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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 7 mars 1996, n° 8514-94

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Marchall

Défendeur :

Grove France (SA), Marguerie (SARL), TTM (SARL), Gadeyne (ès qual.), Levage Levivier (Sté), Liebherr France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mmes Laporte, Rousset

Avoués :

SCP Gas, SCP Lambert-Debray-Chemin, Me Robert, SCP Fievet-Rochette-Lafon, SCP Jullien-Lecharny-Rol

Avocats :

Mes Dermida, Margot, Sentenac, Hoonakker, Faizant

T. com. Pontoise, 1re ch., du 29 sept. 1…

29 septembre 1994

Faits et procédure :

Le 20 février 1991, Monsieur André Marchall a acquis auprès de la SA Grove France un camion grue, de marque Liebherr, modèle LT 1055, année 1983, au prix de 1 300 000 F HT.

Alléguant la survenance de pannes préjudiciables au bon fonctionnement de son entreprise de levage et de manutention et des indications fallacieuses sur les dates de fabrication comme de première mise en service de la machine lors de la vente, Monsieur Marchall a assigné la société Grove France devant le Tribunal de commerce de Pontoise aux fins d'obtenir son annulation sur le fondement des articles 1116 et 1117 et subsidiairement 1110 du Code civil et la réparation du préjudice prétendument subi.

La société Grove France a appelé en garantie la SARL des Etablissements Marguerie, la SARL Toutes Transactions Matériel "TTM", la SA Levage Levivier et la SA Liebherr France, acquéreurs et vendeurs successifs du camion grue.

En cours d'instance, Monsieur Marchall a obtenu en référé la désignation de Monsieur Desvignes en qualité d'expert.

Par jugement du 29 septembre 1994, le tribunal statuant au vu du rapport d'expertise, a joint les instances, débouté Monsieur Marchall de ses demandes en nullité de la vente, prononcé la réfaction de son prix en ramenant son montant à 1 100 000 F, rejeté les appels en garantie et toutes les autres prétentions de la société Grove France, ainsi que la demande en dommages et intérêts de la société Liebherr France, condamné la société Grove France à payer à Monsieur Marchall la somme de 200 000 F avec intérêts de droit à compter de la date de versement du prix de l'acquisition, 17 033 F de dommages et intérêts et une indemnité de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à régler aux sociétés Etablissements Marguerie, TTM et Liebherr France, chacune, la somme de 8 000 F sur le même fondement, ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Grove France aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Selon deux procédures jointes par le conseiller de la mise en état, Monsieur Marchall et la société Grove France ont relevé appel de cette décision.

Monsieur Marchall, qui fait grief au tribunal d'avoir substitué à sa demande d'annulation celle d'une réduction du prix de vente non formulée, soutient que la société Grove France ayant manqué à son obligation précontractuelle d'information en ne vérifiant pas la date réelle de fabrication du camion grue litigieux qu'elle ne pouvait ignorer en qualité de vendeur professionnel, alors même que ce renseignement élémentaire était capital au moment de la conclusion du contrat ou, à tout le moins, l'a déterminé à acquérir au prix convenu, a commis une réticence dolosive à son égard.

Il fait valoir qu'en toute hypothèse, l'erreur sur l'année de fabrication de plus de trois ans par rapport à celle annoncée qui seule entrait dans le champ contractuel présentait bien un caractère substantiel dans la mesure où il n'aurait pas pris le risque d'acquérir la machine indispensable à son activité s'il avait connu son âge effectif.

Il réitère, en conséquence, ses demandes en nullité de la vente du 20 février 1991 pour dol ou, subsidiairement, pour erreur et réclame la restitution, par la société Grove France, du prix de 1 541 800 F TTC avec intérêts de droit à compter de son règlement, ainsi que sa condamnation à réparer son préjudice évalué comme suit :

- frais d'emprunt 287 017 F

- incidence fiscale 123 152 F

- dépenses de réparations 67 055,13 F

- frais de sous-traitance et de location 58 347,50 F

- perte d'exploitation entraînée par les pannes 77 944 F

- perte de jouissance résultant de l'arrêt partiel d'activité 192 003 F

- perte de chiffre d'affaires et de clientèle 300 000 F

Il sollicite, en outre, une indemnité de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Grove France souligne que les premiers juges ont statué ultra petita en ordonnant, en violation de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile, la diminution du prix qui n'avait pas été poursuivie par l'acquéreur.

Alléguant l'absence d'incidence de l'époque de la construction du camion grue sur les caractéristiques et qualités substantielles de la machine dont le nombre d'heures d'utilisation est, selon l'expert, le plus significatif de son état, comme son ignorance totale de la date de fabrication en 1980 au vu des documents mis à sa disposition, elle estime la demande de "résolution de vente" de Monsieur Marchall non fondée.

Elle reproche, en tout état de cause, à l'expert d'avoir admis une sur-cote de valeur de 200 000 F sans tenir compte des prix du marché, ni du parfait état et du reconditionnement de la grue.

Elle ajoute qu'en raison des arrêts limités de la machine, Monsieur Marchall n'a subi aucun préjudice réel d'exploitation, ni de perte de clientèle et que le tribunal a mis à tort à sa charge le coût de dépenses de réparations dès lors que celles-ci ne sont pas liées à une défectuosité décelable lors de la vente et relèvent pour l'essentiel de l'entretien.

Elle se réfère à la chaîne continue de contrats de vente successifs pour s'estimer en droit, si un défaut d'information constitutif de dol ou d'erreur devait être retenu à son encontre, d'appeler en garantie tous les précédents propriétaires de la machine jusqu'au fabricant sans qu aucun ne puisse lui opposer une clause de non recours dans la mesure où il serait imputable, selon elle, à l'ensemble des intervenants pour lui avoir fourni les renseignements en cause qu elle s'est contentée de répercuter à son propre client.

Elle conclut à l'annulation du jugement entrepris du chef de la réduction du prix, à sa confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur Marchall de ses demandes en "résolution de vente" et en dommages et intérêts au titre des pertes d'exploitation et de clientèle et, par voie d'infirmation pour le surplus, au rejet de toutes les prétentions de Monsieur Marchall et très subsidiairement, à sa totale garantie par les sociétés des Etablissements Marguerie, TTM, Levage Levivier et Liebherr France.

Elle sollicite, en outre, une indemnité de 15 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société des Etablissements Marguerie soutient que la société Grove France, ès qualité de professionnelle du grutage, se devait de vérifier les caractéristiques et la date d'origine de la machine avant de la revendre à Monsieur Marchall.

Elle affirme que simple utilisatrice de la grue et seule non professionnelle de toutes les parties en cause, elle e acheté le matériel litigieux à la société TTM et l'a revendu à la société Grove France sur la base d'un prix neuf 1983 et que ce prix, le parfait état du matériel, comme la notice d'information technique spécifiant une mise en service en 1983 fournie par son propre vendeur, ne lui permettaient pas, en tant que non spécialiste, de suspecter que la machine, qu'elle a légitimement crue neuve, ait pu être construite à une date antérieure.

Elle considère que l'erreur de date de première mise en circulation figurant sur la carte grise du véhicule est imputable à l'immatriculation et que sa responsabilité ne peut être engagée d'une quelconque manière.

Elle sollicite donc la confirmation de la décision déférée et subsidiairement, en cas de condamnation à intervenir à son encontre, la garantie intégrale de son vendeur direct, la société TTM, comme des sociétés Levage Levivier et Liebherr France solidairement entre elles, outre une indemnité de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société TTM fait valoir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans le cadre de la vente à la société des Etablissements Marguerie qui s'est effectuée sans garantie sur les renseignements donnés sur le matériel et sans mention d'information sur son ancienneté et se prévaut de cette clause de non recours pour s'opposer à l'action de la société Grove France dirigée à son encontre.

Elle ajoute que contrairement aux allégations de la société Grove France, elle n'a jamais indiqué une année de fabrication dans les documents contractuels remis à la société des Etablissements Marguerie, laquelle ne pouvait être déterminée au moment de cette transaction à défaut de publication de la cote du matériel d'occasion de cette marque par la Fédération Nationale des Travaux Publics "FNTP", qui n'est intervenue que l'année suivante et pouvait donc être connue, en revanche, des vendeurs postérieurs.

Elle considère que la faute commise par la société Grove France, tenant à l'absence de vérification de l'année de fabrication du véhicule, exclut en tout état de cause, son appel en garantie.

Elle demande, en conséquence, la confirmation du jugement attaqué en ses dispositions la concernant, le rejet de toutes les prétentions de la société Grove France et une indemnité de 10 000 F pour frais irrépétibles.

La société Liebherr France affirme, pour sa part, avoir informé son contractant, la société Levage Levivier, acquéreur en crédit-bail de la grue, de l'année réelle de fabrication ayant fait l'objet par ailleurs d'un marquage dans le châssis, lequel constitue un mode d'identification parfaitement connu des professionnels tels que les acquéreurs successifs présentement en cause qui ne pouvaient donc l'ignorer.

Elle dénie, en outre, avoir commis une quelconque erreur dans la rédaction des documents déposés aux fins d'immatriculation du camion grue en soulignant que ta date de mise en service de la grue construite en 1980 ne saurait être confondue avec celle de la première mise en circulation en France, le 24 mars 1983.

Elle sollicite, en conséquence, sa mise hors de cause, outre 50 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Régulièrement assignée à domicile ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Levage Levivier, Maître Gadeyne n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 1995.

Motifs de l'arrêt :

- Sur la demande de Monsieur Marchall à l'encontre de la société Grove France :

Considérant qu'il est constant que, le 20 février 1991, Monsieur Marchall a acquis auprès de la société Grove France, pour les besoins de son activité de levage, un camion grue au prix de 1 300 000 F HT, soit 1 541 800 F TTC.

Que les seules caractéristiques énoncées par le vendeur et portées par ses soins sur la facture sont les suivantes :

"Grue sur porteur Liebherr, LT 1055, année 1983, n° de série 5026. Equipée d'une flèche treillis 11 m. Contrôleur d'état de charge avec indication de charge. Machine repeinte aux couleurs jaune "Grove". Machine d'occasion vendue en l'état, sans garantie" et que la carte grise du véhicule fournie à l'acquéreur confirme une date de première mise en circulation au 24 mars 1983.

Que le camion grue a donc été présenté, au moment de la cession, comme étant un modèle de l'année 1983 ayant 8 ans d'ancienneté.

Considérant que plusieurs pannes survenues, dont la première le 13 mars 1991, moins d'un mois après la vente, ont conduit Monsieur Marchall à émettre des doutes quant à la date réelle de fabrication du camion grue et à s'en enquérir auprès de la filiale française du constructeur allemand Liebherr, laquelle lui a indiqué, le 16 mars 1992, que celle-ci remontait au 31 janvier 1980.

Considérant que l'expert, Monsieur Desvignes, a précisé que les documents communiqués par la société Liebherr établissaient la date de construction de la machine en 1980 et constaté, après son examen, que le numéro de châssis frappé sur le longeron droit : W 09523000 AFL 05026 identifiait par la lettre A un châssis construit en 1980 ; que la plaque rivée dans la cabine de pilotage mentionnait comme année de construction 1980, mais qu'en revanche, celle fixée sur la tourelle comportait le n° d'usine 0011182, mais non l'année de construction ;

Qu'il a relevé qu'il n'y avait pas lieu de confondre la date de mise en service de la grue construite en 1980 et la date de première mise en circulation en France, le 24 mars 1983, après son importation d'Allemagne, en soulignant qu'une telle confusion ne résistait pas à l'examen de la plaque signalétique se trouvant dans la cabine de pilotage du porteur et à la lecture de la cote de la FNTP mentionnant les numéros de séries par année de construction dont la publication ne pouvait être ignorée par les professionnels de la vente de ces machines.

Que le technicien a encore indiqué que le nombre d'heures d'utilisation d'un tel matériel demeurait plus significatif de son état que sa date de construction et enfin, estimé que la prise en compte, au cours des négociations, de la date de mise en circulation en France, le 24 mars 1983, comme date de mise en service avait conduit à le sur-coter d'environ 200 000 F lors de la vente à Monsieur Marchall.

Considérant que l'examen de l'extrait Kbis produit révèle que la société Grove France a pour objet la fabrication et le commerce de grues et de pelles mécaniques qu'elle poursuit depuis 1964.

Que l'exercice de cette double activité pendant 27 ans au moment de la vente du 20 février 1991 fui conférait la qualité de professionnelle hautement spécialisée et particulièrement expérimentée de ce type de transaction ; qu'en tant que telle, elle était tenue d'une obligation précontractuelle d'information à l'égard de Monsieur Marchall, acquéreur non professionnel en ce domaine, comme simple utilisateur de la machine, lui imposant de lui fournir des renseignements complets et fiables sur les caractéristiques essentielles du bien vendu en s'informant, le cas échéant, elle-même auprès du constructeur afin d'y parvenir et en procédant à toutes les vérifications utiles pour s'assurer de leur exactitude.

Or, considérant qu'il est patent que le seul renseignement donné par la société Grove France de nature à qualifier l'ancienneté de la machine a été l'année 1983, ce qui constitue une différence de trois ans par rapport à l'année réelle de fabrication en janvier 1980 et représente près de la moitié de l'âge de 8 ans annoncé lors de son acquisition par Monsieur Marchall;

Que ce défaut d'information revêtait un caractère déterminant pour l'acquéreur tant en raison du renseignement contractuel unique fourni sur ce point à l'exclusion du nombre d'heures d'utilisation de la machine significatif, pour en apprécier l'état, que de l'absence de tout autre repère certain d'indices de vétusté mis à sa disposition dès lors qu'il n'est pas contesté que le compteur kilométrique ne fonctionnait pas à cette époque et que le compteur horaire de la tourelle de la grue, récemment changé, n'affichait que 265 heures.

Qu'en outre, les trois années d'écart concernant l'année de fabrication entraînait indiscutablement des conséquences sur l'état du véhicule et sur son aptitude à satisfaire les besoins de l'entreprise de Monsieur Marchall, lequel était fondé, en tant qu'exploitant à titre individuel, à ne pas prendre le risque, s'il avait été renseigné sur son âge réel, d'acquérir ce matériel, non assorti, de surcroît, d'aucune garantie, ni à tout le moins au prix convenu dans la mesure où il ne pouvait en attendre les mêmes services;

Que la société Grove France a d'ailleurs fini par admettre, dans ses dernières écritures, le caractère essentiel de cet élément.

Considérant que pour prétendre s'exonérer de ce manquement substantiel, la société Grove France allègue vainement sa méconnaissance de la date effective de fabrication dès lors qu'il lui appartenait de la rechercher avant d'en certifier une autre erronée par écrit et qu'il lui était aisé de la déterminer en fonction du numéro de châssis comportant un élément d'identification certain à cet égard, comme de la plaque métallique située dans la cabine de pilotage mentionnant clairement l'année même de construction dont, en sa qualité de professionnelle très qualifiée, elle ne pouvait ignorer la signification, ni l'emplacement.

Que l'argument tiré de la non publication lors de la vente de la cote FNTP relative au type du véhicule en cause, contrairement aux dires de l'expert, n'est pas davantage opérant dans la mesure où, selon les prescriptions du constructeur Liebherr, les numéros de séries y figurant sont fournis par ses soins à titre indicatif et sous sa recommandation expresse de le consulter pour être garanti d'une année de fabrication et où la société Grove France, qui disposait déjà des données de référence ci-dessus, évoquées et jugées suffisantes pour un professionnel par Monsieur Desvignes aurait dû, si elle estimait le contraire, se renseigner auprès du constructeur ;

Que, parfaitement avisée, ou devant l'être, des différences pouvant exister en vertu de la réglementation entre l'année de première mise en circulation et celle de mise en service d'une grue, spécialement lorsque, comme en l'espèce, il s'agit d'une machine de fabrication allemande ayant fait l'objet nécessairement d'une importation en France, la société Grove France ne pouvait opérer aucune confusion sur ce point, contrairement à Monsieur Marchall qui, non spécialiste, ne pouvait forcément les connaître et n'avait aucune raison particulière de suspecter l'information fournie par un vendeur de cette notoriété.

Qu'elle ne peut donc utilement se prévaloir de la date de première mise en circulation énoncée sur la carte grise pour tenter de justifier sa carence à informer correctement son cocontractant au moment de la vente alors même qu'elle n'a pas démenti avoir argué lors des pourparlers préalables d'une expertise complète de l'engin réalisée par ses soins, laquelle était de nature à lui permettre de détecter la non concordance de cette date avec celles gravées dans le véhicule qu'elle s'est volontairement abstenue de révéler à Monsieur Marchall.

Considérant enfin que la sur-cote du matériel vendu d'environ 200 000 F évaluée par l'expert en fonction de l'ensemble des éléments d'appréciation par lui recueillis, dont le reconditionnement effectué en 1983 et l'état du marché lors de la transaction après avoir exclu, à juste titre, les travaux de pur entretien exécutés par la société Grove France comme par deux autres vendeurs précédents, confirme le profit tiré par la société Grove France de l'ignorance légitime par l'acquéreur non professionnel, de l'année réelle de fabrication dont elle aurait dû l'informer, tandis que la reprise par cette société de la machine, vingt jours auparavant, au prix de 1 100 000 F HT, correspondant à un prix "modèle 1980" corrobore sa connaissance effective de sa mise en service cette année là.

Que par conséquent, la réticence dolosive dont a fait preuve la société Grove France en ne fournissant pas cette information avant la réalisation de la transaction à Monsieur Marchall a vicié le consentement émis par ce dernier au moment de la vente du 20 février 1991, laquelle n'ayant pas ainsi été valablement contractée, doit être annulée.

Considérant que le tribunal ne pouvait prononcer une réf action de prix non sollicitée par l'acquéreur, par voie de substitution de demandes modifiant l'objet du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile.

Que cette disposition doit dès lors être annulée.

Considérant qu'en raison de l'annulation de la vente, Monsieur Marchall doit obtenir la restitution du prix de 1 541 800 F TTC avec intérêts légaux à compter de son règlement jusqu'à parfait paiement contre remise du camion grue litigieux à la société Grove France.

Qu'il est également fondé à réclamer le remboursement des frais justifiés à hauteur de 287 017 F des deux emprunts souscrits auprès de la BNP pour l'achat de ce matériel, comme le coût de l'incidence fiscale non discuté de 123 552 F sur le montant de la taxe professionnelle.

Considérant que Monsieur Marchall sollicite le règlement des réparations effectuées sur le camion grue à concurrence de 67 055,13 F tout en foi missent néanmoins, un relevé détaillé et des factures afférentes à la période du 30 mars 1991 au 25 juillet 1992, ne s'élevant qu'à 56 835,83 F.

Que bon nombre de ces prestations correspondent à des dépenses d'entretien qu'il devait, en toute hypothèse, supporter en tant qu'exploitant de la machine;

Qu'en outre, l'expert après avoir examiné l'ensemble de ces documents n'a, en définitive, retenu de manière certaine dans ses conclusions au titre des seules réparations exceptionnelles correspondant à des anomalies décelables par le vendeur, celles concernant le remplacement de l'arbre de transmission entre BV et BT et le remplacement de la barre d'accouplement directionnel du deuxième essieu pour un montant total de 17 033 F en estimant que tous les autres incidents relevaient des conditions d'exploitation du matériel par les divers utilisateurs successifs, dont Monsieur Marchall, qui en a fait un usage soutenu de près de 140 heures/mois en 1991 et de 95/mois en 1992 et en soulignant que la rupture du treuil survenue le 18 novembre 1992, date à laquelle la grue a été immobilisée définitivement, ne pouvait provenir d'une usure extrême imputable à l'ancienneté de la grue, mais s'avérait accidentelle.

Que le tribunal a donc évalué, à juste titre, au vu de ces éléments, ce chef de préjudice à 17 033 F.

Considérant que Monsieur Marchall demande encore la somme globale de 569 947 F en réparation du coût de pertes d'exploitation dont 77 944 F et 192 003 F au titre respectivement de celles générées par les pannes et l'arrêt partiel d'activité et de 300 000 F pour pertes de chiffres d'affaires et de clientèle, ainsi que 58 347,50 F en raison des frais de sous-traitance et de location d'un matériel de remplacement durant l'immobilisation de la grue consécutivement aux différents incidents qu'elle a subis.

Que toutefois, Monsieur Desvignes, après avoir énoncé dans son rapport (page 19), les arrêts de mise en service de la machine résultant de réparations exceptionnelles, a clairement indiqué qu'ils ne pouvaient entraîner une durée d'immobilisation totale supérieure à 52 heures, en rejetant à cet égard, le décompte de 175 heures présenté par le conseil de Monsieur Marchall et précise que le marché local ne permettait pas le plein emploi de la grue.

Que Monsieur Marchall ne justifiant pas de la perte de marchés liée à l'indisponibilité de la machine qui lors des pannes à caractère exceptionnel devant exclusivement être retenues, n'a jamais dépassé une journée, doit être débouté de sa première prétention.

Qu'il en sera de même de celle relative aux frais de sous-traitance et de location dans la mesure où aucune des dates communiquées durant lesquelles il y a recouru, ne correspond à celles afférentes à une immobilisation pour réparations exceptionnelles et où elles s'inscrivent là aussi dans une période de plein emploi différente du contexte réel d'exploitation.

Que Monsieur Marchall n'est, par ailleurs, pas fondé en ses autres prétentions dès lors que l'expert souligne que l'arrêt définitif d'exploitation de la grue, après le bris du treuil, relève de sa seule décision bien que les conséquences pouvaient en être limitées au montant de la réparation et à 2 semaines d'indisponibilité et qu'il ne produit aucune pièce comptable certifiée de nature à établir l'existence d'autres pertes d'exploitation, d'un préjudice de jouissance comme d'une perte de clientèle allégués.

Que, dans ces conditions, la société Grove France sera, en définitive, condamnée à lui verser une indemnité globale de 427 602 F en réparation des différents préjudices par lui subis.

- Sur les appels en garantie formés par la société Grove France à l'encontre des vendeurs précédents :

Considérant qu'avant d'être vendu le 20 février 1991 à Monsieur Marchall par la société Grove France, le camion grue en cause, fabriqué en 1980, a été exploité pendant trois ans en Allemagne, puis importé en France, le 7 mars 1983, par la société Liebherr France après avoir fait l'objet d'un reconditionnement, a été immédiatement cédé, le 21 mars 1983, par la société Liebherr France à la société Locabail pour le compte de la société Levage Levivier au prix de 1 400 000 F conformément au bon de commande émis par cette dernière le 1er février 1983 faisant état d'une année 1980 avec désignation dans la lettre de commande de la société Locabail du 21 mars 1983, de "grue routière d'occasion 1979" et indication sur la carte grise d'une date de première mise en circulation au 24 mars 1983.

Qu'après solde du crédit bail, le 8 avril 1987, la société Levage Levivier l'a cédée à son tour à la société TTM pour 1 220 000 F HT le 12 février 1990, avec production d'un rapport de vérification Veritas du 18 août 1989 mentionnant comme année de fabrication 1983, qui l'a elle-même vendue, le 20 février 1990, à la société Etablissements Marguerie au prix de 1 300 000 F HT après parution d'un billet d'information n° 616 indiquant une mise en service en 1983 et engagement de travaux réalisés à hauteur de 44 000 F que la société Grove France l'a reprise, le 3 décembre 1990, à la société des Etablissements Marguerie pour 1 100 000 F HT dans le cadre de l'achat par celle-ci d'un matériel plus puissant.

Considérant que la société Grove France se prévaut de cette chaîne de contrats pour rechercher la garantie des vendeurs successifs du matériel litigieux.

Considérant toutefois que l'action en nullité de la vente du 20 février 1991 engagée par Monsieur Marchall à laquelle il a été fait droit, étant fondée sur un vice du consentement de l'acquéreur consécutif à la réticence dolosive commise par le vendeur et présentant comme telle un caractère personnel et propre à ces deux contractants, elle ne saurait se transmettre, comme en matière de vices cachés, non allégués en l'espèce, avec le bien vendu, ni être exercée à l'encontre de tous les vendeurs successifs jusqu'à l'importateur;

Que la société Grove France ne peut donc agir en garantie qu'envers son précédent contractant, la société des Etablissements Marguerie, à charge de démontrer qu'elle aurait elle-même été trompée par celle-là sur l'année réelle de fabrication du matériel litigieux. Or considérant que la société Grove France n'articule aucun grief précis à l'encontre de la société des Etablissements Marguerie.

Qu'en outre, l'opération convenue avec cette société en ce qui concerne le camion grue en cause ne constitue pas une vente mais une reprise à la suite de l'achat par la société des Etablissements Marguerie d'une machine plus performante fournie par la société Grove France et dont cette dernière a fixé les conditions après l'avoir nécessairement examiné afin d'en déterminer le montant et en procédant à une évaluation de 1 100 000 F HT qui correspond au prix d'un modèle 1980.

Que la société Grove France qui, en sa qualité de professionnelle spécialiste, était en mesure de connaître toutes les caractéristiques réelles du camion grue et n'a pu, d'ailleurs, les ignorer puisqu'elle a estimé le coût de la reprise au prix d'un modèle 1980, n'établit aucune tromperie de la part de la société des Etablissements Marguerie laquelle, dépourvue de toute compétence particulière en ce domaine, en tant que simple utilisatrice de la machine pour les besoins de son activité de construction et de réparation de bateaux de plaisance, ne disposait pas de la qualification requise pour apprécier les indications apposées sur le longeron droit du véhicule, ni pour savoir forcément l'emplacement de la plaque comportant l'année de construction située à l'endroit peu visible de l'arrière du siège de la cabine de pilotage et l'ayant elle-même acquis au prix d'un modèle 1983, sur la foi d'une notice d'information technique, émanant d'un professionnel de ce type de transactions faisant état d'une mise en service en 1983 et d'un certificat d'immatriculation mentionnant une première mise en circulation au 24 mars 1983, a légitimement pu croire que le matériel avait été effectivement fabriqué en 1983.

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Grove France de tous ses recours en garantie.

Que, par voie de conséquence, les appels en garantie formés à titre subsidiaire par la société des Etablissements Marguerie à l'encontre de son propre vendeur, la société TTM et des autres précédents, deviennent sans objet.

- Sur les autres demandes :

Considérant que la société Liebherr France n'établissant pas un abus caractérisé du droit d'agir en justice exercé par la société Grove France, sa demande en dommages et intérêts sera rejetée.

Considérant que l'équité commande d'allouer des indemnités complémentaires de 15 000 F à Monsieur Marchall et de 10 000 F aux sociétés des Etablissements Marguerie, TTM et Liebherr France.

Que la société Grove France, qui succombe en son appel et supportera les dépens, n'est pas fondée en sa prétention au même titre.

Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort, - Annule le jugement déféré du chef de la réfaction du prix, - L'infirme pour le surplus, hormis en ses dispositions concernant l'évaluation des réparations, le rejet de tous les appels en garantie de la SA Grove France, de la demande en dommages et intérêts de la SA Liebherr France, l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens, - Et statuant à nouveau : - Annule la vente du camion grue "Liebherr modèle LT 1055" conclue le 20 février 1991 entre Monsieur André Marchall et la SA Grove France sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, - Condamne la SA Grove France à en rembourser le prix de 1 541 800 F TTC à Monsieur André Marchall avec intérêts légaux à compter de son règlement jusqu'à parfait paiement contre restitution de cette machine et à lui verser 427 602 F de dommages et intérêts en réparation de son préjudice global, - Déboute Monsieur André Marchall de ses prétentions supplémentaires et la SA Liebherr France de se demande en dommages et intérêts, - Condamne la SA Grove France à payer des indemnités complémentaires de 15 000 F à Monsieur André Marchall et de 10 000 F à la SARL des Etablissements Marguerie, à la SARL Toutes Transactions Matériel "TTM" et à la SA Liebherr France en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Rejette sa demande au même titre, - La condamne aux dépens d'appel et autorise les avoués des autres parties à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.