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Décisions

CJCE, 2e ch., 23 mars 2006, n° C-237/04

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Enirisorse SpA

Défendeur :

Sotacarbo SpA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Timmermans

Juges :

MM. Schintgen, Kuris, Arestis, Mme Silva de Lapuerta

Avocats :

Mes Dore, Angioni, Scano, Roberti, Perego, Gentili

CJCE n° C-237/04

23 mars 2006

LA COUR (deuxième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 43 CE, 44 CE, 48 CE, 49 CE et suivants en matière de liberté d'établissement et de libre prestation des services ainsi que sur l'article 87 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Enirisorse SpA (ci-après "Enirisorse") à Sotacarbo SpA (ci-après "Sotacarbo") au sujet du refus de cette dernière de rembourser à Enirisorse la contre-valeur des actions que celle-ci détenait dans Sotacarbo lors de son retrait du capital de Sotacarbo.

Le cadre juridique national

3 L'article 2437 du Code civil italien dispose:

"Les associés opposés aux décisions concernant le changement d'objet ou de type de la société, ou le transfert du siège social à l'étranger, ont le droit de se retirer de la société et d'obtenir le remboursement de leurs actions, au prix moyen pratiqué pendant les six derniers mois, si les actions sont cotées en bourse ou, dans le cas contraire, en proportion du patrimoine social résultant du bilan du dernier exercice.

La déclaration de retrait doit être notifiée par lettre recommandée par les associés qui ont pris part à l'assemblée dans les trois jours au plus de la clôture de celle-ci, et par les associés qui n'ont pas assisté à l'assemblée dans les quinze jours au plus de la date de l'inscription de la décision sur le registre des décisions des entreprises.

Est nulle toute clause excluant le droit de retrait ou en rendant l'exercice plus onéreux."

4 Aux termes de l'article 5 de la loi n° 351 du 27 juin 1985 (GURI n° 166, du 16 juillet 1985, p. 5019, ci-après la "loi n° 351-1985"):

"1. L'ENI, l'ENEL et l'ENEA sont autorisées à constituer une société anonyme ayant pour objet de développer des technologies innovantes et avancées dans l'utilisation du charbon (enrichissement, techniques de combustion, liquéfaction, gazéification, carbochimie, etc.) à travers:

a) la création, en Sardaigne, du centre de recherche visé à l'article 1, point m), de la loi n° 110 du 9 mars 1985;

b) le projet et la réalisation d'installations permettant des innovations technologiques dans l'utilisation du charbon;

c) la réalisation d'installations industrielles pour utiliser le charbon à d'autres fins que la combustion.

2. Les frais pour la constitution de la société anonyme visée au présent article sont imputés sur les crédits prévus à l'article 6 de la présente loi.

[...]

4. Les entités visées au paragraphe premier du présent article sont autorisées à contribuer, soit par leurs fonds propres, soit par des moyens qui leur seront attribués par les lois de l'État, à l'investissement nécessaire en vue de la réalisation de la phase industrielle du projet de développement des technologies avancées d'utilisation du charbon.

[...]"

5 L'article 6 de la loi n° 351-1985 prévoit que les "frais résultant de l'application de la présente loi seront, à raison de 80 milliards ITL pour l'année 1985, de 90 milliards ITL pour l'année 1986 et de 100 milliards ITL pour l'année 1987, pris en charge par une diminution correspondante de l'enveloppe prévue, aux fins du budget triennal 1985-1987, au chapitre 9001 de l'état de prévision du ministère du Trésor pour l'exercice financier 1985 en recourant, à cet effet, à la réserve 'Intervention en faveur de la Région de Sardaigne dans le secteur des énergies minérales en remplacement de celui du plan global de méthanisation'".

6 L'article 7, paragraphes 4 et 5, de la loi n° 140 du 11 mai 1999 (GURI n° 117, du 21 mai 1999, p. 4, ci-après la "loi n° 140-1999") dispose:

"4. L'ENI et l'ENEL sont autorisées à se retirer de la société anonyme visée à l'article 5, paragraphe 1er, de la loi n° 351 du 27 juin 1985, constituée afin de développer des technologies innovantes et avancées dans l'utilisation du charbon extrait du bassin houiller de Sulcis, après paiement des parts non encore libérées.

5. La société visée au paragraphe 4 est tenue de présenter, dans les quatre-vingt-dix jours à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, un nouveau programme d'activité en vue de la poursuite de ses activités."

7 L'article 33 de la loi n° 273 du 12 décembre 2002 (supplément ordinaire à la GURI n° 293, du 14 décembre 2002, ci-après la "loi n° 273-2002") se lit comme suit:

"En vue d'assurer à Sotacarbo les disponibilités financières indispensables à la mise en œuvre du programme d'activité visé à l'article 7, paragraphe 5, de la loi n° 140 du 11 mai 1999, les actionnaires de la société sont tenus au paiement des parts non encore libérées dans les soixante jours de l'entrée en vigueur de la présente loi et disposent d'une faculté de retrait à condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de la société et de faire l'apport des parts encore dues. Les déclarations de retrait qui ont déjà été communiquées à Sotacarbo SpA conformément à l'article 7, paragraphe 4, de la loi n° 140 du 11 mai 1999 précitée peuvent être révoquées dans les trente jours à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, le retrait est considéré comme définitif avec acceptation sans réserve de la part de l'associé qui se retire des conditions susmentionnées."

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8 La société visée à l'article 5 de la loi n° 351-1985 a été constituée sous le nom de Sotacarbo. Les trois actionnaires étaient respectivement des établissements publics (Ente nazionale idrocarburi, ci-après "ENI" et Ente nazionale per l'energia elettrica, ci-après "ENEL") et un organisme public (Comitato nazionale per la ricerca e lo sviluppo dell'energia nucleare e delle energie alternative, ci-après "ENEA"). Ainsi qu'il résulte de l'article 6 de cette loi, le financement de l'opération de constitution de Sotacarbo a été pris en charge par l'État.

9 En 1987, ENI a versé à Sotacarbo un montant de 12 708 900 033 ITL à titre d'apport en capital en vue de la création d'un centre de recherche sur le charbon en Sardaigne.

10 En 1992, ENI et ENEL ont été privatisées et transformées en sociétés anonymes. ENI, qui n'était plus intéressée à conserver sa participation dans Sotacarbo, a transféré cette participation à sa filiale Enirisorse. Celle-ci a, en application de l'article 7, paragraphe 4, de la loi n° 140-1999, exercé sa faculté de se retirer de Sotacarbo et a procédé au versement d'un montant équivalent à la fraction non encore libérée de sa participation. Elle a en même temps demandé à Sotacarbo le remboursement de ses actions en proportion du patrimoine social de cette dernière.

11 Sotacarbo n'a pas donné suite à cette demande et a informé, le 12 mars 2001, Enirisorse que, lors de l'assemblée extraordinaire du 12 février de la même année, il avait été décidé d'annuler les actions d'Enirisorse sans procéder au remboursement de leur contre-valeur.

12 Enirisorse a introduit un recours auprès du Tribunale di Cagliari en vue d'obtenir le remboursement de la valeur des actions litigieuses. À l'appui de son recours, elle a fait valoir que l'article 7, paragraphe 4, de la loi n° 140-1999 lui avait reconnu le droit de se retirer de Sotacarbo et que, conformément à l'article 2437 du Code civil, cette dernière était tenue de lui rembourser la valeur des actions en cause.

13 L'entrée en vigueur de la loi n° 273-2002, adoptée après l'introduction du recours par Enirisorse, et plus particulièrement l'article 33 de cette loi, a amené Enirisorse à demander à cette juridiction de saisir la Cour afin de savoir, notamment, si une mesure telle que celle prévue par l'article 33 de ladite loi constitue une aide d'État au sens de l'article 87 CE.

14 Estimant, d'une part, que l'article 33 de la loi n° 273-2002 fait bénéficier Sotacarbo d'un subside qu'il convient d'apprécier au regard des dispositions du traité CE sur les aides d'État et éprouvant, d'autre part, des doutes quant à la compatibilité de cet article avec le principe d'égalité de traitement "en économie de marché", le Tribunale di Cagliari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) La disposition visée à l'article 33 de la loi n° [273-2002] constitue-t-elle une aide d'État incompatible au titre de l'article 87 CE en faveur de Sotacarbo SpA, aide qui serait de surcroît illégale puisqu'elle n'a pas été notifiée conformément à l'article 88, paragraphe 3, CE?

2) La disposition précitée est-elle contraire aux articles 43 CE, 44 CE, 48 CE, 49 CE et suivants en matière de liberté d'établissement et de libre prestation des services?"

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

Observations soumises à la Cour

15 À titre liminaire, Sotacarbo fait valoir que, eu égard aux critères dégagés par la Cour en ce qui concerne la recevabilité des renvois préjudiciels, les questions soumises en l'espèce par la juridiction de renvoi doivent être déclarées irrecevables. En effet, d'abord, l'ordonnance de renvoi ne donnerait aucune description de la nature juridique particulière de la société Sotacarbo, de la mission d'intérêt général confiée à cette dernière ou du régime particulier auquel cette société est soumise. Ensuite, la juridiction de renvoi n'aurait pas suffisamment décrit le cadre juridique national dans lequel s'inscrit l'article 33 de la loi n° 273-2002. Enfin, l'ordonnance de renvoi ne fournirait aucune explication concernant le lien qui existerait entre les articles du traité faisant l'objet de la première question et ceux visés par la seconde question. De surcroît, la seconde question serait dépourvue de toute pertinence pour la solution du litige au principal.

16 Pour leur part, le Gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes rappellent que, ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 17 juin 1999, Piaggio (C-295-97, Rec. p. I-3735, points 29 à 33), dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la compatibilité d'une éventuelle aide d'État avec le marché commun. Ainsi, la Cour pourrait uniquement apprécier si la disposition nationale en cause au principal relève ou non de la notion d'"aide d'État". Dans ces conditions, le Gouvernement italien estime que la partie de la première question préjudicielle visant à faire établir si la mesure au principal constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun est irrecevable. La Commission, quant à elle, propose de reformuler cette première question afin que la Cour puisse donner une réponse utile à la juridiction nationale. S'agissant de la seconde question préjudicielle, le Gouvernement italien et la Commission estiment que, dans la mesure où la juridiction de renvoi n'a pas indiqué les motifs précis qui l'ont amenée à poser cette question, celle-ci est irrecevable.

Réponse de la Cour

17 Il convient d'abord de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, Brentjens', C-115-97 à C-117-97, Rec. p. I-6025, point 38; du 11 septembre 2003, Altair Chimica, C-207-01, Rec. p. I-8875, point 24, et du 9 septembre 2004, Carbonati Apuani, C-72-03, Rec. p. I-8027, point 10).

18 Ainsi, les informations fournies dans la décision de renvoi ne doivent pas seulement permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais elles doivent également donner aux gouvernements des États membres ainsi qu'aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l'article 23 du statut de la Cour de justice. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de la disposition précitée, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (voir, notamment, ordonnances du 30 avril 1998, Testa et Modesti, C-128-97 et C-137-97, Rec. p. I-2181, point 6; du 11 mai 1999, Anssens, C-325-98, Rec. p. I-2969, point 8, et arrêt Altair Chimica, précité, point 25).

19 En l'espèce, la décision de renvoi expose, de manière brève mais précise, le cadre juridique national pertinent ainsi que l'origine et la nature du litige. Il s'ensuit que la juridiction de renvoi a défini de façon suffisante le cadre tant factuel que juridique dans lequel elle formule sa demande d'interprétation du droit communautaire et qu'elle a fourni à la Cour toutes les informations nécessaires pour mettre celle-ci en mesure de répondre utilement à ladite demande.

20 Dès lors, l'argument de Sotacarbo visant à voir déclarer comme irrecevable la demande de décision préjudicielle dans son ensemble doit être rejeté.

21 Ensuite, s'agissant plus particulièrement de la seconde question préjudicielle, il convient de rappeler que la Cour a jugé qu'il est indispensable que le juge national donne un minimum d'explications sur les raisons du choix des dispositions communautaires dont il demande l'interprétation et sur le lien qu'il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige (ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C-116-00, Rec. p. I-4979, point 16, et arrêt Carbonati Apuani, précité, point 11).

22 Or, force est de constater que, en l'espèce, la juridiction de renvoi ne fournit aucune indication quant aux raisons de son choix des dispositions communautaires visées par sa seconde question. Il convient dès lors de rejeter celle-ci comme irrecevable.

23 Enfin, s'agissant de la première question préjudicielle, il ressort d'une jurisprudence constante que l'appréciation de la compatibilité de mesures d'aides ou d'un régime d'aides avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge communautaire (arrêts du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354-90, Rec. p. I-5505, point 14; du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39-94, Rec. p. I-3547, point 42, et Piaggio, précité, point 31). En conséquence, une juridiction nationale ne saurait, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel au titre de l'article 234 CE, interroger la Cour sur la compatibilité avec le marché commun d'une aide d'État ou d'un régime d'aides (ordonnance du 24 juillet 2003, Sicilcassa e.a., C-297-01, Rec. p. I-7849, point 47).

24 Cependant, la Cour a également itérativement jugé que, s'il ne lui appartient pas de se prononcer, dans le cadre d'une procédure introduite en application de l'article 234 CE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit communautaire ni d'interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent permettre à celle-ci d'apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C-292-92, Rec. p. I-6787, point 8; du 3 mai 2001, Verdonck e.a., C-28-99, Rec. p. I-3399, point 28; du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a., C-399-98, Rec. p. I-5409, point 48, et du 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, C-285-99 et C-286-99, Rec. p. I-9233, point 27).

25 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la première question préjudicielle n'est recevable que pour autant que la juridiction nationale vise à faire établir si une mesure nationale telle que celle en cause au principal, qui accorde aux associés d'une société contrôlée par l'État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société, doit être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

Sur la première question

26 D'emblée, il convient de rappeler que la question ainsi reformulée ne porte que sur l'interprétation de l'article 87, paragraphe 1, CE. Dès lors, il y a lieu d'examiner si les conditions d'application de cette disposition sont réunies.

27 En premier lieu, il convient de vérifier si Sotacarbo constitue une entreprise au sens de ladite disposition.

28 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'"entreprise" comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, notamment, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41-90, Rec. p. I-1979, point 21; du 21 septembre 1999, Albany, C-67-96, Rec. p. I-5751, point 77; du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C-180-98 à C-184-98, Rec. p. I-6451, point 74, et du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C-222-04, non encore publié au Recueil, point 107).

29 Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêts du 16 juin 1987, Commission/Italie, 118-85, Rec. p. 2599, point 7; du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35-96, Rec. p. I-3851, point 36; Pavlov e.a., précité, point 75, et Cassa di Risparmio di Firenze e.a., précité, point 108).

30 En l'espèce, bien que l'appréciation définitive à cet égard appartienne à la juridiction nationale, il convient de constater que divers éléments du dossier à la disposition de la Cour font apparaître que l'activité de Sotacarbo est susceptible de présenter un caractère économique.

31 En effet, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 25 de ses conclusions, Sotacarbo a, notamment, pour tâche de développer de nouvelles technologies d'utilisation du charbon et de prester des services de soutien spécialisé aux administrations, organismes publics et sociétés intéressées au développement de ces technologies. Or, c'est précisément dans ce genre d'activités que consiste généralement l'activité économique d'une entreprise. Par ailleurs, il n'est pas contesté que Sotacarbo poursuit un but lucratif.

32 Contrairement à ce que soutient le Gouvernement italien, cette appréciation n'est pas remise en cause par le fait que Sotacarbo a été constituée par des établissement publics et financée au moyen de ressources provenant de l'État italien afin d'exercer certaines activités de recherche.

33 En effet, d'une part, il ressort d'une jurisprudence constante que le mode de financement n'est pas pertinent afin de déterminer si une entité exerce une activité économique (voir point 28 du présent arrêt).

34 D'autre part, la Cour a déjà jugé que le fait qu'une entité s'est vu confier certaines missions d'intérêt général ne saurait empêcher que les activités en cause soient considérées comme des activités économiques (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475-99, Rec. p. I-8089, point 21).

35 Il s'ensuit que le fait que Sotacarbo a été créée en vue d'exercer certaines opérations de recherche n'est pas déterminant à cet égard, contrairement à ce que soutient cette dernière.

36 Dans ces conditions, il ne saurait donc être exclu que Sotacarbo exerce une activité économique, et, partant, elle est susceptible d'être qualifiée d'entreprise au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

37 En second lieu, il convient d'examiner les différents éléments constitutifs de la notion d'aide d'État visée à ladite disposition.

38 En effet, la Cour a itérativement jugé que la qualification d'aide requiert que toutes les conditions visées à l'article 87, paragraphe 1, CE soient remplies (voir arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit "Tubemeuse", C-142-87, Rec. p. I-959, point 25; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92 à C-280-92, Rec. p. I-4103, point 20; du 16 mai 2002, France/Commission, C-482-99, Rec. p. I-4397, point 68, et du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C-280-00, Rec. p. I-7747, point 74).

39 Ainsi, premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, point 75, et du 3 mars 2005, Heiser, C-172-03, Rec. p. I-1627, point 27).

40 En l'espèce, étant donné que les observations des parties visent principalement la troisième condition, il convient d'examiner d'abord celle-ci.

41 Ainsi, alors que la demanderesse au principal soutient que l'article 33 de la loi n° 273-2002 constitue un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE dans le chef de Sotacarbo, cette dernière, soutenue par la Commission, considère que tel n'est pas le cas.

42 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constante que la notion d'aide comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143-99, Rec. p. I-8365, point 38, et Heiser, précité, point 36).

43 En l'espèce, il convient de constater que les lois n° 140-1999 et 273-2002, qui, ainsi que le rappelle M. l'avocat général au point 32 de ses conclusions, ne sauraient être considérées isolément, instaurent un régime dérogatoire aux dispositions de droit commun réglementant le droit de retrait des actionnaires des sociétés anonymes découlant, notamment, de l'article 2437 du Code civil. En effet, ce dernier n'accorde un droit de retrait qu'aux actionnaires opposés aux décisions concernant le changement d'objet ou de type de société, ou bien le transfert du siège social à l'étranger.

44 Ainsi, la loi n° 140-1999 offre aux actionnaires de Sotacarbo une faculté exceptionnelle de retrait, moyennant la liquidation des parts non encore libérées, dont ils n'auraient pas pu bénéficier si cette loi n'avait pas été adoptée, les conditions d'application de l'article 2437 du Code civil n'étant pas remplies en l'espèce au principal.

45 En outre, l'article 33 de la loi n° 273-2002 n'exclut le remboursement des actionnaires que dans la mesure où ceux-ci font usage de cette faculté, dérogatoire au régime de droit commun.

46 Or, ladite faculté ne saurait être considérée comme un avantage, dans le chef de Sotacarbo, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

47 En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la réglementation nationale en cause au principal n'offre un avantage ni aux actionnaires, qui peuvent se retirer exceptionnellement de Sotacarbo sans obtenir le remboursement de leurs actions, ni à ladite société, les actionnaires étant autorisés mais non pas obligés de se retirer de la société alors même que les conditions prévues à cet égard par le droit commun ne sont pas remplies.

48 Il en découle que la loi n° 273-2002 se borne à éviter que le budget de Sotacarbo soit grevé par une charge qui, dans une situation normale, n'aurait pas existé. Partant, cette loi se limite à encadrer la faculté de retrait exceptionnelle accordée aux actionnaires de ladite société par la loi n° 140-1999 sans viser à alléger une charge que cette même société aurait normalement dû supporter.

49 À cet égard, il convient d'ajouter que si l'article 33 de la loi n° 273-2002 avait exclu le droit au remboursement également dans le cas d'un retrait exercé dans les conditions de l'article 2437 du Code civil, ladite disposition aurait été susceptible de constituer un avantage au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. Or, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que tel serait le cas.

50 Étant donné que les conditions visées à l'article 87, paragraphe 1, CE sont cumulatives (voir point 38 du présent arrêt), il n'y a plus lieu d'examiner si les autres éléments de la notion d'aide d'État sont réunis en l'espèce.

51 Il convient donc de répondre à la première question qu'une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui accorde aux associés d'une société contrôlée par l'État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société, n'est pas susceptible d'être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87 CE.

Sur les dépens

52 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

dit pour droit:

Une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui accorde aux associés d'une société contrôlée par l'État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société, n'est pas susceptible d'être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87 CE.