CA Paris, 13e ch. corr., 7 juin 1994, n° 93-04417
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Langeais
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
M. Guilbaud, Mme Penichon
Avocats :
Mes de Saint-Sauveur, Autibe Aubtin
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal, par jugement, a déclaré P Gérard coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, courant avril 1989, à Paris, infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation
et, en application de ces articles, l'a condamné à 4 000 F d'amende.
Décision assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F, dont est redevable chaque condamné.
Sur les intérêts civils :
Le tribunal a condamné P, prévenu, à verser à la partie civile la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
A déclaré X civilement responsable de son préposé Gérard P.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur Langeais Gérard, le 14 avril 1993
X, le 19 avril 1993
Monsieur P Gérard, le 19 avril 1993
M. le Procureur de la République, le 19 avril 1993
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par la partie civile, le prévenu, le civilement responsable et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention.
Par voie de conclusions conjointes le prévenu et le civilement responsable sollicitent de la cour, par infirmation, la relaxe de Gérard P des fins de la poursuite, la mise hors de cause de X et le débouté de la partie civile de ses demandes.
Ils demandent en outre à la cour de condamner Gérard Langeais à leur verser la somme de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Ils reprennent intégralement les conclusions par eux développées devant les premiers juges en faisant essentiellement valoir que l'élément intentionnel fait défaut en l'espèce, Gérard P, gérant à l'époque de X, ayant tout ignoré de l'accident et des conditions de revente de ce véhicule.
Ils soutiennent par ailleurs que l'automobile dont s'agit ayant été réparée selon les règles de l'art, la non révélation de l'accident antérieur n'est pas constitutive d'une tromperie sur les qualités substantielles au sens de la loi du 1er août 1905.
Par voie de conclusions la partie civile, qui reprend intégralement les conclusions par elle développées en première instance, sollicite de la cour, par infirmation, la condamnation du prévenu à lui verser, outre la somme de 7 000 F pour frais irrépétibles, celles de 19 184,06 F et 5 000 F en réparation de ses préjudices matériel et moral, avec intérêts de droit.
Le représentant du Ministère public estime pour sa part les faits établis et requiert de la cour la confirmation du jugement déféré.
Sur l'action publique :
Considérant qu'il convient de rappeler que Gérard Langeais achetait le 28 avril 1989 pour le prix de 41 500 F un véhicule de marque Lada auprès de X dont Gérard P était à l'époque le gérant ; que cette automobile était une voiture de démonstration ayant parcouru environ 6 000 kms et pour laquelle une remise de prix de 6 911 F était accordée outre la pose d'un autoradio gratuit qu'après avoir utilisé normalement son véhicule pendant presque deux ans en effectuant près de 50 000 kilomètres, Gérard Langeais était amené à le faire examiner puis réparer à la suite d'une collision avec une congère ayant nécessité un dépannage "à la barre" et s'apercevait à cette occasion de l'existence d'un accident antérieur qui lui avait été caché lors de la vente; que l'enquête de police permettait de confirmer qu'en janvier ou février 1989 l'automobile litigieuse avait effectivement été accidentée par Emmanuel Gonzales, chef d'atelier de X, qui en avait avisé son supérieur hiérarchique et qu'après remise en état et passage au marbre par un sous traitant, sans déclaration à l'assurance, le véhicule avait été vendu à Gérard P sans que l'existence du sinistre antérieur ne lui soit révélée ;
Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications ;
Considérant, en effet, que la dissimulation et la réticence sont une des formes de la tromperie ;
Que le mutisme du vendeur d'une voiture d'occasion sur un accident antérieur revient à tromper l'acheteur sur l'une des qualités substantielles de la marchandise un tel fait étant de nature à écarter certains acquéreurs même si les dégâts causés au véhicule ont été réparés conformément aux règles de l'art;
Que la cour observe, comme le tribunal, que les fonctions de chef d'entreprise exercées par le prévenu lui imposaient une obligation de surveillance et de contrôle de l'ensemble du personnel sous ses ordres ainsi que des transactions qui étaient menées par la société;
Considérant que la cour relève par ailleurs que Gérard P, professionnel de l'automobile, qui ne justifie pas avoir délégué en fait et en droit la responsabilité de la vente des véhicules d'occasion à un subordonné, apparaît donc pénalement responsable des faits visés à la prévention en sa qualité de dirigeant de droit de X;
Considérant que la cour constate, au demeurant, que le prévenu a déclaré à l'audience du tribunal : "s'il y a un responsable, c'est moi, pas Monsieur Gonzales qui était chef d'atelier" ;
Considérant que c'est donc par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont, à bon droit, retenu Gérard P dans les liens de la prévention ;
Qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité mais de l'infirmer sur la peine, ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte des divers aspects de cette affaire, de la relative gravité des agissements commis et de la personnalité du prévenu délinquant primaire ;
Sur l'action civile :
Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement de l'infraction ;
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur les intérêts civils et, y ajoutant, de condamner Gérard P à verser à Gérard Langeais la somme supplémentaire de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale devant la cour d'appel ;
Considérant qu'il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré X civilement responsable de Gérard P;
Qu'il y a lieu, par ailleurs, de débouter Gérard P et X de leur demande fondée sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale, une partie civile ne pouvant être tenue au paiement des frais non recouvrables prévus par ce texte;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Sur l'action publique : Rejette les conclusions de relaxe du prévenu ; Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité. L'infirme sur la peine, Vu l'article 132-29 du Code pénal, Condamne Gérard P à 5 000 F d'amende avec sursis. Sur l'action civile : Rejette les conclusions de mise hors de cause du civilement responsable. Confirme le jugement entrepris sur les intérêts civils et en ce qu'il a déclaré X civilement responsable du prévenu. Y ajoutant, Condamne Gérard P à verser à Gérard Langeais la somme supplémentaire de 2 500 F pour frais irrépétibles en cause d'appel. Déboute le prévenu et le civilement responsable de leur demande fondée sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.