères en cas d'accroissement de la capacité d'enrichissement existante. Par ailleurs, les plans actuels d'ETC prévoient un accroissement considérable de capacité afin de pouvoir fournir simultanément les centrifugeuses que nécessitent les plans de développement graduel d'Urenco, le projet aux États-Unis et la première phase de développement de l'usine Georges-Besse II. Suite à l'achèvement de ces projets, la capacité disponible d'ETC devrait être suffisante pour répondre à la demande de centrifugeuses sans qu'il soit besoin de procéder à un accroissement de capacité.

237. La Commission considère donc que cet engagement lèvera ses doutes sérieux concernant une éventuelle coordination entre les parties en ce qui concerne les accroissements de capacité sur la base des droits du conseil d'administration.

238. La Commission considère également que le mécanisme pare-feu présenté réduira considérablement le flux d'information entre les parties et qu'il réduira ainsi la transparence résultant du contrôle commun sur ETC. Les membres du conseil d'administration, qui n'auront pas de responsabilités commerciales dans les sociétés mères, ne recevront des informations sensibles sur le plan commercial que dans la mesure où ces informations leur seront nécessaires pour remplir leurs obligations et leur fonction au sein du conseil d'administration. Ils ne seront pas autorisés à communiquer ces informations aux sociétés mères. Les cadres dirigeants ne seront pas non plus autorisés à transmettre ces informations aux sociétés mères. Les arrangements contractuels avec les cadres dirigeants et les membres des conseils d'administration comporteront les modalités de mise en œuvre du mécanisme pare-feu ainsi que les sanctions applicables en cas de non-respect. Les pare-feu empêcheront les parties de s'échanger, via l'entreprise commune, des informations sur leur comportement concurrentiel ultérieur sur le marché de l'enrichissement.

239. Les deux engagements, l'engagement de supprimer les droits de veto du conseil d'administration et l'engagement de mettre en place des pare-feu, seront contrôlés par les vérificateurs légaux d'ETC. Les vérificateurs ne s'assureront pas seulement que les arrangements contractuels avec les cadres dirigeants et les administrateurs comportent des dispositions appropriées en matière de confidentialité; ils vérifieront en particulier que les cadres dirigeants ne tiennent compte que des meilleurs intérêts économiques et commerciaux d'ETC de manière autonome dans le cadre des décisions concernant les nouveaux accords de fourniture de cascades avec les sociétés mères et que le conseil d'administration d'ETC agit dans cet intérêt dans le cadre de sa supervision de l'entreprise commune. Les rapports de conformité qui en résulteront, ainsi que les rapports transmis par les parties sur les questions non couvertes par les vérificateurs, permettront à la Commission de surveiller de près le respect de ces engagements par les parties.

240. Grâce à l'ensemble complet d'informations contractuelles qu'elle recevra, l'AAE sera en mesure de surveiller le comportement des parties sur le plan tarifaire et, si les informations sur les prix sont jugées être en contradiction avec l'évolution générale du marché de l'enrichissement, elle pourra prendre des mesures correctives, essentiellement en augmentant les importations d'uranium enrichi provenant de Russie. Outre la transmission automatique d'informations mentionnée explicitement dans le texte des Engagements, l'AAE sera en mesure d'exiger des informations complémentaires si cela est nécessaire pour lui permettre de remplir son rôle de surveillance. La Commission espère que cela disciplinera le comportement des parties en matière tarifaire.

241. Le premier engagement -la suppression des droits de veto des parties sur leurs accroissements de capacité respectifs- aborde le risque d'une coordination explicite des parties en matière de capacité. Le deuxième engagement -le mécanisme pare-feu destiné à éviter l'échange d'informations entre les parties- contribuera également à supprimer le risque d'une coordination des parties en ce qui concerne l'offre dans la Communauté sur la base des informations reçues de l'entreprise commune, telles que des informations sur la planification de la capacité, les approvisionnements, etc. Cet engagement contribuera de même à éliminer le risque que les parties -en l'absence de droits de veto officiels sur les accroissements de capacité- mettent en place une coordination tacite en matière de capacité sur la base des informations reçues via l'entreprise commune. Ces deux engagements abordent également le risque éventuel d'une coordination du comportement concurrentiel des parties au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations. Le rôle de surveillance envisagé de l'AAE constituera une protection contre tout autre risque de coordination des parties sur le marché de l'enrichissement de l'uranium. La Commission espère que le simple fait que l'AAE menace de prendre les mesures appropriées amoindrira le risque éventuel de coordination des parties.

242. Les Engagements doivent être replacés dans le contexte des circonstances particulières de l'opération. D'une part, les doutes sérieux sont soulevés par les caractéristiques particulières de la concentration: la probabilité d'une coordination explicite des parties sur le marché de l'enrichissement de l'uranium, impliquant les deux principaux acteurs dans la Communauté, est basée sur les droits de veto conférés par le pacte d'actionnaires à chacune des parties en ce qui concerne l'accroissement de capacité de l'autre partie; la probabilité d'une coordination tacite est basée sur l'échange d'informations concernant la capacité, la production et la planification générale entre les parties via l'entreprise commune. D'autre part, la création de l'entreprise commune en tant que telle donnera lieu au transfert de la technologie de centrifugation à Areva, ce qui lui permettra de produire de l'uranium enrichi dans des conditions bien plus économiques puisque, d'après les informations fournies par les parties, la technologie de centrifugation est bien plus économique au regard de l'investissement initial requis et en termes de frais d'exploitation. Le transfert de technologie qui résultera de l'opération de concentration rendra Areva bien plus compétitive qu'elle ne le serait si elle continuait d'exploiter son usine obsolète d'enrichissement par diffusion gazeuse. Dans ces circonstances particulières, les Engagements présentés par les parties abordent directement les doutes sérieux soulevés par les caractéristiques particulières de l'opération de concentration et la modifient de telle sorte que ces doutes sérieux sont précisément levés. En revanche, les Engagements ne touchent pas aux effets positifs de l'opération de concentration.

243. Telle est également la conclusion qui ressort des résultats de l'enquête et des consultations effectuées sur le marché. Lors de l'enquête effectuée sur le marché, la plupart des clients se sont montrés d'une manière générale favorable à l'opération. Il est clair que, pour le marché, la poursuite de l'existence d'Areva en tant que prestataire de services d'enrichissement est très importante pour la sécurité d'approvisionnement et pour l'avenir de l'industrie nucléaire en Europe. Les clients ont tout de même également exprimé des réserves quant à l'opération: ils ont en effet estimé que, telle qu'elle était proposée, l'opération ne se limiterait pas à l'acquisition d'une nouvelle technologie par Areva et qu'elle constituerait une association entre des concurrents historiquement puissants. Lors des deux consultations réalisées au sujet des Engagements, les clients ont globalement confirmé que les engagements permettent de lever les doutes sérieux de coordination entre les deux acteurs tout en garantissant l'accès d'Areva à la technologie de centrifugation à moindre coût.

244. La Commission considère donc, étant donné la spécificité de l'industrie nucléaire et la fonction réglementaire de l'AAE au titre du traité Euratom (voir considérant 34), que les Engagements sont suffisants pour lever ses doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le Marché commun.

VII. CONDITIONS ET CHARGES

245. Conformément à l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, première phrase, du règlement sur les concentrations, la Commission peut assortir sa décision de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées se conforment aux engagements qu'elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le Marché commun.

246. La réalisation de la mesure qui donne lieu au changement structurel du marché est une condition, tandis que les étapes nécessaires à la réalisation de ce résultat sont des charges imposées aux parties. Si une condition n'est pas remplie, la décision de la Commission déclarant la concentration compatible avec le Marché commun devient caduque. Lorsque les entreprises concernées contreviennent à une charge, la Commission peut révoquer sa décision d'autorisation de la concentration en application de l'article 8, paragraphe 5, point b), du règlement sur les concentrations, et les parties peuvent se voir infliger des amendes et des astreintes conformément à l'article 14, paragraphe 2, point a) et à l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations (121).

247. Compte tenu de ce qui précède, la présente décision est subordonnée au respect de l'engagement selon lequel la concentration ne sera pas mise en œuvre tant que les parties n'auront pas signé l'accord sous forme de lettre prévu à la section A1, deuxième phrase, des Engagements. Les autres parties des Engagements constituent des charges.

VIII. CONCLUSION

248. Il y a donc lieu de conclure que les Engagements présentés en annexe modifient la concentration notifiée de telle sorte que les doutes sérieux de la Commission quant à la compatibilité de cette concentration avec le Marché commun sont levés. La concentration doit dès lors être déclarée compatible avec le Marché commun, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations et à l'article 57 de l'accord EEE, sous réserve du respect des Engagements énoncés en annexe.

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'opération notifiée, par laquelle la Société de participations du Commissariat à l'Énergie Atomique SA et Urenco Limited acquièrent le contrôle en commun, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 4064-89, d'Enrichment Technology Company Limited est déclarée compatible avec le Marché commun et l'Accord EEE.

Article 2 Les dispositions de l'article premier sont subordonnées au respect de la condition énoncée à la section A1, deuxième phrase, de la version finale des Engagements présentés par les parties le 3 septembre.

Article 3

Les dispositions de l'article premier sont subordonnées au respect des charges énoncées aux sections A (à l'exception de la deuxième phrase de la section A1), B et C de la version finale des Engagements présentés par les parties le 3 septembre.

Article 4

Areva 27-29 Rue Le Peletier 75009 Paris France

et

Urenco Limited 18 Oxford Road SL7 2NL Marlow, Buckinghamshire Royaume-Uni, sont destinataires de la présente décision.

Notes :

1 JO L 24 du 29.01.2004, p. 1.

2 JO L 395 du 30.12.1989, p. 1; rectificatif JO L 257 du 21.9.1990, p. 13. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) nº 1310-97 (JO L 180 du 9.7.1997, p. 1).

3 JO C ...,...200. , p....

4 JO C ...,...200. , p....

* Des parties de ce texte ont été modifiées afin de ne pas divulguer d'informations confidentielles; ces parties figurent entre crochets.

5 "Lauvergeon: Areva.s cheapest way to centrifuge program is with Urenco", Nuclear Fuel, 28 octobre 2002.

6 World Nuclear Association: Uranium and depleted uranium.

7 Le noyau de l'U-235 contient 92 protons et 143 neutrons, ce qui lui donne une masse atomique de 235 unités. L'U-238 contient également 92 protons mais 146 neutrons (trois de plus que l'U-235) et a donc une masse de 238 unités.

8 World Nuclear Association: Uranium Enrichment, juin 2003.

9 Après avoir été enrichi, il est qualifié d'uranium appauvri enrichi.

10 Uranium appauvri résultant de l'enrichissement.

11 The Global Nuclear Fuel Market, World Nuclear Association 2003.

12 Outre les fournisseurs précités, quelques pays ont des capacités limitées en matière d'enrichissement ou sont en passe de développer leurs propres capacités, essentiellement pour répondre aux besoins de leur marché national en matière de combustible. Il s'agit notamment des pays suivants: Argentine, Brésil, Inde et Pakistan (Source: The Global Nuclear Fuel Market, World Nuclear Association 2003).

13 Reproduit comme document de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), INFCIRC/140

14 COM (2002) 321 final du 22 juin 2002.

15 Rec. 1978, p. 2151.

16 La Chine a acheté des centrifugeuses à la Russie. Urenco a entamé des démarches en vue d'obtenir l'autorisation de construire une usine d'enrichissement d'uranium aux États-Unis par l'intermédiaire d'une filiale dénommée LES et dont elle détient la majorité du capital. Si ce projet suit son cours, ETC vendra des centrifugeuses à LES. Avant de convenir de la création de l'entreprise commune ETC, il avait été question qu'Urenco ou JNFL vende des centrifugeuses à Areva.

17 L'électricité utilisée pour produire des UTS par diffusion gazeuse est d'environ [plusieurs fois plus importante que l'électricité utilisée] par centrifugation.

18 Document INFCIRC 253 révisé de l'AIEA.

19 Signé par l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

20 World Nuclear Association 2003.

21 Il n'est pas exclu que ce projet, dont la faisabilité a été démontrée en laboratoire, puisse être repris à l'avenir, mais certainement pas à court terme ni à moyen terme.

22 ASTM C990-96.

23 World Nuclear Association: Military Warheads as a Source of Nuclear Fuel, juillet 2003.

24 Agence d'approvisionnement Euratom, rapport annuel 2003, p. 20.

25 World Nuclear Association: Uranium and depleted uranium, avril 2004.

26 JO C 372 du 9.12.1997, p. 5.

27 Formulaire CO, p. 36.

28 Document INFCIRC/245 révisé de l'AIEA.

29 La Commission suppose qu'il s'agit des services d'enrichissement fournis à EDF (France) et Synatom (Belgique), qui sont assurés depuis 2002 au titre d'un contrat de fabrication en vertu duquel l'électricité n'est pas facturée, ainsi que de la hausse des prix en USD depuis l'instauration des droits compensateurs par les autorités américaines.

30 [...] Figure 4 du rapport LECG.

31 [...]

32 [...]

33 [...]

34 [...]

35 [...].

36 Figure 2 du rapport LECG

37 [...]

38 La pénétration accrue des entreprises européennes d'enrichissement aux États-Unis a effectivement provoqué une baisse du prix moyen en USD pratiqué aux États-Unis de 1996 à 2001, date de la mise en place des procédures antidumping (réponse d'USEC du 6/8/2004). L'augmentation observée des prix en euro sur la période 1995-2001 ne se traduit pas par une hausse des prix en dollars américains en raison des fluctuations monétaires.

39 Figures 6 et 7 du rapport LECG.

40 [...]

41 [...]

42 Par souci de comparaison avec les précédents graphiques présentés par LECG, la Commission a exprimé la figure 7 de l'étude réalisée par LECG en euro. Les taux de change annuels utilisés sont tirés de http://www.federalreserve.gov/releases/g5a/current/. De plus, la base de données actualisée (040804_URENCODB.xls) envoyée par LECG a été utilisée pour recréer la figure.

43 Il semble que l'arbitrage soit limité dans ce secteur par les coûts plus élevés de la plupart des concurrents internationaux par rapport à Urenco notamment.

44 La Commission n'a pas pu reproduire les résultats de l'étude à l'aide de la base de données actualisée 040804_URENCODB.xls. La spécification utilisée par la Commission détecte cinq observations pour lesquelles l'année du contrat est manquante. Aucune observation aberrante n'a été détectée puisque la documentation approfondie sous-tendant chaque contrat indiquait que tous les contrats étaient des observations valides.

45 Une reproduction de la régression présentée dans le tableau 1 de l'étude réalisée par LECG révèle, à partir de données tant pondérées que non pondérées, où les coefficients de pondération correspondent au besoin maximal en UTS du contrat pendant toute sa durée de validité, que les prix aux États-Unis sont [...] avec un niveau de confiance de 95 %. En spécifiant la régression de façon à prendre l'EEE comme région de référence, la Commission trouve que le prix moyen aux États-Unis s'élève à [...].

46 Il est question de cette déclaration ci-après aux points 121-140.

47 Rapport LECG, p. 3.

48 Rapport LECG, p. 8.

49 [...]

50 Voir, par exemple, le compte-rendu d'une conférence téléphonique tenue le lundi 19 juillet 2004 avec EnBW Kernkraft GmbH, ("les prix d'Urenco sont habituellement légèrement inférieurs à ceux d'Areva et légèrement supérieurs à ceux de la Russie."); ainsi que le compte-rendu d'une conférence téléphonique tenue le 5 juillet 2004 avec [un consommateur] ("Tenex offre normalement le meilleur prix, AREVA est habituellement plus chère qu'Urenco qui, à son tour, est plus chère que Tenex").

51 Voir la Communication sur la définition du marché, point 2.

52 Voir le compte-rendu d'une conférence téléphonique tenue le 12 juillet 2004 avec [un client].

53 Document élaboré par le comité consultatif en vue du sommet UE/Russie du 29 mai 2002.

54 Dossier de Conviction, 11 septembre 2002, page 45.

55 Dossier de Conviction, 11 septembre 2002.

56 La déclaration de Corfou est une déclaration de politique et non pas un acte officiel.

57 Arrêt rendu dans l'affaire C-161-97 P, KLE contre Commission, Rec. 1999, p. I-2057, point 97.

58 Deux des quatre réacteurs de la Finlande sont de conception russe et font l'objet de contrats d'approvisionnement de longue durée avec TENEX.

59 Voir la réponse des parties au questionnaire de la Commission du 29 juin 2004, point 9 d), où il est également dit que les "parties n'ont pas connaissance d'un contrat d'enrichissement qui aurait été refusé par l'AAE dans le passé".

60 Arrêt rendu dans les affaires jointes T-149-94 et T-181-94, KLE contre Commission, Rec. 1997, p. II-161, point 92. Cet arrêt a ultérieurement été confirmé par la Cour de justice dans l'affaire C-161-97 P, KLE contre Commission, Rec. 1999, p. I-2057.

61 Page 16. D'une manière plus générale, le lien entre la viabilité de l'industrie nucléaire européenne et la sécurité de l'approvisionnement énergétique à long terme de la Communauté est également indiqué dans l'avis du comité consultatif de l'AAE sur le Livre vert de la Commission "Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique", où il est dit que l'"industrie communautaire (...) maîtrise l'ensemble du cycle du combustible nucléaire et joue un rôle de premier plan dès les phases d'extraction, de conversion, d'enrichissement et de fabrication de l'uranium (...), jusqu'à celles du retraitement, de l'entreposage des combustibles usés ou des déchets et de leur conditionnement en vue de leur élimination finale (...). L'énergie nucléaire peut donc contribuer, en tant que source d'origine essentiellement intérieure, à la sécurité à long terme de l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne, et risque moins de se trouver en situation de rupture que les sources d'énergie fossiles lourdement tributaires des importations de combustibles" (point 21).

62 UI Trade Briefing, Issue 1, février 2000, page 3.

63 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, COM (2002) 605 final, point 7.

64 Note de bas de page n° 45.

65 Page 56; insistance ajoutée.

66 Page 6 des observations des parties sur la décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, point c).

67 Point 9, alinéa a).

68 Compte-rendu d'une conférence téléphonique tenue avec [un client] le 13 juillet 2004.

69 Areva est [l'un des plus gros clients] d'EDF qui est actionnaire chez Areva.

70 E.ON et RWE possèdent une partie d'Urenco.

71 Concernant la relation entre les deux aspects, la Cour de justice a fait observer qu'"un accord, une décision ou une pratique concertée (bénéficiant ou non d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité) peut incontestablement, lorsqu'il est mis en œuvre, avoir pour conséquence que les entreprises concernées se sont liées quant à leur comportement sur un marché déterminé de manière qu'elles se présentent sur ce marché comme une entité collective à l'égard de leurs concurrents, de leurs partenaires commerciaux et des consommateurs. L'existence d'une position dominante collective peut donc résulter de la nature et des termes d'un accord, de la manière de sa mise en œuvre et, partant, des liens ou facteurs de corrélation entre entreprises qui en résultent" (arrêt rendu dans les affaires jointes C-395-96 P et C-396-96 P, Compagnie Maritime Belge Transports/Commission, Rec. 2000, p. I-1442; points 44 et 45).

72 CNNC a fourni de faibles quantités de services d'enrichissement dans l'EEE.

73 Formulaire CO, p. 46.

74 Formulaire CO, p. 47.

75 Présentation réalisée par le groupe de travail "combustible nucléaire" (sous-groupe "services d'enrichissement"), World Nuclear Association, Madrid, 30.03.2004, p. 2.

76 Formulaire CO, p. 47.

77 Présentation réalisée par le groupe de travail "combustible nucléaire" (sous-groupe "services d'enrichissement"), World Nuclear Association, Madrid, 30 mars 2004, p. 5.

78 Formulaire CO, p. 47.

79 Tenex dispose d'une grande capacité nominale, mais sa capacité réelle ne correspond pas à cette capacité nominale et est proche des fournitures estimées puisque près de la moitié de la capacité nominale est utilisée directement ou indirectement aux fins du recyclage de l'uranium hautement enrichi résultant du déclassement de charges nucléaires. (Formulaire CO, p. 47).

80 Clause 9.2 du pacte d'actionnaires d'ETC.

81 Clause 8.1 du pacte d'actionnaires d'ETC.

82 Clauses 8.8 et 8.9 du pacte d'actionnaires d'ETC.

83 Selon ces documents, GB II est censé atteindre une capacité annuelle de [2-5] millions d'UTS en [...] et de [5-10] millions d'UTS en 2016 tandis qu'Urenco (UEC) devrait faire passer sa capacité annuelle à [5-10] millions d'UTS d'ici 2008 et atteindre en 2012 une capacité annuelle de [2-5] millions d'UTS dans l'usine qu'elle prévoit d'implanter aux États-Unis.

84 Ce seuil de [<10] millions d'euro représente moins de [0-10] % des ventes annuelles escomptées d'ETC pour 2004.

85 Pour ce qui concerne Areva, il s'agit des accords relatifs au projet, à savoir l'accord de fourniture de cascades, l'accord de transfert de technologie et les autres accords passés entre ETC et Areva en ce qui concerne la construction et l'exploitation de GB II. Pour ce qui est d'Urenco, il s'agit de tout accord de fourniture de cascades, de tout accord de transfert de technologie ou de tout autre accord conclus entre ETC et le groupe UEC en ce qui concerne le projet d'Urenco aux États-Unis.

86 À l'heure actuelle, les deux sociétés confient les opérations de ré-enrichissement à Tenex, qui y consacre une part substantielle de sa capacité d'enrichissement. Dans la communication de leur réponse, en date du 30 juillet 2004, à la question 4 de la demande de renseignements de la Commission au titre de l'article 11, les parties ont déclaré: "[D]ans la plupart des cas, le ré-enrichissement des rejets n'est pas rentable pour un prestataire de services d'enrichissement. Toutefois, la production d'uranium hautement enrichi à des fins militaires ayant cessé en Russie, une partie considérable de sa capacité d'enrichissement est devenue excédentaire. Compte tenu de cette capacité d'enrichissement excédentaire, la société russe Tenex a jugé bon en termes économiques d'en consacrer une partie au ré-enrichissement des rejets."

87 Par exemple, Synatom, E.ON.

88 À l'inverse, la technologie de la diffusion gazeuse supposait une plus grande flexibilité en permettant de varier la production d'uranium enrichi dans le cadre d'une capacité déterminée.

89 Dans la Communauté, les approvisionnements russes sont limités au titre de la déclaration de Corfou (voir la section portant sur la définition du marché géographique).

90 Voir www.urenco.com - Corporate Papers - Atom Forum May 2001, p. 9-10 (en anglais).

91 [...].

92 Informations reçues de l'AAE le 10 août 2004. Les parties précisent que la capacité prévue est de 1 million d'UTS/an en 2010 et de 3 millions d'UTS/an en 2012-2013 (Formulaire CO, p. 43). Concernant les chiffres relatifs aux accroissements de capacité d'USEC, voir également la présentation réalisée par le groupe de travail "combustible nucléaire" (sous-groupe "services d'enrichissement") de la World Nuclear Association, Madrid, 30.03.2004, p. 4.

93 Informations reçues de l'AAE le 10 août 2004.

94 Urenco vend [60-70] % de sa production à l'extérieur de l'UE (essentiellement aux États-Unis), Areva [20-30] %.

95 De plus, dans un marché où les relations contractuelles de longue durée sont importantes, le choix de ne pas prolonger les contrats d'approvisionnement existants lorsque cela est possible est susceptible de porter préjudice à la réputation de l'enrichisseur sur le long terme.

96 Formulaire CO, p. 41.

97 En termes de capacité d'enrichissement réelle, Urenco a une capacité de 6 millions d'UTS/an. Urenco élargit la capacité d'enrichissement dont elle dispose dans l'UE vers [...] [secret d'affaires d'Urenco]. Pour ce qui est du marché américain, tout est prêt pour la construction d'une nouvelle usine, LES (d'une capacité d'environ 3 millions d'UTS par an). Si cela peut libérer de la capacité dans les usines européennes d'Urenco, [...] [secret d'affaires d'Urenco], l'usine GB d'Areva d'une capacité de production de 10,8 millions d'UTS/an sera remplacée par GB-2, d'une capacité de [5-10] millions d'UTS/an.

98 Il s'agit de: EDF (France), RWE (Allemagne), E.ON (Allemagne), EnBW (Allemagne), British Energy (Royaume-Uni), ENUSA (Espagne), EPZ (Pays-Bas), Vattenfall (Suède), OKG/Sydkraft (Suède), Synatom/Electrabel (Belgique), TVO (Finlande), Fortum (Finlande) et KKB (Allemagne).

99 Selon les parties, le coût de l'enrichissement représente une part importante ([40-50] %) du coût total des assemblages de combustibles (Formulaire CO, p. 28-29). Par ailleurs, ce n'est que dans de rares occasions qu'un client passe un contrat portant sur l'achat de combustible fabriqué au lieu de payer séparément pour les différentes étapes (concentrés, conversion, enrichissement et fabrication) nécessaires à la production du combustible (réponse d'USEC du 6 août 2004, Q 15).

100 Réponse de TVO au deuxième questionnaire adressé par la Commission aux clients, question 2.

101 Réponse de Vattenfall au deuxième questionnaire adressé par la Commission aux clients, question 2.

102 Réponse de Fortum au deuxième questionnaire adressé par la Commission aux clients, question 2.

103 Réponse de Vattenfall au deuxième questionnaire adressé par la Commission aux clients, question 2.

104 Réponse de Synatom au deuxième questionnaire adressé par la Commission aux clients, question 2.

105 [Une grande partie des] opérations hors marché dans l'UE concerne des opérations entre Areva et EDF.

106 Clause 7.1 du pacte d'actionnaires.

107 Clauses 8.1 et 8.8 du pacte d'actionnaires.

108 Article 68 des statuts d'ETC.

109 Clause 8.2 du pacte d'actionnaires.

110 Idem.

111 Clause 12 et annexe 3 du pacte d'actionnaires.

112 Point 2 des orientations en matière d'information.

113 Point 2.2 des orientations en matière d'information.

114 Point 2.4 des orientations en matière d'information, dont les termes sont littéralement les suivants : "no information on any such individual agreements shall be disclosed to the Shareholders by any A Director or B Director".

115 Les parties affirment que les administrateurs d'ETC doivent agir en toutes circonstances dans les meilleurs intérêts d'ETC. Un administrateur qui n'agirait pas dans les meilleurs intérêts d'ETC commettrait un abus de confiance et pourrait voir sa responsabilité civile engagée en vertu du droit anglais, dont relève ETC. La Commission note que la partie demanderesse dans toute éventuelle action civile engagée en vertu du droit anglais serait ETC elle-même et que l'exercice d'une telle action nécessiterait l'accord unanime du conseil d'administration d'ETC (clause 9, paragraphe 2, alinéa l, du pacte d'actionnaires).

116 Clause 8.3 du pacte d'actionnaires.

117 Institué et régi par l'article II du traité d'Almelo.

118 Traité entre les gouvernements de la République française, de la République d'Allemagne, du Royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord qui devrait être signé et entrer en vigueur à la suite du projet d'opération.

119 Arrêt rendu le 15 octobre 1995 dans les affaires jointes T-458-93 et T-523-93, ENU/Commission, [Rec. 1995], p. II-2459, point 67.

120 Article 53 du traité Euratom.

121 Voir la Communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447-98 de la Commission, JO C 68 du 02.03.2001, p. 3.

Annexe I

Le texte complet en anglais des engagements dont il est fait référence aux articles 2ème et 3ème peut être consulté sur le site Internet de la Commission à l'adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/competition/index_en.html

Opinion du Comité Consultatif en matière de concentrations émise lors de la 128ème séance, tenue le 23 septembre 2004, concernant le projet préliminaire de décision dans l'affaire Cas COMP/ M.3099-Areva/Urenco/ETC JV

1. Le Comité Consultatif est d'accord avec la Commission que l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement concentrations.

2. Le Comité Consultatif est d'accord que les définitions des marchés de produits en cause données dans le projet de décision, à savoir:

a) l'approvisionnement des équipements pour l'enrichissement de l'uranium

b) l'uranium enrichi sont correctes.

3. Le Comité Consultatif est d'accord avec les définitions des marchés géographiques données dans le projet de décision concernant les marchés suivants:

a) l'approvisionnement des équipements pour l'enrichissement de l'uranium comme mondial

b) l'uranium enrichi comme européen ou plus large.

4. Le Comité Consultatif est d'accord avec la Commission que la concentration proposée peut avoir pour effet la création d'une position dominante conjointe d'Areva et Urenco sur l'hypothétique marché européen de l'uranium enrichi au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement concentrations.

5. Le Comité Consultatif est d'accord avec la Commission qu'il existe un risque que la création de l'entreprise commune puisse avoir comme effet la coordination du comportement concurrentiel des parties dans l'enrichissement de l'uranium soit sur le marché européen, soit sur un marché plus large, au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement concentrations.

6. La majorité du Comité Consultatif est d'accord avec la Commission que les engagements soumis le 3 septembre par les parties éliminent les doutes sérieux soulevés par l'opération et rendent la concentration compatible avec le Marché commun.

7. Le Comité Consultatif recommande la publication de son opinion au Journal officiel des Communautés européennes.

8. Une minorité des états membres en étant d'accord sur ces engagements ont clarifié leur position par référence au statut de " doutes sérieux " de la décision, et aussi par référence aux spécificités de l'industrie nucléaire laquelle est largement régulée.

9. Le Comité Consultatif demande à la Commission de tenir compte des remarques et des commentaires du Comité Consultatif.

<emplacement tableau>

Rapport final du conseiller-auditeur dans l'affaire COMP/M.3099 - Areva/Urenco (conformément à l'article 15 de la décision 2001-462-CE, CECA de la Commission du 23 mai 2001 relative au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence - JO L162 du 19.06.2001, p.21)

Les 8 et 26 avril 2004, la Commission a reçu, en application de l'article 22 du règlement (CEE) no 4064-89 du Conseil (le règlement sur les concentrations), une demande de renvoi conjointe des autorités françaises, suédoises et allemandes, portant sur l'examen d'un projet de concentration par lequel la société de participations du Commissariat à l'Énergie Atomique SA (" Areva "), acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle conjoint de la société Enrichment Technology Company Limited ("ETC"), précédemment contrôlée exclusivement par la société Urenco Limited ("Urenco"), par achat d'actions.

Sur la base de l'examen des éléments de preuve que les États membres ayant demandé le renvoi et les parties au projet de concentration ont présentés et après avoir mené une enquête sur le marché, la Commission a conclu que l'opération soulèverait des doutes sérieux en ce qui concerne sa compatibilité avec le Marché commun et a décidé, le 22 juin 2004, d'engager la procédure en application de l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

À la demande des parties formulée le 22 juin 2004, la Commission a procédé, le 14 juillet 2004, à un examen des principaux documents, conformément aux meilleures pratiques pour la conduite des procédures communautaires de contrôle des concentrations.

Le 20 août 2004, les parties ont présenté des engagements qui modifiaient le projet de concentration initial, dont certains aspects avaient été remaniés après la consultation des acteurs du marché menée par la Commission. Des engagements définitifs ont été proposés le 3 septembre 2004. Sur la base de ces engagements, le service compétent de la Commission a considéré que les doutes sérieux avaient été levés. Aucune communication des griefs n'a par conséquent été adressée aux parties. Ni les parties ni les tiers n'ont posé de questions au conseiller-auditeur au sujet de la consultation des acteurs du marché.

La présente affaire n'appelle pas d'observations particulières quant au respect du droit d'être entendu.