Cass. soc., 15 mars 2006, n° 03-43.858
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Guillet
Défendeur :
Ridorev (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sargos
Rapporteur :
M. Texier
Avocat général :
M. Legoux
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Vuitton
LA COUR : - Attendu que M. Guillet a été engagé le 15 janvier 1999 par la société Alu Rideau en qualité de VRP ; que son contrat s'est poursuivi à compter du 1er juillet 1999 avec la société Ridorev, dont le gérant est le même que celui de la société Rideau ; que, le 15 mars 2000, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits qu'il reprochait à l'employeur et qu'il a quitté l'entreprise le 25 mars 2000 ; que, le 6 octobre 2000, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié reproche à l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 avril 2003) de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir dire que la rupture du contrat de travail était un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°) que l'employeur qui, par ses manquements à ses obligations, a rendu impossible l'exécution du contrat de travail, est responsable de sa rupture ; que tel est le cas de l'employeur qui ne règle pas ses commissions à un VRP, peu important que celui-ci n'ait pas formulé de réclamations spéciales à cet égard ; que la renonciation d'un salarié à ses commissions ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque ; qu'en relevant, de façon inopérante, que M. Guillet n'avait formulé aucune réclamation, ni pendant la durée du contrat, ni dans sa lettre de rupture, ce dont il ne se déduisait l'existence d'aucune manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de renoncer au paiement de ses commissions, et alors qu'elle avait, par ailleurs, constaté le caractère non conforme aux prévisions du contrat de travail du système de "mois glissants", pratiqué par l'employeur pour ne pas payer les commissions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé par fausse application les articles 1134 du Code civil, L. 122-1 et L. 122-6 du Code du travail ; 2°) que l'employeur qui, par les remboursements irréguliers de ses frais professionnels à un VRP, rend impossible la poursuite du contrat de travail, est responsable de sa rupture, sans que le salarié n'ait à formuler de réclamation spéciale à cet égard ; que la renonciation d'un salarié au remboursement de ses frais professionnels ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque ; que la cour d'appel, qui a condamné la société Ridorev à verser à M. Guillet un rappel de remboursement de frais professionnels, en plus du rappel de commissions, et qui a considéré, de façon inopérante, que le salarié n'avait formulé aucune réclamation particulière quant au remboursement de ses frais professionnels, n'a, là encore, pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait, violant ainsi par fausse application les articles 1134 du Code civil et L. 122-6 du Code du travail ; 3°) subsidiairement, que des faits retenus à l'encontre d'un salarié qui sont postérieurs à sa démission ne peuvent avoir provoqué la résiliation du contrat de travail ; que l'employeur qui, par ses manquements à ses obligations, a rendu impossible l'exécution du contrat de travail, est responsable de sa rupture ; qu'en considérant, de façon erronée, que la vraie cause de la rupture résidait dans l'embauche du salarié par la société Trigano, alors que celle-ci était postérieure à la rupture du contrat de travail, et en s'abstenant de se prononcer sur la question de savoir si les absences de paiement des commissions et des remboursements des frais professionnels qu'elle a constatées avaient ou non rendu impossible l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 1134 du Code civil, L. 122-1, L. 122-4 et L. 122-14-4 du Code du travail et, par fausse application, l'article L. 122-13 du même code ;
Mais attendu que, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la preuve des faits invoqués par le salarié dans sa lettre de rupture du contrat de travail n'était pas rapportée, a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir limité à une certaine somme le rappel de commissions dû par la société, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 5-3 de la convention collective nationale des voyageurs, représentants, placiers, est nulle et de nul effet toute clause de ducroire incluse dans un contrat de travail ayant pour conséquence de rendre le salarié pécuniairement responsable du recouvrement des créances de son employeur à l'égard de tiers ; qu'en opposant à la demande de rappel de commissions de M. Guillet la clause de bonne fin contenue dans son contrat de travail, aux motifs que des bons de commande non signés ou annulés par les clients, quand cette clause, qui avait pour conséquence de rendre le salarié pécuniairement responsable du recouvrement des créances de la société Ridorev à l'égard des clients, était nulle et de nul effet, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 5-3 de la convention collective nationale des voyageurs, représentants, placiers et, par fausse application, l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que les clauses dites "de bonne fin", différentes des clauses de ducroire, sont licites ; que la cour d'appel, qui a constaté que des bons de commande et des devis produits n'étaient pas signés par les clients ou correspondaient à des commandes annulées sans faute de l'employeur, a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, qu'ils ne pouvaient donner lieu à paiement de commission ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à la société une somme à titre de remboursement d'un chèque, alors, selon le moyen, que le juge est tenu d'examiner, fût-ce de manière sommaire, une pièce versée par une partie, déterminante pour l'issue du litige ; que M. Guillet avait produit aux débats la photocopie du chèque de 4 241 francs (646,54 euro) qu'il avait établi le 8 décembre 2000, photocopie que lui avait adressée le Crédit agricole Atlantique Vendée ; qu'en s'abstenant d'examiner la force probante de ces deux pièces qui étaient manifestement susceptibles d'établir que la société Ridorev avait déjà été remboursée de la somme dont elle demandait le remboursement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que le salarié ait soutenu, devant les juges du fond, avoir procédé au remboursement de la somme litigieuse ; que le moyen est nouveau ; que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.