Conseil Conc., 13 mars 2006, n° 06-D-04
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Correa de Sampaio, par M. Nasse, vice-président, présidant la séance, Mme Pinot, MM. Bidaud, Charrière-Bournazel, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la saisine d'office du 21 octobre 1998 enregistrée sous le numéro F 1100 sur la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe ; Vu les articles 81 et 82 du traité CE ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret 2002-689 du 30 avril 2002, fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Parfums Loris Azzaro, Beauté Prestige International, Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie, ELCO, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, LCI Cosmetics International France, L'Oréal Produits de luxe France, Pacific Création Parfums, Procter et Gamble, PUIG Prestige Beauté, Parfums Rochas, Sisley, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, Yves Saint Laurent Parfums, Marionnaud, Nocibé et Séphora France ainsi que par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Parfums Loris Azzaro, Beauté Prestige International, Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie, ELCO, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, LCI Cosmetics International France, L'Oréal Produits de luxe France, Pacific Création Parfums, Procter et Gamble, PUIG Prestige Beauté, Parfums Rochas, Sisley, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, Yves Saint Laurent Parfums, Marionnaud, Nocibé et Séphora France entendus lors de la séance du 2 décembre 2005 et les représentants des sociétés Da Silva et Douglas régulièrement convoqués ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
1. Par décision du 21 octobre 1998, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la parfumerie de luxe et des pratiques qui y sont mises en œuvre.
A. LE SECTEUR DES PARFUMS ET COSMETIQUES DE LUXE
1. LES PRODUITS ET LA TAILLE DU MARCHE
2. L'industrie française de la parfumerie et des cosmétiques constitue, depuis de nombreuses années, un secteur important de l'économie nationale. Avec 13,32 milliards d'euro de chiffre d'affaires réalisé en 2002 dont 7,014 milliards d'euro à l'exportation, le secteur conforte sa quatrième place d'exportateur net derrière l'aéronautique, l'agroalimentaire et l'automobile.
3. En dépit de la très grande maturité de ce marché, la consommation en France de parfums et cosmétiques est en hausse régulière. En 2002, avec une progression de 5,3 %, le secteur connaissait sa 36ème année de croissance continue, la progression moyenne, durant les années 1990, étant de 4,1 % par an. Ces performances à l'exportation et la permanence d'une croissance soutenue contribuent à assurer à ce secteur un taux de rentabilité après impôt remarquable, deux fois et demi supérieur, en 2002, à celui des biens de consommation dans leur ensemble.
4. Ce marché se caractérise par sa constante évolution : l'apparition régulière de nouveaux produits vient satisfaire une demande mouvante et exigeante. En outre, l'image et la notoriété de la marque constituent, pour les sociétés qui les exploitent, des actifs immatériels essentiels au maintien d'un niveau élevé de rentabilité. Ainsi, les entreprises du secteur réalisent des dépenses publicitaires considérables : 12,5 % du chiffre d'affaires total du secteur en 2002, soit un montant qui représente, selon le service des études et des statistiques industrielles du ministère de l'Industrie (SESSI), près du quart des dépenses publicitaires totales de l'industrie française, ce qu'aucun autre secteur n'égale.
5. Par parfums, on entend les parfums, eaux de parfums, eaux de toilette, eaux de Cologne ainsi que les lotions pour le rasage. Sous le terme de cosmétiques sont visés les produits de soin pour le visage et pour le corps ainsi que les produits de maquillage. Sur chacun de ces segments du marché, les produits sont offerts selon des niveaux de qualité très différents, repérés par le niveau de leurs prix. Paradoxalement, les parfums au sens large constituent le segment le plus populaire de la branche : en effet, d'après les enquêtes auprès des consommateurs, plus de 90 % des femmes en France se parfument quotidiennement. Sous le terme de parfums et cosmétiques "de luxe", sont visés les produits chers, identifiés comme de haute qualité, et qui relèvent de la distribution sélective.
2. LES FOURNISSEURS
6. Le marché des parfums et cosmétiques de luxe est connu pour la place qu'y occupent les grandes marques françaises du luxe. Bien que ce marché soit fortement gouverné par la demande, elle-même en constante évolution, on constate que, sur une longue période, les dix premières marques de parfums et cosmétiques de luxe en termes de ventes effectivement réalisées ("sell in") relèvent des mêmes "grands noms" comme le montre le tableau ci-après pour les années 1999 à 2004 :
<emplacement tableau>
7. Malgré le grand nombre de marques existantes sur le marché, il apparaît qu'un nombre restreint d'entre elles parviennent à préserver, dans la durée, la forte notoriété qui leur assure un très haut degré de fidélité de la part des consommateurs. Entre 1997 et 2000, la Fédération de l'industrie de la parfumerie (FIP) a ainsi dénombré seulement 13 nouveaux entrants sur le marché dans lequel seul LCI Cosmetics International, anciennement Unilever Cosmetics International France (marque Calvin Klein), a su se tailler une place parmi les 20 premières marques en termes de part de marché. Il s'agit de Caron, Confinluxe, Cosmopolitan, Charles Jourdan, Diana de Silva, Laboratoires Esthederm, France Excellence, Laboratoire Gernetic Synthèse, Parfums Jaguar, Parfums Mauboussin, Jean Patou Parfumeur, Lora Lune et Unilever Cosmetics International France.
8. De la même manière, le classement des vingt premières marques établi par la FIP démontre la stabilité des grandes marques aux premiers rangs du marché et la forte concentration qui caractérise ce dernier. Ainsi, les 20 premières marques représentaient en 1998, en 2000 et en 2003 respectivement 74,9 %, 77,8 % et 76,7 % du marché de la distribution sélective de détail. A titre de comparaison, la chaîne de distribution Séphora propose aujourd'hui à ses clients les produits de 242 marques dont 16 en exclusivité. C'est dire que la grande majorité du marché est concentrée sur un nombre restreint de marques et un nombre encore plus réduit de groupes.
9. En 1999 en France, selon European Forecast, les 29 principales marques de parfums et cosmétiques de luxe ont totalisé près de 1,23 milliard d'euro de chiffre d'affaires et ont représenté plus de 80 % du marché. Il s'agit, par ordre d'importance du chiffre d'affaires et de la part de marché, des marques suivantes :
<emplacement tableau>
10. La force des grandes marques s'appuie sur l'existence de grands groupes du luxe à dimension mondiale dont l'un, le groupe Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH), peut être qualifié de "verticalisé" détenant à la fois quatre marques de parfums et cosmétiques de luxe (Christian Dior, Givenchy, Guerlain et Kenzo) et trois chaînes de distribution : Séphora, Duty Free Shoppers et Marie-Jeanne Godard. Le groupe L'Oréal regroupe, quant à lui, les marques Lancôme, Armani, Cacharel, Helena Rubinstein, Guy Laroche, Lanvin, Paloma Picasso et Ralph Lauren. Le groupe Clarins réunit les sociétés Clarins, Loris Azzaro, Thierry Mugler et, jusqu'au 24 février 2000, Montana.
11. D'autres sociétés appartiennent à des groupes mondiaux de premier plan, diversifiés dans d'autres secteur que le luxe, tels que Unilever avec la marque Calvin Klein, Procter et Gamble avec les marques Jean Patou, Lacoste et Hugo Boss et Gucci-PPR avec la marque Yves Saint Laurent Parfums.
12. Depuis l'époque des faits, il convient de relever les modifications suivantes dans la situation juridique des entreprises concernées.
13. La société Jean Couturier International a fait l'objet d'un rachat par la société Diana de Silva Cosmétiques du Groupe Bracco (Italie). Par lettre du 22 juin 2005 (cf. annexe n° 11, cote 02540), enregistrée au bureau de la procédure du Conseil le 1er juillet 2005, l'ancien directeur général de la société Jean Couturier International a indiqué que Diana de Silva a cédé le 31 mars 2005 l'ensemble des actifs de son activité de fabrication et de commercialisation de parfums et cosmétiques de luxe à la société COSMOPROD SRL, dont le siège se trouve à Milan, et a produit l'acte de cette cession d'actifs.
14. La société Sofipar SAS a cédé, le 13 septembre 2001, l'ensemble de ses actifs concernant l'activité de fabrication et de commercialisation des parfums Jean Patou et Lacoste au groupe Procter et Gamble, ainsi qu'il ressort d'un courrier du 30 juin 2003 du président de Sofipar au Conseil de la concurrence.
15. La société Montana a fait l'objet d'un rachat en date du 24 février 2000 par la société Diana de Silva Cosmétiques du Groupe Bracco (Italie), ainsi qu'il ressort d'un courrier du directeur juridique de la société Clarins au Conseil de la concurrence enregistré au bureau de la procédure du Conseil le 22 mars 2005.
3. LA DISTRIBUTION
16. Au sein du marché français de la parfumerie et des cosmétiques, la distribution sélective confirme sa position de leader avec près de 45 % des ventes totales en 2002, mais son poids connaît, depuis quelques années, un léger recul sous l'effet de la concurrence accrue de la grande distribution, qui a renforcé sa part de marché de 1,5 point en 2002. En 2002, la répartition des ventes par circuit de distribution, en pourcentage du chiffre d'affaires total, s'établissait ainsi : 44,9 % du chiffre d'affaires pour la distribution sélective, 29,1 % pour la grande distribution, 14,2 % pour la vente sur conseil pharmaceutique et 11,8 % pour les ventes directes des fournisseurs par correspondance ou par internet.
17. De 1998 à 2001, les quantités vendues sont passées de 95,53 millions d'unités à plus de 103,8 millions, soit une hausse de 8,7 % alors que le chiffre d'affaires du secteur progressait dans le même temps de plus de 16 %. A cette époque, la part représentée par les chaînes nationales représentait environ 50 % de l'ensemble du secteur de la distribution sélective; celle des parfumeries indépendantes près de 15 %, et celle des groupements et franchises également 15 %, selon le schéma ci-après :
18. Schéma de la distribution sélective en France entre 1998 et l'an 2000
<emplacement tableau>
19. Cette répartition a fortement évolué avec l'accélération du phénomène de concentration de la distribution autour de quelques grandes chaînes nationales aux dépens des "petites" parfumeries indépendantes, dont un grand nombre a été racheté par les premières ou ont disparu. Il en résulte aujourd'hui un schéma totalement différent de celui qui prévalait de 1998 à l'an 2000, avec une prééminence extrêmement forte des chaînes nationales. On estime ainsi que les trois premières enseignes nationales de distribution réalisaient, en 2004, 80 % du chiffre d'affaires total de la distribution sélective de parfums et cosmétiques de luxe. Corrélativement, les parfumeries indépendantes ne représentent plus aujourd'hui que 5 % des points de vente.
B. LES PRATIQUES RELEVEES
1. LES ENTENTES VERTICALES SUR LES PRIX
20. Plusieurs déclarations de distributeurs agréés ainsi que des documents communiqués lors de l'enquête administrative portent sur les politiques de prix publics mises en œuvre par les fournisseurs de parfums et cosmétiques de luxe et leurs distributeurs.
21. Ces déclarations font état de " prix de gros ", de " prix publics indicatifs (PPI) et de " remises ". Les prix de gros sont les prix hors taxes que les fabricants de parfums et cosmétiques de luxe facturent à leurs distributeurs. Les " PPI " s'obtiennent à partir des prix de gros multipliés par un " taux multiplicateur ", lequel est le plus souvent voisin de deux. Les " remises ", dont les fournisseurs et les distributeurs discutent le taux, sont les remises accordées au client final par les distributeurs, venant en réduction du PPI.
a) La communication des prix publics de vente et la mise en place d'une police des prix par les fournisseurs
En ce qui concerne la société Parfums Loris Azzaro
22. Dans une note interne du 9 novembre 1998 (cf. (1) annexe n° 11, cotes 02562 et 02563) faisant le point sur une rencontre avec des responsables de la chaîne Nocibé intervenue le 2 du même mois, le responsable d'Azzaro écrit : "J'ai annoncé probablement un taux de discount autorisé de - 15 % pour 1999".
23. Dans une autre note interne du 2 mai 1999 (cf. annexe n° 7, cotes 352 et 353), adressée par un haut responsable de la société à l'équipe de vente, au chapitre "Points divers" est inscrit :
"Politique prix :
-15% sur le basic
-10% sur Azzura".
24. Une note d'information de la chaîne VO en date du 21 avril 1999 relative aux relations commerciales avec la marque Azzaro précise : "Actuellement, le taux de discount est de -20 %. Demande à passer à -15 % en septembre" (cf. (2) RAE cote 011060).
25. Dans son procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Loris Azzaro parmi celles qui pratiquent, selon ces déclarations, des "remises autorisées".
26. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès-verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Loris Azzaro parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposé à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum "du type retard de livraison, erreurs répétées".
27. Par ailleurs, l'enquête administrative a révélé plusieurs éléments tendant à prouver la mise en place, par la société Parfums Loris Azzaro, d'une police des prix :
28. Dans une note interne en date du 5 février 1999, relative à une rencontre avec des responsables du groupement Marie Bernard (cf. annexe n° 11, cote 02564), le responsable de Parfums Loris Azzaro écrit en conclusion :
"je dirais que nous travaillons dans un climat extrêmement favorable, et qu'un suivi permanent et efficace est fait par Philippe X [responsable du secteur] sur les points suivants :
- mise en place des animations
- contrôle des animations
- surveillance du linéaire et du prix".
29. Dans une autre note interne du 9 novembre 1998, consacrée à une réunion avec des responsables de Nocibé (cf. annexe n°11, cotes 02562 à 02563), le responsable de la marque Azzaro écrit : "Ils respecteront la politique de prix des fabricants".
30. Un courrier du directeur France de la société du 12 mars 1998 (cf. RAE cote 003368), adressé au dirigeant de la parfumerie Visabel, indique : "Je rappelle à chacun, simultanément à ce présent fax, le taux maximum accepté de -20 % partout en France et quelle que soit la puissance d'achat du distributeur. Je te remercie de donner toutes instructions en ce sens à tes collaboratrices".
31. Dans une note interne du 25 novembre 1997 (cf. annexe n° 7, cotes 644 à 646) consacrée à la chaîne Séphora, un responsable d'Azzaro, commentant une baisse de -2 % du taux de marge réalisé sur Azzaro en 1996, indique : "(...) en féminin, la marge au cumul est identique à celle de 1996.
C'est donc en masculin que nous constatons la baisse : ceci s'explique, je le rappelle, par la différence entre les 10 % autorisés (et pratiqués) sur les prix de vente Chrome d'août à décembre 1996 et les -20 % acceptés depuis janvier 1997 (Chrome étant considéré comme faisant partie du basic)".
32. Dans un courrier du 23 octobre 1998 de la marque adressé à une parfumerie d'Aulnay-sous-Bois (cf. RAE cote 003369), le directeur régional des ventes d'Azzaro se plaint des prix pratiqués "défiant toute logique commerciale" et déclare : "Nous vous avons déjà alertés à ce sujet et nous ne pouvons accepter plus longtemps le fait que chacun de nos produits soit proposé à la vente à un prix que nous jugeons anormalement bas, en regard de ceux concernant des articles de nos concurrents et confrères. Nous vous demandons donc de cesser immédiatement cette pratique. A défaut, nous prendrons les mesures qui s'imposent".
33. Dans deux courriers adressés à la marque les 4 et 8 décembre 1997 (cf. RAE cotes 003293, 003294 et 003295), le dirigeant de la chaîne de parfumerie O'Dylia se plaint d'être victime de commandes morcelées en plusieurs livraisons et écrit : "les pressions exercées perpétuellement pour nous contraindre à appliquer une politique de prix de vente imposée totalement illégale nous feront tôt ou tard déclencher une procédure judiciaire afin de vous faire comprendre en clair que le distributeur est libre de fixer ses prix de revente dans le respect des lois et règlements". Dans le second courrier précité qui fait suite à la réponse que lui a adressée Loris Azzaro Parfums, le dirigeant d'O'Dylia déclare : "bien sûr, vous ne pouvez pas reconnaître par écrit les pressions insidieuses faites par vos représentants pour nous faire remonter vos prix, vos visites surprises dans nos points de vente, les relevés systématiques de nos prix chez nous et chez nos concurrents".
34. S'agissant de la politique de ristournes qualitatives mise en place par Parfums Loris Azzaro, une note interne de la marque concernant les accords commerciaux passés pour l'année 1998 avec Marionnaud, mentionne, à propos de la ristourne de fin d'année "coop" de 5 %, la mention suivante : "Respect politique prix du groupe" (cf. RAE annexe n° 9, cote 3344).
35. Dans son procès-verbal du 23 septembre 1999 cité au paragraphe 474, la responsable de la société Broglio SA a cité la marque Loris Azzaro parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
36. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Azzaro comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837). En ce qui concerne la société Beauté Prestige International (BPI)
37. Un compte-rendu, émanant de la chaîne Baiser sauvage, à propos de la réunion du 2 avril 1998 sur les prévisions 1998 avec les marques Jean-Paul Gaultier et Issey Miyake (cf. annexe n° 7 cote 00731), précise : "Politique de prix : Pas d'augmentation des tarifs achat en 98 et 99. La remise sur prix de vente conseillé passe de -10 % à -5 % en avril 98 (coeff.1,885)".
38. Dans son procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Jean-Paul Gaultier parmi celles qui pratiquent, selon ces déclarations, des "remises autorisées".
39. S'agissant des éléments révélant la mise en place d'une police des prix, une lettre du directeur commercial de BPI à Séphora, datée du 29 septembre 1998 (cf. annexe n° 11, cote 02573), indique : "nous avons eu connaissance que certains de vos points de vente pratiquaient des prix qui ne sont pas en adéquation avec nos accords".
40. Un courrier de BPI daté du 28 mars 1997 et adressé à une parfumerie d'Abbeville (cf. RAE cote 004761) déclare qu'"il n'est pas envisageable de procéder à un "discount" sur les produits d'une de nos marques. (...)".
41. Dans une télécopie interne à BPI du 27 mars 1997, il est indiqué que "Baiser sauvage s'est aligné le 1er mars à -10 % sur nos quatre lignes, comme souhaité. Ce client ayant constaté des dérapages chez Séphora, celui-ci a fait un contrôle de prix chez Séphora" (cf. annexe n° 11, cote 02569).
42. Une télécopie du 3 juin 1999 de la chaîne Baiser Sauvage informe BPI que "le nécessaire a été fait pour mettre nos prix au bon coefficient" (cf. annexe n° 29, cote 9806). Selon les déclarations de l'une des dirigeantes de cette chaîne, cette remontée des prix avait été exigée par la marque (cf. annexe n° 32, cote 10150).
43. Dans une télécopie du 3 juin 1999 adressée à BPI par la parfumerie Baiser Sauvage, ce distributeur précise: "Nous avons fait le nécessaire depuis le 31 mai 1999 pour mettre nos prix au bon coefficient" (cf. RAE cote 009806).
44. Dans une lettre du 7 février 1997 adressée à BPI par la parfumerie "Ophélie- les Terianes" (cf. annexe n° 11, cote 02576), ce distributeur déclare : "Nous essayons de faire respecter la politique de prix, ce qui est l'objectif de votre société et de nous-mêmes. Malheureusement les prix dérapent et il est difficile d'obtenir des preuves. (...) Les sociétés nous demandent non seulement de les informer mais surtout des preuves (...)".
45. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité les marques Gaultier et Issey Miyake parmi celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
46. En juillet 1997, BPI a conditionné l'ouverture du compte de quatre nouveaux magasins Douglas à la modification par la chaîne de son système de carte de fidélité (annexe n° 28, cotes 9625 et 9639). Selon une note interne de Douglas (annexe n° 28, cote 9639), cette démarche de BPI était motivée "par le fait des avantages attribués à nos clients par le biais de notre carte. Ces avantages dépassant le taux de remise qu'il [BPI] préconise".
47. Plusieurs éléments relevés par l'enquête témoignent de l'exercice, par BPI, de pressions auprès de différents points de vente de la chaîne afin que l'ancien système de fidélisation soit supprimé : refus de prendre des commandes pour les 4 nouveaux magasins (annexe n° 28, cotes 9639 et 9643), refus de reprendre les invendus (annexe n° 28, cotes 9630-9631), suppression des aides à la vente et des animations (annexe n° 28, cotes 9632 et 9643), erreurs de livraisons (annexe n° 28, cote 9634). Une fois la carte de fidélité modifiée par Douglas, il apparaît que les nouveaux points de vente ont été livrés par Douglas comme l'atteste le compte rendu d'une conversation téléphonique entre un responsable de Douglas, Mme C. et le directeur commercial de BPI, M. M. (annexe n° 28, cotes 9644-9645). Mme C. s'informant des raisons pour lesquelles le point de vente de Nantes n'était pas livré par BPI, M. M répond : "M. Y... ne vous a pas informé des courriers que nous lui avons adressés au sujet de la carte ?", et celle-ci répond : " aujourd'hui le fonctionnement de la carte est clair. M. Y... a tenu parole".
48. Plusieurs documents émanant de distributeurs agréés de la marque font, en outre, état de dénonciations par ces distributeurs des prix pratiqués sur les marques commercialisées par BPI, ces dénonciations pouvant être accompagnées d'une demande d'intervention de BPI. 14
49. Dans une télécopie adressée à la direction de BPI, l'attachée de direction de la chaîne Beauty Success indique le tarif pratiqué le 7 juillet 1998 par les parfumeries Marie Jeanne Godard, de la ville d'Evreux, sur l'Eau d'Eté de la marque Jean-Paul Gaultier (cf. annexe n° 11, cotes 02574 à 02575) et mentionne les propos suivants : "Face à des concurrents non respectueux des accords passés avec nos fournisseurs, nous nous voyons maintenant obligés de nous aligner sur ces prix pratiqués. Nous vous remercions vivement de faire votre possible pour rétablir les prix conseillés dans ces deux points de vente".
50. Dans une télécopie du 6 mai 1997 adressée par le groupement Terianes-Process Blue à BPI, à propos d'un dérapage de prix sur les produits Gaultier constaté par la parfumerie Colombine à Charleville-Mézières chez son concurrent Marie-Jeanne Godard, le groupement remercie BPI "de bien vouloir faire le nécessaire" (cf. annexe n° 11, cotes 02578 à 02579).
51. Deux télécopies en date du 10 et 11 juin 1996, transmises par une parfumerie de Vincennes à la marque Jean-Paul Gaultier (cf. RAE cotes 004799 à 004802), dénoncent les réductions pratiquées par O'Dylia sur les produits Gaultier, tickets de caisse à l'appui.
52. Une télécopie de "La Parfumerie" de M. Z, futur dirigeant de Marionnaud, en date du 14 mars 1997 (cf. annexe n° 11, cote 02580), communique à BPI les "dérapages de prix constatés chez Séphora à Evry" sur des produits Issey Miyake.
53. Sur l'une de ces dénonciations, l'intervention de BPI est attestée par des annotations de responsables de la société : ainsi, une autre télécopie de "La Parfumerie" du 12 février 1998 (cf. annexe n° 11, cote 02581) indique les prix pratiqués par le magasin O'Dylia de Montreuil, sur lequel sont inscrites deux mentions manuscrites : "cc : Franck R... pour action" et"adressé à Franck par fax le 12/02/98".
54. S'agissant de la politique de ristournes qualitatives de BPI, la responsable des achats de la société Broglio SA a déclaré, le 23 septembre 1999 (cf. RAE cotes 009691 à 009708) : "Le document cote 87 précise que Gaultier pour compenser une perte de nos marges en 1999 en raison d'un alignement sur le prix d'un de nos concurrents qui vendait moins cher que le prix conseillé, Gaultier nous a reversé une compensation financière de 1% sur le CA". (...) Gaultier nous avait demandé oralement de remonter le prix de vente de nos produits. Gaultier avait insisté pour que nous remontions nos prix de vente (...) Suite à l'intervention de Gaultier, nous avons été contraints de remonter le prix de vente. C'est en compensation de cette augmentation que Gaultier nous a proposé de nous verser une remise supplémentaire de 1 % sur le CA (...). En résumé, nous n'avons pas eu le choix : nous avons dû remonter nos prix de vente et "accepter" la compensation financière de Gaultier".
En ce qui concerne la société Chanel
55. Lors de son audition au Conseil le 31 janvier 2005, la directrice générale France de Chanel Parfums-Produits de beauté a déclaré : "Chanel dispose de boutiques où sont commercialisés les produits ; sur ces produits, le coefficient défini par la marque est de 1,99 ; ce coefficient n'a pas évolué. Les distributeurs agréés qui le demandent peuvent se voir communiquer ces "prix boutiques" qui constituent un niveau de référence à leur disposition".
56. Une note d'information interne de la parfumerie VO Orléans en date du 12 mai 1999 (cf. RAE cote 011061) précise, à propos de la mise en place de la nouvelle gamme de soins "Précision" de Chanel, les conditions demandées par la marque parmi lesquelles figure la mention : "0 % de discount demandé".
57. Un compte-rendu daté du 16 avril 1999 d'un rendez-vous de Séphora avec Chanel, rédigé par Séphora (cf. annexe n° 11, cotes 02780 à 02781) précise, à propos de la "Négociation Précision" : "0% discount".
58. Dans son procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Chanel parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
59. La responsable de la parfumerie des Yvelines à Versailles citées au paragraphe 475 a également cité la marque Chanel parmi celles qui rompraient l'approvisionnement du point de vente "si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées".
60. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472, a cité la marque Chanel parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposé à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
61. Plusieurs documents, relevés lors de l'enquête, font état d'actes de police sur les prix pratiqués par les distributeurs de produits Chanel.
62. Un mémo interne du 5 mars 1998 émanant de la société Chanel (cf. RAE cote 003878), relatif à un déstockage de la parfumerie Rayon d'Or, adresse des instructions aux représentants de la marque pour régler le problème posé : "séparément, passez à cette parfumerie leur mettre la pression. Comme malheureusement, nous n'avons pas la preuve que les produits Chanel faisaient partie du lot - ce qu'ils nieront évidemment- tu peux toujours leur dire que ce genre de publicité (...) est loin d'être une image de marque pour Chanel, que le juridique est furieux, que tu as essayé de calmer le jeu (...) Bref, leur faire peur". Sur ce document, une mention manuscrite signée des initiales MD, datée du 12 mars 1998, indique : "As-tu fait quelque chose ?". Interrogée à propos de ce document lors de son audition au Conseil, la directrice générale a déclaré : "La société Chanel reçoit régulièrement des informations de la part de distributeurs l'informant de pratiques commerciales de leurs concurrents dans le domaine des prix. A ces sollicitations nombreuses, Chanel répond que le distributeur est libre de déterminer ses prix. Le document du rapport administratif d'enquête (cote 3878) émane d'une assistante et témoigne d'une certaine maladresse".
63. Une télécopie émanant du siège de la chaîne Marionnaud (cf. annexe n° 11, cotes 02589 à 02593), intitulée "Alignement de prix", informe la marque des prix constatés en juin 1999 chez les concurrents de ses magasins d'Enghien et de Pantin.
64. Une télécopie en date du 25 juin 1999 de la direction des parfumeries Patchouli (cf. annexe n° 11, cotes 02594 à 02598), informe Chanel, tickets de caisse à l'appui, d'une remise de 10 % pratiquée par Marionnaud.
65. Dans une télécopie du 18 juin 1999, Séphora dénonce à Chanel les prix pratiqués par la parfumerie Patchouli de Puteaux (cf. annexe n° 11, cotes 02787 à 02789).
66. S'agissant de la politique de ristournes qualitatives de Chanel, son barème de remises en 1997 prévoit, pour la remise "avantage +" une rémunération de 1 % pour la "Participation active à la valorisation de la marque" dont 0,5 % est conditionné par "Aucune mention dévalorisante sur les vitrines (calicot, annonce, enseigne clignotante) sauf vitrophanie" (cf. RAE annexe n° 26, cote 9067). Les dirigeants de la marque ont précisé que cette disposition ne concernait pas les pratiques d'annonces de promotions tarifaires promotionnelles. Cependant certains distributeurs, tel que le responsable de la chaîne O'Dylia (annexe n° 30, cote 9924), ont affirmé que cette disposition avait pour objet de conditionner cette remise "au respect de la politique prix de la marque". Mme B..., dirigeante de la parfumerie Eglantine à Tours, a confirmé cette analyse (annexe n° 42, cote 11143).
67. Dans son procès-verbal du 23 septembre 1999 cité au paragraphe 474, la responsable de la société Broglio SA a cité la marque Chanel parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
68. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a également cité la marque Chanel comme l'une ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n°8, cotes 1821 à 1837). En ce qui concerne la société Clarins France
69. Le directeur général France de Clarins France, lors de son audition au Conseil le 8 février 2005, a déclaré : "Nous pouvons communiquer, si on nous le demande, les prix de ventes pratiqués par notre institut, rue Berteaux-Dumas, prix qui servent de référence lors du lancement de nouveaux produits devant la presse".
70. Dans un compte-rendu d'une réunion entre Clarins et la chaîne Douglas le 24 février 1998 (cf. RAE cotes 002795 à 002797), rédigé par un responsable de Clarins, l'auteur écrit : "Pourquoi Clarins est-il plus discounté que les autres ? Il suffit de vouloir pour réussir à limiter à -20 -15... Dior, Lauder, Clinique et Shiseido y arrivent bien... On les a assurés de notre volonté de limiter à -20. Attention, s'ils constatent un dérapage chez un voisin, ils sont capables de réagir violemment".
71. Un compte-rendu interne d'une réunion avec Nocibé le 16 février 1999 à Lille (cf. annexe n°11, cotes 02607 à 02612) indique : "Accord de Nathalie [responsable au sein de la chaîne Nocibé] sur l'ensemble des marchés, sauf le solaire où nous sommes en blocage. "Pas de marché, si pas 20 %". Elle refuse de perdre 0,5 % de marge sur les solaires. D'autre part, elle pense que compte tenu des sell out, les prix vont flamber ; d'autre part, elle ne veut pas prendre en compte la marge caisse. Nous avons insisté sur le fait que la hausse de -20 à -15 sur 100 % du CA allait engendrer un gain de marge de 4 % ; et compensait le -0,5% sur 8 % du CA solaire". Un peu plus loin, dans le même document au chapitre "6 - Revente", est inscrite la mention : "Info sur le passage de -20 % à -15 % à partir du 15 mars".
72. Dans un compte-rendu interne (cf. annexe n° 11, cote 02606) daté du 2 décembre 1996 relatif à une réunion avec des représentants du groupement Thélem (points de vente "Process blue" et "Térianes"), à propos des projets pour 1997, est écrit: "nous leur avons affirmé notre volonté de limiter le discount maximum en 97".
73. Un autre compte-rendu interne manuscrit du 3 décembre 1997, relatif à un rendez-vous avec les représentants de la chaîne Godard (cf. annexe n° 11, cotes 02613 à 02614 ) précise : "Politique Prix Clarins
désir Clarins : passer à - 15 %
M. S... n'est absolument pas d'accord avec cette politique menée par toute la profession.
Trouve ridicule notre besoin de suivre les autres.
Avons expliqué la façon de revoir les tarifs, produit par produit, avec seuil psychologique (...). De toute façon, suivra nos instructions mais "lentement"pour ne pas se faire "avoir" comme précédemment".
74. Dans un compte-rendu interne à propos d'un rendez-vous marketing intervenu le 27 janvier 1999 avec la chaîne Passion Beauté (cf. annexe n° 11, cote 02615), l'auteur indique : "Le passage à -15 % du marché Solaire a été accueilli très moyennement par M. A.... Il propose une rétrocession des 5 % "perdus" sous forme de coopération commerciale aux adhérents qui auraient respecté les prix".
75. Dans son procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Clarins parmi celles qui pratiquent, selon ces déclarations, des "remises autorisées".
76. D'autres éléments, relevés lors de l'enquête, illustrent la mise en place par Clarins d'un dispositif de police des prix .
77. Un mémo interne du 29 avril 1997, signé par "Valérie" (cf. annexe n° 11, cote 002858), fait référence à un appel de la responsable des ventes de Séphora concernant le magasin Beauty Success à Brest et indique : "Problème de prix, des -22 %, des -23 % ". Sur ce même document, est portée la mention manuscrite "Vu avec J et D le 30.04.97".
78. Sur un courrier du 4 juin 1999 de la parfumerie V.O à Clarins (annexe n°8, cote 2835) dénonçant des rabais importants pratiqués par Séphora, une note manuscrite d'un responsable de Clarins précise : "O. Parizy [Séphora] : passage dans les 2 PDV [points de vente] à - 15 % à partir du 21 juin 1999. Information faite à M. B... [V.O Orléans] qui s'aligne et est très content". Le directeur général de Clarins, auditionné par l'enquêteur le 14 octobre 1999, a confirmé que cette note signifiait que Clarins avait contacté Séphora pour lui demander des explications concernant un de ses prix de revente et que le distributeur s'était alors engagé à remonter son prix en limitant à - 15 % sa remise (annexe n° 8, cote 2584).
79. Un autre mémo interne daté du 12 décembre 1997 (cf. annexe n° 11, cote 02617) fait état d'un appel téléphonique le même jour, du magasin Beauty Success à Evreux à propos duquel l'auteur de la note écrit :
"1) nous dénonce les prix pas remontés de Godard Evreux (changement de tarif)
2) me dit qu'elle même a eu les étiquettes pour changer les prix le 6/12/987 (soir)
Nécessaire fait auprès de Vincent pour le Godard".
80. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès-verbal cité au paragraphe 472, a cité la marque Clarins parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposé à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum. Plusieurs documents relevés lors de l'enquête font état de pressions exercées par Clarins sur ses distributeurs, relatives aux prix publics de vente de ses produits.
81. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Clarins comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte" (Le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
82. S'agissant de la politique de remises qualitatives de Clarins, l'une des conditions d'application du barème jusqu'en 2000 prévoyait la possibilité d'une sanction de - 3 % "par critère non respecté tenant d'une part à la non dévalorisation ou dépréciation de l'image de Clarins eu égard à des pratiques commerciales notamment celles discriminatoires et la publicité portant sur Clarins, et d'autre part, à la présentation du linéaire conforme à la notoriété et à la place de Clarins sur le marché" (cf. RAE cotes 002876 et 002877).
83. Plusieurs documents (paragraphes 84 à 87 ci-après) sont utiles pour comprendre le sens de cette condition.
84. Ainsi, dans un courrier du 15 mars 1999 adressé à l'ensemble de la distribution, Clarins a précisé que pouvaient être considérées comme dévalorisantes les "pratiques discriminatoires en matière de prix" (annexe n° 8, cote 2854).
85. Une lettre adressée par le directeur général France de Clarins à ses distributeurs en 1999, saisie chez Marionnaud (cf. RAE cote 008999), rappelle les contraintes liées à la politique des prix de la marque : "Notre efficacité dans cette lutte contre toute pratique discriminatoire à l'égard de Clarins et avant tout en matière de prix] est et sera renforcée par la stricte application des minorations éventuelles permises par notre barème de ristourne. Elles vont être appliquées dans quelques cas au titre de l'exercice 1998. Nous serons encore plus vigilants pour l'exercice en cours".
86. Dans un compte-rendu de la réunion de la marque avec la chaîne Baiser Sauvage du 28 novembre 1995, le responsable de Clarins écrit : "Politique Prix : rappel de nos recommandations. OK sur principe : si respect .OK pour Coop".
87. Le 12 avril 1999, Clarins adressait un courrier à la parfumerie V.O pour lui annoncer que 3 % de ses remises lui seront retranchées du fait "qu'il existe indubitablement une pratique discriminatoire en matière de prix à notre égard" (annexe n° 36, cote 11044). Selon, le dirigeant de cette parfumerie, les motifs réels de cette sanction étaient (annexe n° 36, cote 11029) : "Nous ne respections pas sa politique prix et nous vendions en dessous de son prix conseillé".
88. Ces déclarations sont confirmées par la responsable de la société Broglio SA, dans son procès-verbal du 23 septembre 1999 évoqué au paragraphe 474, qui a cité la marque Clarins parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
En ce qui concerne la société Parfums Christian Dior
89. Lors de son audition au Conseil le 9 février 2005, le directeur France de la société Parfums Christian Dior a déclaré : "Lors du lancement de nouveaux produits devant la presse, nous communiquons, à titre indicatif, un "prix boutique" qui sera peut-être celui du produit dans notre magasin de l'avenue Montaigne, ceci afin de positionner ces produits sur le marché".
90. Une fiche interne, relevé lors de l'enquête administrative, et consacrée au produit "Dior svelte perfect" (cf. annexe n° 11 du rapport, cotes 02599 à 02600) décrit les "caractéristiques" de ce produit au nombre de quatre : Contenance, Référence, Prix d'achat HT et "Prix de vente conseillé". Une autre fiche relative à quatre produits de soin de la marque (cf. annexe n° 11 du rapport, cote 02601) précise pour chacun d'eux la spécificité, la formule, le résultat, l'application, la référence, la contenance, le PGHT (prix de gros hors taxes) et le "PPS", le passage du premier au second s'effectuant par l'application d'un coefficient identique de 1,98.
91. Deux distributeurs agréés ont expliqué comment étaient fixés les prix de vente des produits Christian Dior.
92. Dans sa déclaration consignée au procès-verbal du 6 août 1999, la gérante de la parfumerie "La rose des vents" à Lyon" a déclaré (cf. annexe n° 7, cotes 2321 à 2330) : "Pour déterminer mon prix de vente, j'applique le prix tarif. Je peux vendre en-dessus, mais pas en-dessous. Par exemple pour un soin minceur Dior, le Dior svelte perfect, le tarif Dior indique 106,88 francs. Sur ce prix, j'applique toujours le coefficient deux, ce qui me donne un prix de 271 francs. Les représentants me disent que je suis un peu au-dessus de la moyenne qui est de pratiquer un coefficient de 1,99. Mais mon coefficient peut être plus élevé que la moyenne ; par contre, il ne peut pas être inférieur. Sur le produit de Dior svelte perfect ou le sérum ultra minceur qui est à 217 francs, j'applique une remise de 10 %, ce qui me donne un prix de 195 francs ou de 198 francs. En rayon, le prix affiché est à 217 francs et je pratique la remise à la caisse. Je fais cette remise à ma clientèle habituelle et fidèle. La représentante de Dior m'a dit qu'il n'y avait aucun problème pour pratiquer ce prix comportant la remise. Si j'avais décidé de faire des remises de 30 à 40 %, j'aurai eu des problèmes avec la marque Dior. J'ai d'ailleurs signé un engagement avec Dior de respecter un taux de remise maximum. (...) Dior a interdit toute remise sur le nouveau produit qu'il va sortir "J'adore"(...)".
93. La responsable adjointe de la parfumerie Beauty Success à Périgueux a déclaré, le 15 juillet 1999 à l'enquêteur (cf. annexe n° 8, cotes 2008 à 2016): "Dior autorise -10 %. Si nous pratiquons - 15 %, le représentant interviendrait immédiatement pour nous demander de remonter le prix de vente".
94. Des éléments relevés lors de l'enquête illustrent la mise en place d'un dispositif de police des prix par la société Parfums Christian Dior ; parmi ces éléments, plusieurs déclarations de distributeurs agréés témoignent de l'existence de menaces de rétorsions en cas de non-respect des préconisations tarifaires.
95. Sur le courrier de la parfumerie Rayon d'Or adressé au directeur France de la société Parfums Christian Dior le 30 juin 1997, dénonçant les prix pratiqués sur certains produits de la marque par son concurrent Séphora du Havre (cf. annexe n° 11, cote 02602), des mentions manuscrites ont été portées en face des prix dénoncés indiquant des réductions en pourcentage entre -6 et -15 %. En haut de la page, plusieurs mentions manuscrites ont été rajoutées parmi lesquelles : "Vu ; réponse classique SVP" et "URGENT". 20
96. La gérante de la parfumerie Duchayne à Nantes a, pour sa part, déclaré sur procès-verbal du 10 juin 1999 (cf. annexe n° 8, cotes 1932 à 1944) : "Les menaces étaient claires : si nous faisions des remises supplémentaires à 10 % par rapport aux prix conseillés, Dior nous aurait coupé la marque".
97. Par ailleurs, un responsable de la parfumerie Freddy à Paris, auditionné par l'enquêteur de la DGCCRF, le 15 juin 1999 (cf. annexe n° 7, cotes 2156 à 2162), a déclaré : "Les grandes marques par l'intermédiaire de leurs représentants nous communiquent le coefficient minimum à pratiquer qui est par exemple de 2 pour Dior. Puis, dans un deuxième temps, les grandes marques nous autorisent à pratiquer des remises dont le montant est variable. Par exemple : 10 % maxi pour Dior (...). Nous sommes tenus de respecter cette limitation de remises, les grandes marques nous le rappellent lors de chaque passage. Je n'ai jamais vendu en-dessous du niveau de remise toléré par les grandes marques. Si je ne respectais pas cette limitation, les grandes marques me couperaient la marque immédiatement".
98. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal évoqué au paragraphe 472, a cité la marque Christian Dior parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
99. Dans son procès-verbal du 20 juillet 1999 évoqué au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a également cité la marque Christian Dior parmi celles qui pratiquent, selon ces déclarations, des "remises autorisées".
100. La gérante de la parfumerie "La rose des vents" à Lyon" a cité, dans ses déclarations consignées au procès-verbal évoqué au paragraphe 476, la marque Christian Dior parmi celles qui interdisent des "remises sur les nouveautés" ou autorisent des "taux de remise maximum" sous peine de sanctions pouvant inclure "la suppression des remises qualitatives".
101. La responsable de la parfumerie des Yvelines à Versailles, dont les propos sont rappelés au paragraphe 475, a également cité la marque Christian Dior parmi celles qui rompraient l'approvisionnement du point de vente "si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées".
102. Par ailleurs, un courrier du 13 juin 1995 (cf. RAE cotes 010726 à 010727), adressé par la marque à tous ses distributeurs, précise l'interprétation qu'il convient de donner à l'article II-10 du contrat, relatif aux opérations promotionnelles et publicitaires, dans les termes suivants :
- "Les Parfums Christian Dior n'acceptent pas et n'accepteront pas qu'un distributeur agréé utilise "le discount" comme seule et unique forme de promotion de son activité commerciale. Par "discount", nous entendons toutes pratiques commerciales relatives aux prix de ventes des produits par lesquelles sont annoncées à l'extérieur ou à l'intérieur du point de vente des réductions de prix exprimées en pourcentage ou sous forme de "prix barrés" (...)
- sera, par exemple, considérée comme une pratique de marque d'appel le fait pour le distributeur agréé de pratiquer sur un ou des produits de la marque Christian Dior des marges anormalement basses ou inférieures aux marges moyennes pratiquées sur les produits d'autres marques d'un prestige similaire (...)
- en d'autres termes et d'une manière générale, nous n'acceptons pas que notre marque soit traitée de manière discriminatoire de quelque façon que ce soit par rapport aux marques de même rang que la nôtre.
- Enfin, et même si cela n'était pas, jusqu'à maintenant, explicitement écrit dans notre contrat de distributeur agréé, nous ne pourrons continuer à collaborer avec tout distributeur agréé ayant un comportement déloyal tant vis-à-vis de notre société que de nos autres distributeurs agréés ou des consommateurs".
103. Il est enfin précisé que ce courrier devra être considéré comme un avenant au contrat de distribution. En ce qui concerne la société Comptoir nouveau de la parfumerie (Hermès Parfums)
104. Dans un document interne d'Hermès Parfums (cf. RAE cote 006073), l'un des objectifs fixés par la marque pour 1999 est ainsi défini : "Arriver à un taux de discount maximum unique pour toutes les lignes de -10 %".
105. Une note interne datée du 16 février 1999 et intitulée "Réalisations 98/objectifs 99 (cf. annexe n° 7, cotes 1094 et 1095) indique, parmi les réalisations pour l'année 1998, le "Passage à un taux de discount réduit de -10/-15 % vs -10/-20 %".
106. Une note manuscrite, saisie par l'enquêteur dans les locaux de la société Comptoir nouveau de la parfumerie (cf. annexe n° 7, cote 1093), précise pour cinq produits Hermès, le prix de ces produits incluant la "remise maximale autorisée" face à des prix correspondant à un "Alignement Prix", les seconds étant inférieurs aux premiers de 2 à 5 francs. Au-dessus de ce tableau est inscrite la mention "Remise autorisée - 10 %".
107. Le responsable de la parfumerie Freddy à Paris a pour sa part déclaré, le 15 juin 1999, à l'enquêteur (cf. annexe n° 7, cotes 2156 à 2166) : "Pour Hermès, nous pouvons aller jusqu'à 20 % sauf pour 24 Faubourg qui est limité à -10".
108. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999, cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Hermès parmi celles qui pratiquent, selon ses déclarations, des "remises autorisée".
109. Des éléments relevés lors de l'enquête font état d'actes de police des prix.
110. Dans une note interne du 4 février 1998 intitulée "Points divers ; suite RV téléphoniques du 2/2/98" (cf. annexe n° 11, cote 02624), le directeur France demande à ses représentants, au chapitre "3° Politique de prix", de "Faire respecter avec beaucoup de fermeté (...) la nouvelle politique de prix mise en place au plus tard le 1er mars 1998".
111. Trois mémos internes de la société Hermès en date des 6 avril 1998, 2 avril 1998 et 18 mars 1998 (cf. annexe n° 7, cotes 1088 et 1092) comportent un "tableau de relevés de prix" où chaque référence de produit fait l'objet d'une colonne, devant être renseignée pour un point de vente particulier, qui précise le "prix mini" en francs du produit.
112. Sur le deuxième mémo, figure l'instruction suivante:
"il faut dès maintenant passer à une phase beaucoup plus ferme pour faire appliquer la nouvelle politique de prix :
faire des relevés systématiques
agir systématiquement".
113. Sur le dernier mémo, au sixième chapitre, sous le titre "relevés de prix", il est écrit : "faire des relevés de prix et faire respecter notre politique de prix".
114. Dans une note interne datée du 2 mars 1998 (cf. annexe n° 11, cotes 02620 à 02621), relative à une réunion du 25 février 1998 avec la société SARESCO (chaîne "Silver Moon") le directeur France de Hermès Parfums indique, au chapitre "Actions immédiates", à propos de la "Modification des prix", que "Silver Moon ne réajustera ses prix qu'après vérification que les concurrents immédiats : Patchouli, etc. ?ont bien modifié les leurs". En conclusion, est donnée la consigne suivante : "Faire le nécessaire pour que ces nouveaux prix soient appliqués partout".
115. Une télécopie manuscrite du 8 juin 1998 du responsable de la marque dans la zone de Bordeaux (cf. annexe n° 11, cotes 02619 et 02622) informe le directeur France de l'application, par le magasin Marionnaud de Bordeaux, de la remise de 20 % préconisée par Hermès Parfums antérieurement au 1er mars 1998. En réponse à cette télécopie, le directeur France répond dans un mémorandum interne du 12 juin 1998 :
"Effectivement, il est anormal que le tarif soit celui du mois de mars (avant augmentation). Je demande à Jean-Yves Le Vacon d'intervenir très fermement auprès de Frydman pour qu'il rectifie le tir, c'est-à-dire :
1. Utilisation des tarifs du mois de mai et non pas du mois de janvier,
2. Utilisation de coefficients de départ corrects, ceci n'étant pas acceptable".
116. Dans un mémorandum interne du 10 avril 1998 (cf. RAE cote 006040), le directeur France d'Hermès Parfums écrit à ses représentants : "Marcel Frydman s'est engagé à respecter la politique de prix. Les instructions sont passées. Etienne, notamment a pu constater que c'était le cas sur son secteur".
117. Une télécopie, adressée à la marque le 2 juillet 1999 par la parfumerie Marionnaud de Montauban, l'informe du niveau des prix pratiqués par son concurrent local Beauty Success (cf. annexe n° 11, cote 02623) : "A ce jour, M. P n'a pas augmenté ses prix concernant votre marque. (...). Dans l'intérêt de tout le monde, il faudrait se mettre au bon prix. Je vous remercie par avance de faire le nécessaire auprès de M. P (Beauty Success)".
118. Des éléments ont été recueillis lors de l'enquête faisant état de rétorsions ou de menaces de rétorsions à l'égard de distributeurs.
119. A la suite de la plainte d'un client italien (cf. annexe n° 11, cote 02629) qui avait acheté une eau de toilette dans un magasin Hermès 30 % plus cher que dans une parfumerie Marie-Jeanne Godard et qui dénonçait le prix trop bas pratiqué par cette dernière, le directeur France a donné pour instruction en interne, le 27 janvier 1998 (cf. annexe n° 11, cotes 02628, 02629 et 02630) :
"1° Malheureusement, un dérapage de prix de cette nature est possible car l'Eau d'Hermès est un produit sur lequel nous ne focalisons pas au niveau du suivi des prix, compte tenu de ce qu'il est en général respecté.
2° Actions
Réaction très ferme vis à vis du parfumeur".
120. Dans le courrier d'excuses qu'il a adressé au client italien (cf. annexe n° 11, cote 02627), il écrit :
"Les prix étant libres en France, il arrive malheureusement que, malgré les accords pris avec notre distribution, certains parfumeurs pratiquent ce type de discount, d'autant plus regrettable lorsqu'il s'agit de l'Eau d'Hermès qui n'est diffusée que par quelques parfumeries sélectionnées pour leur qualité".
121. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Hermès comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué"(cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
122. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans son procès-verbal cité au paragraphe 472 a également cité la marque Hermès parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
123. Le responsable de la parfumerie Freddy à Paris, dont des propos ont été rapportés au paragraphe 107, a ajouté, à propos de la remise maximale précitée autorisée par Hermès : "Nous sommes tenus de respecter cette limitation de remises, les grandes marques nous le rappellent lors de chaque passage(...) Si je ne respectais pas cette limitation, les grandes marques me couperaient la marque immédiatement".
124. S'agissant de la politique de remises qualitatives, il ressort du barème de remise 1999 d'Hermès que "le respect du qualitatif est une condition sine qua non" de l'obtention des ristournes de fin d'année (cf. RAE cote 005960 et "barème de ristournes" 2000 à 2003). En l'absence de précisions sur ces barèmes, les dirigeants d'Hermès ont déclaré que des prix dévalorisants ou discriminatoires constituaient par exemple une atteinte à la politique commerciale (annexe n° 17, cotes 5612-5613). Selon le dirigeant de la parfumerie V.O., M. B..., (annexe n° 36, cote 11032) : "Dans les accords commerciaux Hermès 1998, la remise est conditionnée au respect de la politique commerciale. Il s'agit de la politique prix de Hermès et donc du respect de leurs prix de vente conseillés". En ce qui concerne la société Diana de Silva Cosmetics (Jean Couturier International et Montana)
125. Dans une note d'informations de la chaîne VO en date du 21 avril 1999 relative aux relations commerciales avec les marques Azzaro et Montana, le responsable de cette chaîne écrit : "Actuellement, le taux de discount est de -20 %. Demande à passer à -15 % en septembre"(cf. RAE cote 011060).
126. Une lettre de Montana, datée du 12 mars 1998 (cf. annexe n° 11, cote 02753), accuse réception du "problème de prix" relevé par Marionnaud chez des concurrents, le dissuade d'aligner ses prix dans tous ses points de vente et souhaite que le problème soit abordé lors d'un rendez-vous ultérieur avec des hauts responsables de la chaîne.
127. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Montana comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n°8, cotes 1821 à 1837).
128. S'agissant de la politique de remises qualitatives, une lettre du directeur commercial de Jean Couturier International à la société Broglio SA en date du 2 mars 1999 (cf. RAE cote 009783), précise que la ristourne qualitative sera "attribuée en fonction du respect de notre politique commerciale. En terme de prix, nous préconisons un coefficient de 1.7 sur nos tarifs". En ce qui concerne la société ELCO (Clinique et Estée Lauder)
129. Lors de l'enquête administrative a été relevée une liste de prix de vente conseillés fournis avec les prix de gros hors taxes (HT) des produits Estée Lauder, le passage des premiers au second s'effectuant par l'application d'un coefficient multiplicateur proche de 2 (cf. RAE annexe n° 34, cote 010853).
130. Dans une lettre du 18 décembre 1998 adressée à la chaîne Beauty success (cf. RAE cote 010374), le directeur commercial d'Estée Lauder confirme les conditions commerciales de 1998 concernant les objectifs et la remise de fin d'année (RFA) pour 1999 et, à ce titre, écrit : "le coefficient multiplicateur de la marque étant de 1.884, vous pourrez, donc, atteindre une marge totale de 45 %".
131. Dans un compte rendu interne de la marque Clinique, relatif à une réunion tenue avec la chaîne O'Dylia le 22 janvier 1998 (cf. RAE cotes 005517 à 005519), l'auteur écrit : "OK pour installer des Open Sell (nombre et timing à déterminer) avec en contrepartie une application de remise maxi de 15 % (confidentiel) sur une liste de produits que nous lui communiquerons. (...) En dehors de ces produits, application de nos PPI sur le reste de la gamme".
132. Dans une autre note interne de Clinique du 17 mars 1998 (cf. RAE cote 005473), à propos d'une réunion de cadrage avec la chaîne dirigée par Monsieur Frydman (future chaîne Marionnaud), le responsable de la marque écrit : "Prix : 0 % de discount (...) Remontée dans un premier temps de nos prix à Strasbourg à -5 % au lieu de -10 % validée par Monsieur Z".
133. Enfin, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité les marques Estée Lauder et Clinique parmi celles qui pratiquent, selon ces déclarations, des " remises autorisées".
134. L'enquête administrative a révélé plusieurs éléments illustrant la mise en place, par la société ELCO, d'une police des prix. Ainsi, une note interne d'Estée Lauder datée du 12 avril 1999 (cf. annexe n° 11, cote 02641), adressée à des commerciaux de la marque, leur précise les consignes relatives à la commercialisation d'un nouveau produit, dont le prix de vente public est indiqué : "Votre mission : (...) vous assurer du respect du prix".
135. Des fiches internes d'Estée Lauder (cf. annexe n° 11, cotes 02642 à 02643) sont consacrées à de nouveaux produits de la marque dans certains points de vente ; ils indiquent le prix qui doit être pratiqué par rapport au prix public indicatif (PPI) par application d'un taux de remise déterminé. Ainsi, la fiche consacrée aux produits "stop signs" et "smooth delivery" indique que les prix respectifs de ces produits doivent être de "290 F ; 0 % Discount" et "195 F : PPI". Parmi les consignes données aux commerciaux, on relèvera : "Bien verrouiller (...) prix". Même consigne est donnée sur la fiche relative au produit "stop signs" dans les magasins O'Dylia (cf. annexe n° 11, cote 02644) où il est précisé, après mention du prix de 290 F et d'un taux de discount de 0 %, que l'action des commerciaux doit consister, notamment à "verrouiller" les prix. Une autre fiche, consacrée aux nouvelles teintes des rouges à lèvres dans la parfumerie Kleber, indique à la colonne "Prix" : "PPI - 5 %".
136. Sur les notes manuscrites d'une représentante d'Estée Lauder (Mme Maud C...) des 19 janvier, 20 février, 13 mars et 7 avril 1999 (cf. annexe n° 7, cotes 958 à 964), il est écrit: "Nous constatons que E. Lauder (...) n'est toujours pas au bon prix. Peux-tu instamment corriger cela ?" et "je te demande de remettre ce produit à 280 F PVC ou maximum -10% = 252 F. TTC (...) C'EST URGENT" ou encore "merci de redresser la barre".
137. Dans un mémorandum du service commercial d'Estée Lauder du 20 septembre 1995 (cf. RAE cote 5138) relatif à la chaîne Douglas, la situation suivante est décrite : "Perpignan : si nous sommes à - 10 chez Marie Jeanne Godard, Douglas s'alignera à - 10. Par contre Amiens où nous sommes plein pot partout, Douglas sera à plein pot (...) Je pense que cet accord démontre de part et d'autre une volonté commune de faire évoluer nos affaires".
138. Dans une note interne du 17 mars 1998 de la marque Clinique, établissant le compte-rendu d'une réunion avec M. Z (Marionnaud), l'auteur écrit : "Prix : remontée dans un premier temps de nos prix à Strasbourg à - 5 % au lieu de - 10 %, validée par Mr Z" (cf. RAE, annexe n° 16, cote 5473).
139. Une autre note interne de Clinique, en date du 20 mars 1998 (cf.. annexe n° 11, cotes 02638 à 02639), relative à un rendez-vous avec le distributeur O'Dylia (désigné par le nom des propriétaires, M. et Mme L) précise, à propos de la gamme de produits "Happy", au troisième chapitre intitulé "Prix": " 0% discount OK".
140. Dans le compte rendu interne de Clinique sur une réunion avec la parfumerie Kléber du 28 septembre 1998, il est précisé "Prix : OK pour remontée prix au 1/10/98 à - 5 % " (cf. RAE, annexe n° 16, cote 5531).
141. A propos du problème précédemment évoqué de la carte de fidélité de la chaîne Douglas, une note interne datée du 18 juillet 1997 de Clinique rédigée en anglais (cf. annexe n° 7, cote 938) indique :
"The good news are that we are starting to work again into a positive spirit.
They promised that they should discontinue their fidelity card between September and October 97.
Therefore, we agreed to open their new store in Annecy where there is no fidelity card and where we will be sold at retail minus 10 as we do with Marie Jeanne Godard".
142. Traduction de courtoisie :
"La bonne nouvelle est que nous recommençons à travailler de nouveau dans un esprit positif.
Ils ont promis qu'ils devraient supprimer leur carte de fidélité entre septembre et octobre 1997.
En conséquence, nous avons donné notre accord pour ouvrir leur nouveau magasin à Annecy où il n'y a pas de carte de fidélité et où nous serons vendus à -10 comme nous le faisons avec Marie Jeanne Godard".
143. Une lettre du directeur commercial de Clinique du 11 janvier 1997, (cf. annexe n° 11, cote 02754), accuse réception du "problème de prix" relevé par le dirigeant de la future chaîne Marionnaud chez des concurrents, le dissuade d'aligner ses prix dans tous ses points de vente, souligne que l'option carte de fidélité de son serveur minitel "laisse apparaître en fonction du nombre de points acquis la possibilité d'obtenir un chèque cadeau qui équivaut à une remise de 5 % " et souhaite que ces problèmes soient abordés lors d'un rendez-vous ultérieur avec le dirigeant de la chaîne.
144. Une note interne de Clinique (cf. annexe n° 11, cote 02635), faisant le point des ventes de la marque au sein de la chaîne Nocibé en fin d'année 1998, indique : "Dérapage de prix (...) ex : rouge à lèvres LLS (3) 37 à 81 F au lieu de 95 F".
145. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité les marques Clinique et Lauder parmi celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte"(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
146. Ces propos semblent corroborés par une note interne de Clinique en date du 29 juillet 1999 relative à propos d'O Dylia, distributeur qualifié de "client bien particulier" (cf. RAE cote 005500) ; le responsable de Clinique y écrit : "Compte tenu de la politique prix de Monsieur L [dirigeant de la chaîne O'Dylia] aucune animation et baisse significative des dotations en PLV [publicité sur le lieu de vente] et gratuit ainsi qu'en marchés (...) il est hors de question de le pousser en terme d'objectifs CA car cela a des répercussions négatives sur les prix (il faut bien écouler...)". La note conclut : "Voilà pour le moment. En attendant qu'O Dylia soit vendue".
147. Par ailleurs, la responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès-verbal cité au paragraphe 472 a également cité la marque Clinique parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
En ce qui concerne la société Parfums Givenchy
148. Dans une note interne portant sur "Analyse sur la marque et sa distribution en France des dix dernières années", (cf. annexe n° 11, cotes 02651 à 02654) émanant du directeur des ventes de parfums Givenchy, ce dernier écrit, à propos des années 1995 à 1997, : "Givenchy est une marque rentable, grâce à ses conditions arrières, (le message des leaders pendant la même période est : réduction du discount, retour aux marges avant) (...) la distribution demande pour Organza un discount à -10, refus de la direction".
149. Une note interne de la société Valscure du groupement Beauty Success, relative aux conditions commerciales négociées avec Givenchy (cf. annexe n° 7, cote 982), indique que le "discount maxi" est égal à -15 % à partir du 1er février 1999.
150. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472 a cité la marque Givenchy parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
151. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal évoqué au paragraphe 476, la gérante de la parfumerie "La rose des vents" à Lyon" a également cité la marque Givenchy parmi celles qui interdisent des "remises sur les nouveautés" ou autorisent des "taux de remise maximum" sous peine de sanctions pouvant inclure "la suppression des remises qualitatives".
152. L'enquête administrative a mis en évidence plusieurs documents faisant état de pratiques de police des prix.
153. Des "fiches de visite" des mois d'avril, mai et juin 1999 indiquent pour chaque distributeur visité le prix de certains produits Givenchy dont les noms et la référence sont pré imprimés (cf. annexe n° 11, cotes 2655 à 2662).
154. Une télécopie de la parfumerie Marick (du groupement Process Blue) à Angers informe Parfums Givenchy des prix de vente de son concurrent Séphora et sollicite son intervention ; sur ce document figurent deux mentions manuscrites de responsables de Givenchy qui ont écrit : "Vu et rectifié" et "Vu avec EE. Arrangé" (cf. annexe n° 7, cote 979).
155. Deux documents, relevés lors de l'enquête, montrent que la politique menée par Parfums Givenchy concernant les discounts qu'il autorisait à ses distributeurs tenait compte de la politique de même nature menée par son concurrent.
156. Dans un document interne (cf. annexe n° 7, cote 981), intitulé "Flash mémo Parfums Givenchy- Mois de septembre 1997", au chapitre "Economie et Marchés", est inscrite la mention : "Régulation du discount = projets à partir de début 1998 :
YSL = 15 %
Azzaro = - 15 %
PCD = -10 % ".
157. Un compte-rendu interne de visites "sur le terrain" du 24 au 26 février 1998 (cf. annexe n° 11, cotes 02648 à 02650) à propos du distributeur Process Blue à Nimes, précise : "taux de discount accordés par la concurrence
Ricci -15 % Rochas -20 % Lancôme -15 %
P. Rabanne -15 %
VCA -15 % Prestige -20 % YSL -15 % (sauf sur Love again = 0)
Gaultier -5 % ".
158. Dans une lettre-circulaire de Parfums Givenchy à ses clients datée du 1er janvier 1996 (cf. RAE cote 010729), la marque écrit : "Nous considérons notamment comme dépréciative et dévalorisante de notre image, toute annonce publicitaire ou promotionnelle :
- reflétant une pratique discriminatoire, notamment en terme de prix de vente de nos produits vis-à-vis de nos concurrents,
- utilisant nos produits comme produit d'appel.
Si vous restez bien libre de la détermination de vos prix de cession, nous veillerons à ce que la politique que vous adopterez à l'égard des produits Givenchy demeure dans l'intérêt de la marque et la nécessaire concurrence loyale entre les marques (...) et n'affecte en rien l'intérêt des consommateurs
(...)
Les projets de publicité qui doivent être préalablement soumis et approuvés par Givenchy] s'entendent au sens large, et visent notamment tous catalogues, brochures, journaux, affichages, hors ou sur le lieu de vente (vitrine et linéaire), prospectus, radio, vidéos sur chaînes locales, régionales ou autres, etc..., sans que cette liste ne soit exhaustive. A défaut, il s'agira d'une infraction aux stipulations contractuelles qui vous rend passible de la résiliation anticipée de votre contrat (...).
Sans contestation motivée de votre part dans les huit jours faisant suite à l'expédition de la présente, nous considérons que vous souscrivez entièrement à son contenu, la présente lettre venant en déclinaison de notre contrat de distributeur agréé EEE et de nos conditions générales de vente".
En ce qui concerne la société Guerlain
159. Une note interne de Guerlain concernant les accords pour 1995 avec la chaîne Marionnaud mentionne : "politique de prix : Monsieur Z (PDG de la société) limitera le coefficient de remise sur Guerlain en région parisienne à - 15 % à partir du 1er juin 1995" (cf. annexe n° 7, cote 1016) ;
160. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Guerlain parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
161. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès-verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Guerlain parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
162. A son tour, la responsable de la parfumerie des Yvelines à Versailles citée au paragraphe 475 a nommé la marque Guerlain parmi celles qui rompraient l'approvisionnement du point de vente "si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées".
163. Dans une lettre du 28 mai 1996 (cf. annexe n° 11, cotes 02668 à 02670) adressée à Guerlain, le PDG du groupement Parfumeries Rouge Noir lui transmet deux courriers qu'il a adressés à la responsable et à une vendeuse du magasin Parfumerie Rouge Noire d'Alençon. Ces deux courriers reprochent à cette vendeuse d'avoir accordé à une cliente des remises de l'ordre de 10 à 25 % alors qu'il est "absolument interdit de pratiquer des remises". Il y est rappelé que "les prix sont nets et que nous (le groupement Parfumeries Rouge Noir) ne pouvons nous permettre de faire une remise supplémentaire. De plus, nous avons pris des engagements vis-à-vis des marques afin de respecter une politique de prix".
164. S'agissant du problème précité relatif à la carte de fidélité de la chaîne Douglas, les documents relevés lors de l'enquête montrent qu'en octobre 1997, Guerlain a subordonné l'ouverture du compte de deux nouveaux magasins Douglas à la modification par la chaîne de son système de carte de fidélité (cf. RAE, annexe n° 2, cote 380). Douglas a donc dû s'engager à supprimer l'ancienne carte de fidélité dans l'ensemble de son réseau pour obtenir l'agrément de Guerlain pour ses nouveaux magasins (cf. les courriers échangés cités à l'annexe n° 2 du RAE, cotes 376 et 377). A ce sujet, dans une lettre du 19 novembre 1997 à Douglas (cf. annexe n° 7, cote 1019) le directeur France de la société Guerlain écrit : "Je pense obtenir cette semaine confirmation de l'arrêt définitif de votre ancien système de carte. Si tel est le cas, je vous certifie que vos demandes d'ouverture seront honorées immédiatement dans le respect bien sûr de nos conditions générales d'ouverture".
165. Un autre échange de courriers fait état de la continuation des problèmes entre la marque et le chaîniste au début de l'année 1998. Ainsi, dans une télécopie de la parfumerie Douglas de Nantes adressée le 12 janvier 1998 à Guerlain, le distributeur écrit (cf. annexe n° 11, cote 02671) : "Je viens de recevoir par fax les bons de commande des nouveautés à référencer pour votre marque et suis très surprise de constater que certains de ces produits sont mis en vente à partir du 19 janvier 98 alors que nous sommes le 12 ! (...) Je vous rappelle que le délai de présentation des nouveautés est d'un minimum de 3 semaines avant leur livraison. (...) de plus, nos concurrents vont être livrés à partir de lundi prochain RAPPEL : je vous ai demandé par fax en octobre 97 l'ensemble des références que vous distribuez dans la gamme Mitsouko, et ne l'ai toujours pas reçue".
166. Dans une télécopie adressée par un magasin Séphora de Grenoble à la direction commerciale de Guerlain le 29 janvier 1999 (cf. annexe n° 11, cote 02667), l'auteur indique : "Suite à un relevé de prix chez notre concurrent (Baiser Sauvage), nous avons constaté que leur prix de vente étaient en dessous de la remise autorisée (...). Nous vous demandons d'intervenir auprès de cette enseigne pour le respect et le bien-fondé de votre marque. Merci de faire suite rapidement".
167. S'agissant de la politique de remises qualitatives, Guerlain proposait à ses distributeurs agréés en 2002 une ristourne merchandising dont la condition était le"respect tout au long de l'année des recommandations données par les commerciaux et attachées commerciales" (cf. "barème de remise de fin d'année" 2002 - annexe n° 10, cote 340). De même en 2003, les ristournes ne sont accordées que "sous réserve que les recommandations merchandising demandées soient respectées".
168. A cet égard, la responsable de la société Broglio SA, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 23 septembre 1999 évoqué au paragraphe 474, a cité la marque Guerlain parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
En ce qui concerne la société Kenzo Parfums
169. Dans le "Plan d'actions 1997" sont mentionnés, pour chaque produit de la marque Kenzo, des "prix publics indicatifs" (cf. annexe n° 11, cotes 02687 à 02690).
170. Dans le compte-rendu interne, du 17 septembre 1999, d'une réunion intervenue avec des responsables de Séphora le 16 septembre 1999 (cf. annexe n° 11, cotes 02778 à 02779) est indiqué au chapitre "Prix" : "Augmentation des prix : le discount est passé de -20 à -15 %, changement effectif de tarifs depuis le 1er mars".
171. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Kenzo parmi celles qui pratiquent, selon ses déclarations, des "remises autorisées".
172. L'enquête administrative a recueilli des documents qui illustrent la mise en place, par la société Kenzo Parfums, d'un dispositif de police des prix.
173. Une déléguée commerciale de Kenzo, ayant constaté des "dérapages de prix alarmants" lors de sa visite dans le magasin Beauty Success à Aubenas le 7 mai 1999, précise, dans son rapport, que le responsable du point de vente s'est aligné sur l'un de ses concurrents et "refuse de changer ses prix tant que ce point de vente ne sera pas aligné" (annexe n° 7, cote 1471).
174. Un courrier du groupement Annabelle, le 29 octobre 1996 (cf. annexe n° 11, cote 02696), informe le directeur France de Kenzo Parfums du prix de deux produits de la marque vendus par un concurrent à Lyon et se termine par l'annonce suivante : "Sans réponse de votre part, nous vous informons aligner nos prix dans nos magasins".
175. Plusieurs éléments font état d'un profond différend entre Kenzo Parfums et la chaîne O'Dylia à propos de la politique tarifaire de ce dernier :
176. Dans un courrier du 14 mars 1996 adressé à la chaîne O'Dylia (cf. annexe n° 7, cote 1107) le directeur France de Kenzo Parfums écrit : "Lors de notre entretien téléphonique du 22 février 1996, nous avions attiré votre attention sur le fait que des pratiques systématiques et continues de discount important de la part de distributeurs étaient d'une part difficilement compatibles avec l'esprit de la distribution sélective, et d'autre part contribuaient à nuire grandement à l'image des marques discountées.
Bien évidemment, il vous appartient de fixer comme vous l'entendez vos prix de revente au public ainsi que votre politique commerciale.
En revanche, nous ne pouvons rester indifférents lorsque nos distributeurs se limitent, pour toute activité promotionnelle, au seul usage sur nos produits d'un discount au-delà des normes. Une telle attitude ne respecte pas l'esprit de la distribution et a pour effet immédiat de porter atteinte à notre marque".
177. Dans une autre lettre à O'Dylia datée du 28 mars 1996, Kenzo Parfums répond au litige l'opposant à cette parfumerie dans les termes suivants : "Par votre politique particulière de prix, vous vous situez en marge de tous les autres détaillants (...) Thierry P n'avait pas cherché lors de votre entretien téléphonique à intervenir de façon directive sur vos prix, mais bien à trouver un accord amiable pour éviter que des discounts disproportionnés et discriminatoires ne détériorent l'image de notre marque (...). En ce qui concerne votre demande de réassort, nous pouvons seulement vous confirmer qu'elle est actuellement en cours de traitement". (cf. RAE cote 010084).
178. Dans son procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Kenzo comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué".
179. S'agissant de la politique de remises qualitatives de Kenzo Parfums, une lettre du 18 mars 1998 adressée au directeur commercial de la société Kenzo Parfums par la chaîne "Baiser sauvage" (cf. annexe n °11, cotes 02693 à 02695) indique : "Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, nous vous confirmons que nous procédons dès aujourd'hui au changement des prix de vente de vos différentes gammes. Ceux-ci seront effectifs dès demain dans les magasins.
180. Nous comprenons tout à fait que votre position (...) vise à proposer vos différentes gammes au même prix dans l'ensemble de la distribution. De notre coté, nous espérons que vous comprenez que l'acheteur de votre marque doit proposer à nos clients des produits attractifs et à des prix cohérents. Nous sommes néanmoins heureux d'être parvenus à un accord et nous espérons que ce nouveau positionnement tarifaire ne compromettra pas l'objectif de chiffres d'affaires que nous nous sommes fixés. Nous avons bien noté (...) que vous étiez prêts à maintenir les conditions commerciales que nous avons convenues lors de notre précédent rendez-vous si les achats que nous avons réalisés sont inférieurs à ceux initialement prévus et imputables à ce nouveau positionnement de prix".
En ce qui concerne la société LCI (anciennement Unilever Cosmetics International France)
181. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Calvin Klein parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
182. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès-verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Calvin Klein parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
183. Plusieurs éléments, relevés lors de l'enquête, font état d'une police des prix sur les produits de la marque Calvin Klein.
184. Dans une lettre adressée, le 13 juin 1996, par la directrice générale de Calvin Klein Cosmetics au directeur général de Séphora (cf. annexe n° 11, cotes 02744 à 02745) est indiqué le niveau des prix pratiqués par certains magasins Séphora avec la mention de pourcentages négatifs par comparaison à des pourcentages positifs ou négatifs appliqués dans les villes où se trouvent ces magasins. Pour exemple, il est indiqué pour le magasin Séphora de Grenoble :
"vapo 50 ml Obsession : -15 %
vapo 50ml Etrenity : -14 %
vapo 50 ml Escape : -14 %
50ml CK One : -8 %
100ml CK One : -9 %
la ville étant entre +4 et -1 % ".
185. Un représentant de Calvin Klein, à l'issue de sa visite durant l'automne 1997 dans les parfumeries de la chaîne Baiser Sauvage écrit : "Les Prix : BS s'engage à remonter les prix" (cf. RAE cote 007957).
186. Une télécopie en provenance de Marionnaud, datée du 13 juin 1998 (cf. annexe n° 11, cotes 02746 à 02747), informe la société Calvin Klein Cosmetics "des dérapages de prix constatés chez Arc-en-Ciel à Montreuil", et demande à la marque : "que faisons-nous ?". En ce qui concerne la société L'Oréal Produits de luxe France
187. Dans son audition au Conseil le 2 février 2005, le directeur général France de la société Lancôme a déclaré: "Nous avons des "prix recommandés", qui correspondent aux prix de gros H.T. multipliés par un coefficient d'environ 1,9. Ce coefficient, appliqué depuis très longtemps, constitue un référent pour les vendeuses lors de la présentation de nouveaux produits qui leur donne une idée de leur positionnement".
188. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité les marques Lancôme, Armani et Rubinstein parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
189. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472, a également cité les marques Lancôme et Armani parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10% sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
190. La gérante de la parfumerie "La rose des vents" à Lyon" a cité, dans ses déclarations consignées au procès-verbal évoqué au paragraphe 476, la marque Lancôme parmi celles qui interdisent des "remises sur les nouveautés" ou autorisent des "taux de remise maximum" sous peine de sanctions pouvant inclure "la suppression des remises qualitatives".
191. En ce qui concerne les éléments qui illustrent la mise en place, par L'Oréal Produits de luxe- France, d'un système de police des prix, le dossier permet de relever les points suivants :
- Pour la marque Lancôme
192. Dans une télécopie adressée à Lancôme, la parfumerie Préférence du Havre dénonce certains prix de vente de ses concurrents "Frydman" et Maritime et sollicite l'intervention de la marque ; sur ce document figure la mention manuscrite suivante d'un responsable de Lancôme : "j'ai fait remonter Frydman. Réponse de CBB [commercial de Lancôme] le 7/07. Est intervenu. Les prix sont changés ce matin" (annexe n° 5, cote 1847).
193. Dans un courrier adressé à Lancôme par la parfumerie "Rayon d'Or" le 27 août 1996 (cf. RAE cotes 010907 et 010908), le responsable de "Rayon d'Or" indique les prix pratiqués par deux parfumeries concurrentes, "qui ne respectent pas (la) politique de prix" en y joignant les tickets d'achat: "un POEME vapo 50 ml à 248 F, soit 20 % de remise au lieu de 10 % "recommandé" (...)". En conclusion, l'auteur de cette lettre demande à Lancôme "de faire respecter tout simplement la politique de prix (qu'elle) a choisie".
194. Sur un relevé de prix effectué par la société José Farina en juillet 1998 pour le compte de Lancôme faisant apparaître des remises importantes accordées par certains distributeurs de la marque figurent les notes manuscrites suivantes (annexe n° 5, cotes 1848 à 1850) : en page de garde : "Encore des dérapages, notamment des chaînes nationales (Séphora, Parfums de Femme, Douglas, Printemps) à rectifier, + le pb Baiser Sauvage que j'aimerais que l'on règle une fois pour toutes et quelques pb chez Tardif entre autres et Clin D'oeil. Merci d'intervenir rapidement"; sous le tableau des relevés de prix : "Appel EB le 31/08 Mme Debi (responsable adjointe Mme Mehler) Ô 125 ml : rectifié informatique, va changer les étiquettes produits";
"Rouge Absolu : me confirme qu'il est à 100. Certainement un problème d'étiquetage. Vérifie dans les magasins".
195. Dans un courrier de la parfumerie "Au pauvre diable" daté du 22 février 1999 et adressé à Lancôme (cf. annexe n° 11, cote 02697), la responsable de ce point de vente rappelle l'un des deux points abordés lors d'une conversation téléphonique le 20 février 1999, concernant "la régularisation des prix sur la ville" et espère "une régularisation rapide".
196. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Lancôme, et plus généralement le groupe L'Oréal, parmi ceux ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué".
197. Enfin, le "barème de ristournes 2000" de Lancôme prévoit une ristourne qualitative de 2 % pour récompenser le "traitement non discriminant de la marque Lancôme vis-à-vis de ses principaux concurrents". (cf. RAE cote 01646).
- Pour la marque Giorgio Armani
198. Une télécopie du 15 mars 1999 (annexe n° 36, cote 11040), adressée par un représentant de Prestige et collections (Armani), informe la parfumerie V.O que "Suite au relevé de prix que vous m'avez communiqué le 12 mars, tout est rentré dans l'ordre chez Séphora suite à notre intervention. De ce fait, je vous demande de bien vouloir remettre vos prix aux bons prix avant que d'autres polémiques n'apparaissent".
199. Dans une lettre du 24 février 1998 adressée au distributeur Beauty Success (annexe n° 6, cotes 2263-2264) un responsable d'Armani écrit : "Je vous prie de bien vouloir trouver, ci-dessus, les relevés de prix qui ont été effectués par nos soins les 17 et 20 février 1998 (...) Comme vous me l'avez indiqué, vous prévoyez de vous aligner sur la recommandation prix sous 48 heures".
200. Dans une note interne de la direction juridique d'Armani adressée à la direction commerciale de la marque le 6 juillet 1998, concernant des documents publicitaires d'une parfumerie annonçant des promotions (cf. RAE cote 2185), il est écrit :
"La politique de prix de chaque distributeur relève de son entière liberté et vous ne pouvez pas intervenir par courrier à ce sujet.
Le seul moyen d'intervention auprès de la parfumerie Arc-en-ciel est de considérer que le mailing qu'elle envoie est dévalorisant pour l'image de la parfumerie sélective de luxe et des marques Prestige et Collection.
Vous trouverez ci-joint le projet de lettre que je vous propose d'adresser par marque à la parfumerie Arc-en-ciel".
201. Le projet de courrier joint à ce document (cf. RAE cote N°2186) est ainsi rédigé : "Nous sommes en possession de documents publicitaires en provenance de votre parfumerie.
Ces documents sont adressés par courrier à vos clients afin de leur proposer les "promotions du mois". Nous ne discutons bien évidemment pas le principe des remises que vous pouvez offrir à votre clientèle. Ce principe relève de votre totale liberté. Cependant toute campagne publicitaire doit respecter l'article V-4 de notre contrat de distributeur agréé et être en adéquation avec l'image prestigieuse des marques que vous distribuez. Votre campagne publicitaire, bien que non discriminante, ne constitue pas une présentation valorisante et nous semble peu compatible avec l'aura de luxe et de prestige de notre marque".
- Pour la marque Helena Rubinstein
202. Sur une fiche intitulée "Relevé de prix" du 19 janvier 1999 envoyée à Helena Rubinstein (cf. RAE cote 002561) sont indiqués les prix pratiqués par Séphora sur la zone de chalandise de Nice. Une mention manuscrite du responsable commercial de la zone est ajoutée sur ce document : "il faut réagir car cette folie des prix est en train de gagner l'ensemble des clients et des villes des alentours de Nice. (...) Certaines marques comme Dior, Guerlain...seraient déjà en cours de négociation avec Marionnaud et Rose de France. Et nous, quelle sera notre position vis à vis de ce problème ?".
203. Dans une télécopie du 22 janvier 1999 adressée à la direction commerciale de Helena Rubinstein, la "spécialiste soin" du magasin Séphora de Nice informe la marque des prix pratiqués par Marionnaud sur plusieurs de ses produits et conclut : "Nous sommes donc obligés de nous aligner" (cf. RAE, cote 002560).
204. Enfin, le barème 1998 de la marque Helena Rubinstein intitulé "politique tarifaire 1998" dispose que la ristourne qualitative ne sera pas payée en cas de "non-respect du positionnement prix HR" (cf. RAE cote 010418). En ce qui concerne la société Pacific Création Parfums (Lolita Lempicka)
205. L'enquête administrative a relevé une liste de prix pour chaque référence de produit Lolita Lempicka (cf. RAE cote 007987) où figurent, parallèlement aux prix de gros hors taxes (PGHT), les prix publics "recommandés" des produits de la marque, le passage des premiers au second s'effectuant par l'application d'un taux multiplicateur égal à deux.
206. D'autres éléments témoignent de l'existence d'une police des prix sur les produits de la marque Lolita Lempicka :
207. Un rapport interne des commerciaux de Lolita Lempicka du 9 mars 1999 précise "problème de prix chez Ambre (42), écart de 3 à 5 francs, problème réglé".
208. Dans un compte rendu interne de réunion du 10 mai 1999 (annexe n° 23, cote 8134) figure la consigne visant à surveiller des problèmes de prix chez Séphora Orléans. Un autre compte rendu daté du 26 mai 1999 précise : "problème de prix régularisé chez Séphora" (annexe n° 23, cote 8137).
209. Dans un courrier adressé le 25 février 1999 à Beauté Actuelle de Meylan (cf. RAE cote 008218), un responsable de Lolita Lempicka écrit : "Nous avons bien reçu votre courrier du 16 mai dernier nous informant d'un problème de prix constaté chez Séphora (...). Cette situation a été régularisée la semaine dernière dès que nous en avons pris connaissance. Nous tenons à vous remercier de votre information et de votre réactivité".
210. Dans une télécopie adressée à la marque le 17 février 1999 intitulée "relevé de prix O'Dylia Rosny II", Séphora "confirme que sur Lolita Lempicka son concurrent ne respecte pas la remise" et l'informe qu'elle est dans l'obligation de s'aligner (cf. annexe n° 11, cote 02785).
211. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Lolita Lempicka comme l'une ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
212. Dans le compte rendu de la réunion du 11 mars 1998 avec la chaîne Baiser sauvage, rédigé par un responsable de la marque Lolita Lempicka et adressé au distributeur (cf. RAE cotes 009843 à 009848), il est question d'une rémunération du "respect d'image à hauteur de 3 %. A cet effet nous vous rappelons notre tarification pour 1998". Suit un tableau exposant les prix de gros hors taxe et les prix publics de revente pour chaque produit Lolita Lempicka. Au sujet de cette ristourne, la responsable des achats de la société Broglio SA (4), a expliqué aux enquêteurs (cf. RAE cote 009691 à 009708) : "la remise qualitative de 3 % est conditionnée "au respect de son image", et plus précisément Lolita indique ses prix publics recommandés en tant qu'élément faisant partie du respect de cette image de la marque. Selon nous, il est donc clair que le prix fait problème, précisément le respect de ce prix public recommandé constitue une des conditions pour pouvoir bénéficier de la remise de 3 %".
213. Dans l'accord commercial entre la marque Lolita Lempicka et la parfumerie Rive Droite pour l'année 1997, est prévue une ristourne au taux de 2 % pour le "respect de l'image", défini comme "l'encouragement et l'incitation à appliquer un coefficient multiplicateur de 2 sur nos prix de gros hors taxe" (cf. RAE, annexe n° 70, cote 11729). Pour l'année 1999, cette ristourne "respect image" existait encore mais au taux de 4 % et couplée avec d'autres exigences telles que l'"habillage" et l'"environnement" (cf. RAE cote 007990-007991).
214. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 23 septembre 1999 cité au paragraphe 474, la responsable de la société Broglio SA a cité la marque Lolita Lempicka parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix". En ce qui concerne la société Procter et Gamble (Jean Patou, Hugo Boss et Lacoste)
215. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen a cité les marques Hugo Boss et Lacoste parmi celles qui pratiquent, selon ces déclarations, des "remises autorisées".
216. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès-verbal cité au paragraphe 472, a également cité les marques Hugo Boss et Lacoste parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
217. A son tour, la gérante de la parfumerie "La rose des vents" à Lyon a cité, dans ses déclarations consignées au procès-verbal évoqué au paragraphe 476, les marques Hugo Boss et Lacoste parmi celles qui interdisent des "remises sur les nouveautés" ou autorisent des "taux de remise maximum" sous peine de sanctions pouvant inclure "la suppression des remises qualitatives".
218. S'agissant de la politique de remises qualitatives, chez Hugo Boss, l'attribution de la remise est "fonction du respect de notre politique commerciale. A cet effet, nous préconisons un coefficient de 1.7 sur nos tarifs" (cf. RAE annexe n° 32, cote 10396). La responsable des achats de la société Broglio SA, dans ses déclarations au procès-verbal précité (cf. RAE cote 009691 à 009708), a apporté à ce sujet les explications suivantes : "Dans le document cote 69, Boss conditionne une remise qualitative au respect du coefficient qu'il conseille. Ceci signifie que cette remise nous est versée même si nous ne respectons pas le prix conseillé à condition que le non-respect du coefficient conseillé ait exclusivement pour origine un alignement sur un de nos concurrents, et non pas une politique de promotion délibérée de notre part. Si nous ne respectons pas délibérément ce coefficient nous ne bénéficierions donc pas de cette remise".
219. Par ailleurs, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 23 septembre 1999 cité au paragraphe 474, la responsable de la société Broglio SA a cité la marque Lacoste parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
En ce qui concerne la société PUIG Prestige et Beauté (Nina Ricci)
220. Dans une note interne de Nina Ricci adressée au directeur de la société et relative à une réunion de la marque avec la chaîne Beauty Success le 19 septembre 1997 (cf. RAE cote 007731, l'auteur écrit : "je leur ai rappelé que nous ne voulions pas supporter des rabais supérieurs à 20 % (...).
221. Un compte-rendu interne de la chaîne Baiser Sauvage, consacré à une réunion avec la marque Nina Ricci le 18 mars 1998 (cf. RAE cote 009832) indique : "Politique de prix Nina Ricci : augmentation des tarifs achat de 8 %
Remise sur prix de vente conseillé : passe de -20 % en 1996 à -15 % en 1997
. augmentation des prix consommateurs en moyenne de 13 %".
222. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Nina Ricci parmi celles qui pratiquent des"remises autorisées".
223. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Nina Ricci parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
224. L'enquête administrative a mis au jour des documents qui illustrent la mise en place d'un dispositif de police des prix sur les produits de la marque Nina Ricci.
225. Dans un document de messagerie interne de Nina Ricci, ayant pour objet d'établir le compte- rendu d'un rendez-vous avec un client de la chaîne Beauty Success (cf. RAE cotes 007751 à 007752), le responsable écrit : "1) Prix : j'ai indiqué à notre client de relever nos prix à -15 % (...) 6) Concurrence : il respectera notre politique prix, mais il demande que nous soyons vigilants (MJ Godard ; Séphora ; BM)".
226. Dans un compte-rendu interne de la réunion des responsables de la marque avec Beauty Success (cf. RAE cote 007731) figurent les mentions suivantes : "je leur ai rappelé que nous ne voulions pas supporter des rabais supérieurs à 20 % (...) je leur ai rappelé au passage que les chaînistes jouaient le jeu, ce que nous faisons régulièrement contrôler par le cabinet J.M. Farina".
227. Dans un autre compte rendu interne de la réunion avec le groupement Elytis, tenue le 15 octobre 1998 (cf. annexe n° 11, cote 02698), le responsable de Nina Ricci écrit :
"Nous l'avons par ailleurs informé de l'achat auquel nous avons procédé dans le magasin de M. V... de la rue des Etats Unis où nos produits étaient discountés de 25 % au lieu des 15 % convenus.
Nous avons évoqué les sanctions que nous envisagions de prendre si le client ne veut pas respecter notre politique commerciale".
228. S'agissant de la politique de remises qualitatives, la marque Nina Ricci accorde une ristourne qualitative lorsque les "accords merchandising" ont été respectés par le distributeur (cf. "Politique commerciale Nina Ricci" 2003). Deux autres éléments permettent de préciser le contenu de ces "accords".
229. Ainsi, dans une lettre de la marque au distributeur Beauty Success (cf. RAE cote 010419) explicitant les conditions de règlement des remises de fin d'année (RFA) pour 1997 et leurs conditions d'obtention pour 1998, il est écrit : "nous vous demandons le respect de notre politique de marque -15 % sauf sur les nouveaux vaporisateurs L'Air du Temps à -10 % et le nouveau Lalique Cinquantenaire zéro %".
230. Par ailleurs, une lettre adressée par la responsable des achats de Baiser Sauvage à Nina Ricci (cf. RAE cote 009831) indique : "nous avons pris note de votre plan marketing 1998 qui intègre le cinquantenaire de l'Air du Temps ainsi que votre politique de prix que nous avons depuis appliquée dans l'ensemble de nos magasins". Cette mention figure dans un courrier récapitulant une réunion concernant les politiques et projets respectifs pour 1998 et les RFA négociées.
En ce qui concerne la société Parfums Rochas
231. Le catalogue de Rochas, saisi lors de l'enquête administrative, indique que la marque communiquait des "prix minimum de vente souhaités", inférieurs au "prix boutique" et correspondant à l'application d'un coefficient de 1,7 à 1,8 sur les prix de gros hors taxes (cf. annexe n° 11, cotes 02699 à 02702).
232. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Rochas parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
233. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Rochas parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
234. A son tour, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n°8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Parfums Rochas parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées" dont le non-respect aurait entraîné le déréférencement de la marque.
En ce qui concerne la société Shiseido France
235. Les bons de commande, relevés lors de l'enquête, présentent, en face des PGHT, les prix publics indicatifs (PPI) dans une colonne spécifique (cf. RAE cote 004947), ces PPI étant égaux aux prix de gros multipliés par un coefficient de 1,97. Interrogé à ce sujet lors de son audition au Conseil le 10 février 2005, le président directeur général de Shiseido a indiqué que cette pratique avait été abandonnée : "Aujourd'hui, les bons de commande de notre marque ne mentionnent plus de prix publics indicatifs, cette indication ayant vraisemblablement été supprimée en 2000 ou 2001. Cela correspond au "prix boutique" pratiqué par notre magasin "Les Salons de la Beauté" à Paris 8ème où sont vendus directement nos produits".
236. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Shiseido parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
237. La responsable de la parfumerie des Yvelines à Versailles, dans ses déclarations citées au paragraphe 475, a également mentionné la marque Shiseido parmi celles qui rompraient l'approvisionnement du point de vente "si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées".
238. L'enquête administrative a mis au jour des éléments qui illustrent la mise en place, par Shiseido France, d'un dispositif de police des prix :
239. Dans un courrier du 20 mars 1995 adressé à Shiseido, le dirigeant de Séphora, (cf. annexe n° 11, cote 02704) écrit :
"Je tiens à vous préciser que pour que nous vous aidions à gagner des parts de marchés, il vous faudra progresser de 3 points, soit 48 % et ce,
- soit en améliorant vos conditions commerciales,
- soit en agissant sur les prix du marché".
240. A son tour, dans un courrier adressé au dirigeant de Séphora le 14 avril 1995 (cf. annexe n° 11 cote 02703), le directeur commercial de Shiseido déclare :
"Nous nous sommes bien compris quant à notre responsabilité sur le prix du marché et les marges nécessaires à un bon développement mutuel".
241. Dans une lettre à la directrice des achats de Séphora, datée du 8 avril 1997 (cf. annexe n° 11, cotes 02705 à 02706) une déléguée commerciale de Shiseido écrit :
"Nos accords stipulaient qu'en cas de problème de prix, les directeurs de magasins ou les spécialistes soins devaient nous en informer pour nous permettre de régler le problème dans les 48 heures".
242. Dans un compte rendu manuscrit interne, à propos d'une rencontre avec des responsables de la chaîne Nocibé le 29 janvier 1999 (cf. annexe n° 11, cote 02707), est indiqué en point n° 2 :
"Prix : PPI [prix publics indicatifs] catalogue 99 sur l'ensemble des PV" (points de vente).
243. Dans un compte rendu interne manuscrit relatif à un rendez-vous avec le groupement
"Passion Beauté" le 11 janvier 1999 (cf. annexe n° 11, cotes 02708 à 02711), est précisé, au chapitre "Bilan Shiseido 98 : Points à noter. Remontée des prix .PPI".
244. Dans un autre compte-rendu interne manuscrit daté du 13 janvier 1999, relatif à un rendez- vous avec le groupement "Préférence" (cf. annexe n° 11, cotes 02712 à 02714) est indiqué, parmi les "points à Noter : Remontée des prix . PPI".
245. Un compte rendu rédigé par la chaîne "Baiser Sauvage", à propos d'une réunion tenue avec des responsables de Shiseido à Annecy le 16 avril 1998 (cf. annexe n° 11, cotes 02715 à 02716), indique :
- en ce qui concerne le bilan de l'année 1997, "Politique prix : de -10 % à -5 % de remise sur prix de vente conseillé en septembre 1997" ;
- et en ce qui concerne les prévisions pour l'année 1998 : "Politique prix : de - 5 % à 0 % sur prix de vente conseillé en février 1998".
246. Un compte rendu interne de Shiseido à propos d'un rendez-vous avec des responsables de Baiser sauvage le 5 juillet 1999 (cf. annexe n° 7, cotes 1509 et 1510) indique au chapitre "A Noter : Remontée des PPI Shiseido chez Baiser Sauvage de -10 % à -5 % de remise au 1er septembre".
247. Enfin, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 23 septembre 1999 cité au paragraphe 474, la responsable de la société Broglio SA a cité la marque Shiseido parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
En ce qui concerne la société Sisley
248. Lors de l'enquête auprès du distributeur Elytis (SA Lavigne), a été relevée une liste "Tarif 1999" communiquée par Sisley où figurent les prix publics indicatifs des produits de la marque en regard des prix de gros HT (cf. RAE cote 010848).
249. Dans un courrier du 19 mars 1996 adressé à l'un des distributeurs agréés de Sisley (cf. annexe n° 7, cote 1517), le président directeur général de la société, à propos d'un différend sur les prix pratiqués par ce distributeur, écrit : "Nos produits ne peuvent (...) être vendus (...) avec des remises supérieures à celles (des) principaux concurrents. (...) En conséquence, nous vous demandons (...) de ne pas faire une remise supérieure ou de ne pas appliquer un coefficient inférieur à celui que vous pratiquez avec les autres marques leaders du marché".
250. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Sisley comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte "(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
En ce qui concerne la société Thierry Mugler Parfums
251. Le directeur général France de la société Thierry Mugler Parfums, interrogé le 16 décembre 1999 par l'enquêteur, a déclaré : "Nous ne communiquons pas a priori de prix boutique aux distributeurs. Par contre, nous communiquons parfois ces prix boutiques lorsque les distributeurs nous le demandent".
252. Dans une note interne en date du 14 avril 1999 intitulé "Prix officieux du ressourçage du flacon source 100ml" (cf. annexe n° 11, cotes 02724 à 02725) est écrit en caractères gras :
"Nous fixons le prix du ressourçage du Flacon source 100ml à 590 F prix public" (...)
Rappel !
Ce prix étant officieux ne doit jamais être inscrit sur aucun document ou lettre provenant de notre société. Il ne doit donc être communiqué qu'oralement".
253. Une télécopie du directeur général de Thierry Mugler Parfums, adressée le 16 mars 1999 à la directrice des ventes de Séphora (cf. annexe n° 11, cote 02726), confirme l'offre exclusive accordée à cette chaîne sur les trousses "A*Men" pour la fête des pères. Sont indiqués, en vis à vis, les prix de gros hors taxe et les "Prix publics" pour ce produit en comparant les prix de cette offre aux prix " réels ": "Proposition
PGHT=172,00 F Prix Public=340 F
Pour info
PGHT réel =262,00 F Prix Public=520 F".
254. Dans les deux cas, le passage des prix de gros HT aux prix publics s'opère par l'application d'un taux multiplicateur de 1,98.
255. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Thierry Mugler parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
256. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Thierry Mugler parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
257. Dans son rapport d'activité pour le mois de mars 1999 (cf. RAE cote 003482), une commerciale de la société Thierry Mugler Parfums écrit : "Ce mois-ci grosse dépense d'énergie pour se faire respecter au niveau des prix. Certains clients n'étaient pas décidés à augmenter (prétextes : ordinateurs...concurrence...)".
258. Le responsable de la parfumerie VO Orléans, dans le télégramme qu'il adresse le 15 mai 1995 à Thierry Mugler Parfums (cf. RAE cote 011058) écrit : "Vous me contestez depuis le mois d'avril ma politique de prix de revente (...). Je vous rappelle que selon la loi et l'article 7 de notre contrat, les prix de vente au public sont libres (...). Depuis vous refusez de me livrer ma commande de réassort du 24 avril 1995. Je vous mets donc en demeure de débloquer cette commande et de me la livrer sous 48 heures".
259. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 30 septembre 1999, dont un extrait est rapporté au paragraphe 477, le PDG de la chaîne O'Dylia a cité la marque Mugler comme l'une de celles ayant exercé des "pressions commerciales" sur sa chaîne afin qu'il respecte"(le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué".
En ce qui concerne la société Yves Saint Laurent Parfums
260. Dans un courrier du 15 janvier 1998, adressé à ses distributeurs (cf. annexe n° 7, cote 001653), Yves Saint Laurent Parfums (ci-après YSL Parfums) communique les nouveaux tarifs de la marque applicables à partir du 2 février 1998 et précise : "les prix pratiqués désormais par l'Institut Yves Saint Laurent se situeront désormais à un niveau égal à deux fois le prix de gros HT.". Interrogé à ce sujet, le directeur France de la société, lors de son audition au Conseil le 2 février 2005, a indiqué : "Lors des lancements des nouveaux produits, YSL annonce des prix de vente indicatifs sur la base d'un coefficient multiplicateur de 1,98. Il n'y a plus aujourd'hui de référence aux prix de l'Institut, celui-ci ayant été fermé à la fin de l'année 2000".
261. Dans un courrier adressé par la parfumerie "Rayon d'Or" le 31 janvier 1997 à YSL Parfums dans le cadre des négociations commerciales pour l'année 1997 (cf. annexe n° 7, cote 001659), le responsable de cette parfumerie écrit :
"(...) nous prenons bonne note :
- que vous désirez maintenir les prix consommateurs sur une base d'un coefficient de 1,59 sur votre tarif d'achat HT comme en 1996,
- que vous vous engagez à faire respecter cette politique dans toute votre distribution sous peine d'être discriminatoire".
262. Dans une lettre à YSL Parfums le 31 janvier 1997, le responsable de la parfumerie "Rayon d'Or" déclare, après une entrevue avec des représentants de la marque, prendre "bonne note que vous désirez maintenir les prix consommateurs sur une base d'un coefficient de 1.59 sur votre tarif d'achat H.T. comme en 1996 et que vous vous engagez à faire respecter cette politique dans toute votre distribution sous peine d'être discriminatoire, et/ou que nous nous alignons si votre politique n'est pas respectée" (cf. RAE cotes 010915 et 010916).
263. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 20 juillet 1999 cité au paragraphe 473, la responsable du Printemps de la Beauté à Rouen (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) a cité la marque Yves Saint-Laurent parmi celles qui pratiquent des "remises autorisées".
264. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice, dans ses déclarations consignées au procès- verbal cité au paragraphe 472, a également cité la marque Yves Saint-Laurent parmi celles qui "incitent fortement [les distributeurs] à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés" et indiqué être exposée à des "représailles" de la part de ces marques en cas de dépassement de cette remise maximum.
265. L'enquête administrative a permis de relever plusieurs éléments illustrant la mise en place, par la société YSL Parfums, d'un dispositif de police des prix.
266. Sur un relevé de prix réalisé par les représentants d'YSL Parfums sur la ville de Noisy-le-Grand le 17 septembre 1997 (cf. RAE cotes 238 et 239), à la rubrique "commentaires" une mention manuscrite indique : "impossible relever prix : présence de Madame L", propriétaire du point de vente visité.
267. Dans une note interne d'YSL Parfums du 26 mai 1997 concernant un rapport de visite du 21 mai 1997 de la société Nicole Georges, qui regroupe cinq parfumeries dans le Sud Ouest, il est précisé que suite aux "doléances" de ce distributeur concernant un dérapage de prix d'un de ses concurrents, un commercial de la marque est intervenu chez le contrevenant qui a remonté ses prix (cf. annexe n° 12 du RAE, cote 4355) comme l'indiquent les termes suivants :
"doléances : non-respect du coefficient par Thelem Libourne et Bergerac
action JM.C... sur adhérents
rectification prix effective le 23.5.97".
268. Ces éléments ont été confirmés par les déclarations de M. Philippe G consignées au procès- verbal dressé par l'enquêteur le 17 décembre 1999 (CF annexe n° 49 du RAE, cotes 1133911340).
269. S'agissant du même groupement Nicole Georges, une note interne d'YSL Parfums du 16 juin 1997 consacrée à un "relevé de prix" dans la parfumerie de Périgueux, fait état d'une remise de 5 % accordée à titre exceptionnel et précise que "suite à un entretien tél. avec M. G (...) le client s'engage à compter de ce jour à supprimer toute remise exceptionnelle" (annexe n° 12 du RAE, cote 4356).
270. Dans un courrier adressé le 3 mars 1997 par YSL Parfums à la chaîne Luxe Parfums (cf. RAE cote 009095), relatif à une opération commerciale sur le serveur minitel de ce distributeur qui accordait des réductions de 25 % à 40 % "sur pratiquement tous les parfums", la marque déclare que : "l'exigence d'un prix de référence [n'est] pas compatible avec des rabais présentés comme permanents".
271. L'enquête a également relevé plusieurs courriers de 1999 émanant du dirigeant de la parfumerie O'Dylia, M. Maurice L adressés à YSL Parfums. Dans un premier courrier adressé à YSL Parfums le 9 février 1998, ce dirigeant se plaint (cf. RAE cotes 009979 et 009980), d'être "victime de harcèlement perpétuel concernant les prix pratiqués sur les produits de (la) marque (...) en effet samedi matin j'ai eu des remontrances par Monsieur Bonnefoy [représentant de la marque YSL] (...) cette situation provoque une entente illicite sur les prix aux consommateurs (...) à plusieurs reprises (...) Je vous ai exprimé mon désaccord d'alignement sur les prix pratiqués par nos concurrents".
272. Dans une lettre du 2 février 1999 (cf. annexe n° 11, cotes 02748 à 02750), le même responsable se plaint des "procédés" de la marque (non-livraison pour cause de ruptures de stock ou d'erreurs). Il estime que YSL Parfums a eu recours à de telles pratiques en raison du refus d'O Dylia d'appliquer "une politique de prix".
273. Dans une autre lettre du 8 mars 1999 (cf. annexe n° 11, cote 02751), le même commerçant rappelle que sa "liberté commerciale n'est pas négociable" et insiste sur le fait qu'aucune condition commerciale ou menace verbale ne lui fera changer sa politique de prix. Il ajoute : "qu'il n'est plus nécessaire de démontrer votre volonté de porter préjudice à notre entreprise et de vouloir contrôler les prix de vente en utilisant des moyens de pression illégaux".
274. Enfin, dans une lettre datée du 11 octobre 1999 (cf. annexe n° 11, cote 02752), M. Maurice L se plaint de la non-livraison d'un présentoir de maquillage Yves Saint Laurent et considère que YSL Parfums a"une volonté manifeste de (créer) un préjudice" à son activité.
275. S'agissant de la politique de remises qualitatives d'YSL Parfums, le barème de ristourne en 1999 posait pour condition de son attribution le respect de la "politique commerciale de la marque Yves Saint Laurent" (cf. RAE cote 004073) et précisait à cet égard que "le détaillant ne doit pas agir de façon discriminatoire à l'égard de la marque (...) par rapport aux autres marques de prestige du marché". Plusieurs documents ou déclarations de distributeurs précisent l'interprétation, par YSL Parfums, de cette condition :
- A ce sujet, M. Maurice L, PDG de la chaîne O'Dylia, déclarait à l'enquêteur le 30 septembre 1999 : "Toutes les marques, sans exceptions, conditionnent leurs remises qualitatives (une de ces remises) au respect de leur politique prix. Cette condition est souvent orale et n'apparaît sur le contrat que sous une formule moins directe comme par exemple pour YSL en 1999 : " le détaillant ne doit pas agir de façon discriminatoire à l'égard de la marque YSL par rapport aux autres marques de prestige du marché" (...) A de nombreuses reprises les marques me menacent de supprimer cette remise dans la mesure où je ne respecte pas leur politique prix" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
- Dans une lettre du 27 février 1997 d'YSL Parfums à la parfumerie Rayon d'Or (cf. RAE annexe n° 35 cote 010909) l'importance du respect de l'image de la marque Yves Saint- Laurent dans le calcul de la ristourne de fin d'année est ainsi exprimée : "les 2 % que vous calculez sur vos réalisations totales n'ont pas été pris en compte, car comme vous le savez, cette remise concerne nos exigences mentionnées ci-dessous, qui n'ont pas été respectées en 1996 : (...) respect de l'image YSL".
- Dans une note interne de la parfumerie V.O. du 14 septembre 1998 intitulée "Information YSL" (cf. RAE, annexe n° 36 cote 011054), les propos du chef des ventes d'YSL Parfums, M. Thierry L. sont ainsi rapportés : "Thierry L. insiste sur le respect de la politique des prix, et remettra en cause les accords ci-dessus si les prix ne sont pas respectes, notamment sur les coffrets" (en lettres majuscules dans le document). Ces propos suivent le récapitulatif des conditions commerciales obtenues pour l'année par ce distributeur auprès d'YSL Parfums, et en particulier les taux des remises de fin d'année.
276. Enfin, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 23 septembre 1999 cité au paragraphe 474, la responsable de la société Broglio SA a cité la marque Yves Saint Laurent parmi celles qui "conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratiques discriminatoires en matière de prix".
b) Les pratiques relevées concernant les chaînes nationales
En ce qui concerne la chaîne Douglas
277. Dressant le compte-rendu d'une réunion entre Clarins et la chaîne Douglas le 24 février 1998 (cf. RAE cotes 002795 à 002797), un responsable de la société Clarins écrit : "Pourquoi Clarins est-il plus discounté que les autres ? Il suffit de vouloir pour réussir à limiter à -20 - 15... Dior, Lauder, Clinique et Shiseido y arrivent bien... On les a assurés de notre volonté de limiter à -20. Attention s'ils constatent un dérapage chez un voisin ils sont capables de réagir violemment".
278. En juillet 1997, Clinique a accepté l'ouverture du compte du nouveau magasin Douglas à Annecy dans la mesure où "ils [Douglas] se sont engagés à suspendre leur carte de fidélité en septembre ou octobre 97", les produits Clinique étant alors vendus dans ce point de vente "avec une remise de 10 comme chez Marie Jeanne Godard" (cf. RAE, annexe n° 16, cote 5596). Il convient de se référer également au document évoqué au paragraphe 141 qui démontre également que Douglas a cédé aux pressions de Clinique pour supprimer les avantages contestés de sa carte de fidélité.
279. Dans un mémorandum du service commercial d'Estée Lauder du 20 septembre 1995 (cf. RAE cote 5138) relatif à la chaîne Douglas est écrit : "Perpignan : si nous sommes à - 10 chez Marie Jeanne Godard, Douglas s'alignera à - 10. Par contre Amiens où nous sommes plein pot partout, Douglas sera à plein pot (...) Je pense que cet accord démontre de part et d'autre une volonté commune de faire évoluer nos affaires". En ce qui concerne la chaîne Marionnaud
280. Plusieurs éléments démontrent que Marionnaud et ses fournisseurs évoquaient, au cours de leurs négociations, les prix de vente publics des parfums et cosmétiques de luxe, ou les taux maximum de remise applicables sur ces produits.
281. Les responsables de Marionnaud, auditionnés le 8 février 2005 au Conseil, ont déclaré : "Pendant quelques années, les marques souhaitaient avoir un positionnement prix de vente de leurs produits et pouvaient communiquer des prix conseillés".
282. D'autres éléments relevés lors de l'enquête tendent à démontrer que Marionnaud adressait à ses fournisseurs des messages pour les informer du niveau des prix pratiqués par ses concurrents et leur demander, le cas échéant, d'intervenir sur ces prix.
283. Ainsi, une télécopie de "La Parfumerie" appartenant à M. Z, dirigeant de la chaîne ancêtre de Marionnaud, en date du 14 mars 1997, communique à BPI les "dérapages de prix constatés chez Séphora à Evry" sur des produits Issey Miyake.
284. Une autre télécopie de "La Parfumerie" du 12 février 1998 (cf. annexe n°11, cote 02581) indique à BPI les prix pratiqués par le magasin O'Dylia de Montreuil sur les produits Jean- Paul Gaultier.
285. Sept pages de relevés de prix réalisés par Marionnaud chez ses concurrents dans les villes de Montreuil, Vincennes, Saint-Denis et Pantin sont adressées par télécopie notamment à Hermès Parfums le 21 juin 1999 avec mention des différences de prix en valeur et en pourcentage entre le prix Marionnaud et le prix de son concurrent (cf. annexe n° 11, cotes 02755 à 02763).
286. Une télécopie adressée à Hermès, le 2 juillet 1999 par la parfumerie Marionnaud de Montauban, l'informe du niveau des prix pratiqués par son concurrent local Beauty Success et l'invite à agir dans les termes suivants (cf. annexe n° 11, cote 02623) : "A ce jour M. P n'a pas augmenté ses prix concernant votre marque. (...). Dans l'intérêt de tout le monde, il faudrait se mettre au bon prix. Je vous remercie par avance de faire le nécessaire auprès de M. P (Beauty Success)".
287. Une télécopie du 13 juin 1998 (cf. annexe n° 11, cotes 02746 à 02747), adressée à la société Calvin Klein Cosmetics, l'informe "des dérapages de prix constaté chez Arc-en-Ciel à Montreuil" et demande à ce fournisseur : "que faisons-nous ?".
288. Dans une télécopie adressée à la société Chanel le 21 juin 1999, intitulée "alignement de prix", Marionnaud communique les prix constatés chez ses concurrents dans les villes d'Enghien, de Pantin et d'Intendance (cf. annexe n° 11, cotes 02767à 02772).
289. Dans une autre télécopie adressée à la marque Kenzo le 29 novembre 1999, intitulée également "alignement de prix", Marionnaud communique les prix constatés chez ses concurrents de la ville d'Enghien (cf. annexe n° 11, cotes 02773 à 02775).
290. Dans une télécopie du 12 mars 1998 (cf. annexe n° 11, cote 02753), le directeur France de la société Montana Parfums accuse réception d'une télécopie de la chaîne "concernant un relevé de prix effectué à Versailles chez Baiser Sauvage", s'insurge contre la décision d'alignement sur ces prix par les magasins Marionnaud de la région parisienne et annonce son intention de rencontrer immédiatement le dirigeant de la chaîne.
291. Dans une lettre du 11 janvier 1997 adressée au dirigeant de la future chaîne Marionnaud (cf. annexe n° 11, cote 02754), le directeur commercial de Clinique accuse réception du "problème de prix" relevé par Marionnaud chez ses concurrents d'Enghien, s'efforce de le dissuader d'aligner ses prix dans ses points de vente parisiens et émet le souhait d'aborder ces sujets lors d'un prochain rendez-vous.
292. D'autres éléments démontrent que Marionnaud respectait les prix de vente publics préconisés par ses fournisseurs.
293. Dans un mémorandum interne de Hermès cité au paragraphe 116, il est fait état d'un engagement du dirigeant de la chaîne Marionnaud "à respecter la politique de prix".
294. Une note interne de la marque Clinique citée au paragraphe 132, établissant le compte-rendu d'une réunion avec M. Z, indique que la remontée des prix dans les points de vente de la chaîne à Strasbourg a été "validée" par ce haut responsable.
295. Dans une note interne d'Estée Lauder en date du 23 avril 1999 relative à la parfumerie Marionnaud de l'avenue Kléber à Paris (cf. annexe n° 11, cote 02640), au titre des "quelques informations concernant ce client", il est précisé : "le prix stop signs est bien validé à 0 % de discount".
296. Dans une note interne du 13 juin 1995 de Guerlain dressant le compte-rendu d'une réunion tenue avec M. Z le 18 mai 1995, la responsable de Guerlain écrit, au point 3, consacré à la "Politique de prix": "Monsieur Z limitera le coefficient de remise sur Guerlain en région parisienne à - 15 % à partir du 1er juin 1995" (cf. RAE, annexe n° 2, cote 375).
En ce qui concerne la chaîne Nocibé
297. Plusieurs éléments montrent que Nocibé et ses fournisseurs évoquaient, au cours de leurs négociations, les prix de vente publics des parfums et cosmétiques de luxe ou les taux maximum de remise applicables sur ces produits.
298. Le directeur général et président du directoire de la chaîne Nocibé, dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 16 septembre 1999 (cf. RAE cotes 009280 à 009292) déclare à l'enquêteur : "nous pratiquons globalement un coefficient de 1,70 sur les marques. Les marques nous interdisent donc la pratique d'un coefficient inférieur (notablement inférieur) à ce coefficient moyen sur leurs produits. Nous ne pouvons donc pas dévaluer par une action d'éclat une marque ou un produit (...) Cet interdit par les marques d'une politique de prix discriminatoire nous a d'abord été annoncé par courrier ou lors des négociations annuelles. Puis cet interdit est apparu dans les contrats. Puis dans un troisième temps certaines remises qualitatives ont été conditionnées par l'absence de pratiques de prix discriminatoires (...). L'impossibilité de travailler le prix des nouveautés tient au fait que les marques exercent une pression sur notre société entre autres afin que nous ne bradions pas leurs nouveautés (...). Les marques interdisent dans leurs contrats de faire des soldes dans la mesure où cela atteindrait leur image de marque. (...) ceci signifie qu'elles interdisent que nous pratiquions un coefficient inférieur sur leurs produits par rapport au coefficient moyen pratiqué par les autres marques".
299. Lors de son audition au Conseil, le 15 février 2005, le même dirigeant énonce : "Autrefois, il est vrai que les marques agissaient auprès de nous en cas de discounts importants ou de prix ne respectant pas leurs souhaits. Cela se traduisait par des pressions plus ou moins fortes. (...) Depuis près de deux ans, les pressions des marques se sont accentuées à notre égard, afin que nous suivions leur politique d'augmentation de leurs prix facturés et de leurs souhaits de prix publics. Nous constatons que par rapport à nos concurrents directs, nous sommes défavorisés dans l'attribution de moyens moteurs (échantillons, testeurs), et parfois nous sommes victimes de retards dans les dispositifs de lancements de produits. S'agissant plus particulièrement de Paris intra-muros, il me semble que les prix pratiqués peuvent être la manifestation d'une entente entre les marques et les distributeurs de taille".
300. Dans une note interne de la société Loris Azzaro du 9 novembre 1998 faisant le point d'une rencontre avec des responsables de la chaîne Nocibé intervenue le 2 du même mois (cf. annexe n° 11, cotes 02562 et 02563), le responsable de la marque écrit : "J'ai annoncé probablement un taux de discount autorisé de - 15 % pour 1999".
301. Dans un compte-rendu d'une réunion entre des responsables de Clarins et de Nocibé évoqué au paragraphe 71, il est question d'une réduction du taux de remise maximum sur les produits Clarins de -20 % à -15 % et des négociations entre les parties s'agissant des produits solaires, Nocibé souhaitant maintenir un taux de remise de -20 %.
302. Des éléments relevés lors de l'enquête illustrent comment Nocibé s'adressait à ses fournisseurs pour les informer du niveau des prix pratiqués par ses concurrents et leur demander, le cas échéant, d'intervenir sur ces prix.
303. Ainsi, dans une lettre datée du 19 mars 1997 adressée à la marque Kenzo, Nocibé dénonce les pratiques de certains de ses "collègues" dans le cadre des démarchages de comités d'entreprise.
304. D'autres éléments concernent le respect, par Nocibé, des prix de vente publics préconisés par ses fournisseurs.
305. Un compte rendu de la société Shiseido cité au paragraphe 242 illustre l'application, dans l'ensemble des points de vente Nocibé, des tarifs préconisés par Shiseido comme l'indiquent les termes : "Prix : PPI [prix publics indicatifs] catalogue 99 sur l'ensemble des PV" [points de vente].
306. Dans une lettre du 23 mai 1995 adressée par le PDG de Nocibé au Directeur France de Parfums Loris Azzaro (cf. annexe n° 7, cote 656), il est fait état d'un entretien au cours duquel un responsable de la marque a fait part à Nocibé de "la politique en matière de prix" d'Azzaro ; puis, après avoir indiqué le prix pratiqué par Séphora sur une eau de toilette Azzaro et le niveau de remise auquel ce prix correspond, Nocibé déclare que son souci est "de respecter au mieux nos accords commerciaux" et indique que "sans intervention" de la part d'Azzaro, la situation deviendrait à son égard "discriminatoire".
307. Dans la note interne de Parfums Loris Azzaro citée au paragraphe 29, le responsable de la marque écrit, à propos de Nocibé :"Ils respecteront la politique de prix des fabricants". En ce qui concerne la chaîne Séphora
308. Plusieurs éléments montrent que Séphora et ses fournisseurs évoquaient, au cours de leurs négociations, les prix de vente publics des parfums et cosmétiques de luxe ou les taux maximum de remise applicables sur ces produits.
309. Dans son procès-verbal du 12 octobre 1999 (cf. RAE cotes 008531 à 008549), le directeur des achats de Séphora a déclaré : "Un certain nombre de marques nous communiquent un taux de remise maximum conseillé (...). Les marques ont fait diminuer leurs taux de remise conseillés pour compenser la diminution de remise arrière. Toutefois, nous n'acceptons jamais cette compensation".
310. Dans son audition au Conseil, le 7 février 2005, le directeur du "Category management" de Séphora a pour sa part évoqué l'existence de prix "théoriques" rarement respectés : "Il existe bien un coefficient théorique de 1,97 qui semble propre au secteur depuis très longtemps et qui conduit à déterminer un prix théorique à partir duquel les taux de discount peuvent être définis. Ce coefficient est rarement respecté".
311. Dans le compte-rendu d'une réunion intervenue entre Séphora et Kenzo le 16 septembre 1999, rédigé par le service Achats France de la marque (cf. annexe n°11, cotes 02778 à 02779) est précisé, au chapitre "Prix": "Augmentation des prix : le discount est passé de -20 à -15 %, changement de tarifs depuis le 1er mars".
312. Dans une télécopie adressée à la directrice des ventes de Séphora, citée au paragraphe 253, le directeur général de la société Thierry Mugler Parfums confirme l'offre exclusive accordée à la chaîne sur les trousses "A*Men" et précise les prix de gros hors taxe et les "Prix publics" pour ce produit.
313. Dans un document interne de Séphora intitulé "Négociation marques 1999. Objectifs par fournisseur" ( cf. annexe n° 8 cotes 1781 à 1786), sont répertoriées, pour dix-huit marques de parfums et cosmétiques de luxe, l'ensemble des conditions négociées avec chacune d'elle : chiffres d'affaires, remises, objectifs pour les RFA, mentionnant, notamment : "Biotherm (...)
Remises
Sur 98, la remise avant a été augmentée, au détriment de la remise arrière. Un bon contrôle des prix a été opéré et la marge globale a progressé (...)
Lancôme (...)
Objectifs
(...) Passent leur discount autorisé de -15 à -10, notre marge va être améliorée...".
314. Dans un compte-rendu interne de Séphora relatif à un rendez-vous du 16 avril 1999 avec Chanel (cf. annexe n° 11, cotes 02780 à 02781) est indiqué, à propos de la "Négociation Précision" (gamme de produits de soins de la marque) : " 0 % discount".
315. Des éléments relevés lors de l'enquête illustrent comment Séphora s'adressait à ses fournisseurs pour les informer du niveau des prix pratiqués par ses concurrents et leur demander d'intervenir sur ces prix ; à défaut, les magasins Séphora avaient pour consigne de s'aligner sur le prix concurrent.
316. Cette stratégie est précisée dans le "Code Séphora 1999" (cf. RAE cotes 008649 et 008650) qui constitue, ainsi que l'indiquent les déclarations, consignées au procès-verbal précité, du directeur des achats de Séphora (cf. RAE cotes 008531 à 008549), le Code de conduite à tenir par tous les magasins de la chaîne. Il est ainsi demandé aux "spécialistes qualité" de suivre les prix de la concurrence locale par un relevé de prix effectué au moins une fois par semaine. En cas de "différence importante", il est demandé d'informer le service achats, d'attendre ses directives et enfin de s'aligner sur le prix en question après nouveau contrôle "si la marque ne réagit pas vis-à-vis du concurrent" et cela, comme le souligne le Code "sans surenchérir".
317. Plusieurs documents attestent de l'existence de "dénonciations" par Séphora des discounts pratiqués par ses concurrents.
318. Ainsi, dans une télécopie du 22 janvier 1999 adressée à la direction commerciale de Helena Rubinstein, la "spécialiste soin" du magasin Séphora de Nice informe la marque des prix pratiqués par Marionnaud sur plusieurs de ses produits et conclut : "Nous sommes donc obligés de nous aligner" (cf. RAE, annexe n°8 cote 002560). Le document interne d'Helena Rubinstein évoqué au paragraphe 202 montre que ce problème était suivi de près par le fournisseur qui s'interrogeait sur l'attitude à adopter.
319. Dans une télécopie du 29 janvier 1999 adressée par le magasin Séphora de Grenoble à la direction commerciale de Guerlain (cf. annexe n° 11, cote 02667) l'auteur indique : "Suite à un relevé de prix chez notre concurrent (Baiser sauvage) nous avons constaté que leur prix de vente étaient en dessous de la remise autorisée (...) Nous vous demandons d'intervenir auprès de cette enseigne pour le respect et le bien-fondé de votre marque. Merci de faire suite rapidement".
320. Dans une télécopie adressée à Lolita Lempicka datée du 17 février 1999 et intitulée "relevé de prix O'Dylia Rosny II", le responsable de Séphora "confirme que sur Lolita Lempicka son concurrent ne respecte pas la remise" et qu'il est dans l'obligation de s'aligner (cf. annexe n°11, cote 02785).
321. Dans une télécopie adressée au directeur commercial de Chanel le 18 juin 1999 (cf. annexe n° 11, cotes 02787 à 02789 ), Séphora informe la marque de certains prix pratiqués par la parfumerie Patchouli de Puteaux, notamment sur l'eau de toilette "Egoïste", ticket de caisse à l'appui. Sur celui-ci sont indiqués, en face des produits vendus, plusieurs prix proches du prix de vente ainsi que deux taux de remise, l'un correspondant à la remise effectivement appliquée par la parfumerie.
322. Dans une télécopie adressée à Guerlain le 29 janvier 1999 (cf. annexe n° 11, cote 02790), Séphora dénonce les prix appliqués par son concurrent Baiser Sauvage et demande à Guerlain "d'intervenir auprès de cette enseigne pour le respect et le bien fondé de votre marque".
323. Dans une télécopie adressée à la marque Calvin Klein datée du 27 mai 1998 et intitulée "problèmes prix concurrence", Séphora joint le relevé de prix de deux de ses concurrents (Beauty Success et Galeries Lafayette) sur le produit Obsession femme (cf. annexe n° 11, cote 02784).
324. Un mémo interne de Clarins évoqué au paragraphe 77 fait référence à un appel de la responsable des ventes de Séphora concernant le magasin Beauty Success à Brest et indique : "Problème de prix, des -22 %, des -23 %".
325. Différents éléments relevés lors de l'enquête font état d'interventions de plusieurs fournisseurs de Séphora, relatives aux prix pratiqués par le chaîniste.
326. Dans une lettre datée du 29 septembre 1998 (cf. annexe n° 11, cote 02573), le directeur commercial de BPI déclare : "nous avons eu connaissance que certains de vos points de vente pratiquaient des prix qui ne sont pas en adéquation avec nos accords".
327. Dans une lettre adressée par la directrice générale de Calvin Klein Cosmetics au directeur général de Séphora, citée au paragraphe 184, est indiqué le niveau des prix pratiqués par certains magasins Séphora en indiquant des pourcentages négatifs par comparaison à des pourcentages positifs ou négatifs appliqués dans les villes où se trouvent ces magasins. En conclusion, la directrice générale de Calvin Klein Cosmetics demande : "Je souhaiterais vivement que vous puissiez nous rassurer sur le point évoqué plus haut, à savoir que Calvin Klein ne puisse être utilisé comme marque d'appel".
328. Dans une note interne citée au paragraphe 31 consacrée à la chaîne Séphora, un responsable d'Azzaro, commentant une baisse de -2 % du taux de marge réalisé sur Azzaro en 1996, explique cette baisse "par la différence entre les 10 % autorisés (et pratiqués) sur les prix de vente Chrome d'août à décembre 1996 et les -20 % acceptés depuis janvier 1997".
c) L'alignement des prix publics de vente des parfums et cosmétiques de luxe
329. Il ressort des pièces du dossier la constance du taux multiplicateur appliqué aux prix de gros hors taxes pour obtenir les prix de vente publics des parfums et cosmétiques de luxe, ce taux étant égal à 1,98 ou 2. Pour plusieurs acteurs du secteur, ce taux serait "historique", ainsi que le déclarait le directeur général France de la société Lancôme lors de son audition précitée au Conseil.
330. Dans le cadre de l'enquête administrative demandée par le Conseil, les enquêteurs de la DGCCRF ont procédé, dans le courant de l'été 1999, à environ 4 300 relevés de prix portant sur 59 produits de parfums pour femmes et pour hommes, de maquillage et de soins appartenant à 31 marques différentes, auprès de 74 points de vente (chaînes, grands magasins, groupements, indépendants, duty free...) répartis sur tout le territoire national, soit 22 zones de chalandise. Les prix de vente TTC relevés dans chaque magasin sont exprimés en francs. Sur les tableaux synthétiques de ces relevés est indiqué le prix public préconisé (ou prix de vente conseillé (PVC) en francs TTC qui correspond à l'application du coefficient de 1,97 sur le tarif hors taxes auquel est soustrait l'abattement du taux de remise maximum préconisé par la marque. Dans certains cas, l'abattement du taux de remise maximum est appliqué directement sur le prix boutique ou sur le prix public indicatif (PPI), comme l'indique la section 1 du chapitre 3 du Titre I de la première partie du rapport administratif d'enquête (RAE) qui précise les modalités de calcul de ce PPI pour chaque marque.
331. A partir de cet échantillonnage de produits de certaines marques dans les points de vente retenus, il a ainsi été possible de calculer le "taux de respect du PVC" qui indique le pourcentage de points de vente ayant respecté le prix préconisé en pratiquant un prix égal ou supérieur à ce dernier ainsi que des données complémentaires.
332. L'ensemble de ces données statistiques est présenté dans les tableaux synthétiques présentés ci-après :
<emplacement tableau>
2. LES DISPOSITIFS DE REMISES QUANTITATIVES
333. Tous les fournisseurs ont mis en place des barèmes de remises de fin d'année (RFA) qui récompensent les quantités de produits vendus en termes de chiffres d'affaires annuels réalisés ou en termes de progression de ces derniers, ainsi que des remises de gamme ou de référencement. Ces deux types de RFA sont généralement accordés par l'ensemble des fournisseurs mais leurs seuils, leurs taux et leurs montants varient fortement.
334. Ces RFA quantitatives, qui varient de quelques points à 28 %, représentent une ressource essentielle pour les distributeurs, qu'ils soient de petite ou de grande taille.
335. Certains barèmes prévoient un traitement spécial et préférentiel pour les grandes enseignes de distribution - grands comptes et chaînes nationales - au moyen de taux de ristournes plus avantageux. Ainsi, à taux de croissance du chiffre d'affaires égal, le taux de remise peut être sensiblement différent selon la taille du distributeur. En outre, au-delà d'une certaine croissance du chiffre d'affaires, le petit distributeur n'est pas mieux rémunéré alors que le grand obtient une ristourne supplémentaire sur le chiffre d'affaires additionnel à un taux particulièrement élevé.
3. LA FIXATION D'UN CHIFFRE D'AFFAIRES MINIMUM ANNUEL DEVANT ETRE ATTEINT PAR CHAQUE DISTRIBUTEUR
336. Dans leur contrat de distribution sélective, toutes les marques, à l'exception de Thierry Mugler, exigent que chaque membre de leur réseau de distribution réalise un chiffre d'achats annuels minimum auprès d'elles. Cette exigence n'est pas en elle-même illicite à la condition que soit respecté un plafond dont l'existence et les modalités de calculs ont été fixées précisément par la Commission européenne.
337. Dans deux décisions d'exemption du 16 février 1991 (92-33-CEE) et du 24 juillet 1992 (92-428-CEE), concernant respectivement les contrats de distribution sélective des sociétés Yves Saint Laurent Parfums et Parfums Givenchy, la Commission a en effet avalisé l'existence et les modalités de calcul d'un montant du chiffre minimal d'achats annuels que doit réaliser chaque distributeur agréé sous réserve que ce montant "ne dépasse pas 40 % du chiffre moyen d'achats réalisé, au cours de l'année écoulée par l'ensemble des points de vente présents sur le territoire d'un Etat membre". Ces modalités de calcul ont été confirmées par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans un arrêt du 12 décembre 1996 (Groupement d'achat Edouard Leclerc c/Commission - T-19-92 et T-88-92). Pour déterminer le chiffre moyen d'achats national d'une marque, il convient de diviser le chiffre d'affaires net hors taxes et hors duty free réalisé l'année précédente par l'ensemble de ses points de vente agréés dans le territoire d'un Etat membre donné, par le nombre de points de vente agréés cette même année sur ce même territoire. Le chiffre d'achats annuel maximum exigible par une marque à l'égard de chacun de ses distributeurs correspond alors à 40 % de ce chiffre moyen d'achats.
338. L'enquête administrative menée par la DGCCRF montre que, en l'espèce, cette norme est respectée de manière très inégale sur le marché français bien qu'une très grande majorité des marques aient repris, dans leurs contrats de distribution sélective, les modalités de calcul fixées par la Commission européenne.
339. Ainsi, pour l'année 1998, l'enquête montre que ne respectaient pas ces modalités les marques Armani, Chanel, Clinique, Estée Lauder, Givenchy, Guerlain, Héléna Rubinstein, Hermès, Issey Miyake, Kenzo, Lacoste, Lolita Lempicka, Patou, Nina Ricci, Rochas, Shiseido, et Yves Saint Laurent pour lesquels les écarts entre le chiffre d'achat annuel minimum exigé par la marque et le chiffre d'achat maximum exigible selon la réglementation communautaire, s'établissaient entre + 8,9 % (pour Hermès) à + 68 % (pour Lacoste), comme l'illustre le tableau ci-dessous qui précise les sources de calcul ayant conduit le rapport administratif d'enquête à ce constat :
<emplacement tableau>
340. S'agissant des marques Estée Lauder et Issey Miyake, des vérifications effectuées lors de la rédaction du rapport ont conduit à constater que les chiffres d'achat annuel minimum exigés respectaient bien le plafond de 40 % prévu par la jurisprudence communautaire.
4. L'EXIGENCE D'UN STOCK MINIMUM PERMANENT
341. Les contrats de distributeur agréé ou les conditions générales de vente établis par les fournisseurs exigent que les distributeurs disposent, en permanence, d'une très grande partie des références, en général les deux tiers voire la totalité. Un grand nombre de fournisseurs ajoutent à ces exigences la détention de toutes les nouveautés dès leur lancement ainsi que celle des produits faisant l'objet d'une campagne publicitaire ou promotionnelle, avec des contraintes de délais et de quantité parfois fortes. Toutefois, le non-respect de ces clauses n'entraîne pas de résiliation du contrat de distribution.
5. LES PRATIQUES DE SEPHORA CONCERNANT SON MAGASIN DES CHAMPS-ELYSEES
342. Entre les années 1996 et 1998, les éléments recueillis par l'enquête administrative montrent que Séphora a proposé à plusieurs de ses fournisseurs que lui soit garanti un taux de marge de 50 % sur les ventes réalisées dans son magasin des Champs-Élysées, "en raison du caractère exceptionnel" de ce point de vente, alors que ce taux est de 45 % pour ses autres magasins. Selon l'enquête, ce taux de marge majoré aurait été obtenu au terme de pressions et rétorsions exercées par Séphora sur ces fournisseurs.
343. La contrepartie de cet accord est incertaine, voire inexistante selon le mémorandum interne de Calvin Klein Cosmetics en date du 14 mai 1998 (cf. RAE cotes 007905 à 007908) intitulé "Success Story : Séphora" :
"Conditions demandées : ils [Séphora] exigent une garantie de 45 % de marge quel que soit le prix de vente des produits et, pour le magasin des Champs-Élysées, 50 %. Le tout, sans engagement d'objectifs.
Cette mesure a été décidée par le fondateur, D. H..., de façon à "soi-disant" juguler le discount sur les marques sélectives. Elle est en vigueur depuis janvier 1995".
344. Le directeur France de la société Lolita Lempicka, interrogé par les enquêteurs de la DGCCRF, a déclaré que sa société avait accepté de garantir la marge caisse de Séphora de 1997 à 1999 (cf. annexe n° 7, cotes N° 01257 à 01271). Cet engagement est également établi par un courrier du 22 avril 1999 au directeur des achats de Séphora (cf. annexe n° 7, cote 01292) dans lequel le directeur France de Lolita Lempicka écrit : "il n'est nullement question de revenir sur la base entérinée par nos discussions fournies depuis le début de l'année. Cependant, et pour rappel, nous étions d'accord pour une compensation de marge (45 % sur l'ensemble du réseau et 50 % sur les Champs-Élysées) que vous souhaitez désormais reconvertir à 11 % d'avantages inconditionnels sur le chiffre d'affaires facturé".
345. L'enquête montre, en outre, que d'autres marques auraient subi des pressions pour tacitement accepter de garantir les marges de Séphora.
346. Ainsi, la société BPI a refusé d'adhérer à un accord proposé par Séphora, refus dénoncé dans une lettre adressée par le distributeur à BPI le 15 janvier 1998 (cf. RAE, annexe n° 13, cote 687). En 1998, Séphora, a déréférencé les marques Jean Paul Gaultier et Issey Miyake. Après plusieurs mois de négociations, les sociétés sont finalement parvenues à un "accord" selon lequel BPI s'est engagé à verser 3 % de ristournes supplémentaires à Séphora pour la transmission d'informations relatives à ses ventes dans les magasins de la chaîne. Le fait que ces informations soient communiquées par Séphora gratuitement à tous les distributeurs corroborent le fait que cet "accord" a été obtenu par Séphora à la suite de ses pressions pour garantir sa marge caisse.
347. De même, selon les déclarations de son directeur France, la société Rochas a refusé de garantir la marge caisse de Séphora (cf. RAE annexe n°19, cotes 7015 et 7016) :
"En 1995, Séphora a exigé que nous leur garantissions leur taux de marge caisse à hauteur de 45 % pour l'ensemble de leurs magasins. Cette garantie devait selon leur exigence compenser leur perte de marge. Par ce système, Séphora souhaitait compenser ses pertes de marge provoquées par les pratiques de discount de certains de ses concurrents dont O'Dylia en région parisienne. Ce système nous aurait alors obligés à mettre en place une police des prix pour surveiller les prix de nos produits dans toutes les zones de chalandise où sont implantés des magasins Séphora. Dès 1995, Séphora a exercé des pressions commerciales pour nous faire accepter de leur garantir leur taux de marge caisse : présence en linéaire moins intéressante, mise en place retardée des nouveautés, retards dans le référencement de notre marque lors de l'ouverture de magasins. En 1997 (avril), cette pression s'est accentuée, Séphora nous ayant annoncé qu'ils déréférençaient notre gamme beauté dans un certain nombre de magasins".
348. A la suite de ces pressions, Rochas a été contraint d'accepter l'offre de conciliation de Séphora, soit le versement de 50 % de la somme correspondant à la compensation de la marge caisse (CF RAE, lettre de Séphora, annexe n° 19, cote 7338) sous la forme d'une "facture de coopération commerciale pour l'année 1997", ainsi que le confirment les déclarations du directeur France de Rochas : "En raison des pressions exercées par Séphora et le risque de déréférencement total, nous avons été contraints d'accepter cette offre de conciliation et payer 50 % de la remise compensatoire. Dès le paiement de 50 % de la remise compensatoire, Séphora a cessé d'exercer des pressions et a repris ses commandes normalement. De même, nos produits sont réapparus dans l'ensemble des magasins".
349. Dans ses déclarations consignées au procès-verbal du 12 octobre 1999, le directeur des achats de Séphora déclare que la demande de Séphora en vue de lui garantir un taux de marge déterminé ne constituait qu'un objectif : "Nous demandons aux marques qu'elles nous garantissent une marge de 45 % pour tous nos magasins à l'exception des Champs-Élysées, marge qui s'élève à 50 % (...) pour la mise en exécution de ces accords, nous communiquons à chaque marque l'évolution de leur chiffre d'affaires et la marge chaque mois pour chaque magasin. Si un ou plusieurs magasins voient leur marge chuter en raison de leur alignement sur le prix de vente d'un concurrent, nous tentons de négocier avec la marque pour des compensations éventuelles. Cette marge de 45 % est un objectif pour les marques et non pas un engagement de leur part".
350. Ces déclarations sont toutefois contredites par les directives de négociation résumées dans un document interne de Séphora intitulé : "Plan de négociation fournisseurs 1999-France" (cf. RAE cotes 008599 à 008601). Ce document précise en effet la stratégie de ce distributeur à l'égard des fournisseurs en distinguant le taux de marge atteint par chacun chez Séphora, l'objectif de l'année 1999 étant "d'améliorer le niveau de remise pour obtenir un minimum de 45 % de marge sur l'ensemble des fournisseurs". Une distinction est ainsi opérée entre les marques dont la marge est comprise entre 45 % et 50 % et celle dont la marge est inférieure à 45 %. Pour ces dernières, le plan de négociation est extrêmement précis. Il est ainsi demandé de mettre en place différentes mesures pour "améliorer conditions et marge caisse (accord pour remonter les prix sur certaines villes par exemple". A d'autres chapitres de ce plan de négociations, il est demandé, dans l'ordre :
"D'évaluer le poids que nous représentons chez eux (...) se renseigner si possible sur leurs prévisions 1999 (...)
- Recenser les marques ne payant pas les 5 % (pourcentage de marge supplémentaire pour le magasin des Champs-Élysées) (...)
- Etablir la liste des mesures de rétorsions pour les marques refusant de payer les 5 % Champs-Élysées. (...)
- Etablir la liste des mesures de rétorsions à l'encontre des marques avec lesquelles nous avons un désaccord.
- Mise en place d'une procédure comprenant les différents montages possibles de rémunération du volume afin de proposer plusieurs schémas aux marques".
351. Pour les marques dont la marge est comprise entre 45 et 50 %, le plan de négociation donne pour consigne le "refus de tout objectif conditionnant l'obtention des remises (...), un niveau de remise minimum quelle que soit la marge caisse [de] 15 %, la mise en place d'un droit d'entrée pour toute nouvelle marque référencée = marge minimum de 50 % + 5 % Champs-Élysées".
352. Un courrier de Calvin Klein à Séphora, adressé en recommandé le 15 avril 1997 (cf. RAE cote 007891), semble confirmer que la marque a fait l'objet d'un déréférencement sur le magasin des Champs-Élysées à titre de rétorsion. Le directeur général de la marque y fait part de ses "plus vives protestations. En effet, les accords conclus entre Calvin Klein Cosmétics France et Séphora (...) incluaient vos 53 magasins (...) y compris le magasin des Champs-Élysées (...) en retirant de la vente de votre magasin des Champs-Élysées les produits Calvin Klein, vous manquez à vos obligations contractuelles à l'écart de notre société. Cette pratique de déréférencement abusif est une tentative de pression à l'égard de notre entreprise pour obtenir des avantages discriminatoires".
353. Interrogé à ce sujet, le directeur France de Calvin Klein, auditionné par la rapporteure le 3 février 2005 déclarait : "Cette affaire passée démontre que Unilever s'est efforcé, à chaque étape, d'obtenir une contrepartie réelle de cet avantage réclamé par Séphora vraisemblablement injustifié. Nous avons été effectivement déréférencés sur le magasin des Champs-Élysées. Nous avons pu sortir de ce différend en négociant autre chose au niveau européen avec la conclusion, fin 1999, d'un accord de coopération européen avec Séphora couvrant la France, l'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et l'Angleterre. Cet accord donne aux deux parties toute satisfaction. A ce jour, Séphora n'a plus réclamé à Unilever de lui garantir son taux de marge".
C. LES GRIEFS NOTIFIÉS
354. Sur la base des constatations qui précèdent, les griefs suivants ont été notifiés :
355. Grief 1. A l'encontre des sociétés Parfums Loris Azzaro, Beauté Prestige International (JP Gaultier et I. Miyake), Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, Diana de Silva Cosmetics (J. Couturier International et Montana), Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Clinique et Estée Lauder), Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France (G. Armani, Lancôme et H. Rubinstein), Pacific Création Parfums (L. Lempicka), Procter et Gamble (J. Patou, H. Boss et Lacoste), PUIG Prestige Beauté (Nina Ricci), Parfums Rochas, Sisley, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, Unilever Cosmetics International France (C. Klein) et Yves Saint Laurent Parfums, et de la grande majorité leurs distributeurs agréés de parfums et cosmétiques de luxe au premier rang desquelles les sociétés Douglas, Marionnaud, Nocibé et Séphora France :
D'avoir, de manière concertée, mis en œuvre des actions ayant pour objet la fixation, la surveillance et le respect de prix imposés de vente aux consommateurs, pratiques ayant eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE, pouvant entraîner de facto l'inapplicabilité du règlement d'exemption communautaire par catégorie à l'ensemble des contrats.
356. Grief 2-A. A l'encontre des sociétés Parfums Loris Azzaro, Beauté Prestige International (pour la marque JP Gaultier), Chanel, Clarins France, Diana de Silva Cosmetics (pour J. Couturier International), Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Estée Lauder), Parfums Givenchy, Guerlain, L'Oréal Produits de luxe France (G. Armani, Lancôme et H. Rubinstein), Pacific Création Parfums (L. Lempicka), Procter et Gamble (pour H. Boss et Lacoste), PUIG Prestige Beauté (Nina Ricci), Shiseido France et Yves Saint Laurent Parfums : D'avoir instauré une politique de ristournes à l'égard de leurs distributeurs agréés dont l'objet était de s'assurer du respect de leur politique de prix imposés de vente aux consommateurs ayant eu pour effet de faire obstacle à la libre fixation des prix par le jeu de la concurrence.
357. Grief 2-B. A l'encontre des sociétés Parfums Loris Azzaro, Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, Diana de Silva Cosmetics (pour Montana), Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Estée Lauder et Clinique), Parfums Givenchy, Guerlain, L'Oréal Produits de luxe France (G. Armani, Lancôme et H. Rubinstein), Pacific Création Parfums (L. Lempicka), Procter et Gamble (pour J. Patou), PUIG Prestige Beauté (Nina Ricci), Parfums Rochas, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, Unilever Cosmetics International France (C. Klein) et Yves Saint Laurent Parfums : D'avoir instauré une politique de ristournes à l'égard de leurs distributeurs agréés dont l'effet cumulatif a eu pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en évinçant certains distributeurs (en particulier ceux ayant une dimension modeste n'appartenant pas à une chaîne nationale) et en figeant les parts de marché détenues par les marques les plus puissantes, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
358. Grief 3. A l'encontre des sociétés Les sociétés Parfums Loris Azzaro, Beauté Prestige International (JP Gaultier et I. Miyake), Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, Diana de Silva Cosmetics (J. Couturier International et Montana), Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Estée Lauder et Clinique), Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France (G. Armani, Lancôme et H. Rubinstein), Pacific Création Parfums (L. Lempicka), Procter et Gamble (J. Patou, H. Boss et Lacoste), PUIG Prestige Beauté (Nina Ricci), Parfums Rochas, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, et Yves Saint Laurent Parfums :
D'avoir mis en place une politique restrictive vis à vis des opérations publi-promotionnelles de leurs distributeurs agréés dont l'objet était pour partie de s'assurer du respect de leur politique de prix imposés de vente aux consommateurs, pratiques ayant eu pour objet et effet de fausser le jeu de la concurrence en violation, des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
359. Grief 4. A l'encontre des sociétés Beauté Prestige International (seulement pour la marque I. Miyake), Chanel, Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Estée Lauder et Clinique), Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France (pour les marques G. Armani, et H. Rubinstein), Pacific Création Parfums (L. Lempicka), Procter et Gamble (J. Patou et Lacoste), PUIG Prestige Beauté (Nina Ricci), Parfums Rochas, Shiseido France et Yves Saint Laurent Parfums :
D'avoir imposé à leurs distributeurs un chiffre d'affaires minimum (ou montant d'achat annuel minimum) supérieur à 40 % du chiffre moyen d'achats réalisé, au cours de l'année écoulée, par l'ensemble des points de vente pour chacune de ses marques, pourcentage maximal autorisé par la jurisprudence communautaire, pratique dont l'effet cumulatif a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence en limitant l'accès au réseau de distribution sélective et en restreignant la concurrence entre marques, en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
360. Grief 5. A l'encontre des sociétés Parfums Loris Azzaro, Beauté Prestige International (JP Gaultier et I. Miyake), Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, Diana de Silva Cosmetics (J. Couturier International et Montana), Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Estée Lauder et Clinique), Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France (G. Armani, Lancôme et H. Rubinstein), Pacific Création Parfums (L. Lempicka), Procter et Gamble (J. Patou, H. Boss et Lacoste), PUIG Prestige Beauté (Nina Ricci), Parfums Rochas, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, Unilever Cosmetics International France (C. Klein) et Yves Saint Laurent Parfums :
D'avoir exigé de leurs distributeurs agréés dans leurs contrats qu'ils détiennent en permanence une large part de leurs gammes de produits, limitant ainsi fortement leur liberté commerciale et leur imposant des surcoûts élevés". "L'effet cumulatif de cette pratique a eu pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, en particulier intra marque, et d'évincer certains distributeurs (en particulier ceux ayant une dimension modeste n'appartenant pas à une chaîne nationale) en violation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
361. Grief 6. A l'encontre de la société Séphora : D'avoir, entre 1995 et 1999, abusé de sa position de leader du marché de la distribution et de sa position dominante sur le marché des Champs-Élysées en obtenant, à la suite de pressions et de rétorsions, que les marques Calvin Klein, Shiseido, YSL, Lolita Lempicka, Hermès, Issey Miyake, Jean Couturier International, Jean-Paul Gaultier et Rochas lui garantissent un taux discriminatoire de marge de 45 % pour l'ensemble de ses magasins et de 50 % pour celui des Champs-Élysées, pratique ayant eu pour objet, en violation des dispositions de l'article L. 420-2 et de l'article 82 du traité CE, de fausser la concurrence en permettant à Séphora France de s'aligner sur les prix les plus bas pratiqués par ses concurrents, tout en obtenant des compensations financières de la part des fournisseurs qui étaient contraints de lui garantir sa marge, ce qui lui permettait de renforcer sa position de leader sur le marché national de la distribution sélective et sa position dominante sur le marché local des Champs-Élysées.
362. Dans son rapport, la rapporteure a estimé que le grief n° 5 relatif à l'obligation de détention par les distributeurs agréés d'un stock minimum permanent devait être abandonné. Elle a également estimé que le grief n° 2-A, relatif aux dispositifs de remises qualitatives, et n° 3 relatif aux restrictions pesant sur les politiques publi-promotionnelles des distributeurs devaient être examinés de manière commune avec le grief principal n° 1 d'entente sur les prix auxquels ils pouvaient être rattachés.
II. Discussion
363. Seront successivement examinés :
- la question de la prescription éventuelle (A),
- les moyens de procédure (B),
- le bien fondé des griefs notifiés (C).
A. SUR LA QUESTION DE LA PRESCRIPTION EVENTUELLE
364. Aux termes de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce : "Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction".
365. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, BPI, Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, ELCO, Guerlain, Parfums Givenchy, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Séphora France, Shiseido France et Yves Saint Laurent Parfums soulèvent la prescription des faits, la saisine d'office étant datée du 21 octobre 1998 et l'envoi de la notification de griefs du 5 avril 2005. Elles exposent, en se fondant sur un arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 mars 2003, "José Peix contre Commission" (affaire T 125-01), qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu, entre 1998 et 2005, le dépôt du rapport d'enquête n'interrompant pas la prescription et les demandes de renseignements effectuées par la précédente rapporteure n'ayant pu, par leur objet purement circonstanciel, interrompre la prescription.
366. S'agissant de la jurisprudence communautaire, il convient de rappeler le principe d'autonomie procédurale selon lequel les autorités nationales de concurrence doivent respecter les règles procédurales de droit interne, y compris lorsqu'elles ont à appliquer le droit communautaire. Dans un arrêt Pharmalab du 14 décembre 2004, la Cour de cassation a ainsi rappelé : "Les autorités nationales, statuant sur l'application du droit communautaire, appliquent les règles de droit interne. (...) ; qu'en droit interne, le Conseil de la concurrence, qu'il soit saisi d'une violation du droit communautaire ou du droit interne, dispose de pouvoirs identiques pour ordonner une mesure conservatoire ; qu'en conséquence, ces dispositions procédurales de droit interne ne peuvent être ni écartées ni interprétées à la lumière de la jurisprudence communautaire".
367. Dès lors, il appartient au Conseil d'apprécier si les actes de procédure qui lui sont soumis constituent des actes tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des pratiques, au regard de l'article L. 462-7 du Code de commerce, dans le respect de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour d'appel de Paris.
368. Or, de jurisprudence constante, comme le rappellent les décisions du Conseil n° 02-D-60 du 27 septembre 2002, n° 03-D-18 du 12 février 2003, n° 03-D-37 du 29 juillet 2003 et n° 03-D-65 du 22 décembre 2003, le dépôt du rapport d'enquête qui tend à la recherche et à la constatation des faits, interrompt la prescription. Ce dépôt date, en l'espèce, du 20 septembre 2000.
369. Par ailleurs, les demandes de communication de renseignements relatifs à la situation juridique et financière des entreprises impliquées dans la procédure interrompent la prescription, ainsi que l'a confirmé l'arrêt Solatrag de la Cour d'appel de Paris du 15 juin 1999. En l'espèce, les courriers de la précédente rapporteure adressés le 23 juin 2003 à plusieurs distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe demandaient, notamment, à ces entreprises le montant de leurs chiffres d'affaires. Ces demandes avaient donc pour objet de déterminer la situation financière des distributeurs et leurs chiffres d'affaires, données nécessaires pour déterminer les éventuelles sanctions pécuniaires à venir. En conséquence, ces demandes constituent des actes tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des pratiques et ont donc interrompu la prescription.
370. En conséquence, le moyen relatif à la prescription de la procédure doit être écarté.
B. SUR LES MOYENS DE PROCEDURE
1. EN CE QUI CONCERNE LA DUREE DE LA PROCEDURE
371. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, Chanel, Parfums Christian Dior, Clarins France, Parfums Givenchy, Guerlain et Kenzo Parfums ELCO, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Nocibé et Séphora France font valoir que les faits incriminés remontent à plus de sept ans, ce qui a compliqué pour elles la recherches des pièces susceptibles de justifier les pratiques qui leur étaient reprochées, et que la lenteur de la procédure les a privées d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH).
372. Le Conseil a rappelé, dans une décision n° 00-D-39 en date du 24 janvier 2001 que "le délai raisonnable prescrit par la Convention doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de la procédure". Or, en l'espèce, il a été notifié six griefs à 26 sociétés pour des pratiques concernant l'ensemble du marché national des parfums et cosmétiques de luxe. La reconstitution des faits et leur qualification juridique se sont avérées difficiles en raison du nombre des parties en jeu et de la complexité des pratiques constatées. Les annexes du rapport administratif représentaient plus de 13 000 pages. Dès lors, la nature, l'ampleur et la complexité du dossier justifient la durée de l'instruction.
373. En outre, il convient de préciser qu'aux termes de l'article L. 110-4 du Code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent généralement par dix ans, de sorte que les entreprises ont l'obligation de conserver leurs documents commerciaux pendant ce délai.
374. Dès lors, les parties étaient tenues de conserver les pièces relatives aux pratiques en cause de sorte qu'elles ne démontrent pas en quoi la durée de la procédure aurait conduit à une déperdition des preuves éventuellement à décharge et les aurait empêchées d'exercer leurs droits de la défense.
375. Au surplus, en l'absence d'une telle démonstration, il résulte d'une jurisprudence constante, rappelée par la Cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, qu'à supposer les délais de la procédure excessifs, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi. Ce n'est que dans l'hypothèse où les droits de la défense auraient été irrémédiablement compromis qu'une telle annulation pourrait être demandée, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
376. En conséquence, le moyen relatif à la nullité de la procédure en raison de sa durée doit être écarté.
2. EN CE QUI CONCERNE LA REGULARITE DE LA SAISINE D'OFFICE
377. En se fondant sur le non-respect du principe non bis in idem, les sociétés Parfums Loris Azzaro, BPI, Clarins France, ELCO, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Séphora France, Shiseido France et Yves Saint Laurent Parfums soutiennent que la saisine d'office du Conseil serait nulle car les faits relatifs à la saisine auraient fait l'objet d'une décision de classement du Conseil.
378. A cet égard, il convient de rappeler que le principe non bis in idem s'oppose à ce que, lorsque le Conseil a rendu une décision au fond (condamnation ou relaxe) sur des pratiques à l'encontre d'une entreprise, il puisse statuer une deuxième fois sur ces pratiques à l'encontre de la même entreprise. Trois conditions doivent donc être réunies : l'existence d'une première décision au fond, l'identité des parties et l'identité de l'objet.
379. En l'espèce, c'est à la suite du désistement, le 15 octobre 1998, du ministre de l'Economie qui avait saisi le Conseil, le 10 septembre 1993, de "pratiques relevées dans le secteur des parfums et cosmétiques de luxe", que le Conseil a décidé, le 21 octobre 1998, de se saisir d'office. Une autre saisine mettant également en cause le secteur de la parfumerie de luxe, datée du 23 novembre 1995 et émanant d'un groupement de parfumeries, avait, elle aussi, fait l'objet d'un désistement en octobre 1998.
380. Dans les deux cas, le Conseil a donc rendu une décision de classement consécutive à un désistement. Cette décision, qui ne prend pas parti sur l'éventuelle qualification des pratiques dénoncées dans les saisines retirées et a pour seul objet de constater le désistement des parties, n'a pas autorité de la chose décidée. Le principe non bis in idem ne s'applique donc pas en l'absence d'une décision de fond.
381. Au surplus, la saisine d'office n'avait pas le même objet que la saisine du ministre de l'Economie du 10 septembre 1993, qui visait les clauses des contrats de distribution sélective. La condition liée à l'identité de l'objet, qui conditionne en partie l'application du principe du non bis in idem, n'est donc pas davantage réunie en l'espèce.
382. En conséquence, le moyen tiré de la nullité de la saisine d'office par application du principe non bis in idem doit être écarté.
3. EN CE QUI CONCERNE LE CHAMP DE LA SAISINE
383. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, Chanel, Clarins France, Parfums Christian Dior, ELCO, Guerlain, Parfums Givenchy, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Séphora France, Shiseido France et Yves Saint Laurent Parfums exposent que le Conseil ne peut se prononcer sur des pratiques afférentes aux "cosmétiques" de luxe, la saisine d'office ne visant que le secteur de la "parfumerie" de luxe (premier point). Par ailleurs, il ne pourrait pas davantage se prononcer sur les pratiques postérieures à sa saisine (second point).
384. Mais le Conseil rappelle que, dans son arrêt du 22 février 2005 (Decaux), la Cour d'appel de Paris s'est prononcée sur les questions du champ matériel et temporel de la saisine du Conseil dans les termes suivants :
"Considérant que le Conseil qui est saisi in rem de l'ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement d'un marché et n'est pas lié par les demandes et qualifications de la partie saisissante, peut, sans avoir à se saisir d'office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a procédé à la suite de sa saisine qui, quoique non visées expressément dans celle-ci, ont le même objet ou le même effet que celles qui lui ont été dénoncées ; qu'il peut également retenir, parmi ces pratiques, celles qui se sont poursuivies après sa saisine".
385. En l'espèce, sur le premier point, l'enquête de la DGCCRF a révélé des pratiques portant sur les cosmétiques de même nature que celles révélées pour les parfums, pratiques ayant manifestement le même objet et le même effet. En outre, comme le souligne la notification de griefs, les contrats de distribution sélective des fabricants visent indistinctement les deux produits - cosmétiques et parfums-, tandis que les montants des achats annuels devant être réalisés par chaque distributeur sont globalisés et que les conditions d'attribution des ristournes sont définies, en règle générale, indifféremment pour les deux catégories de produits.
386. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Shiseido France, le secteur des cosmétiques ne constitue pas un marché connexe du marché des parfums mais appartient à ce même marché pertinent. L'INSEE leur réserve un Code commun sous la dénomination de "Commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté" (52.3E). Par ailleurs, dans un avis du 1er décembre 1983, la Commission de la concurrence, dans le cadre d'une saisine relative au secteur des parfums, s'est considérée valablement saisie de la situation de la concurrence des articles de parfumerie et des produits de beauté, soulignant que leur cadre contractuel était identique. Dans sa décision n° 96-D-57 du 1er octobre 1996, le Conseil a inclus, dans le secteur des produits cosmétiques visé à l'article L 658-1 du Code de la santé publique, la parfumerie ; dans une autre décision n° 03-D-53 du 26 novembre 2003, les parfums et cosmétiques sont visés ensemble sous l'appellation générique de "produits de beauté". Enfin, la Commission européenne, dans une décision du 24 juillet 1992 (Givenchy 92-428-CEE), a mis en évidence l'existence d'un segment de luxe pour le marché des produits cosmétiques qui recouvre la parfumerie et les articles de soins et de beauté.
387. En conséquence, s'agissant d'une saisine in rem, le Conseil pouvait conduire ses investigations sur l'ensemble du marché pertinent, incluant les parfums et les cosmétiques de luxe, sans qu'il lui soit nécessaire de prendre une décision formelle d'extension de sa saisine d'office.
388. Sur le second point, s'agissant de pratiques continues qui se sont poursuivies après sa saisine, le Conseil peut retenir, dans son examen, les faits se rattachant à ces pratiques postérieurs au 21 octobre 1998.
389. En conséquence, les moyens selon lesquels le Conseil aurait irrégulièrement excédé le champ de sa saisine doivent être écartés.
4. EN CE QUI CONCERNE L'IMPARTIALITE
390. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, Clarins France, Parfums Christian Dior, ELCO, Guerlain, Parfums Givenchy, Kenzo Parfums et L'Oréal Produits de luxe France soutiennent que la présence de la même rapporteure pour l'instruction de l'affaire classée précitée, le délibéré de la décision de saisine d'office du Conseil et l'instruction de la présente affaire affecterait celle-ci de nullité, la rapporteure n'ayant pu être impartiale.
391. Cependant, la présence du même rapporteur au délibéré d'une saisine d'office et pour l'instruction au fond de l'affaire a été validée par la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt en date du 27 novembre 2001 relatif au secteur du crédit immobilier. La cour d'appel a, en effet, considéré que la décision par laquelle le Conseil s'est saisi d'office "a eu pour seul objet d'ouvrir la procédure devant le Conseil de la concurrence afin que puissent être conduites les investigations pouvant servir de base à la notification ultérieure de griefs, sans qu'à ce stade aucun fait ne puisse être qualifié ni aucune pratique anticoncurrentielle imputée à quiconque".
392. La cour d'appel, après avoir relevé que la décision de saisine d'office avait été prise par le Conseil de la concurrence, après délibéré du président et des deux vice-présidents composant la formation de jugement, a considéré "qu'aucun texte ne faisait obstacle à ce qu'il demande à un rapporteur permanent de rassembler des éléments lui permettant d'apprécier l'intérêt qu'il pouvait y avoir à se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier et à ce que ce rapporteur présente des observations orales devant la commission permanente appelée à se prononcer sur ce point".
393. Elle a, par ailleurs, estimé que le fait que le rapporteur ait assisté au délibéré de la commission permanente (formation appelée à statuer sur l'affaire) n'affecte pas davantage la validité de la décision de saisine d'office, dès lors que celle-ci s'est bornée à ouvrir la procédure afin qu'il puisse être ultérieurement procédé aux investigations utiles pour l'instruction des faits dont le Conseil estimait devoir se saisir.
394. Le fait que la même rapporteure ait instruit l'affaire classée et ait été nommée rapporteure dans la présente affaire n'est pas davantage contraire au principe d'impartialité, dès lors qu'aucune décision au fond n'a été rendue par le Conseil dans la première procédure.
395. En conséquence, il convient d'écarter ce moyen.
5. EN CE QUI CONCERNE LA VALIDITE DE L'ENQUETE ADMINISTRATIVE ET DES PROCESVERBAUX
396. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, Chanel et Clarins France soutiennent que la procédure d'habilitation ministérielle des agents de la DGCCRF chargés de l'enquête n'aurait pas été régulière (premier point). Les sociétés Parfums Loris Azzaro, Clarins et Yves Saint Laurent Parfums avancent que les procès-verbaux dans lesquels ont été recueillies les déclarations des directeurs de ces sociétés seraient illégaux ainsi que l'ensemble des procès-verbaux dressés par les agents de la DGCCRF dans le cadre de l'enquête, au motif que les personnes entendues n'ont pas "été clairement informées de l'objet de l'enquête" (second point).
397. Mais sur le premier point, contrairement à ce que prétendent les parties, les agents des catégories A et B de la DGCCRF n'ont pas à être individuellement habilités pour mener leurs enquêtes en l'absence de recours à la procédure de visite et saisie. L'article 1er de l'arrêté du 28 janvier 1993, publié au Journal Officiel n° 23 du 28 janvier 1993 relatif à l'habilitation des fonctionnaires pouvant procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 dispose, en effet, que : "Les fonctionnaires de catégorie A et de catégorie B placés sous l'autorité du Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sont habilités, en application de l'article 45, alinéa I, (devenu l'article L. 450-1 du Code de commerce) de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, à procéder aux enquêtes dans les conditions prévues au titre VI de l'ordonnance précitée et au décret du 29 décembre 1986".
398. Sur le second point relatif à la validité des procès-verbaux d'enquête, il y a lieu de rappeler l'arrêt "Bec Frères" du 20 novembre 2001 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, aux termes duquel "la mention pré-imprimée sur le procès-verbal selon laquelle l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance de la personne entendue suffit à justifier, jusqu'à preuve du contraire, de l'indication de cet objet". La chambre commerciale a précisé l'étendue de la présomption relative à la mention imprimée sur les procès-verbaux dans un arrêt du 14 janvier 2003 (aménagement du port de plaisance de Sokoburu) dans les termes suivants : "Alors que si le principe de loyauté s'impose aux agents enquêteurs, la preuve qu'il n'a pas été satisfait à cette exigence incombe aux demandeurs en nullité ; que l'absence de mention dans le procès-verbal que l'objet et la nature de l'enquête ont été préalablement portés à la connaissance de la personne entendue ne suffit pas à faire l'établissement de cette preuve (...) ;
Alors que les déclarations consignées dans le procès-verbal peuvent suffire à établir par elles-mêmes que le déclarant n'ignorait pas qu'il était entendu sur des faits susceptibles de révéler des infractions économiques".
399. Le Conseil de la concurrence a fait sienne cette jurisprudence dans sa décision "Boulangers de la Marne" n° 04-D-07 du 11 mars 2004 confirmée, sur ce point, par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 26 octobre 2004. A ce sujet, la cour a considéré que "cette preuve est établie en l'espèce, les procès-verbaux d'audition des intéressés portant la mention dactylographiée ou pré-imprimée que les enquêteurs se sont présentés comme "habilités à procéder aux enquêtes nécessaires à l'application du livre IV du Code de commerce par l'article L. 450-1 du Code de commerce (...)", et qu'ils ont indiqué à chacune des personnes entendues "l'objet de (leur) enquête relative à la vérification du respect des dispositions du livre IV du Code de commerce dans le secteur de la boulangerie pâtisserie".
400. En l'espèce, il convient de relever que tous les procès-verbaux portent la mention dactylographiée ou pré-imprimée que les enquêteurs se sont présentés comme "habilités à mener les enquêtes dans les conditions prévues par l'article 47 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, par l'article 45 de l'ordonnance précitée et les arrêtés du 22 janvier 1993 et du 11 mars 1993 modifié". Les procès-verbaux déclarent en outre, en première page, "Nous avons justifié de notre qualité (...) avons indiqué l'objet de notre enquête relative à la vérification du respect des dispositions du titre III de l'ordonnance du 1e décembre 1986 dans le secteur de la parfumerie et des cosmétiques. Il ne peut donc être soutenu que l'objet de l'enquête n'a pas été communiqué de façon suffisamment claire aux personnes auditionnées. Ce moyen doit donc être écarté.
401. Les sociétés Unilever Cosmetics International France (LCI), Hermès Parfums et Séphora France rappellent que la présente saisine a fait l'objet de deux demandes d'enquête successives de la part de la présidente du Conseil de la concurrence : la première, datée du 30 décembre 1998, à laquelle était jointe une note rédigée sur papier blanc, non datée et non signée, et la seconde, datée du 30 mars 1999, adressant à la DGCCRF une nouvelle demande d'enquête, accompagnée d'une nouvelle note d'orientation sur papier à en-tête du Conseil, datée et signée par la rapporteure désignée, dans laquelle la présidente précisait que cette seconde demande annulait la précédente. Or, le rapport administratif d'enquête se réfère uniquement à la première demande d'enquête du 30 décembre 1998. Cette dernière ayant été annulée par la seconde, les parties soutiennent que tous les éléments recueillis par les enquêteurs ainsi que le rapport d'enquête sont frappés de nullité.
402. Il convient de noter que l'intervention d'une seconde demande d'enquête était justifiée par un arrêt du 25 février 1999 de la Cour d'appel de Paris, qui avait annulé une décision du Conseil au motif que la note d'orientation jointe à la demande de renseignement "ne comport(ait) (...) aucune mention relative à son auteur". Il s'agissait donc d'une régularisation formelle de la demande d'enquête. Sur le fond, il apparaît que le rapport d'enquête, dans son contenu, se réfère bien à la seconde demande d'enquête du 30 mars 1999, laquelle avait élargi le champ de la première au problème du dépassement du chiffre d'affaires minimum annuel devant être atteint par chaque distributeur et à de nouvelles marques (Guerlain, Kenzo et Rochas). De fait, le rapport d'enquête consacre le premier chapitre de son titre I à "l'exigence de la réalisation par le distributeur agréé d'un chiffre minimal d'achat annuel", sujet qui était absent de la première note d'orientation jointe à la première demande d'enquête.
403. En conséquence, si la DGCCRF a commis une erreur matérielle en visant, lors de la transmission de son rapport d'enquête, la demande du Conseil du 30 décembre 1998 au lieu de celle du 30 mars 1999, cette erreur matérielle est sans influence sur la validité de son rapport.
404. Les sociétés Parfums Christian Dior, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums soutiennent que les demandes d'enquête des 30 décembre 1998 et 30 mars 1999 relatives à la présente affaire seraient irrégulières car le Conseil se serait fondé, lors de sa décision de saisine d'office, sur des éléments classés relatifs aux deux affaires antérieures précitées, portant sur le même secteur, qui avaient fait l'objet d'un désistement en octobre 1998.
405. Cet argument, qui n'est pas fondé en droit, manque en fait car la présente procédure ne se fonde pas sur des pièces ou informations contenues dans les affaires classées précitées. S'agissant de la saisine, le Conseil n'a pas à motiver les éléments sur lesquels il s'est fondé pour se saisir d'office, comme l'a jugé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt précité du 27 novembre 2001.
406. Il convient donc d'écarter l'ensemble des moyens soulevés à l'appui de la nullité du rapport d'enquête et des procès-verbaux qui ont été dressés dans le cadre de cette enquête.
6. EN CE QUI CONCERNE L'ACCES AU DOSSIER
407. La société Chanel soutient que l'envoi de la notification de griefs et de ses annexes sous forme d'un "CD Rom" lui aurait compliqué la tâche.
408. Le Conseil a rappelé à plusieurs reprises que la confection et l'envoi d'un CD Rom au stade de la notification de griefs ne sont qu'une facilité supplémentaire offerte aux entreprises par le Conseil. Dès lors, les parties pouvaient venir consulter le dossier au Conseil, ce qu'elles ont d'ailleurs fait, à de rares exceptions près.
7. EN CE QUI CONCERNE L'IMPRECISION PRETENDUE DES GRIEFS
409. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, BPI, Chanel, Comptoir nouveau de la Parfumerie et ELCO considèrent que l'imprécision du grief n° 1 d'entente verticale sur les prix, en visant "la grande majorité (des) distributeurs agréés de parfums et cosmétiques de luxe au premier rang desquelles les sociétés Douglas, Marionnaud, Nocibé et Séphora France" ne leur permettait pas d'exercer les droits de la défense, les parties à l'entente n'étant pas clairement identifiées s'agissant des distributeurs (premier point).
410. Les sociétés BPI, Comptoir nouveau de la parfumerie, Marionnaud et Yves Saint Laurent Parfums soutiennent que le rassemblement, au sein de ce même grief n° 1 des faits évoqués à l'appui du grief n° 2-A relatif aux dispositifs de ristournes et au grief n° 3 relatif aux restrictions pesant sur les politiques publi-promotionnelles des distributeurs a créé une confusion dommageable à l'exercice de leur défense. La société Comptoir nouveau de la parfumerie estime qu'il aurait fallu adresser aux parties une nouvelle notification de griefs (second point).
411. Mais sur le premier point, il résulte de la jurisprudence constante, tant nationale qu'européenne, que la démonstration d'une entente verticale sur les prix entre un fournisseur et ses distributeurs exige la démonstration de la commission de la pratique illicite par le producteur (point qui sera abordé ci-après), mais n'exige pas la mise en cause de chacun de ses distributeurs. Les fournisseurs poursuivis ne sont donc pas fondés à prétendre que l'absence de mise en cause de certains distributeurs ne leur permettait pas d'identifier clairement la pratique qui leur était reprochée.
412. Sur le second point, il est constant qu'un même fait, une même pièce ou une même déclaration peut être pris en compte pour examiner le bien fondé de griefs différents. La circonstance que le rapport ait étayé le premier grief par des faits exposés initialement au soutien de griefs qui avaient été distingués dans la notification de griefs n'a pas eu pour conséquence d'établir un grief nouveau et de porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure.
8. EN CE QUI CONCERNE LE DELAI SUPPLEMENTAIRE DONT ONT BENEFICIE CERTAINES PARTIES POUR PRESENTER LEURS OBSERVATIONS
413. La société Clarins France soutient que l'octroi d'un délai supplémentaire à "quatre nouvelles sociétés" du groupe LVMH a donné à ces dernières un nouvel accès au dossier tandis que la société ELCO considère que ce délai a constitué une violation des droits de la défense.
414. Il apparaît que les quatre sociétés qui ont bénéficié d'un délai supplémentaire pour présenter leurs écritures - Parfums Christian Dior, Parfums Givenchy, Guerlain, et Kenzo Parfums-, faisaient l'objet de griefs individualisés pour chacune d'entre elles dès l'envoi de la notification de griefs à toutes les parties ; c'est en raison de l'envoi de ce document au service juridique commun à ces quatre sociétés que le bureau de la procédure du Conseil a adressé, à nouveau, la même notification de griefs, durant l'été 2005, à chacune des quatre sociétés, leur donnant ainsi la possibilité d'adresser au Conseil des observations complémentaires à celles qu'elles avaient déjà envoyées en réponse au premier envoi de la notification de griefs, par la voie de leur conseil commun. Il ne s'agissait donc pas d'une nouvelle notification de griefs mais d'une seconde notification des mêmes griefs aux sièges de ces quatre sociétés et non à l'adresse de leur service juridique commun.
415. L'octroi de ce délai supplémentaire, justifié pour les raisons évoquées ci-dessus, n'a pu faire grief aux autres parties, qui ont disposé du délai légal pour présenter leurs observations, en premier lieu en réponse à la notification de griefs et, en second lieu, en réponse au rapport qui leur a été adressé.
9. EN CE QUI CONCERNE L'UTILISATION DES PIECES DU DOSSIER
416. Les sociétés Chanel et Marionnaud considèrent que le recours par la rapporteure, dans le cadre de son rapport, à des pièces figurant au dossier mais non citées à l'appui de la notification de griefs les a privées d'un droit de réponse en violation des droits de la défense. Par surcroît, Chanel soutient que le fait que ces preuves n'aient pas été évoquées dans la notification de griefs tendrait à démontrer que cette dernière n'était pas suffisamment claire et incriminante.
417. La circonstance que la rapporteure se soit appuyée, au stade du rapport, sur des pièces figurant au dossier qui, bien que venant conforter les griefs notifiés, n'avaient pas été expressément citées au stade de l'envoi de ces derniers, est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que les parties ont disposé du délai légal, à la suite de la notification du rapport, pour y répondre. De fait, les nouveaux éléments matériels évoqués dans le rapport n'ont pas modifié les griefs notifiés dans l'un quelconque de leurs trois éléments constitutifs (description des faits, qualification juridique, imputation à une ou plusieurs entreprises), mais ont seulement confirmé l'accusation initiale par des démonstrations supplémentaires à l'appui du raisonnement précédemment développé dans la notification de griefs apportant, par exemple, de nouveaux indices sur l'existence d'une police des prix ou sur la participation active de certains distributeurs à l'entente dénoncée.
418. Par suite, ce moyen doit être écarté.
10. EN CE QUI CONCERNE LE SECRET DES AFFAIRES
419. La société L'Oréal Produits de luxe France soutient que la décision de rejet de sa demande de secret des affaires après l'envoi du rapport aux parties relève d'un oubli et d'une erreur ; elle soutient que la publication des documents pour lesquels elle avait demandé le secret lors de la transmission de ses observations en réponse à la notification de griefs, lui a fait subir un traitement discriminatoire par rapport à la société Chanel qui a bénéficié du secret des affaires pour un document ayant le même objet.
420. En vertu de l'article L. 463-4 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la présente affaire, "le président du Conseil de la concurrence ou un vice-président délégué par lui, peut refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires, sauf dans le cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à la procédure ou à l'exercice des droits des parties. Les pièces considérées sont retirées du dossier ou certaines mentions occultées".
421. En l'espèce, la société L'Oréal Produits de luxe France ne démontre pas en quoi le refus d'accorder le secret des affaires pour les pièces litigieuses, à supposer qu'il crée pour elle un préjudice susceptible d'être réparé, pourrait justifier la nullité de la procédure.
C. SUR LE BIEN FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
1. SUR LES QUESTIONS D'IMPUTATION
a) En ce qui concerne la société Diana de Silva
422. Les sociétés Montana et Jean Couturier ayant fait l'objet d'un rachat par la société Diana de Silva Cosmétiques du groupe Bracco (Italie), c'est à cette dernière, qui vient aux droits et obligations des sociétés Montana et Jean Couturier International, qu'ont été notifiés les griefs retenus à l'encontre de ces entreprises.
423. Par lettre du 22 juin 2005 (cf. annexe n° 11, cote 02540) l'ancien directeur général de la société Jean Couturier International a indiqué que la société Diana de Silva a cédé, le 31 mars 2005, l'ensemble des actifs relatifs à son activité de fabrication et de commercialisation de parfums et cosmétiques de luxe à la société COSMOPROD SRL, dont le siège se trouve à Milan et a affirmé que "la société Diana de Silva S.p.a. a fait l'objet d'une dissolution".
424. Après vérification auprès de l'autorité de concurrence italienne, l'Autorità Garante della Concorrenza (cf. annexe n° 11, cote 02556), il s'avère que la société Diana de Silva Cosmétiques S.p.A. existe toujours, bien qu'elle ait changé de nom pour s'appeler aujourd'hui SAC S.p.A. Ses numéros d'identification fiscale et de registre sont inchangés ainsi que l'activité pour laquelle elle est enregistrée, qui demeure la fabrication de cosmétiques et d'articles de toilette. Elle reste également filiale à 100 % du groupe Bracco.
425. Par ailleurs, les statistiques de European forecast pour 2004 font état d'un chiffre d'affaires de 0,81 million d'euro pour la vente en France des produits de la marque Montana.
426. En conséquence, les griefs notifiés à la société Diana de Silva S.p.A., aujourd'hui dénommée SAC S.p.A., peuvent faire l'objet d'un examen par le Conseil.
b) En ce qui concerne la société Procter et Gamble France
427. Pour les marques Jean Patou et Lacoste, le rapport a écarté la responsabilité de la société Procter et Gamble France en reconnaissant que c'est la société Sofipar SAS qui aurait dû être destinataire des griefs. De fait, Jean Patou Parfumeur SA a cédé à Procter et Gamble France le 13 septembre 2001 tous les actifs relatifs à la fabrication et à la distribution des produits Jean Patou et Lacoste. Le 25 juin 2002, la société Jean Patou Parfumeur SA a été absorbée par Jean Patou Parfumeur SAS, dont la dénomination sociale est devenue "Sofipar SAS", société toujours inscrite au registre du commerce.
428. S'agissant de la marque Hugo Boss, il apparaît qu'au moment des faits, elle appartenait à la société Eurocos Cosmetics GmbH, société de droit allemand juridiquement distincte de la société Procter et Gamble France. En conséquence, le Conseil considère qu'il convient d'écarter l'imputabilité des faits à l'encontre de Procter et Gamble France.
429. En conséquence, les griefs notifiés à la société Procter et Gamble France ne peuvent être examinés par le Conseil dans le cadre de la présente procédure.
c) En ce qui concerne la société Pacific Création Parfums
430. La société Pacific Création Parfums soutient que "seule la société anonyme Parfums Lolita Lempicka pourrait être concernée par les griefs" car ces deux sociétés qui appartiennent au même groupe - Pacific Europe - sont deux entités juridiquement distinctes et "seule la SA Parfums Lolita Lempicka commercialise le parfum sous la marque "Lolita Lempicka".
431. Cependant, en réponse au courrier d'instruction adressé, le 23 juin 2003, par la précédente rapporteure à la société Lolita Lempicka SA, c'est le directeur France de Pacific Création Parfums qui a répondu au Conseil le 22 septembre 2003, en lui adressant les documents contractuels demandés sur papier à en-tête de Pacific Création Parfums. Sur ce courrier figurent les deux logos ainsi que les noms des marques "Parfums Lolita Lempicka" et "Castelbajac Parfums".
432. Il apparaît donc qu'en répondant au courrier d'instruction concernant Lolita Lempicka SA, le directeur France de Pacific Création Parfums a démontré l'absence d'autonomie effective de la société Lolita Lempicka SA vis-à-vis de Pacific Création Parfums. De surcroît, en s'inspirant du raisonnement suivi par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt Orkem contre Commission du 18 octobre 1989 (affaire 374-87), il doit être considéré qu'en répondant à ce courrier d'instruction, la société Pacific Création Parfums a implicitement reconnu qu'elle était bien la société qui devait répondre des faits évoqués dans le dossier. Les éléments versés au dossier par Pacific Création Parfums au soutien de l'autonomie de Lolita Lempicka SA sont insuffisants pour renverser cette présomption.
433. Compte tenu de ces éléments, la société Pacific Création Parfums est l'auteur des pratiques en cause et les griefs notifiés à son encontre peuvent être examinés par le Conseil.
d) En ce qui concerne la société Clarins France
434. La société Clarins France SAS soutient que c'est à tort que les griefs lui ont été notifiés dans la mesure où c'est la société Clarins SA, aujourd'hui holding de Clarins France SAS dont elle est l'actionnaire unique, qui assurait à l'époque des faits (années 1995 à 2000), la diffusion des produits de la marque Clarins.
435. Cependant, plusieurs éléments de l'instruction tendent à démontrer que le groupe Clarins a sciemment entretenu une confusion entre ces deux sociétés.
436. En premier lieu, alors que le courrier d'instruction du 23 juin 2003 demandait à tous les fournisseurs de parfums et cosmétiques de luxe auxquels la notification de griefs a été adressée de transmettre au Conseil leurs contrats de distribution sélective pour les années 2000, 2001, 2002 et 2003, l'enquête administrative ayant seulement permis de recueillir le contrat applicable en 1998, il n'a été transmis par Clarins que le contrat de distributeur agréé 1998 en précisant que ce contrat "est resté en vigueur pour les années 1999 à 2002 incluses".
437. En second lieu, lors de l'audition des responsables de Clarins au Conseil le 8 février 2005, ces derniers n'ont pas fait mention de l'existence des deux sociétés, Clarins SA et Clarins France, ni précisé les rôles respectifs de ces deux sociétés dans la distribution des produits Clarins. En outre, les deux personnalités qui ont choisi de répondre à la demande d'audition étaient le directeur général de Clarins France SAS et le directeur juridique de Clarins SA, sans que ces responsables aient jugé utile de préciser leurs titres exacts, chacun signant sur le procès-verbal au nom de "la société Clarins".
438. En troisième lieu, dans son mémoire en réponse à la notification de griefs, Clarins France SAS indiquait, certes, dans ses "observations préalables" que c'est la société Clarins SA qui assurait, à l'époque de faits, la diffusion des produits Clarins mais n'apportait aucun élément de droit sur les liens entre ces sociétés. Surtout, une lettre signée par son conseil du 6 juin 2005, qui accompagnait ces observations, indiquait les chiffres d'affaires des deux sociétés, "mère" et "fille". Il y était affirmé que Clarins SA (la "mère") avait un chiffre d'affaires en France de 0 euro. Clarins SA a omis cependant de communiquer au Conseil copie de sa liasse fiscale 2004 ; or, il s'avère après vérification que ce chiffre d'affaires en France n'était pas nul mais égal à 12,312 millions d'euro.
439. En dernier lieu, ce n'est qu'en octobre 2005, lors de la transmission par Clarins France d'annexes à ses observations en réponse au rapport, c'est-à-dire après l'expiration des délais ouverts à la rapporteure pour en tenir compte, que les informations comptables et le détail du montage juridique ayant conduit à la création de Clarins France ont été portés par cette dernière à la connaissance du Conseil.
440. Compte tenu de ces éléments, le Conseil considère que le maintien des griefs, au cours de la présente procédure, à l'encontre de la société Clarins France alors qu'ils auraient dû être imputés à la société Clarins SA relève du comportement de Clarins France SAS qui a délibérément entretenu la confusion entre ces deux sociétés. Pour statuer en toute connaissance de cause, il convient de disjoindre le cas de Clarins France du reste de la procédure, de surseoir à statuer sur les pratiques imputables à la marque Clarins et, pour ce qui la concerne, de renvoyer l'affaire à l'instruction.
2. SUR LE FOND
a) Sur le marché pertinent
441. Les sociétés Chanel et ELCO reprochent à la notification de griefs de ne pas avoir défini de manière suffisamment précise le marché pertinent sur lequel les pratiques ont été relevées.
442. Le Conseil a rappelé, dans sa décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005, que "les pratiques qui ont fait l'objet de la notification de griefs sont recherchées au titre de la prohibition des ententes. Il n'est alors pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d'abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre (...)".
443. C'est le cas en l'espèce : le marché national des parfums et cosmétiques de luxe a été défini avec suffisamment de précision pour permettre d'apprécier l'effet des pratiques incriminées. Au surplus, le marché pertinent retenu ne diffère pas de celui que la jurisprudence tant communautaire que nationale a déjà défini, à plusieurs reprises, comme incluant les parfums et les cosmétiques de luxe, comme cela a été précédemment indiqué au paragraphe 386.
b) Sur le grief d'ententes sur les prix
444. Avant d'exposer les circonstances de l'espèce, les pratiques en cause, les moyens en défense et les réponses du Conseil à ces moyens, il est nécessaire de rappeler les conditions générales que doit respecter la distribution sélective pour être compatible avec les règles de la concurrence et la problématique générale des ententes verticales sur les prix.
Rappels de principe
Les règles de la distribution sélective
445. La distribution des parfums et cosmétiques de luxe relève de la "distribution sélective". Elle est régie par des "accords de distributeurs agréés" conclus entre les fournisseurs et des distributeurs agréés, sélectionnés pour la qualité de leurs points de vente et le niveau de qualification de leur personnel, à l'issue d'une procédure d'évaluation.
446. La distribution sélective constitue per se une restriction de concurrence. Mais la jurisprudence, tant communautaire que nationale, a depuis longtemps reconnu la licéité des accords de distribution sélective au regard du droit de la concurrence, sous certaines conditions. Ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé, dans un arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken (107-82 ; point 23), et ainsi que le Conseil de la concurrence l'a récemment rappelé dans une décision n° 05-D-50 du 21 septembre 2005, un système de distribution sélective peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 81 du traité CE ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce, si trois conditions sont cumulativement réunies :
- "premièrement, la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer le bon usage ;
- deuxièmement, les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ;
- troisièmement, les critères définis ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire".
447. Sous ces réserves, la validité de principe des accords de distribution sélective a été consacrée, de façon générale et pour l'ensemble des accords verticaux, par le règlement de la Commission n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 "concernant l'application de l'article 81.3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées", dont l'article 2.1 pose la règle suivante : "l'article 81-1 du traité est déclaré inapplicable aux accords ou pratiques concertées qui sont conclus entre deux ou plus de deux entreprises, dont chacune opère, aux fins de l'accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services".
448. L'existence d'accords de distribution sélective dans le secteur des parfums et cosmétiques de luxe a été validée tant par la jurisprudence communautaire (Commission européenne, 16 décembre 1991, Yves Saint Laurent Parfums, 92-33-CEE ; TPICE 12 décembre 1996, Leclerc c. Commission, affaires Yves Saint Laurent Parfums T-19-92 et Givenchy T-88-92), que par la jurisprudence nationale (avis de la Commission de la concurrence du 1er décembre 1983, décisions du Conseil de la concurrence n° 87-D-15 du 9 juin 1987, n° 99-D-78 du 15 décembre 1999).
449. Pour que le consommateur achète des produits "de luxe" en dépit du niveau de leur prix, le producteur doit construire une image de son produit qui soit valorisante dans l'esprit du consommateur. C'est pourquoi le TPICE a considéré que la distribution sélective constituait un moyen légitime à la disposition des fabricants souhaitant construire ou maintenir l'image de luxe et de prestige de leur marque, sauvegarder les fruits de leurs efforts de promotion et maintenir, dans la perception des consommateurs, "l'aura d'exclusivité et de prestige" des produits en cause, notamment en assurant une présentation au public apte à les mettre en valeur dans un cadre en harmonie avec leur caractère luxueux.
450. Mais les interventions des fabricants sur les distributeurs, régies par les clauses des contrats de distribution sélective qu'ils concluent entre eux, doivent rester limitées à la défense de l'image de la marque : une mauvaise présentation des produits pourra, ainsi, justifier une telle intervention, alors que toute intervention directe ou indirecte sur les prix des distributeurs est formellement interdite comme contraire aux articles 81 du traité et L. 420-1 du Code de commerce. Dès le 1er décembre 1983, la Commission de la concurrence a indiqué qu'il "(...) n'apparai(ssait) pas qu'un lien nécessaire puisse être établi entre le niveau des marges qui sont pratiquées par les détaillants et la qualité de la coopération commerciale de ces derniers dans la promotion des marques" (avis du 1er décembre 1983). La Commission européenne a rappelé ces mêmes principes dans la décision Givenchy du 24 juillet 1992 (92-428-CEE) : "il convient de souligner à cet égard que le caractère dévalorisant d'un point de vente ou de son enseigne, ne saurait, en tout état de cause, être associé à la politique habituelle de prix du distributeur". Cette position a été confirmée, de manière commune à l'ensemble des secteurs économiques et sans qu'aucune réserve ne soit faite pour les produits, notamment de luxe, pouvant faire l'objet d'une distribution sélective, par le règlement CE n° 2790 du 22 décembre 1999, éclairé par les lignes directrices de la Commission du 24 mai 2000. Ce règlement européen, qui s'applique jusqu'en 2010, range au nombre des " restrictions caractérisées " de concurrence, ou clauses noires, par principe, toute clause par laquelle un producteur impose à ses distributeurs un prix de revente (même si le prix maximum ou le prix conseillé sont admissibles). Une telle clause illicite fait, per se, échapper l'accord à la possibilité d'être exempté au titre de l'article 81 § 3 du traité, l'exemption étant refusée lorsque l'accord a pour objet " la restriction de la capacité de l'acheteur à déterminer son prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivalent pas à un prix de vente fixe ou minimal à la suite de pressions exercées par l'une des parties ou de mesures d'incitations prises par elle " (article 4 a) du règlement).
451. Il résulte de cette jurisprudence constante que les clauses des contrats de distribution sélective liant fabricants et distributeurs, ou les interventions des fabricants dans la distribution lorsqu'elles visent à limiter la liberté commerciale des distributeurs, par des pratiques de prix imposés ou toute pratique aboutissant au même résultat, sont contraires aux articles 81 du traité et L. 420-1 du Code de commerce. Le Conseil a déjà sanctionné à de nombreuses reprises des pratiques de prix "indicatifs" fonctionnant comme des prix imposés (au seul titre de l'année 2005 : n° 05-D-07, n° 05-D-32, n° 05-D-66, n° 05-D-70), mais aussi l'octroi de remises conditionnées au respect des prix du fabricant (n° 05-D-32) ou encore les clauses relatives à la publicité de marques de luxe, dès lors qu'elles sont utilisées pour dissuader les distributeurs de faire porter leurs campagnes publicitaires sur les prix (n° 96-D-72 du 19 novembre 1996, Rolex ; n° 01-D-45 du 19 juillet 2001, Ray Ban).
La problématique des ententes verticales sur les prix
452. L'ingérence du fournisseur dans la politique de prix du distributeur contrevient à l'article L. 410-2 du Code de commerce qui énonce : "Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services relevant antérieurement au 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 sont librement déterminés par le jeu de la concurrence". L'alignement volontaire des prix au détail s'oppose donc à la libre détermination de ces prix par la concurrence. L'article L. 442-5 du Code de commerce fait d'ailleurs de la pratique de prix imposé une infraction pénale, définie indépendamment du pouvoir de marché détenu par le producteur, réprimant " le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ".
453. L'article L. 420-1 du même Code tire la conséquence du principe de la libre fixation des prix en prohibant de manière expresse, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché les ententes qui tendent "à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse".
454. Selon une jurisprudence constante, rappelée dans les décisions n° 04-D-33 et n° 05-D-06, le Conseil considère qu'un alignement des prix peut résulter d'une entente horizontale directe sur les prix entre distributeurs, ou encore d'une série d'ententes verticales entre chaque fournisseur et chacun de ses distributeurs autour d'un prix de revente déterminé par ce fournisseur, mais qu'un tel alignement peut également s'expliquer par un parallélisme de comportements qui viendrait d'une réaction identique des distributeurs à la diffusion de "prix conseillés" ou de "martingales" par le fournisseur, parallélisme de comportements uniquement guidé par la concurrence qui règnerait dans le secteur et qui ferait converger les prix vers des niveaux identiques.
455. Pour faire la distinction entre ces différentes situations - entente illicite ou parallélisme admissible de comportement - le Conseil considère que la preuve de l'entente verticale, qui suppose un accord de volonté entre les entreprises, est rapportée lorsqu'un faisceau d'indices "graves, précis et concordants" converge pour établir les trois points suivants :
- en premier lieu, les prix de vente au détail souhaités par le fournisseur sont connus des distributeurs ;
- en deuxième lieu, une police des prix a été mise en place pour éviter que des distributeurs déviants ne compromettent le fonctionnement durable de l'entente ;
- en troisième lieu, ces prix souhaités par le fournisseur et connus des distributeurs, sont significativement appliqués par ces derniers.
456. Ces indices seront recherchés, dans la présente procédure, d'abord dans les éléments du dossier qui concernent la généralité du secteur puis dans les éléments propres à chaque entreprise en cause afin de rapporter ou non, la preuve de sa participation à la pratique reprochée au titre du grief d'entente verticale de prix. Mais pour ne pas exagérément allonger le texte de cette décision, les éléments du faisceau qui sont communs à plusieurs, voire à la totalité des entreprises, feront l'objet d'une présentation commune.
457. Mais il convient auparavant d'examiner les arguments par lesquels les parties ou du moins certaines d'entre elles critiquent la méthode générale suivie par le Conseil pour caractériser l'entente.
Application des principes à la présente affaire : la méthode générale suivie par le Conseil
Arguments des parties
458. La plupart des entreprises mises en cause allèguent que les pratiques incriminées résultent du comportement unilatéral des fournisseurs, ce qui serait insuffisant pour les qualifier d'entente. Elles invoquent en ce sens la jurisprudence communautaire issue des arrêts Bayer c/Commission du 26 octobre 2000 (affaire T-41-96) et Volkswagen AG/Commission du 3 décembre 2003 (affaire T-208-01). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) a considéré qu'un comportement apparemment unilatéral de la part d'un fabricant, adopté dans le cadre des relations contractuelles qu'il entretient avec ses revendeurs, ne constitue un accord entre entreprises, au sens de l'article 81 §1 du traité CE, que si est établie l'existence d'un acquiescement exprès ou tacite, de la part des revendeurs, à l'attitude adoptée par le fabricant.
459. En application de cette jurisprudence, la société L'Oréal Produits de luxe France soutient, en ce qui la concerne, que la preuve de l'entente alléguée aurait dû être rapportée individuellement pour chacune des trois marques de L'Oréal Produits de luxe France mises en cause et vis-à-vis des quatre enseignes de distribution incriminées. Elle indique que les marques Lancôme, Armani et Helena Rubinstein relevaient, sur la période concernée, d'identités juridiques distinctes et étaient distribuées selon une politique commerciale autonome. Yves Saint Laurent Parfums estime pour sa part que les distributeurs de petite taille n'étant pas incriminés, il convient d'écarter les preuves auxquelles ils se rattachent et d'apporter la démonstration de l'entente verticale sur les prix pour chacune des quatre chaînes de distribution nationale avec chaque fournisseur.
L'appréciation du Conseil
460. La jurisprudence Bayer invoquée par les parties concerne les relations ponctuelles entre un fournisseur et un grossiste et non les relations contractuelles suivies et habituelles entre de tels acteurs économiques. La Cour de justice a, dans son arrêt du 6 janvier 2004 (C-2-01 P et C-3-01 P), estimé, à la suite du TPICE, que le refus opposé par Bayer d'approvisionner en Adalat les grossistes établis en Espagne et en France (qui exportaient ses produits au Royaume Uni) ne constituait pas une entente entre ces opérateurs, car ce refus de Bayer ne constituait pas une " invitation " claire aux grossistes à la réalisation d'une pratique commune : "Pour qu'un accord au sens de l'article 85 [devenu 81], paragraphe 1, du traité puisse être réputé conclu au moyen d'une acceptation tacite, il est nécessaire que la manifestation de volonté de l'une des parties contractantes visant un but anticoncurrentiel constitue une invitation à l'autre partie, qu'elle soit expresse ou implicite, à la réalisation commune d'un tel but, et ce d'autant plus qu'un tel accord n'est pas, comme en l'espèce, à première vue, dans l'intérêt de l'autre partie, à savoir les grossistes" (§ 102 de l'arrêt).
461. L'arrêt Volkswagen concerne des pratiques s'inscrivant, comme en l'espèce, dans des relations contractuelles suivies. Le TPICE a jugé que le fait que Volkswagen adresse trois circulaires à ses concessionnaires allemands afin qu'ils ne consentent pas de remises ou des remises restreintes aux clients sur le véhicule Passat, bien que s'inscrivant dans des relations contractuelles, ne pouvait pas être considéré comme une invitation à s'entendre, acceptée par les concessionnaires : "En effet, il est certes envisageable qu'une évolution contractuelle puisse être considérée comme ayant été acceptée d'avance, lors et par la signature d'un contrat de concession légal, lorsqu'il s'agit d'une évolution contractuelle légale qui soit est envisagée par le contrat, soit est une évolution que le concessionnaire ne saurait, eu égard aux usages commerciaux ou à la réglementation, refuser. En revanche, il ne saurait être admis qu'une évolution contractuelle illégale puisse être considérée comme ayant été acceptée d'avance, lors et par la signature d'un contrat de distribution légal. En effet, dans ce cas, l'acquiescement à l'évolution contractuelle illégale ne peut intervenir qu'après que le concessionnaire a connaissance de l'évolution voulue par le concédant". (§ 45 de l'arrêt).
462. Il en résulte que si "une invitation du concédant visant à influencer les concessionnaires ne constitue pas en soi un accord" (§ 5 de l'arrêt), "en revanche, une invitation s'insère dans un contrat préexistant, c'est-à-dire devient partie intégrante dudit contrat, dès lors, certes, que cette invitation vise à influencer les concessionnaires dans l'exécution du contrat, mais, surtout, dès lors que cette invitation est, d'une manière ou d'une autre, effectivement acceptée par les concessionnaires" (§ 58 de l'arrêt).
463. Il résulte donc de la jurisprudence communautaire précitée que, dès lors que la politique de prix faisant l'objet d'une incitation adressée par le fabricant aux distributeurs est effectivement acceptée par les distributeurs, l'accord de volonté de ces derniers est démontré.
464. Cette démonstration peut résulter de la signature d'un contrat de coopération commerciale impliquant le respect de la politique commerciale ou de la politique de communication du fabricant par les revendeurs (ou prohibant certaines techniques de vente telles que prix barrés, soldes, prix "discriminatoires") mais aussi de l'acceptation de la part de ces distributeurs de remises conditionnées au respect des prix, ou encore peut être faite en établissant le respect effectif de ces prix par les distributeurs, comme l'a souligné le Conseil dans sa décision n° 05-D-66 du 5 décembre 2005 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'électronique grand public.
465. Ainsi, en l'espèce, le moyen tiré du caractère prétendument unilatéral des pratiques reprochées ne peut faire l'objet d'une réponse de principe. Pour l'examiner, il convient de rechercher, entreprise par entreprise, si la preuve est constituée, notamment à partir des relevés de prix montrant un alignement significatif des prix pratiqués sur les prix publics indicatifs communiqués par les fournisseurs, mais aussi à partir des documents ou déclarations faisant directement état de l'application de ces prix convenus ou encore des documents établissant indirectement l'application de ces prix convenus, tels les barèmes de remises, courriers et déclarations de distributeurs relatifs aux conditions d'application de certaines remises, démontrant que le respect des préconisations tarifaires des fournisseurs pouvait faire l'objet d'une coopération commerciale rémunérée par le biais de l'attribution de remises, mais rémunération conditionnée au respect des prix publics indicatifs préconisés par les fournisseurs.
466. S'agissant des moyens tirés de la nécessité de démontrer l'entente non pas entreprise par entreprise mais individuellement pour chaque marque d'une même entreprise, et de démontrer l'entente pour chaque couple entreprise-distributeur et pour chaque distributeur, ou encore d'exclure des débats toute pièce afférente à un distributeur dès lors qu'il ne serait pas spécifiquement attrait à la procédure, ils doivent être écartés pour deux motifs. D'une part, les entités poursuivies pour leur comportement autonome et responsable sont des entreprises et non des marques commerciales. D'autre part, la jurisprudence rappelée plus haut n'exige pas que chacun des distributeurs soit mis en cause, cette mise en cause dépendant du pouvoir souverain d'appréciation des autorités de concurrence. Celles-ci peuvent estimer que seuls les distributeurs prenant une part prépondérante dans la constitution de l'entente doivent être attraits à la procédure, sans qu'il y ait lieu de mettre tous les distributeurs en cause. C'est ce qu'il ressort notamment de la décision n° 91-D-03 du 15 janvier 1991 du Conseil relative à la situation de la concurrence sur le marché de la chaussure de ski, confirmée par la Cour d'appel de Paris et la Cour de cassation dans leurs arrêts respectifs du 25 septembre 1991 et du 18 mai 1993. Enfin, les éléments régulièrement relevés lors de l'enquête administrative concernant les distributeurs peuvent, à bon droit, être retenus dans le faisceau d'indices susceptible de démontrer l'existence d'une entente verticale sur les prix entre chaque fournisseur tête de réseau et ses distributeurs, la seule exigence pesant sur le Conseil étant d'analyser leur caractère probant.
467. De façon symétrique, en ce qui concerne l'implication des chaînes nationales de distribution dans l'entente verticale, elle s'apprécie également au regard des éléments les concernant dans le faisceau relatif à chacun des fournisseurs, la réunion de ces indices constituant le faisceau propre à chacune de ces chaînes, dont il convient d'apprécier, pour démontrer l'entente, le caractère grave, précis et concordant.
Les indices généraux recueillis par le Conseil : présentation et discussion
468. Le dossier contient un certain nombre d'indices généraux de nature à étayer le grief d'entente verticale sur les prix :
- soit parce qu'ils décrivent, pour le secteur, de manière indifférenciée entre entreprises, le fonctionnement d'ententes sur les prix entre fournisseurs et distributeurs ;
- soit parce qu'ils convergent entre eux pour démontrer, de manière commune aux entreprises mises en cause, la réalité de telles ententes.
- Les pièces décrivant de manière générale le fonctionnement d'ententes verticales sur les prix
469. Plusieurs distributeurs n'appartenant pas à l'une des quatre grandes chaînes nationales de distribution ont décrit, dans leurs déclarations à l'enquêteur de la DGCCRF, la pratique généralisée de fixation des prix menée par les fabricants de parfums et cosmétiques de luxe.
470. Ces déclarations font état de l'existence de prix indicatifs par rapport auxquels les détaillants sont autorisés, par les fournisseurs, à pratiquer un taux de remise maximum, ce qui conduit à la détermination d'un prix de vente au détail minimum. Les indices de cette nature relèvent de la première partie du faisceau recherché (cf. paragraphe 455). Ces déclarations évoquent aussi les mesures coercitives dont les détaillants sont menacés en cas de non-observation de ces prix minimum, ce qui relève de la deuxième partie du faisceau.
471. Ces déclarations présentent le plus souvent les pratiques décrites comme "générales à la profession"; cependant, dans les déclarations ci-après retenues, une liste nominative d'entreprises ou de marques est explicitement citée :
472. La responsable de la parfumerie "Ylang" à Nice a déclaré, le 27 juillet 1999 (cf. annexe n° 8, cotes 2277 à 2286) : "les représentants des marques précitées [ à savoir "Dior, Guerlain, Lancôme, Chanel, Yves Saint-Laurent, Mugler, Ricci, Rochas, Azzaro, Hermès, Laroche, Givenchy, Cacharel, Lacoste, Boss, Klein, Clarins, Clinique, Armani"] en parfums et cosmétiques nous incitent fortement à ne pas pratiquer de remises supérieures à 10 % sur les prix conseillés par les fournisseurs (prix boutiques). Si nous dépassions cette remise de 10 %, nous serions exposés à des représailles du type retard de livraison, erreurs répétées".
473. La responsable du Printemps de la Beauté à Rouen a déclaré, le 20 juillet 1999 (cf. annexe n° 8, cotes 2351 à 2355) : "Je ne baisse pas les prix au-delà des remises autorisées par les fournisseurs. Si nous constatons que la concurrence a baissé les prix au-delà des remises autorisées par les marques, nous en informons les fournisseurs. Nous n'avons jamais pu baisser le prix au-delà de la remise autorisée par les marques qui ont été citées précédemment [à savoir : Dior, Lancôme, Guerlain, Clarins, YSL, Chanel, Estée Lauder, Givenchy, Rochas, Clinique, Thierry Mugler, Cacharel Jean-Paul Gaultier, Shiseido, Nina Ricci, Calvin Klein, Kenzo, Rubinstein, Lacoste, Azzaro, Armani, Ralph Lauren, Guy Laroche, Paloma Picasso, Hugo Boss, Biotherm, Piaubert]. Si on ne respecte pas les prix imposés par les marques, elles pourraient nous enlever la marque".
474. La responsable des achats de la société Broglio SA, dans le procès-verbal du 23 septembre 1999 précité au paragraphe 54 déclaré : "La plupart des marques conditionnent certaines de leurs remises qualitatives à l'absence de pratique discriminatoire en matière de prix (YSL, Chanel, Guerlain, Shisheido, Lacoste, Clarins, Azzaro, Lolita...)" (cf. RAE cotes 009639 à 009708).
475. La responsable de la parfumerie des Yvelines à Versailles (cf. annexe n° 8, cotes 2209 à 2218) a déclaré, le 13 juillet 1999 : "Si nous pratiquions des prix inférieurs à ceux que nous autorisent les fournisseurs, c'est-à-dire des remises supérieures aux remises autorisées, nous aurions une rupture de l'approvisionnement en produits des marques précitées ; Chanel, Shiseido, Dior, Guerlain".
476. La gérante de la parfumerie "La rose des vents" à Lyon a déclaré, le 6 août 1999 (cf. annexe n° 8, cotes 2321 à 2330), : "Pour déterminer mon prix de vente, j'applique le prix tarif. Je peux vendre en-dessus, mais pas en-dessous (...) Les marques suivantes interdisent également [outre Dior et Givenchy] des remises de prix : il s'agit de Lancôme, Paco Rabanne, Hugo Boss, Lacoste femme. Si nous ne respections pas ces interdictions, nous aurions éventuellement droit à un avertissement et en tous cas, la marque serait coupée. (...) La suppression des remises qualitatives est également une sanction si nous ne respectons pas l'interdiction des soldes ou l'interdiction de remises sur les nouveautés ou les taux de remise maximum autorisés par les grandes marques citées précédemment".
477. M. Maurice L, PDG de la chaîne O'Dylia, déclarait à l'enquêteur, le 30 septembre 1999 : "(Le) coefficient et (le) taux de remise maximum communiqué par les marques sont dans les faits un prix imposé. En effet, dès que nous vendons un produit en dessous du seuil toléré par les marques, nous sommes immédiatement contactés par les marques qui exigent que nous remontions les prix immédiatement et sans délai. Si nous ne remontons pas les prix, les marques exercent des pressions commerciales redoutables : 1°) menace de retard de livraison 2°) menace de rupture des livraisons 3°) menace de la coupure définitive de la marque avec pour motifs "promotions dévalorisantes", "personnel mal formé", "discrimination de la marque", "absence de critères qualitatifs", etc... Ces menaces ont été exécutées depuis 3 ans : Mugler, Kenzo, Lancôme, Gaultier, Issey Miyake, Paco Rabane, Azzaro-Montana, Clarins, Chanel, groupe L'Oréal, Clinique, Lauder, Hermès, Lolita, Sisley (...). Toutes les marques, sans exceptions, conditionnent leurs remises qualitatives (une de ces remises) au respect de leur politique prix. Cette condition est souvent orale et n'apparaît sur le contrat que sous une formule moins directe comme par exemple pour YSL en 1999 (...) A de nombreuses reprises, les marques me menacent de supprimer cette remise dans la mesure où je ne respecte pas leur politique prix" (cf. annexe n° 8, cotes 1821 à 1837).
478. Les témoignages de distributeurs déclarant subir des pressions sont également nombreux. Le fait qu'ils se référent à un ensemble de marques ne leur retire pas leur valeur probante ou leur précision, comme le soutiennent, notamment, les sociétés Parfums Christian Dior et Parfums Givenchy mais démontre, au contraire, que cette pratique était généralisée.
479. La gérante de la parfumerie Poulie (Beauty Success) à Cahors déclarait, le 16 juillet 1999, à l'enquêteur (cf. annexe n° 8, cotes 2613 à 2636) : "Si je ne remontais pas ce prix de vente, je subirais des représailles commerciales : la marque me serait coupée immédiatement".
480. Dans le procès-verbal du 15 juin 1999 consignant ses déclarations, la responsable de la parfumerie Freddy Parfums à Paris déclarait à l'enquêteur (cf. annexe n° 8, cotes 2156 à 2166) : "Si je ne respectais pas cette limitation de remises, les grandes marques me couperaient la marque immédiatement".
481. La responsable de la parfumerie Royal Opéra à Paris déclarait, le 30 juin 1999 à l'enquêteur (cf. annexe n° 8, cotes 2168 à 2166) : "les représentants des marques sont draconiens pour le respect de ces prix conseillés : si nous ne respections pas leurs consignes tarifaires, nous aurions immédiatement la marque coupée ou des rétorsions de type : retard de livraison, cessation des livraisons d'échantillons gratuits. Du fait de ces consignes, nous respectons les prix conseillés et les consignes tarifaires des grandes marques car nous ne pouvons nous passer d'une marque type Chanel, Dior, YSL, Lancôme (...)".
482. La responsable précitée de la parfumerie "Ylang" (paragraphe 472) a déclaré : "Si nous dépassions cette remise de 10 %, nous serions exposés à des représailles du type retard de livraison, erreurs répétées".
483. La responsable précitée du Printemps de la Beauté à Rouen (paragraphe 473) a déclaré : "Si on ne respecte pas les prix imposés par les marques, elles pourraient nous enlever la marque".
484. Dans un courrier adressé le 27 août 1996 à Lancôme, le dirigeant de la parfumerie "Rayon d'Or" (cf. RAE cotes 010907 et 010908) fait référence au procès intenté par la marque à la parfumerie O'Dylia. Il s'agit d'un distributeur mécontent, connu à l'époque des faits pour pratiquer une politique, contestée par de nombreux fournisseurs, de réduction des prix de vente des parfums et cosmétiques de luxe. Il s'exprime dans les termes suivants : "faire un procès à l'un de vos clients dans le but de faire respecter votre politique de prix n'est pas très plaisant. Il n'y a pas à en être fier... d'autre part, vous savez très bien que nous ne demandons qu'à vendre vos produits ainsi que ceux de vos concurrents au coefficient 140 sur votre tarif HT. Mais ceci nous est à ce jour interdit par la profession sous peine de nous retrouver dans le même cas qu'O Dylia. Toutefois, les jours changent et cette entente illégale entre les fournisseurs ne pourra pas durer. En attendant des jours plus dynamiques vous devez faire respecter partout la politique que vous imposez à votre distribution".
485. Plusieurs fournisseurs, notamment les sociétés Parfums Christian Dior, Parfums Givenchy et Guerlain soutiennent que ces déclarations étant faites au conditionnel, elles ne sauraient avoir une valeur probante ; il ne s'agirait que d'événements "hypothétiques" qui n'apportent pas la preuve de l'existence de pressions effectivement exercées par les fournisseurs sur les distributeurs.
486. Mais l'utilisation du conditionnel n'enlève pas leur portée à ces déclarations. Le caractère hypothétique de la formulation concerne l'éventuel refus d'appliquer la politique de prix fixée par le fournisseur ("si nous ne respections pas leurs consignes tarifaires"), non les conséquences produites par ce refus (nous aurions immédiatement la marque coupée ou des rétorsions de type : retard de livraison, cessation des livraisons d'échantillons gratuits"). Cette formulation montre, au contraire, que les rétorsions sont loin d'être hypothétiques en cas de non-respect des préconisations tarifaires.
487. Pour les sociétés ou marques nommément citées, ces éléments constituent la première et la deuxième partie du faisceau d'indices dont le caractère grave précis et concordant sera examiné, entreprise par entreprise, au sous-chapitre suivant.
- Les indices convergeant de manière grave, précise et concordante vers un faisceau commun aux différentes entreprises mises en cause.
SUR LA PREMIERE PARTIE DU FAISCEAU : L'EVOCATION DE PRIX DE VENTE PUBLICS OU DE TAUX DE REMISE MAXIMUM
488. L'évocation des prix avec les distributeurs peut être démontrée à partir de tout procédé par lequel un fabricant fait connaître à ses distributeurs le prix auquel il entend que ses produits soient vendus au public. La notion d'évocation n'implique pas que les prix aient été négociés avec les distributeurs, ni même discutés oralement. L'élaboration par un fabricant, et la diffusion à ses distributeurs, d'un document général décrivant les prix de base, les prix de vente conseillés au détail, et la date présente ou future de la disponibilité des produits, par exemple sous la forme d'un catalogue des tarifs, caractérise l'existence d'une politique générale de diffusion de prix conseillés consistant en une "évocation des prix de revente entre le fournisseur et ses distributeurs à l'occasion de négociations commerciales", sans qu'il soit nécessaire de démontrer que les négociations commerciales entre le fournisseur et ses distributeurs ont porté sur l'élaboration de ces prix. Au demeurant et à elle seule, la diffusion de prix conseillés ne constitue pas une pratique anticoncurrentielle.
489. En l'espèce, il résulte des constatations faites dans la première partie de la présente décision que l'évocation de prix minimum préconisés par les fournisseurs prenait la forme :
- soit de catalogues des tarifs de la marque ou de fiches de produits mentionnant pour chacun, outre, son prix d'achat HT, son prix public indicatif (PPI), prix conseillé, "prix Boutique" ou "prix institut". C'est le cas des marques Christian Dior, Estée Lauder, Kenzo, Lolita Lempicka, Rochas, Shiseido, Sysley, Yves Saint Laurent ;
- soit de courriers entre les marques et leurs distributeurs mentionnant explicitement un taux multiplicateur précis ou un taux de remise maximum, lequel n'a de sens que par référence à un prix de vente préalablement conseillé. C'est le cas des marques Loris Azzaro, Jean-Paul Gaultier, Issey Miyake, Clarins, Hermès, Montana, Estée Lauder et Clinique, Givenchy, Guerlain, Nina Ricci, Thierry Mugler ;
- soit de la reconnaissance, par les représentants des sociétés distribuant les parfums et cosmétiques de luxe, de la diffusion d'un prix de référence, à la demande de leurs distributeurs qui auraient besoin, selon eux, de "conseils" quant au positionnement du prix du produit, notamment lors du lancement de nouveautés. C'est le cas des marques Chanel, Clarins, Parfums Christian Dior et Lancôme.
490. Ces éléments s'ajoutent aux déclarations de distributeurs agréés précitées (paragraphes 472 à 477) reconnaissant l'existence et l'importance des prix publics indicatifs ou des taux de remises maximum communiqués par leurs fournisseurs. Ils constituent la première partie du faisceau d'indices nécessaire, pour chaque entreprise, à la démonstration de l'entente. En outre, pour beaucoup des marques en cause, l'existence de prix publics indicatifs n'est pas contestée.
491. Le dossier apporte, ainsi, des éléments de communication de "prix publics indicatifs" (PPI) ou de leur équivalent (PVC) pour tous les fournisseurs incriminés à l'exception de la marque Calvin Klein. Cependant, cette marque est citée par deux distributeurs dont les déclarations ont été retracées aux paragraphes 472 et 473 comme communiquant des taux de remise maximum sur ses produits. Le fait que la marque ait été citée parmi un ensemble d'autres marques n'enlève pas à ces déclarations la valeur qu'il convient de leur apporter mais démontre que ces pratiques étaient généralisées dans la profession.
SUR LA DEUXIEME PARTIE DU FAISCEAU : L'EXISTENCE DE DISPOSITIFS DE POLICE DES PRIX
492. Les faits présentés dans la partie I consacrée aux constatations et les déclarations analysées ci-dessus montrent que la deuxième partie du faisceau d'indices est nourrie en l'espèce.
493. Mais les sociétés Parfums Christian Dior, Guerlain, Parfums Givenchy et Kenzo parfums mettent en cause la possibilité logique d'inclure la présence d'une police des prix dans le faisceau des indices retenus pour la démonstration de l'entente verticale, en alléguant qu'entente et police des prix sont antinomiques : il ne pourrait y avoir l'accord de volonté que suppose l'entente puisque cet accord résulterait de la contrainte exercée par la police des prix.
494. Cette interprétation qui, au surplus, remettrait en cause une jurisprudence ancienne et constante des autorités de concurrence, est erronée. L'accord de volonté entre le producteur et ses distributeurs porte sur le partage de la rente unitaire que le prix final, élevé, permet d'extraire du consommateur : en s'accordant sur le prix de gros et le prix de détail, producteur et distributeurs fixent en commun leurs parts respectives du profit unitaire réalisé sur chaque vente. Mais le profit total dépend du nombre des ventes : la répartition convenue est mise en défaut si les ventes sont réalisées par un distributeur concurrent n'appliquant pas l'accord. La police des prix n'est donc, en rien, antinomique de l'accord des volontés ; elle est son nécessaire complément pour garantir que quelques déviants ne viennent pas compromettre le fonctionnement de l'entente.
495. Par ailleurs, les sociétés Shiseido et Séphora soutiennent que la démonstration de l'existence d'une police des prix exige que soient apportées des preuves de la mise en œuvre effective de représailles ou de rétorsions.
496. Le Conseil rappelle que la jurisprudence exige seulement que soit prouvée la mise en place d'une police des prix fondée sur un système de contrôle par le fournisseur, les représailles ne constituant qu'une catégorie extrême dans les actes de cette police, parmi un large éventail allant des simples contrôles de prix, aux pressions, menaces de rétorsions et représailles effectives. De fait, si le présent dossier évoque fréquemment la possibilité de représailles, il n'en retrace pas directement l'effectivité. A l'inverse, il abonde en faits témoignant de l'existence de contrôles, pressions et menaces. En outre, l'existence de remises de fin d'année (RFA) qui récompensaient le respect de la politique tarifaire des marques, permettait, dans de nombreux cas, de ne pas recourir directement à l'arme des représailles, le non-versement de ces remises équivalant, dans les faits, à des sanctions de nature financière.
497. Ainsi, pour démonter l'existence d'une police des prix, en particulier dans sa décision n° 01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à une saisine présentée par la société Casino France, le Conseil retient plusieurs preuves telles que :
- des "témoignages émanant de distributeurs installés dans différentes régions" attestant que les prix pratiqués font l'objet d'une surveillance régulière de la part du fournisseur ;
- "la participation de certains distributeurs à cette surveillance" par des actes de dénonciation de ceux qui ne respectent pas les tarifs conseillés par le fournisseur ;
- des rappels à l'ordre formulés verbalement, voire des pressions sous la forme de menaces de suspension des livraisons ou de résiliation unilatérale du contrat en cas de non-respect de ces tarifs.
498. Dans le présent dossier, toutes ces preuves sont réunies de manière abondante comme l'attestent les pièces citées notamment aux paragraphes 28 à 32, 39 à 41, 53, 62, 77, 79, 95, 110 à 116, 135 à 138, 153, 173, 184, 194, 207, 225, 227, 242 à 244, 257, 266 à 269. Certains distributeurs ne se cachent pas d'ailleurs, dans leurs déclarations, de s'entendre avec les marques sur leurs préconisations tarifaires, tel le directeur du magasin Séphora de Saint- Brieuc qui déclare : "Notre politique de prix est de respecter les préconisations tarifaires des grandes marques en s'abstenant de "casser" les prix".
499. Les sociétés Parfums Loris Azzaro, ELCO, L'Oréal Produits de luxe France Parfums Rochas et Yves Saint Laurent Parfums allèguent que les éléments retenus dans la notification de griefs et le rapport au soutien de l'existence d'une pratique de police des prix, tels ceux relatifs à la contestation par les fournisseurs des prix ou des taux de remises maximum appliqués par certains distributeurs, démontrent, à l'inverse, qu'il existait une concurrence sur les prix.
500. La société BPI soutient encore que les pièces émanant de distributeurs qui déclarent appliquer des prix publics indicatifs ou des taux de remises maximum, notamment dans des compte-rendus de réunions avec certains de leurs fournisseurs, "ne sont que la simple communication de la politique de prix adoptée" par le distributeur et qu'en tout état de cause, ces documents ne peuvent constituer la preuve d'un accord des parties sur le prix de vente des produits. La société Parfums Christian Dior considère que ces documents sont de simples lettres d'information et non des demandes d'intervention de la part des distributeurs.
501. La société BPI soutient en outre, à propos d'une télécopie de la chaîne Beauty Success, évoquée au paragraphe 49, qu'il s'agit d'une "télécopie circulaire, relative à plusieurs marques, dénonçant unilatéralement les prix pratiqués par un distributeur concurrent sur la zone". Le même argument est avancé à propos d'une lettre de la parfumerie Ophélie, citée au paragraphe 44.
502. La société Chanel soutient, enfin, qu'elle ne peut empêcher ses distributeurs de se surveiller mutuellement pour, le cas échéant, aligner leurs prix de vente. Par surcroît, aucune preuve ne serait apportée que les fournisseurs réagissaient aux dénonciations de leurs distributeurs. Le même argument est avancé par les sociétés Clarins, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la parfumerie, ELCO, Guerlain, Kenzo Parfums et Shiseido France.
503. Mais ces arguments en défense ignorent plusieurs aspects majeurs du dossier. En premier lieu, les pièces qui témoignent de la rébellion de certains distributeurs contre la discipline imposée par l'entente apportent seulement la preuve que la concurrence était possible et souhaitée par certains distributeurs et non la démonstration de l'absence d'entente. En deuxième lieu, la simple diffusion de prix conseillés par les producteurs et la reconnaissance de ces prix par les distributeurs ne constituent pas, à elles seules, comme il a déjà été dit, une pratique illicite. C'est dans la conjonction entre cette situation de fait (première partie du faisceau), la mise en œuvre active d'une police des prix (deuxième partie) et l'application significative de ces prix (troisième partie) que réside la preuve de la commission de la pratique illicite. En dernier lieu, les plaintes émanant de détaillants qui protestent contre le comportement de confrères pratiquant des prix "trop bas" ne constituent en rien des pratiques unilatérales du marché au détail, mais témoignent simplement de la surveillance mutuelle que des concurrents exercent naturellement entre eux. Ces plaintes sont toujours adressées au producteur qui, seul, a le pouvoir d'exercer les rétorsions décrites.
504. Elles somment le producteur de mettre au pas les déviants sous la menace de rompre l'entente à leur tour. Elles se concluent souvent par une hausse de la marge accordée par le producteur à son détaillant docile pour le dédommager des ventes qu'il aurait pu réaliser en baissant ses prix et récompenser, finalement, sa fidélité à l'entente.
SUR LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU : L'APPLICATION SIGNIFICATIVE AU DETAIL DES PRIX CONSEILLES
505. La troisième partie du faisceau d'indices concerne les éléments apportant la preuve d'une application significative, au niveau des ventes au détail, des prix conseillés. Cette preuve peut être apportée par les déclarations du distributeur ou par des pièces établissant sans conteste cette application. En l'absence de ces éléments, l'observation directe de prix de détail et l'accumulation de ces prix au voisinage des prix conseillés apportent la preuve recherchée. Les entreprises incriminées ont invoqué plusieurs moyens pour remettre en cause cette dernière méthode de recherche de la preuve.
- Sur les relevés de prix
506. Les relevés de prix effectués au cours de l'enquête administrative par la DGCCRF ont été effectués dans 74 points de vente. Ils ont concerné 59 produits de parfums et cosmétiques de 31 marques différentes, soit au total plus de 4 300 relevés. Ils montrent que les prix publics indicatifs préconisés par les fournisseurs étaient respectés à un taux remarquablement élevé, à quelques exceptions près qui nécessitent une analyse plus approfondie. La notification de griefs (pages 22 à 26) a, en effet, établi que les taux de respect de ces prix étaient en général supérieurs ou égaux à 80 %, comme l'indique le tableau ci-après :
507.
<emplacement tableau>
- Sur la valeur des relevés de prix en tant que preuve d'une entente et sur la représentativité des relevés de prix
508. En premier lieu, les sociétés Kenzo parfums, L'Oréal Produits de luxe France et BPI déduisent de l'absence de relevés de prix pour les produits des marques Kenzo, Montana, Jean Couturier International, Calvin Klein, Héléna Rubinstein et Issey Miyake que la preuve n'est pas apportée que les prix publics indicatifs, éventuellement communiqués par ces sociétés à leur distributeurs, étaient effectivement respectés.
509. Comme il a été rappelé plus haut, le relevé direct de prix de détail ne constitue que l'un des moyens d'apporter la preuve de l'application de ces prix. L'objection des entreprises devra donc accueillie si et seulement si l'autre moyen alternatif de preuve (déclarations des distributeurs ou pièces saisies attestant l'application effective des prix) est absent.
510. Toutes les parties soutiennent, en second lieu, qu'il n'est pas possible de déduire de ces relevés de prix, lorsqu'ils existent, que les distributeurs respecteraient un prix conseillé, dans la mesure où ils ont été réalisés sur des échantillons insuffisamment représentatifs au regard du nombre de produits relevés par marque, du nombre de points de vente concernés et de la période limitée où les relevés ont été effectués.
511. Mais les parties se trompent sur la nature de la preuve apportée par ces relevés. Il ne s'agit pas, en effet, de démontrer, statistiquement, l'existence d'un prix unique au voisinage ou au dessus duquel la distribution des prix serait concentrée anormalement, par rapport à une répartition concurrentielle plus dispersée. Une telle preuve suffirait per se et rendrait inutiles les autres éléments du dossier. Mais elle exigerait, comme le demandent les parties, un appareillage statistique considérable, le respect strict des règles de l'art, et, en raison de la complexité du champ de l'étude (grand nombre de marques, multitudes de points de vente et dynamique temporelle), probablement plusieurs centaines de milliers d'observations. Telle n'est pas la nature de la preuve exigée par la jurisprudence qui repose sur des indices destinés à prendre place dans un faisceau, sans que l'un d'entre eux soit suffisant à lui seul pour apporter la preuve de la pratique dénoncée.
512. Le Conseil considère en l'espèce que la monographie réalisée lors de l'enquête et exploitée au cours de l'instruction est sérieuse. Le nombre des relevés est significatif ; ils portent sur toutes les zones de chalandise de la France continentale ; le panel de produits retenu tient compte des parts de marché de chaque marque de parfums et cosmétiques de luxe et l'échantillon de points de vente reflète la répartition de la distribution à l'époque des faits, soit environ un tiers pour les parfumeries indépendantes, un autre tiers pour les chaînes nationales et un dernier tiers pour les franchisés et les groupements. C'est donc à raison que ces relevés sont introduits, comme un élément utile, dans le faisceau d'indices rassemblés.
- Sur la reconstitution des prix publics indicatifs par l'enquête administrative
513. De nombreuses parties critiquent le calcul du prix seuil par rapport auquel la distribution des prix relevés a été analysée et résumée par le "taux de respect du prix public indicatif", ou encore du prix de vente conseillé (PVC). Elles remettent en cause le calcul des prix publics indicatifs retenus par l'enquête de la DGCCRF et l'application d'un taux maximum de remise conduisant au calcul du taux de respect du prix public indicatif.
514. Mais les éléments fournis au dossier précisent expressément la source des éléments de l'enquête ayant permis d'identifier un prix public de vente et un taux maximum de remise préconisés par les fournisseurs. Le Conseil observe, en outre, que si les parties critiquent, en général, le niveau des prix indicatifs retenus par l'enquêteur, elles ne fournissent aucun élément chiffré précis de nature à nourrir ces critiques. En outre, contrairement à ce que soutiennent plusieurs parties, notamment la société Nocibé, les réductions annoncées en magasins ont été prises en compte par les relevés de prix ; en revanche, ne pouvaient pas être pris en compte les avantages découlant des cartes de fidélité qui variaient fortement d'un point de vente à l'autre, et à l'intérieur d'un même point de vente, d'un client à l'autre, selon son ancienneté, l'importance et la nature de ses achats. Il convenait donc, comme cela a été fait, de prendre en compte le prix affiché des parfums et cosmétiques de luxe, net des remises annoncées dans le point de vente, et non le prix personnellement appliqué en fonction de la situation particulière d'un client.
- Sur l'interprétation des relevés de prix
515. Le Conseil considère qu'un taux de respect supérieur ou égal à 80 % suffit à démontrer que les prix publics indicatifs (PPI) étaient significativement appliqués par les distributeurs, et permet d'établir que l'indice à placer dans le faisceau est constitué. En revanche, lorsque ce taux est inférieur à 80 %, il convient de pousser plus loin l'analyse et de prendre en considération la dispersion effective des prix relevés, en observant directement, sous forme d'un graphique, la concentration effective des prix à proximité du prix public indicatif (PPI). La méthode permet en outre de vérifier s'il existe des anomalies de prix pouvant révéler des erreurs d'étiquetage ou de relevés. Enfin, lorsqu'un grand nombre de prix relevés sont légèrement inférieurs au PPI, le niveau du taux de respect de celui-ci s'en trouve sensiblement abaissé alors que, dans la réalité, ces prix sont seulement inférieurs de quelques francs aux PPI. Ainsi, un taux de respect du PPI faiblement significatif peut rester compatible, après vérification graphique, avec une concentration des prix caractéristique de l'indice recherché.
516. En séance, la rapporteure a présenté sept graphiques des produits dont le taux de respect du PPI était inférieur à 80 %. Les sociétés Comptoir nouveau de la parfumerie (Hermès) et L'Oréal Produits de luxe France ont à leur tour présenté des graphiques pour des produits de leurs marques en redéfinissant leur PPI à un niveau supérieur à celui calculé par l'enquête de la DGCCRF et en présentant la dispersion des prix sans faire figurer sur le graphique l'origine de l'axe représentant le niveau des prix figurés. Ces parties ont prétendu que leur présentation était "la façon correcte de présenter" la réalité et critiqué la présentation de la rapporteure comme "sciemment destinée à induire en erreur".
517. Mais le Conseil ne peut retenir ces allégations. En premier lieu, les parties n'ont apporté aucun élément concret permettant de mettre en doute les calculs de PPI effectués par l'enquêteur. En second lieu, elles se trompent dans la présentation graphique des nuages de points. Pour juger de l'ampleur de la dispersion des prix observés au voisinage du PPI, il est indispensable de faire figurer l'origine de l'axe des prix : en effet, une dispersion de plus ou moins un franc sur un produit d'une valeur unitaire de cinq cents francs n'a, à l'évidence, pas la même signification qu'une dispersion de ce même franc sur un produit de cinq francs. Or, il n'est possible de faire la différence que si le graphique, en comportant l'origine, permet de " voir " la différence entre un produit de cinq francs ou de cinq cents. Enfin, l'alignement des prix de vente des produits, alors que certains de ces produits sont des produits nouveaux, exclut également un simple parallélisme de comportement consécutif à l'observation directe par les distributeurs des prix pratiqués par leurs concurrents sur les mêmes produits.
518. En conclusion, lors de la constitution du faisceau d'indices afférent à chacune des entreprises poursuivies, le Conseil présentera le nuage des points des prix sur un graphique dimensionné pour comporter l'origine, chaque fois que le "taux de respect du prix public indicatif (PPI)" sera inférieur à 80 %, afin d'apprécier correctement le caractère significatif ou non de l'indice.
Les indices spécifiques à chaque fournisseur : présentation et discussion
519. Les faits et les pratiques relevés à l'encontre de chacune des entreprises incriminées sont examinés ci-après. Pour chaque entreprise, le Conseil examine si les trois parties du faisceau (existence de prix conseillés ; police des prix ; application significative de ces prix) rassemblent suffisamment d'indices, spécifiques à l'entreprise, graves, précis et concordants pour pouvoir conclure à la commission de la pratique d'entente verticale sur les prix. Les objections particulières soulevées par l'entreprise quant à la portée de ces indices sont examinées mais les objections générales, déjà écartées lors de l'examen des indices généraux recueillis ci-dessus, ne sont pas reprises.
En ce qui concerne la société Parfums Loris Azzaro.
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
520. Les faits et pratiques rapportés aux paragraphes 22 à 26 établissent que l'entreprise avait mis en place une "politique de prix" en fixant les taux de remise qu'elle autorisait ses distributeurs à pratiquer, la fixation de remises en taux n'ayant de sens que par rapport à un prix connu.
521. Les faits et pratiques rapportés aux paragraphes 26 et 28 à 36 établissent que l'entreprise surveillait ces prix et exerçait des pressions pour les faire respecter.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
522. Il existe au dossier des relevés de prix effectués sur le produit "eau de toilette en vaporisateur 100 ml de Azzaro pour homme". Le taux de respect du PPI est de 44 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés.
<emplacement tableau>
523. La dispersion observée s'avère significative, la zone de concurrence existante s'établissant de 260 francs à 352 francs, soit 9,8 % en dessous du PPI et 22,2 % au-dessus. Ces relevés de prix jettent un doute sur l'application significative des PPI.
524. Il n'est donc pas établi, en l'espèce, que le PPI communiqué par Parfums Loris Azzaro a été significativement appliqué par ses distributeurs.
525. En conséquence, les indices réunis au dossier ne sont pas suffisants pour caractériser une entente verticale de prix impliquant la société Parfums Loris Azzaro.
En ce qui concerne la société BPI
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
526. Les faits rapportés aux paragraphes 37 à 40 et 42 à 46, établissent que l'entreprise a mis en place une "politique de prix" en fixant les taux de remise qu'elle autorisait ses distributeurs à pratiquer, la fixation de remises en taux n'ayant de sens que par rapport à un prix connu.
527. Les faits rapportés aux paragraphes 41, et 44 à 54 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions pour les faire respecter, s'efforçait d'empêcher que les "dérapages", c'est à dire les pratiques déviantes de certains distributeurs à l'entente, n'incitent d'autres distributeurs à faire de même. La déclaration mentionnée au paragraphe 54 montre que, en cas d'échec de l'entreprise à empêcher l'un de ces "dérapages", elle compensait la perte en volume de son distributeur, "contraint de remonter ses prix".
528. A propos du compte-rendu de la chaîne Baiser Sauvage cité au paragraphe 37, la société BPI soutient qu'il ne s'agit que d'une simple information communiquée par un distributeur à son fournisseur, ce document ne pouvant être considéré comme la preuve d'un "accord des parties sur le prix de vente des produits commercialisés par BPI".
529. Cependant, le distributeur Baiser Sauvage écrit bien que c'est la "remise sur prix de vente conseillé" qui baisse de -10 % à -5 % et non "la remise sur prix de vente", ce qui, dans ce dernier cas, aurait pu être interprété comme une décision unilatérale du distributeur. Ce document démontre donc que BPI communiquait à cette chaîne de distribution un taux de remise maximum. Cette interprétation est confirmée par le contenu des autres éléments de ce compte-rendu qui concerne d'autres informations en provenance de BPI : la "stratégie Gaultier" vis-à-vis de son réseau, le chiffre d'affaires de BPI mais aussi les conditions commerciales accordées à Baiser Sauvage pour l'année 1998 : coopération commerciale et délais de règlement.
530. Il ressort des pièces du dossier que la société BPI a bien diffusé des taux de remise maximum à ses distributeurs, ce qui implique nécessairement qu'elle leur communiquait préalablement des prix conseillés.
531. La société BPI soutient que le document évoqué au paragraphe 43 dans lequel où la chaîne Baiser sauvage informe BPI que "le nécessaire a été fait pour mettre (ses) prix au bon coefficient" fait probablement suite, d'une part, à une remarque sur des prix pratiqués par ce détaillant, incompatible avec l'image de marque des produits Jean-Paul Gaultier, et d'autre part, à la demande de communication d'un coefficient multiplicateur de la part de ce distributeur. Elle rappelle à cet égard que lors de son audition par l'enquêteur le 28 octobre 1999, le directeur commercial a déclaré : "Lorsqu'un distributeur nous demande notre coefficient multiplicateur, nous lui communiquons".
532. La société BPI reconnaît donc communiquer un coefficient multiplicateur à ses distributeurs.
533. S'agissant de la pièce citée au paragraphe 39, BPI explique que le lancement d'un nouveau parfum "Le feu" a conduit à la conclusion d' "accords ponctuels" avec Séphora.
534. La société BPI reconnaît donc que les prix de vente publics de ses produits faisaient l'objet de négociations avec ce distributeur.
535. A propos de la pièce évoquée au paragraphe 53, où il est question d'une dénonciation par un distributeur des prix pratiqués par l'un de ses concurrents, BPI soutient que ce distributeur ne lui demande pas d'intervenir sur les prix.
536. Pourtant, les annotations manuscrites sur le document, rédigées par un responsable de BPI, mentionnant "cc : Franck R... pour action" et"adressé à Franck par fax le 12/02/98" prouvent que la société BPI s'est donné les moyens d'agir effectivement à la suite des dénonciations de son distributeur.
537. La société BPI soutient que les propos rapportés du procès-verbal précité de la responsable des achats de la société Broglio SA au paragraphe 54 concernent une rémunération par BPI de ce distributeur au titre de la coopération commerciale et non une remise attribuée en fonction d'un barème.
538. Mais cette précision n'enlève pas à ces déclarations leur valeur probante de nature à établir que la société BPI a rémunéré ce distributeur en contre-partie de la perte de volume due à la remontée des prix de vente de ses produits, sous la forme d'une "remise supplémentaire de 1 % sur le chiffre d'affaires", ce qui montre que la police des prix alternait pressions et récompenses.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
539. L'observation des prix pratiqués pour le vaporisateur 100ml pour femme "JP Gaultier" et le vaporisateur "Le mâle" 125 ml de la même marque, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 78,6 % et 78,0 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix de ces produits.
<emplacement tableau>
540. Pour ces deux produits, la concentration des prix autour du PPI est significative, un grand nombre de prix relevés étant inférieurs de quelques francs seulement au PPI.
541. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société BPI, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société BPI. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Chanel
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
542. Les faits rapportés aux paragraphes 55 à 60 établissent que l'entreprise avait mis en place une "politique de prix" en fixant les taux de remise qu'elle autorisait ses distributeurs à pratiquer par rapport à ses "prix boutique" (paragraphe 54), la fixation de remises en taux n'ayant, en outre, de sens que par rapport à un prix connu.
543. Les faits rapportés aux paragraphes 62 à 68 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions pour les faire respecter et utilisait les remises qualitatives comme récompense de ce respect.
544. A propos de la pièce évoquée au paragraphe 56, dans laquelle un distributeur écrit, à propos de la mise en place de la nouvelle gamme de soins "Précision": "0% de discount demandé", la société Chanel soutient que la preuve d'une demande et d'une confirmation de sa part en vue de limiter à 0 % le discount sur ses produits n'est pas avancée, aucune force probante ne pouvant être attachée à ces propos.
545. Cependant, l'usage du terme "demandé" montre que l'initiative de limiter le discount au taux précisé émane bien du fournisseur. Par ailleurs, les autres points indiqués sur le document (cote 011061) confirment que le distributeur a consigné les instructions de son fournisseur, dont la limitation du discount faisait manifestement partie ; ces autres consignes étaient notamment les suivantes :
"-mise en place imposée de 40 426 francs en 12 échéances à, partir de la date de livraison (...) ;
- 4 linéaires de 60 cm minimum demandés avec réglettes obligatoires ;
- emplacement dans l'espace soin à définir (souhaite être entre Lauder et Dior ou Lancôme) (...)
- demande une vitrine pour la mise en place du 05 au 18 octobre".
546. Il ne fait donc aucun doute que le distributeur, en l'espèce, s'est contenté de retranscrire les demandes de Chanel, notamment celles consistant à limiter le discount sur les produits de la gamme Précision à 0 %.
547. Il ressort des pièces du dossier que la société Chanel a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
548. A propos du mémo interne cité au paragraphe 62, relatif à une opération de déstockage de la parfumerie Rayon d'Or ayant justifié une intervention de la marque, la société Chanel a indiqué en séance qu'à aucun moment ce document ne fait état d'un problème de prix et que son intervention était justifiée par le caractère dévalorisant de l'opération.
549. Mais au début de ce mémorandum, il est écrit, à propos de cette opération, que l'assistante de la société Chanel a contacté téléphoniquement le distributeur et "s'est fait confirmer qu'un grand nombre de produits de luxe était vendu à des prix exceptionnels". Par ailleurs, les termes utilisés dans ce document sont sans équivoque sur l'attitude et l'action qu'il est envisagé d'adopter en réponse à cette opération commerciale : "bref, leur faire peur". L'attribution de ces pratiques à la "maladresse d'une assistante", comme le soutient la société Chanel, n'emporte pas la conviction du Conseil.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
550. Les relevés de prix concernent le flacon 100 ml de Chanel N°5, le vaporisateur 100 ml d'Allure pour femme, le vaporisateur 100 ml d'Allure pour homme, le pot 30 ml d'Hydrasérum et un rouge à lèvre de la marque. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 83,6 %, 86,4 %, 91,7 %, 96,3 % et 94,9 %. Ils sont significatifs
551. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Chanel, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Chanel. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Parfums Christian Dior
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
552. Les faits rapportés aux paragraphes 89, 90, 92, 93, 98 et 100 établissent que l'entreprise a mis en place un "positionnement" (paragraphes 89 et 90) du prix de ses produits sur le marché, prix par rapport auxquels le taux des remises autorisées était fixé. Les faits rapportés aux paragraphes 92 à 98 et aux paragraphes 100 et 101 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions pour les faire respecter et utilisait les remises qualitatives comme récompense de ce respect.
553. A propos des déclarations précitées du responsable de la parfumerie Freddy à Paris au paragraphe 97, la société Parfums Christian Dior avance qu'elle ne communique à ses distributeurs des prix boutique que lors du lancement de nouveaux produits.
554. Mais les déclarations de ce distributeur évoquent un coefficient multiplicateur et un taux de remise maximum de 10 % pour l'ensemble des produits de la marque Dior. Il ressort des pièces du dossier que la société Parfums Christian Dior a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
555. A propos de la lettre-avenant des Parfums Christian Dior du 13 juin 1995 évoquée au paragraphe 102 dans laquelle la marque définit très strictement les opérations publi-promotionnelles qu'elle considère comme non-dévalorisantes, la société Parfums Christian Dior soutient que ce document est couvert par la prescription.
556. Cependant, ce courrier prévoyait lui-même sa transformation en avenant au contrat de distribution sélective, applicable sur la totalité de l'année 1995, et destiné au surplus à régir, sauf modification, les années suivantes. Or, il a été considéré au paragraphe 388 que seuls les faits antérieurs au 21 octobre 1995 peuvent être regardés comme prescrits. De plus, comme l'a précisé le Conseil dans sa décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005 relative aux pratiques mises en œuvre par le groupe Canal Plus dans le secteur de la télévision à péage, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 15 novembre 2005, les pratiques issues de l'application d'un contrat revêtent le caractère de pratiques continues tant que le contrat est applicable, faute de résiliation. Sur le fond, il apparaît clairement que ce fournisseur, sous le prétexte de condamner les pratiques discriminatoires à son encontre, telle que celle des prix d'appel, avait l'intention d'empêcher les réductions du prix de vente public de ses produits conduisant à "des marges anormalement basses ou inférieures aux marges moyennes pratiquées sur les produits d'autres marques d'un prestige similaire". L'aspect ambigu de cette notion nécessitait une interprétation. Cette interprétation est fournie, sans ambiguïté, par les déclarations des distributeurs cités aux paragraphes 92, 93 et 96 : les discriminations ou déloyautés dénoncées visent la pratique élémentaire de la concurrence consistant, pour un distributeur, à baisser ses prix.
557. S'agissant des déclarations citées au paragraphe 93 émanant de la responsable adjointe de la parfumerie Beauty Success à Périgueux, la société Parfums Christian Dior soutient que ces propos sont en contradiction avec l'affirmation, par cette même responsable, de son autonomie dans la fixation de ses prix de revente des parfums et cosmétiques de luxe.
558. Cependant, si l'on se réfère au procès-verbal, il apparaît que seule la première partie de la phrase, ("Les prix de vente sont déterminés par nous-mêmes), a été retenue par la société Parfums Christian Dior, la totalité des déclarations ayant un autre sens : "Les prix de vente sont déterminés par nous-mêmes à partir des coefficients conseillés par les marques". La suite des déclarations confirme l'interprétation qu'il convient de donner à ces propos :"En plus de ce prix déterminé à partir du coefficient conseillé par les marques, nous intégrons une remise supplémentaire. Cette remise est autorisée par les marques qui fixent son taux maximum. Notre prix de vente correspond donc au tarif fournisseur auquel est appliqué le coefficient conseillé du fournisseur + réduction correspondant à la remise autorisée par le fournisseur".
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
559. Les relevés de prix effectués concernent le vaporisateur 100 ml Poison, le vaporisateur 50 ml Poison, le vaporisateur 100 ml Eau sauvage et le tube Amincissant Body light, Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 92,1 %, 92,3 %, 92,4 % et 89,1 %. Ils sont donc tous significatifs
560. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Parfums Christian Dior, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Parfums Christian Dior. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Comptoir nouveau de la parfumerie (Hermès parfums)
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
561. Les faits rapportés aux paragraphes 104 à 108, 115,116 et 122 établissent que l'entreprise a mis en place une politique de remises maximum autorisées, ce qui n'a de sens que par rapport à des prix fixés. Les faits rapportés aux paragraphes 110 à 115, 117, 119, et 121 à 124 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions pour les faire respecter et utilisait les remises qualitatives comme récompense de ce respect (paragraphe 124). A propos du mémorandum du directeur France d'Hermès Parfums cité au paragraphe 116, la société Comptoir nouveau de la parfumerie soutient que l'engagement de"Marcel Frydman (...) à respecter la politique de prix" n'a pas été confirmé par une preuve émanant du chaîniste. En séance, son conseil a prétendu que le dirigeant de Marionnaud avait "menti" comme le prouveraient les relevés de prix effectués dans les deux points de vente Marionnaud, qui démontrent que ce distributeur a appliqué aux produits Hermès des prix inférieurs aux prix publics indicatifs.
562. Mais les relevés de prix effectués par l'enquête de la DGCCRF ont été faits durant l'été 1999, alors que le mémorandum précité témoigne d'un accord entre le fournisseur et son distributeur au 10 avril 1998. Par ailleurs, ce document démontre que les prix publics de vente des produits Hermès étaient bien évoqués lors de négociations commerciales avec Marionnaud, sans qu'il soit besoin de prouver que le distributeur respectait "à la lettre" ses engagements.
563. S'agissant du procès-verbal du responsable de la parfumerie Freddy à Paris, dont des extraits sont cités au paragraphe 107, la société Comptoir nouveau de la parfumerie soutient que la déclaration de ce distributeur ne constitue pas la preuve d'une politique systématique et généralisée de communication, par Hermès, d'un taux maximum de remise ; "tout au plus permet-elle de penser que Hermès Parfums a pu communiquer à ce distributeur un taux de remise conseillé pour certains distributeurs".
564. La société Comptoir nouveau de la parfumerie reconnaît ainsi avoir communiqué "un taux de remise conseillé" à certains de ses distributeurs.
565. Au total, il ressort des pièces du dossier que la société Comptoir nouveau de la parfumerie a diffusé auprès de distributeurs des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum.
566. La société Comptoir nouveau de la parfumerie fait valoir qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir de marché qui lui permette de mettre en place des mécanismes de contrôle des prix conseillés et des menaces de rétorsion vis-à-vis des distributeurs qui pratiqueraient des prix discount. Elle a indiqué à cet égard, en séance, que son activité "Parfums" est tout à fait marginale au sein de ses activités et qu'elle ne disposait, à l'époque des faits, que de six visiteurs commerciaux.
567. Mais la faiblesse des moyens invoqués par la société mise en cause n'a pas fait obstacle à un suivi des prix de vente des produits Hermès tel que le montrent les quatre documents internes de la société cités aux paragraphes 106 et 111, dont certains s'appuient sur des tableaux de relevés de prix préétablis. En outre, le document évoqué au paragraphe 119 montre que la police des prix de ce fournisseur était ciblée ; le directeur France d'Hermès Parfums note en effet dans ce document que l'Eau d'Hermès ne faisait pas l'objet d'un "suivi des prix, compte tenu de ce qu'il est en général respecté".
568. Selon la société Comptoir nouveau de la parfumerie, la note interne dont il est question au paragraphe 114, dans laquelle le directeur France de Hermès Parfums indique que "Silver Moon ne réajustera ses prix qu'après vérification que les concurrents immédiats : Patchouli, etc ont bien modifié les leurs" et donne pour consigne de "Faire le nécessaire pour que ces nouveaux prix soient appliqués partout" ne serait pas la preuve d'une politique généralisée et systématique d'Hermès Parfums ; le directeur de cette dernière ne ferait, en l'espèce, qu'émettre le souhait que Silver Moon réajuste ses prix.
569. Mais ce document démontre, au contraire, qu'un dispositif de surveillance des prix publics de la marque était mis en place par Hermès Parfums et que l'alignement des prix dont il est question n'est pas le fait spontané des distributeurs qui se livrent concurrence mais bien le "souhait" du fournisseur. En outre, le document prouve l'accord de volonté des distributeurs en cause pour revenir au comportement préconisé par l'entente, dès lors qu'Hermès Parfums l'aura obtenu de leurs concurrents.
570. S'agissant du mémorandum évoqué au paragraphe 115, la société Comptoir nouveau de la parfumerie soutient qu'il concerne un magasin Marionnaud, distributeur qui avait pour politique systématique de s'aligner sur les prix les plus bas et donc de ne pas respecter les éventuelles consignes du fournisseur.
571. La consigne transmise par le directeur de Hermès Parfums, quelle qu'ait été la politique de prix habituellement pratiquée par Marionnaud, démontre que le fournisseur faisait pression sur son distributeur comme l'indique la phrase : "Je demande à Jean-Yves Le V... d'intervenir très fermement auprès de Frydman pour qu'il rectifie le tir, c'est-à-dire :
1. Utilisation des tarifs du mois de mai et non pas du mois de janvier,
2. Utilisation de coefficients de départ corrects".
572. A propos de la plainte d'un client italien et des suites qui lui ont été données, évoquées au paragraphe 119, la société Comptoir nouveau de la parfumerie soutient que ce client fustigeait le discount dévalorisant pratiqué par un distributeur agréé d'Hermès.
573. Mais quelles qu'aient été les motivations de ce client, il s'avère que, selon les propos écrits du directeur France d'Hermès Parfums, la consigne suivante était cependant donnée : "Réaction très ferme vis-à-vis du parfumeur", ce qui démontre qu'Hermès Parfums souhaitait intervenir sur le niveau des prix de détail.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
574. Les prix observés concernent le vaporisateur 100 ml Hiris et le vaporisateur 100 ml 24 Faubourg. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 89,1 % et 77,8 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour le vaporisateur 100 ml 24 Faubourg.
<emplacement tableau>
575. Il apparaît que certains prix sont légèrement inférieurs au PPI, la concentration autour de ce dernier restant très forte. Il en ressort que, bien que le taux de respect du PPI soit, pour ce produit, légèrement inférieur au seuil des 80 % retenu, la concentration des prix reste significative.
576. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Comptoir nouveau de la parfumerie, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application significative de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Comptoir nouveau de la parfumerie. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Diana de Silva Cosmetics (Jean Couturier International et Montana)
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
577. Les faits rapportés aux paragraphes 125, 127 et 128 établissent que l'entreprise avait mis en place une politique de remises maximum autorisées, ce qui n'a de sens que par rapport à des prix fixés. Les faits rapportés aux paragraphes 126 et 128 sont en revanche insuffisants pour établir l'existence d'une police de prix.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
578. Le dossier ne comporte pas d'éléments directs ou indirects sur les prix pratiqués.
579. Il ressort des pièces du dossier que la société Diana de Silva Cosmetics a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs mais il n'est pas établi, à caractère suffisant, qu'elle ait mis en place un dispositif de police des prix permettant de s'assurer du respect de ces PPI. En conséquence, l'entente verticale de prix impliquant cette société n'est pas établie.
En ce qui concerne la société ELCO (Clinique et Estée Lauder)
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
580. Les faits rapportés aux paragraphes 129 à 133 et 137 à 140, 143 et 145 établissent que l'entreprise a fixé des prix publics indicatifs (paragraphe 131) et les taux de remise qu'elle autorisait ses distributeurs à pratiquer.
581. Les faits rapportés aux paragraphes 134 à 138 et 140, 142, 144, 145 et 147 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions pour les faire respecter, s'efforçait d'empêcher les "dérapages" (paragraphe 144).
582. S'agissant du compte rendu interne de la marque Clinique évoqué au paragraphe 131, la société ELCO soutient qu'il ne s'agit que d'une note stratégique au conditionnel dans laquelle l'auteur propose seulement des solutions commerciales pour la chaîne O'Dylia sans que l'on puisse prouver qu'il ait été suivi par sa hiérarchie. Au surplus, le taux de remise invoqué de 15 % serait en contradiction avec le taux de remise maximum de 5 % retenu par l'enquêteur pour la marque Clinique.
583. Mais l'auteur de ce document utilise des mots qui, sans équivoque, relatent les termes dans lesquels a été conclue la négociation commerciale avec ce distributeur, comme l'indiquent les mots "OK pour installer des Open Sell" et l'usage du futur dans les conditions de la contrepartie négociée : "application de remise maxi de 15 % (confidentiel) sur une liste de produits que nous lui communiquerons". Par ailleurs, le document démontre que Clinique était prêt à autoriser ce distributeur à pratiquer secrètement un taux de remise de 15 % à titre exceptionnel comme l'indique la mention "confidentiel". L'existence d'un taux de remise maximum déterminé par le fournisseur ne fait en effet pas obstacle à ce qu'il définisse un taux différent pour certains de ses distributeurs en fonction de leur situation particulière ; en l'occurrence, le distributeur O'Dylia était connu pour pratiquer des réductions de prix relativement supérieures à ceux de ses concurrents, ce qui aurait conduit Clinique à accepter un taux de remise exceptionnel, à condition qu'il reste discret.
584. ELCO soutient que son courrier précité au paragraphe 130 adressé à la chaîne Beauty Success, dans lequel il est fait état d'un "coefficient multiplicateur de la marque (...) de 1,884", se justifie par l'information donnée au distributeur de la "marge indicative" qu'il peut réaliser en appliquant ce coefficient.
585. Pourtant, ELCO ne peut nier qu'il est question du coefficient "de la marque", ce qui tend à démontrer que ce taux multiplicateur était bien celui défini et communiqué par elle.
586. S'agissant du mémorandum du service commercial d'Estée Lauder cité au paragraphe 137, ELCO considère qu'il ne s'agit en l'espèce que d'un constat relatif à la politique commerciale de la chaîne Douglas.
587. Mais le premier alinéa de ce document fait état des termes de l'accord conclu entre le fournisseur et son distributeur : "nous sommes parvenus avec Bernard C... à l'accord suivant : (...)". Suivent six points de cet accord dont le montant des "ristournes accordées par l'intermédiaire de la carte de fidélité" constitue le cinquième. La conclusion du document ne laisse aucun doute sur la volonté du fournisseur d'appliquer cet accord ; le directeur général d'Estée Lauder écrit en effet : "Je pense que cet accord démontre de part et d'autre une volonté commune de faire évoluer nos affaires"; s'adressant à ses subordonnés, il ajoute : "Je vous remercie de veiller personnellement à la bonne exécution de ce plan".
588. Il ressort des pièces du dossier que la société ELCO a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
589. A propos des fiches internes d'Estée Lauder (paragraphe 135), ELCO souligne qu'il s'agit de nouveaux produits qui nécessitaient de sa part un suivi des prix pratiqués par ses distributeurs, suivi qui ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel.
590. Mais ces documents démontrent que la société avait mis en place un dispositif de surveillance des prix de vente de ses produits allant jusqu'à donner aux commerciaux des consignes qui dépassaient manifestement le seul constat des prix pratiqués, comme l'indique l'usage des termes "Bien verrouiller (...) prix".
591. S'agissant des notes manuscrites d'une représentante d'Estée Lauder évoquées au paragraphe 136, ELCO soutient que les propos de cette responsable, licenciée par la société, ne sont pas représentatifs des relations de la marque avec ses distributeurs.
592. Cependant, le caractère répétitif de janvier à avril 1999 des instructions données et les termes sans équivoque utilisés par cette responsable, tels que "Peux-tu instamment corriger cela ?", "je te demande de remettre ce produit à 280F PVC ou maximum -10 % = 252 F. TTC (...) C'EST URGENT" ou encore "merci de redresser la barre", tendent à démontrer qu'elle était en position de donner ces instructions. La circonstance que cette responsable ait été licenciée ne permet pas d'écarter la valeur probante de ces documents.
593. S'agissant des trois documents internes de Clinique cités aux paragraphes 138 à 140, ELCO soutient que l'utilisation de l'abréviation "OK" ou du terme "validé" signifie seulement que la marque Clinique constatait les prix pratiqués par ses distributeurs ; ces termes seraient donc insuffisants pour démontrer l'existence d'un quelconque accord de volonté avec ses distributeurs.
594. Mais l'abréviation "OK", dans le langage courant, est toujours la manifestation d'un accord entre deux parties ; d'ailleurs, le document cité au paragraphe 140 ne se contente pas de constater un niveau de prix ou de taux de remise maximum pratiqué par un distributeur mais marque un accord pour une action à entreprendre ultérieurement, à savoir une "remontée prix" à partir du 1er octobre 1998 par la parfumerie Kléber.
595. S'agissant de la carte de fidélité de la chaîne Douglas (paragraphes 141 et 142), ELCO soutient que la suppression de cette dernière est le fruit d'une décision de la chaîne en raison du peu d'intérêt de cette carte pour les consommateurs ; Douglas en aurait profité pour obtenir des cadeaux de la part de ses fournisseurs.
596. Il ressort au contraire du dossier que la carte de fidélité de Douglas posait un problème en raison du niveau de remises qu'elle accordait à ses bénéficiaires ; il ne peut donc être soutenu que cette carte aurait été supprimée parce qu'elle n'était pas intéressante pour le consommateur. Si tel avait été le cas, le dossier ne permet pas d'expliquer pourquoi les fournisseurs auraient consenti à la chaîne de distribution des avantages pour compenser la suppression de cette carte.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
597. Les relevés de prix effectués concernent le vaporisateur 100 ml Pleasures d'Estée Lauder, le flacon 30 ml de fond de teint Enlighten d'Estée Lauder et le tube 10 ml de masque pour le visage de Clinique. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 83,31 %, 77,8 et 92,7 %. Deux de ces taux excèdent le seuil retenu, mais il convient d'examiner la dispersion des prix relevés pour le fond de teint Enlighten, qui lui est légèrement inférieur.
<emplacement tableau>
598. Il ressort que seuls trois prix sur les 45 relevés sont significativement inférieurs au PPI préconisé par la marque Estée Lauder, ce qui est insuffisant pour mettre en doute le respect significatif, pour ce produit, du PPI.
599. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société ELCO, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application significative de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société ELCO. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Parfums Givenchy
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
600. Les faits rapportés au paragraphe 153 établissent que l'entreprise diffusait des prix indicatifs ; les faits rapportés aux paragraphes 148 à 151, 153, 156 et 157 établissent que l'entreprise avait une politique de taux de remise maximum autorisés à ses distributeurs, ce qui n'a de sens que par rapport à des prix connus.
601. Les faits rapportés aux paragraphes 150, 151, 154 et 158 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions et menaçait de représailles pour les faire respecter.
602. S'agissant de la note interne de la société Valscure du groupement Beauty Success, relative aux conditions commerciales négociées avec Givenchy (paragraphe 149), la société Parfums Givenchy soutient qu'il n'est pas possible de déduire de ce document qu'elle a imposé à son distributeur un taux de remise maximum.
603. Cependant, les autres conditions commerciales relatées dans cette note qui concernent le montant du chiffre d'affaires annuel devant être réalisé par ce distributeur avec Givenchy ainsi que les remises de fin d'année qui peuvent lui être accordées par la marque font bien ressortir que le taux de remise de 15 %, dont il est précisé qu'il s'applique à partir du 1er février 1999, constituait l'un des points de négociation entre les parties.
604. Dès lors, il ressort de cette pièce que la société Givenchy a bien diffusé un taux de remise maximum à son distributeur à l'occasion de négociations commerciales.
605. A propos des "Fiches de visite" citées au paragraphe 153, Parfums Givenchy soutient qu'il est légitime de surveiller les prix de vente de ses produits en cas de suspicion de prix d'appel ou d'une qualité de service insuffisante du point de vente. Aucune mesure de rétorsion n'ayant pu être prouvée, il ne s'agirait donc pas d'une police des prix.
606. Mais sur la fiche du 7 mai 1999, dans l'espace réservé aux "commentaires" est précisé : "* j'ai prévenu Fabrice, le responsable régional qui doit s'occuper du problème"; or l'astérisque renvoie à trois autres astérisques situés dans la partie "prix" de la fiche et placés devant les prix de trois produits Givenchy : le vaporisateur 50ml Amarige, le vaporisateur 50ml Ysatis et le vaporisateur 100ml X.Rouge. C'est donc que le prix de ces produits posait un "problème" et nécessitait l'intervention du responsable régional, prévenu à cet effet.
607. S'agissant de la télécopie de la parfumerie Marick (paragraphe 154), la société Parfums Givenchy soutient qu'aucune preuve n'est avancée démontrant qu'elle serait intervenue à la suite de la communication de ces prix effectuée dans ce document.
608. Cependant, les annotations manuscrites de deux responsables démontrent que le problème évoqué dans ce relevé de prix a été pris en compte d'une manière ou d'une autre leur permettant d'écrire : "Vu et rectifié" et "Arrangé". Par ailleurs, la télécopie a été adressée en copie à pas moins de quatre personnes de la société Parfums Givenchy, comme l'indiquent les initiales mentionnées en haut à gauche du document.
609. A propos du document interne évoqué au paragraphe 156 dans lequel il est question de la "Régulation du discount", Parfums Givenchy soutient qu'il ne s'agit que d'une observation du marché qui porte sur des "taux de régulation" et non des taux de remise maximum.
610. Mais aucune explication n'est apportée quant à la signification des taux négatifs portés devant certaines marques concurrentes de Givenchy. Le second document, dans lequel il est également question de taux négatifs vis à vis d'autres marques de parfums et cosmétiques de luxe, évoqué au paragraphe 157, ne laisse pas de doute sur la réelle signification de ces taux ; de fait, le document est intitulé : "taux de discount accordés par la concurrence"; le cas de la marque "YSL" (Yves Saint Laurent) est éclairant : il est précisé : "-15 % sauf sur Love again = 0", ce qui démontre qu'il s'agit bien de taux de réduction préconisés par la marque. En effet, plusieurs déclarations de distributeurs, cités précédemment, font état de l'interdiction de toute remise sur les produits nouveaux, ce qui était le cas du parfum "Love again" à l'époque des faits. Ce document montre que Parfums Givenchy fixait la politique de remise imposée à ses distributeurs à partir d'une connaissance fine des politiques de remise des marques concurrentes.
611. S'agissant du document cité au paragraphe 158, il en ressort que "toute annonce" d'un distributeur agréé est jugée "dépréciative et dévalorisante de l'image" de Givenchy dès lors que les prix pratiqués sur ses produits pourraient, selon Givenchy, s'avérer "discriminatoires (...) vis-à-vis de (ses) concurrents". Cette interprétation empêche donc tout distributeur de pratiquer des réductions, notamment sur la marque Givenchy, ce dernier le contraignant à accorder le même niveau de remise à tous ses concurrents. Le coût d'une telle opération, portant sur toutes les marques concurrentes de Givenchy, c'est-à-dire sur la majeure partie des marques de luxe vendues en distribution sélective, est de nature à dissuader fortement le distributeur de toute action sur les prix et constitue une entrave majeure à sa liberté concurrentielle.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
612. Les prix observés concernent le vaporisateur 100 ml de l'eau de parfums Organza. Le taux de respect du PPI tel qu'indiqué aux paragraphes 332 et 507, était égal à 92 %. Il est donc significatif.
613. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Parfums Givenchy, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Parfums Givenchy. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Guerlain
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
614. Les faits rapportés aux paragraphes 159 à 163 établissent que l'entreprise a mis en place une politique de taux de remise maximum autorisés à ses distributeurs, ce qui n'a de sens que par rapport à des prix connus.
615. Les faits rapportés aux paragraphes 161 à 168 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions, menaçait de représailles pour les faire respecter et subordonnait l'octroi des remises qualitatives à ce respect.
616. A propos de la note évoquée au paragraphe 159, la société Guerlain soutient que ce document, daté du 13 juin 1995, est couvert par la prescription. Par ailleurs, il ne s'agirait, en l'espèce, que d'acter la décision de M. Z de limiter "le coefficient de remise sur Guerlain en région parisienne à - 15 % à partir du 1er juin 1995".
617. Mais le titre du document : "Conditions commerciales Frydman" ainsi que son contenu confirment qu'il s'agit bien de définir pour l'année 1995 trois points de coopération entre le fournisseur et son distributeur, le premier consacré au "barème RFA", le second à un accord sur le merchandising ("Vitrine") et le dernier intitulé "politique de prix". L'ensemble de ces conditions a donc vocation à s'appliquer pour l'année en cours, y compris pour le mois de décembre 1995 qui n'entre pas dans la période prescrite. Les termes du document démontrent, par ailleurs, sans équivoque que les conditions commerciales qui y sont évoquées sont le fruit d'un accord entre les parties et non le constat d'une décision unilatérale du distributeur.
618. S'agissant du problème cité au paragraphe 164, relatif à la carte de fidélité de la chaîne Douglas, la société Guerlain soutient qu'elle est intervenue pour que soit modifiée cette carte en raison de ses avantages mal définis, La lettre du directeur France de Guerlain, dans laquelle il déclare "Je pense obtenir cette semaine confirmation de l'arrêt définitif de votre ancien système de carte. Si tel est le cas, je vous certifie que vos demandes d'ouverture seront honorées immédiatement dans le respect bien sûr de nos conditions générales d'ouverture", aurait seulement pour objet, selon la société mise en cause, de critiquer l'absence de mise en place de la nouvelle carte dans les délais annoncés.
619. Cependant, les termes employés dans la seconde phrase de cette citation révèlent bien la pression exercée par Guerlain sur son distributeur, ses demandes d'ouvertures étant subordonnées à l'abandon de l'ancienne version de la carte de fidélité. Or, l'ouverture d'un point de vente ne saurait dépendre des modifications à apporter au système de vente et de fidélisation du distributeur : elle fait, en effet, l'objet d'un dispositif d'évaluation fondé sur le respect de critères objectifs appliqués de manière non discriminatoire concernant l'environnement du point de vente et la qualification du personnel. Cette pression illicite visait, en réalité, à obtenir que le distributeur ne vende pas au-dessous du prix imposé.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
620. Les prix observés concernent le vaporisateur 93 ml Shalimar, le vaporisateur 125 ml A. Allegoria, le vaporisateur 100 ml Habit Rouge, le pot 50 ml de l'Emulsion protectrice et le pot 10 g de poudre Terracotta. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 88,9 %, 100 %, 55,8 % et 88,9 % et 74,4 %. Ils sont significatifs, sauf les troisième et cinquième. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour le vaporisateur Habit Rouge et le pot de Terracotta.
<emplacement tableau>
621. Pour l'eau de toilette Habit Rouge, il ressort que plusieurs prix sont de très peu inférieurs au PPI ; seuls deux prix sur les 43 relevés se situent à un niveau relativement bas à 285 francs, soit 9,5% en dessous du PPI, ce qui est insuffisant pour mettre en doute le respect significatif du PPI. Pour la poudre Terracotta, la concentration des prix relevés apparaît significative au voisinage immédiat du PPI.
622. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Guerlain, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Guerlain. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Kenzo Parfums
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
623. Les faits rapportés aux paragraphes 169 à 171 établissent que l'entreprise a établi des prix publics indicatifs (paragraphe 169) et mis en place une politique de taux de remise maximum autorisés à ses distributeurs, ce qui n'a de sens que par rapport à des prix connus.
624. Les faits rapportés aux paragraphes 173 à 179 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions, menaçait de représailles (paragraphe 177) pour les faire respecter.
625. La société Kenzo Parfums soutient que le "Plan d'actions 1997", cité au paragraphe 169, constituait un document interne destiné aux seuls commerciaux de la marque ainsi qu'à ses filiales étrangères, et non à ses distributeurs.
626. Mais les "prix publics indicatifs" diffusés par le biais de ce document, fût-il interne, étaient communiqués aux commerciaux, interlocuteurs directs des distributeurs agréés. C'est donc que ces informations étaient utiles à ces représentants de la marque dans l'exercice de leurs fonctions.
627. Il ressort des pièces du dossier que la société Kenzo Parfums a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
628. La société Kenzo Parfums soutient que le courrier qu'elle a adressé au distributeur O'Dylia, cité au paragraphe 176, avait pour objet de dissuader ce distributeur de pratiquer des prix d'appel.
629. Mais seul le dernier alinéa de la première page de ce document se réfère à la pratique de prix d'appel comme l'indique l'usage de la préposition "en outre" au début de ce paragraphe, l'alinéa précédant reprochant au distributeur de pratiquer un "discount au-delà des normes".
630. La lettre adressée à O'Dylia par Kenzo Parfums, citée au paragraphe 177, éclaire de manière particulièrement nette la politique de représailles pratiquée par l'entreprise à l'égard de ses distributeurs récalcitrants à appliquer les prix de l'entente : "Par votre politique particulière de prix, vous vous situez en marge de tous les autres détaillants (...) Thierry P n'avait pas cherché lors de votre entretien téléphonique à intervenir de façon directive sur vos prix, mais bien à trouver un accord amiable pour éviter que des discounts disproportionnés et discriminatoires ne détériorent l'image de notre marque (...). En ce qui concerne votre demande de réassort, nous pouvons seulement vous confirmer qu'elle est actuellement en cours de traitement" (cf. RAE cote 010084).
631. Une fois encore, Kenzo Parfums se défend de toute intervention dans la politique de prix de son distributeur et prétend ne lutter que contre les "discounts disproportionnés et discriminatoires" ; mais elle ajoute une menace : elle peut "seulement confirmer" que la demande de réassort est en cours de traitement, ce qui signifie, en clair, qu'elle pourrait ne pas aboutir.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
632. Les relevés de prix opérés par l'enquête de la DGCCRF n'ont pas porté sur les produits Kenzo. Mais le dossier fait état d'un document émanant de la chaîne Baiser sauvage, adressé au directeur commercial de la société Kenzo, cité aux paragraphes 179 et 180 : "Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, nous vous confirmons que nous procédons dès aujourd'hui au changement des prix de vente de vos différentes gammes. Ceux-ci seront effectifs dès demain dans les magasins. Nous comprenons tout à fait que votre position (...) vise à proposer vos différentes gammes au même prix dans l'ensemble de la distribution. De notre coté, nous espérons que vous comprenez que l'acheteur de votre marque doit proposer à nos clients des produits attractifs et à des prix cohérents. Nous sommes néanmoins heureux d'être parvenus à un accord et nous espérons que ce nouveau positionnement tarifaire ne compromettra pas l'objectif de chiffres d'affaires que nous nous sommes fixés".
633. Ce document apporte la preuve d'une application significative des prix convenus et faisant l'objet d'une police des prix.
634. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Kenzo Parfums, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application significative de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Kenzo Parfums. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société LCI (anciennement Unilever Cosmetics international France)
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
635. Les faits rapportés aux paragraphes 181 et 182 établissent que l'entreprise avait une politique de taux de remise maximum autorisés à ses distributeurs, ce qui n'a de sens que par rapport à des prix connus.
636. Les faits rapportés aux paragraphes 184 à 186 laissent penser que l'entreprise surveillait ces prix.
637. S'agissant de la lettre adressée par la directrice générale de Calvin Klein Cosmetics au directeur général de Séphora, citée au paragraphe 184, la société LCI soutient qu'il s'agissait de réagir face à la pratique de prix prédateurs de Séphora à l'époque des faits. Les taux de remise négatifs mentionnés vis-à-vis des produits Calvin Klein s'appliqueraient par rapport "aux prix moyens pratiqués par les parfumeurs indépendants qui servaient de référents".
638. Mais le recours à la notion de "prix moyens pratiqués par les parfumeurs indépendants" n'est pas convaincante pour justifier les taux de remise indiqués dans le document précité ; aucune preuve démontrant que de tels prix moyens étaient calculés n'est apportée par la société et il paraît extrêmement difficile, voire impossible, de calculer de telles moyennes. Il ressort de ces éléments que les taux de remise indiqués n'ont de sens que par rapport à des prix conseillés communiqués préalablement par Unilever Cosmetics International France à Séphora.
639. Il ressort de ce document que la société Unilever Cosmetics International France (LCI) a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à Séphora.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
640. Le dossier ne contient aucun élément permettant d'apprécier si les prix indicatifs ont fait l'objet d'une application effective.
641. L'ensemble des éléments évoqués précédemment ne prouve pas à caractère suffisant la mise en place par la société Unilever Cosmetics International France (LCI) d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits et l'application effective de ces prix conseillés. En conséquence, l'entente verticale sur les prix impliquant la société LCI n'est pas établie.
En ce qui concerne la société L'Oréal Produits de luxe France
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
642. Les faits rapportés aux paragraphes 187 à 190 et 196 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix recommandés (paragraphe 187) et avait une politique de taux de remise maximum autorisés à ses distributeurs.
643. Les faits rapportés aux paragraphes 192 à 204 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions, menaçait de représailles et subordonnait ses remises qualitatives au respect des prix recommandés.
644. La société L'Oréal Produits de luxe France justifie les déclarations du directeur général France de Lancôme citées au paragraphe 187, par la circonstance que les prix recommandés communiqués par la marque concernent les nouveaux produits.
645. Mais cette affirmation est infirmée par les déclarations des distributeurs citées aux paragraphes 472, 473, 476 et 481 selon lesquelles le taux maximum de remise communiqué par la marque s'appliquait aux produits Lancôme en général et non aux seules nouveautés.
646. Il ressort des pièces du dossier que la société L'Oréal Produits de luxe France a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
647. La société L'Oréal Produits de luxe France soutient que la note interne de la direction juridique d'Armani, évoquée au paragraphe 200, poursuivait un but pédagogique à destination de la direction commerciale en lui expliquant sur quel fondement le fournisseur peut remettre en cause une publicité dévalorisante de son distributeur.
648. Toutefois, la lecture de cette note ne confirme pas cette interprétation : il s'agit en effet de trouver le moyen juridique permettant à la marque Armani de contester l'opération de son distributeur sans remettre expressément en cause la politique de prix de ce dernier. Comme le dit la note : "La politique de prix de chaque distributeur relève de son entière liberté et vous ne pouvez pas intervenir par courrier à ce sujet", c'est-à-dire par écrit. Pour contourner cet obstacle, la direction juridique suggère donc d'argumenter sur le respect de l'image de la marque comme l'indique la phrase : "Le seul moyen d'intervention auprès de la parfumerie Arc-en-ciel est de considérer que le mailing qu'elle envoie est dévalorisant". Cette note n'a donc pas pour objet d'expliciter les critères selon lesquels une opération publi-promotionnelle peut être considérée comme tapageuse et dévalorisante. Il apparaît au contraire que l'argument du respect de l'image de marque est mis en avant pour contester, en réalité, une politique de prix non désirée par le fournisseur, tout en rappelant que sa politique de prix "relève de son entière liberté".
649. S'agissant du barème 1998 de la marque Helena Rubinstein évoqué au paragraphe 204, la société L'Oréal Produits de luxe France reconnaît que le critère de "non-respect du positionnement prix HR" qui conditionnait le versement de la ristourne qualitative relève d'une "expression il est vrai maladroite abandonnée les années suivantes". Elle soutient que la ristourne avait pour objet d'engager les distributeurs à préserver l'image de la marque au travers de leurs politiques publi-promotionnelles.
650. Mais la condition d'octroi de cette ristourne faisait expressément référence au "respect du positionnement prix" et non au respect de l'image de marque.
651. A propos de la ristourne qualitative de 2 % versée par Lancôme à ses distributeurs entre 1998 et 2000 (paragraphe 197) pour "traitement non discriminant de la marque Lancôme vis-à- vis de ses principaux concurrents", la société L'Oréal Produits de luxe France soutient qu'il ne s'agissait, à travers cette remise, que de récompenser les recommandations "merchandising" définies précisément en ternes de linéaires et d'"espace vital" réservés à la marque dans le point de vente.
652. Toutefois, il convient d'observer que le barème de Lancôme mentionne deux conditions pour l'attribution de cette remise de 2 % : la première relative à l'"Allocation à la marque Lancôme (...) d'un espace vital selon modalités ci-joint", lesquelles sont précisément définies par le nombre de tablettes et la longueur des linéaires consacrés à la marque et la seconde relative au "Traitement non discriminant de la marque Lancôme vis-à-vis de ses principaux concurrents", condition qui ne fait l'objet en revanche d'aucune précision supplémentaire.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
653. Les relevés de prix concernent le vaporisateur 100 ml Armani, le vaporisateur 100 ml de l'eau de parfum Trésor de Lancôme, le vaporisateur 75 ml Ô oui de Lancôme, le pot 50 ml de la crème Hydrative de Lancôme et le mascara Définicils de Lancôme. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 86,3 %, 82,5 %, 81,7 % et 88,5 % et 90,5 %. Ils sont donc tous significatifs.
654. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société L'Oréal Produits de luxe France, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés,, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société L'Oréal Produits de luxe France. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Pacific Création Parfums (Lolita Lempicka)
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
655. Les faits rapportés au paragraphe 205 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix recommandés.
656. Les faits rapportés aux paragraphes 207 à 214 établissent que l'entreprise surveillait ces prix, exerçait des pressions et subordonnait ses remises qualitatives au respect des prix recommandés.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
657. Les relevés de prix concernent l'eau de toilette en vaporisateur 100 ml Lolita de Lolita Lempicka. Le taux de respect du PPI, tel qu'indiqué aux paragraphes 332 et 507, était de 85 %. Il est donc significatif.
658. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Pacific Création Parfums pour la marque Lolita Lempicka, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Pacific Création Parfums. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Procter et Gamble (Jean Patou, Hugo Boss et Lacoste)
659. Il n'est pas besoin d'examiner si un faisceau d'indices peut être retenu à l'encontre de la société Procter et Gamble, les griefs lui ayant été imputés à tort comme il l'a été dit au paragraphe 429.
En ce qui concerne la société Puig Prestige et Beauté (Nina Ricci)
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
660. Les faits rapportés aux paragraphes 220 à 223 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix recommandés et avait une politique de taux de remise maximum.
661. Les faits rapportés aux paragraphes 223 à 230 établissent que l'entreprise surveillait ces prix.
662. A propos du compte-rendu interne de la chaîne Baiser Sauvage cité au paragraphe 221, la société PUIG Prestige et Beauté soutient que s'agissant d'un document émanant de ce distributeur, les taux de remise indiqués relèvent d'une décision souveraine de celui-ci, aucune preuve n'étant apportée de l'exercice de pressions par le fournisseur.
663. Mais sur ce document, le distributeur a consacré un chapitre à la "Politique de prix Nina Ricci" et non à la "Politique de prix", ce qui corrobore l'hypothèse de la communication, par PUIG Prestige et Beauté, d'un taux de remise maximum ; cette thèse est confirmée par la première information notée à ce chapitre qui concerne l'augmentation des tarifs achat de 8 % ; par ailleurs, le document fait bien état de la remise sur prix de vente "conseillée", ce qui n'a de sens que si c'est bien le fournisseur qui a communiqué ce taux de remise.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
664. Les relevés de prix concernent le vaporisateur 100 ml "Des Belles" et le vaporisateur 100 ml de l'eau de parfums l'Air du temps de Nina Ricci. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 37 % et 29 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour ces deux produits.
<emplacement tableau>
665. La dispersion observée s'avère significative, la zone de concurrence existante s'établissant pour "Des Belles" de 261 francs à 355 francs, soit de 23,2 % en dessous du PPI à 4,4 % au- dessus et, pour "l'Air du temps", de 368 francs à 513 francs, soit de 20,2 % en dessous du PPI et 11,3 % au-dessus.
666. Il ressort des pièces du dossier que la société PUIG Prestige et Beauté a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs mais il n'est pas démontré, à caractère suffisant, qu'elle a mis en place un dispositif de police des prix lui permettant d'assurer le respect de ces PPI. En outre, les observations de prix ne démontrent pas l'application significative de ces prix. En conséquence, l'entente verticale sur les prix impliquant la société PUIG Prestige et Beauté n'est pas établie.
En ce qui concerne la société Parfums Rochas
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
667. Les faits rapportés aux paragraphes 231 à 234 établissent que l'entreprise a mis en place des prix minimum souhaités et une politique de remises autorisées.
668. Les faits rapportés aux paragraphes 233 et 234 établissent que l'entreprise pouvait en théorie exercer des représailles ou des déréférencements en cas de non application de ces prix.
669. Il ressort du catalogue des "prix minimum de vente souhaités" évoqué au paragraphe 231, que la société Parfums Rochas a bien diffusé des prix publics indicatifs à ses distributeurs, mais le dossier ne fait pas apparaître d'éléments suffisants pour étayer la démonstration de l'existence d'une police des prix.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
670. Les prix relevés concernent l'eau de toilette en vaporisateur 100 ml "Alchimie", et l'eau de toilette "Man" en vaporisateur 100 ml. Les taux de respect des PPI, tel qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, étaient respectivement de 85,1 % et 84,6 %. Ils sont donc significatifs.
671. Il ressort des pièces du dossier que la société Parfums Rochas a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs mais il n'est pas démontré, à caractère suffisant, qu'elle a mis en place un dispositif de police des prix. En conséquence, l'entente verticale sur les prix impliquant la société Parfums Rochas n'est pas établie.
En ce qui concerne la société Shiseido France
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
672. Les faits rapportés aux paragraphes 235 à 237 et 242, 245 et 246 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix publics indicatifs et avait une politique de remises maximum autorisées.
673. Les faits rapportés aux paragraphes 239 à 241, 243, 244 et 247 établissent que l'entreprise menait une politique de surveillance de ces prix et conditionnait l'octroi de remises qualitatives au respect de cette politique (paragraphe 247).
674. Il ressort des pièces du dossier que la société Shiseido France a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
675. S'agissant des documents relatifs à la garantie d'un taux de marge à Séphora, dont il est question aux paragraphes 239, 240 et 241, la société Shiseido soutient que c'est une demande émanant de Séphora qu'elle aurait refusé d'honorer en 1997. L'existence même d'une telle demande démontrerait que Séphora était soumis à une concurrence vive qui prouve que les prix publics indicatifs n'étaient pas respectés par les distributeurs. Il ne saurait donc, selon la société mise en cause, être déduit de ces documents un quelconque accord entre les parties pour remonter les prix au niveau des prix publics indicatifs.
676. Mais si c'est bien à la demande de Séphora qu'un accord de garantie de sa marge a été conclu avec Shiseido, il n'en demeure pas moins que cet accord, qui a régi les relations entre le fournisseur et le distributeur au moins pour les années 1995 et 1996, impliquait, comme l'écrivait le directeur commercial de Shiseido dans le document cité au paragraphe 240, une "responsabilité" mutuelle "sur le prix du marché et les marges nécessaires à un bon développement mutuel". Il ressort de cet accord qu'il avait pour objet et pour effet d'inciter le fournisseur à contrôler davantage le niveau des prix pratiqués par les concurrents de Séphora afin de réduire la facture de garantie de marge vis-à-vis de ce dernier. C'est d'ailleurs ce qu'indique clairement le courrier du dirigeant de Séphora cité au paragraphe 239, dans lequel il engage le fournisseur à "(agir) sur les prix du marché". Dans son courrier de contestation du 8 avril 1997 (paragraphe 241), la déléguée commerciale de Shiseido ne remet d'ailleurs pas en cause les principes de l'accord mais sa mauvaise application en reprochant à Séphora de ne pas l'avoir prévenue, comme prévu dans leur accord, "en cas de problème de prix", ce qui aurait permis à Shiseido de "régler le problème dans les 48 heures".
677. S'agissant du compte-rendu interne cité au paragraphe 242, la société Shiseido soutient qu'il ne s'agit que d'un document interne dans lequel Shiseido constate que la chaîne Nocibé a l'intention de pratiquer les prix publics indicatifs du catalogue 99 de la marque.
678. Mais si l'on ne peut effectivement pas déduire de ce document l'exercice d'une quelconque pression du fournisseur sur son distributeur, en revanche il en ressort que les prix conseillés par Shiseido étaient effectivement appliqués par la chaîne Nocibé.
679. En ce qui concerne les deux autres comptes rendus internes cités aux paragraphes 243 et 244, la société Shiseido soutient qu'il s'agit de simples informations sur les prix pratiqués dans le passé par les distributeurs concernés, qui ne prouvent pas l'existence d'une entente avec Shiseido. Elle ajoute qu'"il n'est pas anormal qu'un fournisseur s'intéresse aux prix pratiqués par ses distributeurs".
680. Toutefois, dans ces deux comptes rendus, la mention ". Remontée des prix .PPI" fait partie du chapitre intitulé "BILAN Shiseido 98 : Points à noter" et non du chapitre IV relatif à la politique commerciale des deux distributeurs Passion Beauté et Préférence. La remontée des prix de vente au niveau des PPI relève donc bien d'une information communiquée par Shiseido à ses distributeurs à l'occasion de cette réunion où ont été fixés les objectifs de la marque avec ces groupements pour 1999 (chapitre V du document).
681. En ce qui concerne le compte rendu de la chaîne "Baiser sauvage" évoqué au paragraphe 245, la société Shiseido soutient que ce document permet d'"expliquer et (d') apprécier les négociations" avec ce distributeur, confirmant ainsi que le fournisseur et son distributeur évoquaient, au cours de leurs négociations, l'application de taux de remise maximum sur les prix conseillés par Shiseido.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
682. Les relevés de prix concernent la crème Bio Performance. Le taux de respect du PPI, tel qu'indiqué aux paragraphes 332 et 507, est de 76,9 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour ce produit.
<emplacement tableau>
683. La dispersion des prix apparaît fortement concentrée autour du PPI à l'exception d'un prix dont le niveau anormalement bas relève manifestement d'une erreur d'étiquetage ou de relevé. La concentration est donc significative.
684. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Shiseido France, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Shiseido France. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
En ce qui concerne la société Sisley
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
685. Les faits rapportés aux paragraphes 248 à 250 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix publics indicatifs et avait une politique de remises maximum autorisées.
686. Les faits rapportés au paragraphe 250 évoquent des pressions commerciales pour faire respecter ces prix.
687. Il ressort des pièces du dossier que la société Sisley a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
688. La société Sisley soutient que le courrier du 19 mars 1996 adressé à l'un de ses distributeurs évoqué au paragraphe 249 doit être replacé dans le contexte des relations "tumultueuses" de Sisley avec ce distributeur, lequel utilisait les produits de la marque comme produits d'appel. De surcroît, ce document ne permettrait pas, selon la société mise en cause, de démontrer que la société Sisley exerçait un contrôle ou une police des prix de ses distributeurs.
689. Mais le contenu du courrier précité ne fait pas expressément mention de la pratique d'un prix d'appel. En revanche, il rappelle la communication, en décembre 1995, du "tarif Sisley pour l'année 1996" et semble bien déduire de ce rappel que les prix pratiqués par le distributeur ne respectent pas ce tarif, dans la mesure où les produits Sisley ont été vendus "avec des remises supérieures à celles (des) principaux concurrents" de Sisley, qui ne sont au demeurant pas nommés. La conclusion de la lettre renforce cette interprétation puisqu'il est demandé au distributeur de "ne pas faire une remise supérieure ou de ne pas appliquer un coefficient inférieur à celui que vous pratiquez avec les autres marques leaders du marché". Le fait que Sisley reproche à son distributeur la pratique d'une remise trop élevée démontre bien qu'elle exerçait un contrôle sur les prix de ce distributeur.
690. Cependant, il n'existe pas d'autres éléments dans le dossier de nature à démontrer la mise en place, par la société Sisley, d'un dispositif de surveillance des prix de vente de ses produits.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
691. Les relevés de prix concernent la crème réparatrice. Le taux de respect du PPI, comme indiqué aux paragraphes 332 et 507, s'établit à 52,9 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour ce produit.
692. Il apparaît une faible concentration des prix au voisinage du PPI.
693. Il ressort des pièces du dossier que la société Sisley a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs mais il n'est pas démontré, à caractère suffisant, qu'elle a mis en place un dispositif de police des prix lui permettant d'assurer significativement le respect de ces PPI, En conséquence, l'entente verticale sur les prix impliquant la société Sisley n'est pas établie.
En ce qui concerne la société Thierry Mugler Parfums
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
694. Les faits rapportés aux paragraphes 251 à 256 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix publics indicatifs (prix boutique) et avait une politique de remises maximum autorisées.
695. Les faits rapportés aux paragraphes 256 à 259 établissent l'existence de pressions (paragraphes 257, 259) et de menaces (paragraphe 258) à l'égard de distributeurs qui ne respecteraient pas ces prix ou taux de remise.
696. A propos de la note interne intitulée "Prix officieux du ressourçage du flacon source 100ml", citée au paragraphe 252, la société Thierry Mugler Parfums soutient que cette note était destinée à ses boutiques ; elle aurait été communiquée à ses distributeurs agréés à leur demande expresse.
697. Cet argument n'est pas cohérent avec la consigne donnée dans cette note selon laquelle le "prix [du ressourçage] étant officieux (il) ne doit jamais être inscrit sur aucun document ou lettre provenant de notre société. Il ne doit donc être communiqué qu'oralement". De fait, si la note était destinée à un usage exclusivement interne, l'interdiction d'utiliser un document ou une lettre provenant de la société n'aurait pas été justifiée. Par surcroît, la société Thierry Mugler reconnaît que la note a pu être communiquée à ses distributeurs.
698. S'agissant de la télécopie du directeur général de Thierry Mugler Parfums dans laquelle sont confirmés à Séphora des prix de vente spéciaux pour les trousses "A*Men" (paragraphe 253) la société Thierry Mugler Parfums soutient qu'aucune preuve n'est apportée que ces prix ont effectivement été appliqués par ce distributeur.
699. Ce document, rapproché des autres pièces du dossier est cependant de nature à établir que la société Thierry Mugler Parfums a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
700. Les prix observés concernent le vaporisateur 50 ml de l'eau de parfums "Angel". Le taux de respect du PPI, tel qu'indiqué aux paragraphes 332 et 507, est de 74,5 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour ce produit.
<emplacement tableau>
701. Il apparaît que seuls 7 prix sont significativement inférieurs au PPI sur un total de 51 prix relevés, les 44 autres étant très proches de ce prix de référence et s'alignant sur une ligne de concentration remarquable. Cette concentration est donc significative.
702. L'ensemble des éléments évoqués précédemment, qui démontrent la communication, par la société Thierry Mugler Parfums, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Thierry Mugler Parfums. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
703. En conséquence, l'entente verticale sur les prix est établie.
En ce qui concerne la société Yves Saint Laurent Parfums
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
704. Les faits rapportés aux paragraphes 260 à 264 et 270 établissent que l'entreprise était à l'origine de prix publics indicatifs (prix de l'Institut Yves Saint Laurent) et avait une politique de remises maximum autorisées.
705. Les faits rapportés aux paragraphes 264 à 276 établissent l'existence d'une politique de surveillance, de pressions, de menaces qui subordonnait l'octroi de remises qualitatives au respect de ces prix.
706. Il ressort des pièces du dossier que la société Yves Saint Laurent Parfums a bien diffusé des prix publics indicatifs ou des taux de remise maximum à ses distributeurs.
707. A propos du courrier adressé par YSL Parfums à la chaîne Luxe Parfums évoqué au paragraphe 270, la société Yves Saint Laurent Parfums soutient qu'elle s'est bornée, en l'espèce, à rappeler la législation applicable sur les rabais.
708. Mais le courrier de ce fournisseur a dépassé ce seul objectif en énonçant que "l'exigence d'un prix de référence [n'est] pas compatible avec des rabais présentés comme permanents ". Pour la société Yves Saint Laurent Parfums, les " prix de référence " sont donc une " exigence " afin de préserver le prestige de sa marque, ce qui revient à dire qu'ils doivent être respectés par les distributeurs. Or, il convient de rappeler que le TPICE, dans son arrêt Leclerc précité, a estimé, à l'instar de la Commission européenne dans sa première décision Yves Saint Laurent Parfums, qu'une politique de prix habituellement bas retenue par un distributeur ne saurait être assimilée à une image dévalorisante : "l'image qui découle de la politique habituelle de prix du distributeur ne doit pas être considérée comme dévalorisante".
709. S'agissant de la lettre de la parfumerie Rayon d'Or citée au paragraphe 262, la société Yves Saint Laurent Parfums a bien répondu à ce courrier le 27 février 1997 (cf. RAE cote, n°010909 et 010910) en déclarant qu'elle n'imposait à son distributeur "aucun coefficient pour la fixation de (ses) prix de revente, le droit français prohibant les prix proposés". Cependant, les déclarations du distributeur ne disent pas que Yves Saint Laurent Parfums lui imposait ses prix de revente mais qu'il s'engageait "à faire respecter (sa) politique" définie comme le souhait d'appliquer à ses produits un coefficient de 1,59, "comme en 1996", dans toute sa distribution.
710. Selon la société Yves Saint Laurent Parfums, la note interne de la parfumerie V.O. intitulée "Information YSL" (paragraphe 275, 4ème alinéa) donne une interprétation unilatérale des faits.
711. Mais les termes de cette note, selon lesquels le chef des ventes d'YSL Parfums aurait "insisté sur le respect de la politique des prix" et remettrait en cause les accords commerciaux avec le distributeur "si les prix ne sont pas respectés", sont suffisamment clairs et explicites pour ne pas créer d'équivoque sur les propos tenus par ce responsable dans le cadre des négociations entre le fournisseur et son distributeur.
712. S'agissant des conditions d'application de sa ristourne qualitative, la société YSL Parfums soutient que son barème entendait par "respect de la politique commerciale" le respect des préconisations de merchandising de la marque en termes de mise en avant de ses linéaires et de positionnement de ses présentoirs maquillage.
713. Cependant, le courrier de Yves Saint Laurent Parfums adressé à la parfumerie Rayon d'or, cité au paragraphe 275, 3ème alinéa, ainsi que le barème 1997 de la remise qualitative (cf. RAE cote 10911) distinguent clairement les conditions relatives aux linéaires et aux présentoirs du "respect de l'image YSL" ou du "respect de la politique commerciale", lequel est défini par la condition suivante : "le détaillant ne doit pas agir de façon discriminatoire à l'égard de la marque Yves Saint Laurent par rapport aux autres marques de prestige du marché". Il s'ensuit qu'il n'est pas exact d'affirmer que la politique commerciale impliquait le seul respect des conditions merchandising. Il ressort également de ces documents que pour ne pas être taxés de politique discriminatoire, les distributeurs devaient appliquer la même politique à toutes les marques de prestige équivalent, notion pour le moins imprécise. En réalité, l'adjectif discriminatoire était appliqué aux pratiques les plus normales de la concurrence : baisser les prix pour augmenter les ventes.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
714. Les relevés de prix concernent le vaporisateur 100 ml Opium, le vaporisateur 125 ml Paris, le vaporisateur 100 ml Jazz Live et le fard à paupières Duo. Les taux de respect des PPI, tels qu'indiqués aux paragraphes 332 et 507, sont respectivement de 23,2 %, 80,8 %, 92,7 et 93,9 %. Il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés pour le vaporisateur Jazz Live.
715. Il apparaît en l'espèce très clairement qu'un nombre très élevé de prix étaient de très peu inférieurs au PPI, la plupart étant de 519 francs, soit 2 francs de moins que le prix de référence. Ainsi, malgré un faible taux de respect de ce dernier, la concentration des prix dans l'immédiat voisinage du PPI est extrêmement forte. Au total, la concentration des prix est significative pour les quatre produits étudiés.
716. L'ensemble des éléments évoqués précédemment prouve la communication, par la société Yves Saint Laurent Parfums, de prix conseillés à ses distributeurs, la mise en place d'un dispositif de surveillance des prix de ses produits qui pouvait s'accompagner d'interventions directes auprès de ses distributeurs agréés, et l'application effective de ces prix conseillés, concourt ainsi de manière grave, précise et concordante à établir une entente verticale de prix impliquant la société Yves Saint Laurent Parfums. Une telle entente est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Les indices spécifiques à chaque distributeur : présentation et discussion
717. La méthode du faisceau d'indices est appliquée à l'analyse du comportement des distributeurs comme elle l'a été pour les fournisseurs. Cependant, pour calculer le taux de respect du PPI, il convient de rapprocher chaque prix observé chez un distributeur pour le produit d'une marque partie à l'entente, du PPI spécifique de ce produit. Ces PPI étant différents pour chaque produit, le graphique de la dispersion des prix pratiqués par rapport au PPI est exprimé en prenant pour base 100 le PPI du produit considéré.
En ce qui concerne Douglas
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
718. Les faits rapportés aux paragraphes 277 à 279 font état de la participation de Douglas à des réunions au cours desquelles étaient évoquées les pratiques de Clarins, Clinique et Estée Lauder visant à limiter les taux de remises autorisées par ces marques. Cependant, ces éléments ne démontrent pas, à suffisance, l'accord de volonté de Douglas pour participer à l'entente verticale sur le prix.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
719. Le dossier ne contient aucun élément permettant d'apprécier si les prix indicatifs communiqués par les fournisseurs à Douglas ont été effectivement appliqués par cette chaîne.
720. L'ensemble des éléments évoqués précédemment ne prouve pas à caractère suffisant que la chaîne nationale Douglas a participé aux ententes verticales portant sur les prix qui ont été démontrées ci-dessus à l'égard des fournisseurs précités.
En ce qui concerne Marionnaud
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
721. Les dirigeants de Marionnaud ont reconnu avoir eu connaissance des prix conseillés par leurs fournisseurs (paragraphe 281). Par ailleurs, plusieurs pièces font état de leur participation active à la surveillance des prix organisée par leurs fournisseurs et de leur volonté de voir ces fournisseurs intervenir pour faire cesser la concurrence : avec BPI (paragraphes 283 et 284) ; avec Hermès Parfums (paragraphes 285 et 286) et avec Clinique (paragraphe 291).
722. La société Marionnaud déclare appliquer une politique tarifaire strictement autonome. A l'appui de cette affirmation, elle a présenté dans ses observations en réponse au rapport des statistiques sur les coefficients appliqués dans ses points de vente par rapport aux coefficients conseillés par les marques ainsi que les coefficients moyens appliqués par l'ensemble de la chaîne par marque.
723. Mais le Conseil constate que ces données portent respectivement sur le mois de mai 2005 et sur les années 2002 à 2005, période qui n'est pas couverte par la présente procédure.
724. La société Marionnaud prétend par ailleurs qu'aucun accord de volonté, même tacite, entre elle-même et une marque n'a été démontré. Selon elle, " le secteur économique de la parfumerie de luxe est " par essence " un secteur à forte concurrence, ce qui entraîne un alignement naturel des prix ", cette concurrence induisant " notamment une surveillance mutuelle des concurrents ".
725. Mais le Conseil a précédemment rappelé au paragraphe 464 que la démonstration d'un accord de volonté entre un fournisseur et son distributeur peut être achevée en établissant le respect effectif par le distributeur des prix préconisés par le fournisseur, comme l'a souligné le Conseil dans sa décision n° 05-D-66 du 5 décembre 2005 précitée relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'électronique grand public. Ce respect effectif est démontré aux paragraphes 727 et 728 suivants.
726. En outre, le Conseil constate que si la " surveillance mutuelle des concurrents " peut constituer une pratique nécessaire à un distributeur qui souhaite préserver ses parts de marché, elle ne peut justifier des actes de dénonciation du distributeur au fournisseur dont les prix ne seraient pas respectés par un distributeur concurrent.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
727. Plusieurs éléments relevés lors de l'enquête démontrent que Marionnaud respectait les prix de vente ainsi définis : avec Hermès (paragraphe 293) ; avec Clinique (paragraphe 294) ; avec Estée Lauder (paragraphe 295) et avec Guerlain (paragraphe 296).
728. L'analyse des relevés de prix auxquels la DGCCRF a procédé prouve également que la chaîne Marionnaud a effectivement respecté les PPI qui lui étaient communiqués par les fournisseurs à un taux significatif. Si l'on ne retient que les marques pour lesquelles l'existence d'une entente sur les prix a été précédemment établie et pour lesquels il existe des relevés de prix, à savoir Armani, Chanel, Christian Dior, Clinique, Jean-Paul Gaultier, Givenchy, Guerlain, Hermès, Lancôme, Estée Lauder, Shiseido, Thierry Mugler et Yves Saint-Laurent, et que l'on examine les 124 prix relevés dans quatre points de vente Marionnaud, précédemment étudiés par marque, il est en effet possible de calculer le taux de respect des PPI par Marionnaud. Ce taux s'élève à 86,2 %. Il est donc significatif.
729. En conséquence, il est établi que la chaîne nationale Marionnaud a participé aux ententes verticales portant sur les prix qui ont été démontrées ci-dessus à l'égard des fournisseurs précités.
En ce qui concerne Nocibé
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
730. Le directeur général et président du directoire de Nocibé a reconnu l'existence des prix conseillés par ses fournisseurs et leurs pressions pour les faire respecter (paragraphes 298 à 301). Dans ses observations en réponse à la notification de griefs, la société Nocibé a d'ailleurs affirmé qu' " à compter de début 1998, les marques expriment désormais le niveau de prix qu'elles souhaiteraient voir appliquer par leurs distributeurs de manière plus ou moins ferme " et a reconnu que " face à cette véritable pression exercée par les marques, les distributeurs ne sont évidemment pas égaux : plus le déséquilibre de poids de distributeur par rapport à la marque est grand, et moins il est en mesure de résister à la pression. "
731. Par ailleurs, Nocibé a participé à la surveillance des prix organisée par Kenzo (paragraphe 303).
732. La société Nocibé affirme s'être toujours positionnée sur le marché comme " un acteur particulièrement autonome et actif en matière de prix ". Dans son mémoire en réponse à la notification de griefs, elle déclare que sa " politique concurrentielle active a pu susciter, à certaines périodes, des protestations des marques, mais elle n'a jamais conduit à des mesures attentatoires à sa liberté de déterminer ses prix ". Cependant, elle reconnaît, un peu plus loin, avoir " toujours pensé qu'elle disposait de moins de moyens moteurs (échantillons, testeurs) que certains concurrents, de même qu'elle subissait régulièrement des retards pour le lancement des nouveautés et bénéficiait de moins d'opérations exclusives que certains de ses concurrents ", en concluant que " ces difficultés ne sont en effet pas dues au hasard ". Il en ressort donc que Nocibé reconnaît indirectement avoir subi des représailles pour sa politique tarifaire active, mais comme le montrent les relevés de prix la concernant analysés au paragraphe 738 ci-dessous, cet activisme ne l'a pas emporté et elle a aligné ses prix aux niveaux souhaités par ses fournisseurs.
733. A l'appui de sa liberté en la matière, Nocibé cite les opérations publi-promotionelles conduites dans ses points de vente de septembre 1999 au mois d'août 2004 et démontre sous forme de graphiques les fortes fluctuations dans l'évolution des prix mensuels de trois produits : l'eau de toilette 100 ml d'Hugo Boss, l'eau de toilette 100 ml de Kenzo pour homme et l'eau de toilette 125 ml " Mâle " de Jean-Paul Gaultier.
734. En ce qui concerne les opérations promotionnelles, le Conseil constate que seule une opération est citée pour l'année 1999 (opération " Eté indien " en septembre 1999) et une seule également pour l'année 2000 (opération " Des prix fous seulement chez nous " en novembre 2000), ce qui confirme le caractère temporaire, limité et ponctuel de ces opérations. Les autres opérations citées portent, en outre, sur une période non couverte par la présente procédure.
735. S'agissant des graphiques portant sur les variations de prix de trois eaux de toilette, il convient de noter que les prix indiqués correspondent à des moyennes nationales. En outre, la présentation des graphiques sans y faire figurer l'origine de l'axe représentant le niveau des prix a pour conséquence, comme l'a indiqué le Conseil au paragraphe 517, de fausser l'appréciation qui peut en être faite pour juger de l'ampleur de la dispersion des prix au voisinage du PPI. En outre, il convient de ne retenir que le " prix unitaire brut ", c'est-à-dire celui qui est affiché dans le point de vente, et non celui qui résulte de l'application de remises qui ne sont pas liées au produit, comme le Conseil l'a précédemment expliqué au paragraphe 514. Dans le cas de l'eau de toilette " Mâle " de Jean-Paul Gaultier, on constate que pour la seule année 1999, les prix moyens pratiqués selon Nocibé dans ses points de vente n'ont fluctué que de 2 euro environ, entre 46 et 48,2 euro, ce qui tend à limiter sensiblement la portée des déclarations du chaîniste sur les variations fortes et " permanentes " de ses prix.
736. A l'instar de la société Marionnaud, Nocibé considère qu'aucun accord de volonté, exprès ou tacite, entre elle-même et une marque n'a été démontré, argument auquel le Conseil a déjà répondu au paragraphe 464.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
737. Le compte rendu de la société Shiseido cité au paragraphe 242 prouve l'application, dans l'ensemble des points de vente Nocibé, des tarifs préconisés par Shiseido.
738. L'analyse des relevés de prix auxquels la DGCCRF a procédé démontre également que la chaîne Nociné a effectivement respecté les PPI qui lui étaient communiqués par les fournisseurs à un taux significatif. Si l'on ne retient que les marques pour lesquelles l'existence d'une entente sur les prix a été précédemment établie et pour lesquels il existe des relevés de prix, à savoir Armani, Chanel, Christian Dior, Clinique, Jean-Paul Gaultier, Givenchy, Guerlain, Hermès, Lancôme, Estée Lauder, Shiseido, Thierry Mugler et Yves Saint Laurent, et que l'on examine les 75 prix relevés dans deux points de vente Nocibé, précédemment étudiés par marque, il est en effet possible de calculer le taux de respect des PPI par Nocibé. Ce taux s'élève à 82,4 % Il est donc significatif.
739. En conséquence, il est établi que la chaîne nationale Nocibé a participé aux ententes verticales sur les prix qui ont été démontrées ci-dessus à l'égard des fournisseurs précités.
En ce qui concerne Séphora
S'AGISSANT DES DEUX PREMIERES PARTIES DU FAISCEAU
740. Les dirigeants de Séphora ont reconnu qu'ils avaient connaissance des prix conseillés par leurs fournisseurs (paragraphes 309 et 310) et de la politique de ces derniers pour limiter et uniformiser les taux de remise. En outre, plusieurs pièces montrent que Séphora se pliait à la volonté de ses fournisseurs et appliquait les taux demandés : avec Kenzo (paragraphe 311) ; avec Thierry Mugler (paragraphe 312) ; avec Chanel (paragraphe 314) ; de façon générale, le "Code Séphora 1999" décrit une politique consistant à laisser la marque "réagir vis-à-vis du concurrent" et, faute de résultat, de s'aligner sur le concurrent "sans surenchérir" (paragraphe 316). Par ailleurs, Séphora a pris une part active à la surveillance des prix organisée par ses fournisseurs : avec Helena Rubinstein (paragraphe 318) ; avec Guerlain (paragraphes 319 et 322) ; avec Lolita Lempicka (paragraphe 320) et avec Chanel (paragraphe 321). Enfin, plusieurs pièces montrent que les fournisseurs de Séphora réagissaient lorsque la chaîne s'écartait des prix convenus, ce qui montre a contrario que les respecter était sa pratique habituelle notamment avec BPI, cité au paragraphe 326 : "nous avons eu connaissance que certains de vos points de vente pratiquaient des prix qui ne sont pas en adéquation avec nos accords ".
741. La société Séphora France soutient que la preuve n'est pas apportée établissant l'existence d'une concertation entre elle et ses fournisseurs. Elle prétend que les documents de certaines marques indiquant les prix qui sont souhaités voir pratiquer par la chaîne " revêtent un caractère unilatéral ". Cependant, le Conseil rappelle que la jurisprudence exige seulement que soit prouvée la communication de ces prix par le fournisseur à son distributeur. Le relevé de prix adressé par Séphora à Héléna Rubinstein " ne démontre en rien l'existence de discussion sur les prix. " Cependant, le Conseil constate que ce document prouve tout au moins la participation active de Séphora au dispositif de police des prix de la marque. La communication d'un taux de remise maximum par Kenzo à Séphora n'est, selon le chaîniste, qu'un " document interne à Kenzo ". Au surplus, il n'est pas démontré que le taux de remise maximum autorisé a été effectivement appliqué par Séphora. Toutefois, ce document démontre que le taux de remise maximum autorisé par Kenzo, qui passait en l'espèce de 20 % à 15 %, était communiqué avec la modification des tarifs de la marque. S'agissant des " accords " sur des prix auquel BPI fait référence dans le document précité évoqué au paragraphe 326, Séphora soutient que ce terme " accord " " n'est rien d'autre que la communication unilatérale faite à Séphora du taux de remise " que BPI souhaitait lui voir appliquer mais ce terme présuppose pourtant, dans le langage juridique comme dans le langage courant, l'existence de deux parties au moins.
S'AGISSANT DE LA TROISIEME PARTIE DU FAISCEAU
742. L'analyse des relevés de prix auxquels la DGCCRF a procédé, dont le caractère probant a été mis en doute par la société Séphora dans ses observations, démontre que la chaîne Séphora a effectivement respecté les PPI qui lui étaient communiqués par les fournisseurs.
743. En annexe 2 de son mémoire en réponse à la notification de griefs, la société Séphora a calculé que le taux de respect des prix pratiqués par ses huit points de vente où l'enquête a relevé des prix de parfums et cosmétiques de luxe durant l'été 1999 est égal à 73,8 %. Outre le fait qu'une erreur entâche ce calcul, le PPI de l'eau de toilette Emporio d'Armani pour femme ayant été respecté dans sept points de vente de Séphora et non dans six, il convient de calculer ce taux en ne retenant que les marques pour lesquelles l'existence d'une entente sur les prix a été précédemment retenue et pour lesquels il existe des relevés de prix précédemment étudiés par marque, à savoir Armani, Chanel, Christian Dior, Clinique, Jean121 Paul Gaultier, Givenchy, Guerlain, Hermès, Lancôme, Estée Lauder, Shiseido, Thierry Mugler et Séphora. Ce taux s'élève à 77,8 %. Etant inférieur à 80 %, il convient donc d'examiner la dispersion des prix relevés.
<emplacement tableau>
744. Il ressort qu'un grand nombre des prix pratiqués dans les points de vente Séphora forment une ligne qui correspond exactement aux PPI (base 100 sur le graphique ci-dessus) et qu'un nombre encore plus élevé est supérieur, légèrement ou significativement à ces PPI. Par ailleurs, 19 prix sont inférieurs de moins de 0,75 % au PPI, ce qui correspond à une réduction de seulement 1 à 3 francs par rapport au PPI. Cette concentration des prix à un niveau égal ou supérieur aux prix préconisés par les fournisseurs démontre que Séphora appliquait effectivement les PPI.
745. En conséquence, il est établi que la chaîne nationale Séphora a participé aux ententes verticales sur les prix qui ont été démontrées ci-dessus à l'égard des fournisseurs précités. Conclusion sur le grief d'ententes sur les prix
746. Il ressort de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus l'existence d'un faisceau d'indices grave, précis et concordants démontrant le fonctionnement durable d'ententes verticales sur les prix entre les sociétés Beauté Prestige International, Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie, ELCO, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Pacific Création Parfums, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, Yves Saint Laurent Parfums et leurs distributeurs. Les éléments du dossier démontrent, en outre, la participation de Marionnaud, Nocibé et Séphora France au fonctionnement de ces ententes.
747. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Beauté Prestige International (BPI), Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie, ELCO, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Nocibé, Pacific Création parfums, Séphora France, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, et Yves Saint Laurent Parfums ont enfreint les dispositions de l'article 420-1 du Code de commerce en participant à une entente sur les prix.
748. Les pratiques retenues à l'encontre des sociétés Parfums Loris Azzaro, Diana de Silva, Douglas, LCI, PUIG Prestige et Beauté, Parfums Rochas et Sisley ne sont pas établies.
c) Sur les autres griefs
Sur le grief relatif aux remises qualitatives (2 A) et quantitatives (2 B)
749. Pour ce qui concerne les remises qualitatives, l'examen des faits produits au soutien du grief d'entente verticale sur les prix (grief n° 1) a permis de montrer que ces remises étaient utilisées comme un instrument de représailles indirectes dans la police des prix mise en place. Il n'y a donc pas lieu de retenir ces pratiques au soutien d'un grief spécifique distinct du premier grief.
750. En ce qui concerne les remises quantitatives, les fournisseurs justifient les différences de traitement opérées par leurs barèmes de remises selon la nature du distributeur agréé, par l'avantage que représente pour eux la concentration d'un grand nombre de parfumeries autour d'une structure commune permettant, notamment, des économies d'échelle en termes de logistique et de livraison. Les barèmes de remises plus favorables bénéficiant aux grandes chaînes viendraient récompenser cette économie de coûts.
751. Les systèmes de remises peuvent être légitimes et représentent une pratique normale des affaires lorsqu'ils sont appliqués par une entreprise ne détenant pas une position dominante, comme le Conseil l'a fréquemment reconnu. En revanche, leur caractère potentiellement anticoncurrentiel peut résulter des discriminations opérées entre clients.
752. Aucun élément de l'enquête et de l'instruction n'a permis, en l'espèce, de démontrer l'existence de telles discriminations.
753. En conséquence, la pratique notifiée sous le grief n° 2-B n'est pas établie.
Sur le grief relatif aux opérations publi-promotionnelles des distributeurs.
754. L'examen des faits au soutien de ce grief n° 3 a révélé que le contrôle des opérations publi-promotionnelles des distributeurs servait en réalité à contrôler l'application des prix imposés par les fournisseurs.
755. Il n'y a donc pas lieu de retenir ces pratiques au soutien d'un grief spécifique distinct du premier grief.
Sur le grief tiré de la fixation d'un chiffre d'affaires minimum annuel
756. Le Conseil constate qu'à l'époque des faits, soit en 1998, les décisions de 1992 de la Commission européenne concernant Yves Saint Laurent et Givenchy, validées en 1996 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans son arrêt Leclerc précité, revêtaient l'autorité de la chose décidée et qu'en vertu de ces décisions, le chiffre d'affaires minimum exigé de ses distributeurs par un fournisseur ne devait pas être supérieur à 40 % de la moyenne du chiffre d'affaires des distributeurs agréés pour une même marque.
757. Les effets anticoncurrentiels d'un chiffre d'affaires minimum supérieur à ce plafond ont été explicitement identifiés par la Commission dans sa décision Yves Saint Laurent dans laquelle elle déclarait : "cette obligation va au-delà des exigences de qualification professionnelle des distributeurs ou de leur personnel de vente ainsi que de localisation et d'aménagement adéquat du point de vente, qui sont nécessaires à une distribution appropriée des produits cosmétiques de luxe. Elle limite la concurrence, tant à l'intérieur de la marque Yves Saint Laurent qu'entre celle-ci et d'autres marques concurrentes, dans la mesure où elle a pour effet, d'un côté de réserver l'accès au réseau de distribution d'Yves Saint Laurent Parfums aux seuls revendeurs qui sont en mesure de souscrire un tel engagement et, de l'autre, de contraindre les distributeurs agréés à consacrer une part significative de leurs efforts à la vente des produits contractuels".
758. Cependant, les contrats de distribution sélective bénéficiant, depuis l'entrée en vigueur du règlement n° 2790-1999 précité, d'une exemption automatique et la part de marché de chaque fournisseur étant, en l'espèce, inférieure à 30 %, l'examen de ces pratiques ne peut donc s'effectuer que sous l'empire de la réglementation concernant l'effet cumulatif.
759. Dans les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales, cette dernière considère, s'agissant de l'effet cumulatif de plusieurs contrats de distribution verticaux, qu'"il est peu probable qu'un problème se pose lorsque le taux de couverture du marché dépasse 50 %, si la part de marché cumulée détenue par les cinq fournisseurs les plus importants n'atteint pas 50 %".
760. Or, en l'espèce, l'existence d'un effet cumulatif allégué par le rapport communiqué aux sociétés mises en cause se fonde sur les parts de marchés des cinq premiers groupes de fournisseurs de parfums et cosmétiques de luxe sans démontrer, à suffisance, que les sociétés appartenant à ces groupes agissaient sur le marché en fonction d'une stratégie de groupe. Il convient donc d'examiner la part de marché des cinq premières sociétés et non des cinq premiers groupes.
761. Les cinq premières sociétés ne détenant que 38 % du marché des parfums et cosmétiques de luxe, il résulte de cette constatation et de l'absence d'autres indices au dossier que la pratique notifiée sous le grief n° 4 n'est pas établie.
Sur le grief tiré de l'obligation de détention d'un stock minimum permanent incombant aux distributeurs
762. Aucun élément de l'enquête et de l'instruction n'a permis de démontrer l'existence d'un objet ou d'un effet anticoncurrentiel de la clause imposant aux distributeurs agréés de parfums et cosmétiques de luxe la détention d'un stock minimum permanent de ces produits.
763. En conséquence, la pratique notifiée sous le grief n° 5 n'est pas établie.
Sur le grief tiré de d'abus de position dominante de la part de Séphora sur le marché local des Champs-Élysées
764. La société Séphora réfute l'existence d'une quelconque domination sur le marché des Champs-Élysées entre 1996 et 1999. Elle affirme qu'elle n'occupait pas, non plus, de position dominante sur le marché pertinent tel qu'elle le définit dans ses observations, à savoir la zone Opéra-Rivoli-Champs-Élysées.
765. Il est indéniable que Séphora offrait à ses fournisseurs un emplacement exceptionnel et, à l'époque des faits, incontournable dans son magasin des Champs-Élysées. Les fournisseurs étaient prêts à ''acheter'' cet emplacement, sous la pression de Séphora, en lui accordant une garantie de marge spécifique de 50 %, alors que les autres points de vente Séphora faisaient l'objet d'une garantie de taux de marge de 45 %. On peut donc parler à cet égard d'un double "test SSNIP" ("Small but significant non transitory increase in price") effectivement réalisé : les fournisseurs de parfums et cosmétiques de luxe étaient prêts à payer 11 % plus cher (c'est-à-dire la différence en pourcentage entre 45 % et 50 % de garantie de taux de marge) le service de la distribution de leurs produits lorsqu'ils "l'achetaient" à leur distributeur sur les Champs-Élysées, sans se reporter sur les distributeurs des quartiers voisins, ce qui montre que l'avenue constitue un marché amont pertinent. A l'inverse, le fait que Séphora n'ait pas augmenté sa marge sur les ventes réalisées sur les Champs-Élysées, simplement en majorant ses prix de détail, montre que l'avenue ne constitue pas un marché aval pertinent : en cas de majoration des prix de détail, la clientèle se serait reportée sur les quartiers voisins.
766. Cependant, à supposer qu'il existait bien, à l'époque des faits, un marché amont pertinent des Champs-Élysées et que Séphora y détenait une position dominante puisqu'en monopole, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que l'exigence d'obtention d'une marge plus forte sur ce marché ait excédé l'exercice normal du jeu de la concurrence et ait eu un objet ou un effet anticoncurrentiel.
767. Il résulte de ce qui précède que la pratique notifiée sous le grief n° 5 n'est pas établie.
D. SUR L'AFFECTATION DU COMMERCE INTRA-COMMUNAUTAIRE
768. Les systèmes de distribution sélective sont susceptibles en eux-mêmes d'affecter le commerce intracommunautaire, compte tenu de leur nature restrictive de concurrence ainsi que l'a souligné la Commission européenne dans sa décision précitée Givenchy du 24 juillet 1992.
769. En outre, en application des paragraphes 86 et suivants des lignes directrices de la Commission sur les accords verticaux, la limitation du nombre de distributeurs inhérente au système de distribution sélective, les obligations d'achat exclusif imposées par les fournisseurs à leurs distributeurs dans la majorité des contrats et les pratiques de prix imposés, surtout lorsqu'elles sont répandues sur l'ensemble du territoire national, affectent nécessairement les courants d'échanges entre la France et les autres Etats membres.
770. Enfin, un certain nombre de pièces figurant au dossier attestent plus spécifiquement de l'impact des pratiques sur les échanges intracommunautaires.
771. Une note interne de Hermès France du 23 novembre 1998 (cf. annexe n° 17, cotes 005995 à 006001) mentionne deux demandes de Séphora Europe visant à centraliser ses livraisons sur le site unique d'Orléans et à garantir des "conditions de facturation leur permettant d'obtenir 45 % de marge nette par rapport à leurs prix détail pratiqués" dans tous les pays où la chaîne est présente. En conclusion, l'auteur de la note recommande d'adopter à l'égard de Séphora une "politique commune avec tous (les) agents locaux" d'Hermès.
772. Certaines remises de Chanel, intitulées "conditions France transnationales" sont calculées en fonction du chiffre d'affaires réalisé par les "gros" distributeurs en Europe et du nombre de pays européens où ils sont implantés (cf. annexe n° 7, cote 000764).
773. Dans le conflit qui a opposé la marque Calvin Klein à Séphora à propos de la garantie, par le fournisseur à la chaîne de distribution, d'un taux de marge de 50 % sur son magasin des Champs-Élysées, la solution de compromis a été négociée au niveau européen ainsi que le déclarait le directeur France de Calvin Klein auditionné au Conseil le 3 février 2005 : "Nous avons été effectivement déréférencés sur le magasin des Champs-Élysées. Nous avons pu sortir de ce différend en négociant autre chose au niveau européen avec la conclusion, fin 1999, d'un accord de coopération européen avec Séphora couvrant la France, l'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et l'Angleterre".
774. Il résulte de ce qui précède que les pratiques d'ententes sur les prix retenues à l'encontre des sociétés Beauté Prestige International (BPI), Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie, ELCO, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Nocibé, Pacific Création parfums, Séphora France, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, et Yves Saint Laurent Parfums doit également être qualifiée sur le fondement de l'article 81 du traité CE.
E. SUR LES SANCTIONS
775. Les pratiques retenues à l'encontre des sociétés dans la présente affaire ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. En vertu du principe de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus rigoureuses que celles antérieurement en vigueur, ne sont pas applicables à ces infractions.
776. Aux termes de l'article L. 464-2-II du Code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Le Conseil de la concurrence peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos".
777. S'agissant de la gravité des pratiques d'ententes verticales sur les prix, il y a lieu de rappeler que les pratiques de prix imposés sont constitutives, comme il l'a été dit au paragraphe 450, de "restrictions caractérisées" au regard du règlement européen n° 2790 du 27 décembre 1999 éclairé par les lignes directrices de la Commission européenne du 13 octobre 2000 relatives aux restrictions verticales. Même sans revêtir le même caractère de gravité exceptionnelle que celui des ententes horizontales entre concurrents, elles sont graves par nature car elles ont pour conséquence de confisquer au profit des auteurs de l'infraction le bénéfice que le consommateur est en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel du marché de détail.
778. Les entreprises en cause ont toutes fait valoir que la préservation de l'image de luxe attachée à leur produits légitimait leurs efforts pour maintenir un prix de vente au détail élevé. Elles ont allégué que les décisions Givenchy et Yves Saint-Laurent précitées leur avaient reconnu le droit de s'opposer aux pratiques de ventes dévalorisantes, telles les publicités agressives affichant des "prix barrés" ou les opérations de soldes. Elles ont fait valoir qu'en imposant des limitations aux rabais proposés par leurs distributeurs, à supposer la pratique démontrée, elles ne s'écartaient pas d'une légitime défense de l'image de luxe de leurs produits qu'une trop large liberté commerciale accordée à leurs fournisseurs aurait compromise.
779. Il n'appartient pas au Conseil de dire quel niveau de prix est nécessaire pour conférer à un produit une image de luxe. Mais dès lors qu'un fournisseur choisit de confier la distribution de son produit à des entreprises autonomes, il lui revient de respecter dans tous les cas les articles L. 410-1 et L. 420-1 du Code de commerce qui garantissent au distributeur la liberté de fixer ses prix sous la seule réserve de la législation relative à la revente à perte. En l'espèce, les pratiques illicites ont permis aux entreprises impliquées dans les ententes verticales d'obtenir les profits correspondant à l'existence d'un réseau intégré de distribution sans en supporter les coûts, qui sont très importants.
780. Contrôler le niveau et l'uniformité des prix de détail est en effet source de profit pour le fournisseur comme pour ses distributeurs car même s'il subsiste une concurrence inter- marques- aucune des sociétés mises en cause ne détient en l'espèce une part de marché très importante-, l'intérêt conjoint du producteur et de ses distributeurs est de fixer un prix au détail permettant d'extraire le maximum de surplus de la clientèle fidèle à la marque et, dans le cas du secteur de la parfumerie de luxe, rendue d'autant plus fidèle que chaque marque consent de très importantes dépenses de publicité autour de son image. En fixant son prix de gros, le fournisseur répartit ensuite ce surplus entre lui-même et ses distributeurs. Pour que le système fonctionne, encore faut-il que les distributeurs jouent uniformément le jeu, sans qu'aucun d'eux, par une concurrence intra marque, n'aille tenter d'augmenter le volume de ses ventes et, ainsi, de maximiser son profit personnel en entraînant les prix de détail à la baisse, ce qui compromettrait le surplus global à partager.
781. C'est donc à tort que les entreprises mises en cause ont prétendu que leurs agissements avaient pour seul but "la défense de l'image de luxe" de leurs produits. Plus simplement, il s'agissait d'extraire du consommateur un supplément de profit au moyen d'une entente illicite qui visait, d'une part à sécuriser ce supplément en combattant tous les comportements des distributeurs déviants qui risquaient de le compromettre, et, d'autre part, à le répartir entre les participants à l'entente.
782. Pour apprécier l'importance du dommage à l'économie causé par les pratiques, il convient, en premier lieu, de prendre en compte la durée des pratiques et la taille du marché affecté. Les pratiques sont sans doute anciennes comme tend à le démontrer l'avis de la Commission de la concurrence du 1er décembre 1983, relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de la distribution sélective des produits de parfumerie, où avaient déjà été condamnées des pratiques de prix imposés. La Commission avait relevé dans cet avis que " la concurrence par les prix au niveau de la distribution (était) exceptionnelle, les marques étant vendues pratiquement au même prix ". Cependant, le Conseil ne retient, dans le cadre du présent dossier, que les années 1997 à 2000 pour lesquelles la preuve de l'entente est rapportée. Le chiffre d'affaires annuel pour l'ensemble des fournisseurs ayant participé aux ententes verticales de prix s'est élevé à 814,5 millions d'euro en 1998. Sans prétendre à déterminer une mesure fine de l'atteinte au surplus du consommateur, ce qui nécessiterait de connaître l'élasticité de la demande de parfum et de cosmétique à leur prix, on peut avancer, de façon " rustique ", qu'un dommage de l'ordre de huit millions d'euro est causé à l'économie chaque année et chaque fois que l'entente permet de renchérir de 1% le prix de détail des produits concernés. Cette somme est à imputer, entreprise par entreprise, au prorata de son chiffre d'affaires. Or, les éléments présents au dossier permettent d'évaluer à plusieurs points de pourcentage l'effet des pratiques sur les prix de détail. Le mémorandum interne de Clarins, évoqué au paragraphe 77, qui met en avant des "Problème de prix, des - 22 %, des -23 %", permet de penser que le rabais dont il s'agit était normé à 20 % ; les pratiques en cause ont empêché les prix de baisser, dans cet exemple, de 2 à 3 %. De même, de nombreuses pièces du dossier évoquent les efforts des producteurs pour réduire la norme du rabais concerté de 20 à 15 %, pratique ayant sur le prix de détail un effet à proportion. Aussi, sans même faire d'hypothèse sur le niveau de prix d'équilibre final que l'instauration d'une concurrence intra marque aurait pu provoquer, un supplément des prix, payés chaque année par les consommateurs, de plusieurs points de pourcentage constitue une évaluation prudente du dommage causé à l'économie. Ainsi, à titre d'exemple, un supplément de 3 % - hypothèse très conservatrice- maintenu pendant 3 ans équivaut à un montant de l'ordre de 72 millions d'euro.
783. Il sera enfin relevé, à décharge, qu'aucun fournisseur ne détient, sur le présent marché, de position dominante individuelle, ni, avec les autres fournisseurs, de position dominante collective qui pourrait affecter la concurrence intermarques.
784. La société Beauté Prestige International (BPI) a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 47,614 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 810 000 euro.
785. La société Chanel a participé activement à l'entente entre les fournisseurs et les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à 297 millions d'euro, son activité parfums et cosmétiques représentant la somme de 155,05 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 3 000 000 euro.
786. La société Parfums Christian Dior a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 129,144 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 2 200 000 euro.
787. La société Comptoir nouveau de la parfumerie a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 24,04 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 410 000 euro.
788. La société ELCO a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 95,68 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 1 600 000 euro.
789. La société Parfums Givenchy a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 32,236 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 550 000 euro.
790. La société Guerlain a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 99,954 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 1 700 000 euro.
791. La société Kenzo Parfums a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 35,141 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 600 000 euro.
792. La société L'Oréal Produits de luxe France a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 239,79 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 4 100 000 euro.
793. La société Marionnaud a participé activement à l'entente entre fournisseurs et distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 754,354 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 12 800 000 euro.
794. La société Nocibé a participé activement à l'entente entre fournisseurs et distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 364,101 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 6 200 000 euro.
795. La société Pacific Création Parfums a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 5,46 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 90 000 euro.
796. La société Séphora a participé activement à l'entente entre fournisseurs et distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. En outre, en exigeant de certains de ses fournisseurs qu'ils lui garantissent un taux de marge discriminatoire, la société Séphora a conduit à renforcer le respect des ententes verticales entre ces fournisseurs et leurs distributeurs. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 554,324 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 9 400 000 euro.
797. La société Shiseido France a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 19,886 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 340 000 euro.
798. La société Thierry Mugler Parfums a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 37,582 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 640 000 euro.
799. La société Yves Saint Laurent Parfums a participé activement à l'entente avec les distributeurs de parfums et cosmétiques de luxe en vue de restreindre la concurrence et d'imposer des prix de vente publics. Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos de la société s'est élevé à la somme de 105,389 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant de 1 800 000 euro.
800. Afin d'informer les consommateurs, d'attirer leur attention sur la gravité des pratiques d'entente sur les prix et de les inciter à la vigilance et à l'initiative pour faire pleinement jouer la concurrence, il y a lieu d'ordonner aux sociétés Beauté prestige International (BPI), Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie, ELCO, Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Pacific Création parfums, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, et Yves Saint Laurent Parfums, la publication, à frais partagés au prorata du montant de leur sanction pécuniaire, dans un quotidien national, sur une page entière en caractères normaux, du résumé de celle-ci figurant au paragraphe 801 ci-après et des sanctions figurant à l'article 7 du dispositif de la présente décision.
801. Résumé de la décision :
Entre les années 1997 et 2000, les entreprises exploitant des marques de parfums et cosmétiques de luxe :
- Beauté Prestige International (propriétaire des marques Jean-Paul Gaultier et Issey Miyake),
- Chanel,
- Parfums Christian Dior,
- Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums),
- ELCO (propriétaire des marques Estée Lauder et Clinique),
- Parfums Givenchy,
- Guerlain,
- Kenzo Parfums,
- L'Oréal Produits de luxe France (propriétaire des marques Giorgio Armani, Lancôme et Helena Rubinstein),
- Pacific Création Parfums (Lolita Lempicka),
- Shiseido France,
- Thierry Mugler Parfums,
- et Yves Saint Laurent Parfums
se sont, chacune pour ce qui la concerne, entendues avec des distributeurs de leurs produits, notamment les chaînes nationales :
- Marionnaud,
- Nocibé,
- et Séphora,
pour faire cesser toute concurrence sur les prix, sur chacune des marques, entre les points de vente les distribuant. Chacune de ces ententes consistait à fixer le taux de remise maximum que le fournisseur de parfum ou de cosmétique autorisait ses distributeurs à pratiquer, de façon à uniformiser vers le haut les prix de détail des produits offerts à la vente. Chaque entente organisée par une marque s'est accompagnée de la mise en place d'une "police des prix" consistant en des contrôles, pressions et menaces de représailles commerciales à l'égard des distributeurs de la marque qui refusaient d'appliquer les prix imposés par le fournisseur et voulaient vendre à des prix plus bas. Les relevés de prix pratiqués au cours de l'enquête ont permis de constater l'efficacité de l'entente : les prix appliqués ont été significativement alignés sur les prix convenus au sein des ententes. Ces pratiques anticoncurrentielles sont illicites car, sous couvert de la "défense de l'image" des marques de luxe, elles consistent à entraver la concurrence sur le marché du détail, aux dépens du consommateur. Injonction a été faite aux entreprises de parfums et cosmétiques de luxe et aux chaînes nationales de distribution de leurs produits mises en cause de faire publier à leur frais le texte résumé de la présente décision afin d'informer les consommateurs, d'attirer leur vigilance et de stimuler leurs initiatives dans la recherche du meilleur prix concurrentiel.
Le Conseil de la concurrence, eu égard à la gravité des pratiques relevées, du dommage causé à l'économie et de la situation des entreprises concernées, a infligé les sanctions pécuniaires suivantes : (article 7 du dispositif de la décision)
(...)
Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est accessible sur le site www.conseil-concurrence.fr .
Décision
Article 1er : Il est établi que les sociétés Beauté prestige International (BPI), Chanel, Parfums Christian Dior, Comptoir nouveau de la Parfumerie (Hermès Parfums), ELCO (Estée Lauder et Clinique), Parfums Givenchy, Guerlain, Kenzo Parfums, L'Oréal Produits de luxe France, Marionnaud, Nocibé, Pacific Création Parfums (Lolita Lempicka), Séphora France, Shiseido France, Thierry Mugler Parfums, et Yves Saint Laurent Parfums ont, en participant à une entente sur les prix, enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
Article 2 : Il n'est pas établi que les sociétés Parfums Loris Azzaro, Diana de Silva, Douglas, LCI Cosmetics International France, PUIG Prestige et beauté, Parfums Rochas et Sisley aient participé à une entente sur les prix et enfreint à ce titre les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
Article 3 : La société Procter et Gamble France est mise hors de cause.
Article 4 : Il est sursis à statuer s'agissant des pratiques imputables à Clarins France.
Article 5 : Il n'est pas établi que les pratiques relatives aux autres griefs notifiés aux sociétés mises en cause sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE soient contraires aux dispositions de ces articles.
Article 6 : Il n'est pas établi que la société Séphora ait enfreint les dispositions de l'article
L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE. Article 7 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
* à la société Beauté Prestige International (BPI) une sanction de 810 000 euro
* à la société Chanel une sanction de 3 000 000 euro
* à la société Parfums Christian Dior une sanction de 2 200 000 euro
* à la société Comptoir nouveau de la parfumerie une sanction de 410 000 euro
* à la société ELCO une sanction de 1 600 000 euro
* à la société Parfums Givenchy une sanction de 550 000 euro
* à la société Guerlain une sanction de 1 700 000 euro
* à la société Kenzo Parfums une sanction de 600 000 euro
* à la société L'Oréal Produits de luxe France une sanction de 4 100 000 euro
* à la société Marionnaud une sanction de 12 800 000 euro
* à la société Nocibé une sanction de 6 200 000 euro
* à la société Pacific Création Parfums une sanction de 90 000 euro
* à la société Séphora une sanction de 9 400 000 euro
* à la société Shiseido France une sanction de 340 000 euro
* à la société Thierry Mugler Parfums une sanction de 640 000 euro
* à la société Yves Saint Laurent Parfums une sanction de 1 800 000 euro
Article 8 : Les sociétés mentionnées à l'article premier feront publier le texte figurant au paragraphe 801 de la présente décision et reprenant l'article 7 ci-dessus, en en respectant la mise en forme, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans "Le Figaro". Cette publication interviendra sur une page entière du quotidien dans un encadré, en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égal à 5 mm, sous le titre en caractères gras de même taille : "Décision n° 06-D-04 du 13 mars 2006 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les sociétés adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de cette publication, dès sa parution et au plus tard le 15 mai 2006.
Notes :
1 Les renvois aux numéros d'annexes et aux cotes correspondantes font référence au rapport de la rapporteure du Conseil.
2 Les renvois aux cotes RAE font référence au Rapport administratif d'enquête.
3 LLS : "long last lipstick".
4 22 points de vente à l'époque.