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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 7 mars 2006, n° ECOC0600129X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Conseil national de l'ordre national des chirurgiens-dentistes, Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes Puy-de-Dôme

Défendeur :

Thomas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

MM. Remenieras, Franchi

Avoués :

Me Teytaud, SCP Baufume & Galland

Avocats :

Mes Dangibeaud, Machelon

CA Paris n° ECOC0600129X

7 mars 2006

Mme Marie-Françoise Thomas, inscrite au répertoire de la Chambre des Métiers du Puy-de-Dôme en tant qu'artisan prothésiste exploite une société dénommée Prodental, sise à Orcines (63) qui a pour objet "la fabrication de prothèses dentaires et le nettoyage et l'entretien des prothèses dentaires à domicile ".

Souhaitant développer son activité de nettoyage et d'entretien des prothèses dentaires amovibles en direction des personnes âgées résidant en foyer ou en maison de retraite, Mme Thomas adressait un courrier à la DDASS et à la préfecture du Puy-de-Dôme afin de déterminer les modalités de son intervention en maison de retraite. Le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes adressait à la DDASS un courrier daté du 29 décembre 1998, faisant état de la position prise par le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes en matière de nettoyage des prothèses, au terme duquel il était dit que seul un chirurgien-dentiste était habilité à décider si la prothèse nécessitait un nettoyage par une technique particulière et de s'adresser au laboratoire de son choix pour faire réaliser ce travail et que, par conséquent, Mme Thomas devrait effectuer des appels d'offres auprès des chirurgiens-dentistes et, pour ce qui concerne les établissements d'accueil tels que centres de soins ou maisons de retraite où un chirurgien-dentiste exerce régulièrement, il lui serait facile de s'adresser à ce praticien. Le Conseil départemental adressait par la suite, sous la signature de son président, à l'ensemble des maisons de retraite du département une lettre circulaire datée du 7 janvier 1999 reprenant cette opinion à propos des " soi-disant nettoyages " des prothèses dentaires par Mme Thomas.

Le directeur de la DDASS du Puy-de-Dôme a adressé à Mme Thomas un courrier daté du 1er juillet 1999, par lequel il l'avisait qu'elle était autorisée à pratiquer le nettoyage de prothèses dentaires à domicile, sous certaines conditions, mais le Conseil départemental de l'Ordre maintenait sa position.

Par lettre datée du 12 juillet 2000, Mme Thomas saisissait le Conseil de la concurrence des pratiques mises en œuvre par le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme en expliquant que la lettre circulaire du Conseil départemental avait eu pour effet d'entraver son activité dès lors qu'à la suite de celle-ci, elle n'avait plus eu accès aux maisons de retraite de ce département.

Par décision du 20 juillet 2005, notifiée aux parties le 22 juillet 2005, le Conseil décidait que:

Article 1 : Il est établi que le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Est infligée au Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme une sanction de 1 000 euro.

Article 3 : Dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la présente décision, le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes fera publier le texte énoncé au paragraphe 81 de la présente décision et les articles 1 et 2 du dispositif de celle-ci dans une édition des revues suivantes " Les cahiers de l'association dentaire française ", "Information Dentaire " et " Stratégie prothétique ". Cette publication sera effectuée en caractères gras noirs sur fond blanc de 5 millimètres de hauteur dans un encadré sous le titre : " Décision n° 05-D-43 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes".

Article 4 : Le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes adressera, sous pli recommandé, copie des publications prévues à l'article 3 au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, dès leur parution, et au plus tard, le 1er décembre 2005.

LA COUR,

Vu la déclaration en date du 22 août 2005 de recours en annulation et, subsidiairement, en réformation de la décision du Conseil de la concurrence;

Vu le mémoire déposé par le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme au soutien du recours, dans lequel il est demandé à la cour de :

- constater que le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme n'exercent pas d'activité économique sur un marché et ne sont donc pas soumis au livre IV du Code de commerce,

- constater l'incompétence du Conseil,

- annuler la décision de ce même Conseil les concernant,

- subsidiairement, constater que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'une entente prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce car ils sont justifiés par les dispositions du Code de la santé publique et des impératifs de protection de la santé,

- dire en conséquence n'y avoir lieu à sanction;

1) Sur l'annulation,

Les requérants fondent leur argumentation sur l'incompétence du Conseil et la violation des règles du procès équitable;

Sur l'incompétence, les requérants exposent, au visa de l'article L. 410-1 du Code de commerce, que les Ordres professionnels ne pouvaient être sanctionnés par le Conseil de la concurrence à raison d'actions anti-concurrentielles avérées dès lors qu'ils ne peuvent être considérés comme des acteurs économiques exerçant une activité sur le marché et qu'au surplus, l'appréciation de la légalité de leurs décisions relève de la compétence des juridictions administratives, puisque l'acte reproché est une prise de position sur un point de technique médicale, à savoir la nécessité du contrôle d'un chirurgien-dentiste sur les opérations de détartrage d'une prothèse dentaire, laquelle constitue un acte pris dans le cadre de la mission de service public assignée à l'Ordre;

Sur la violation des règles du procès équitable, les requérants exposent qu'il y a violation de l'article 6 de la CEDH dès lors que la possibilité de répliquer par écrit aux conclusions du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie leur a été refusée, puisque leurs observations ont été rejetées comme déposées hors délai;

2) Sur la réformation,

Les requérants, contestant la notion de marché pertinent, dans la mesure où ils situent leur action dans le cadre de l'exercice de leur mission de service public, demandent à la cour de réformer la décision en ce qu'elle a estimé que la prestation offerte par Mme Thomas n'entrait pas dans l'art dentaire et par la même dans le monopole des chirurgiens-dentistes et que la prise de position des Conseils national et départemental des chirurgiens-dentistes était dénigrante;

Vu le mémoire en réponse de Mme Robert divorcée Thomas, en date du 2 décembre 2005, tendant à voir déclarer irrecevable et mal fondé le recours du Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes et de confirmer la décision du Conseil de la concurrence, en observant:

- sur la compétence, que le statut d'ordre professionnel n'est pas dérogatoire de la compétence du Conseil de la concurrence et que l'envoi d'une lettre circulaire n'entre pas dans la mission de service public de ces organes professionnels,

- sur le principe du contradictoire, que la loi ne prévoit pas le dépôt d'observations écrites en réponse et que chaque partie a pu disposer d'un délai de 2 mois pour présenter ses observations après la notification des griefs conformément à l'article L. 463-2 du Code de commerce,

- sur le fond, que la démarche de Mme Thomas n'est pas de nature à faire prendre des risques aux porteurs de prothèses mais au contraire à faire face à un besoin évident d'hygiène, que celle-ci n'effectue aucun travail en bouche ce qui exclut toute référence au Code de la santé publique;

Vu les observations du Conseil de la concurrence, déposées le 18 novembre 2005, tendant à voir confirmer la décision aux motifs:

- sur la compétence, que la lettre circulaire adressée par les deux ordres professionnels ne constitue pas un acte administratif entrant dans la mission de service public confiée à ces derniers mais un acte détachable caractérisant une intervention sur un marché justifiant de sa compétence,

- sur la procédure, que la circonstance que les auteurs de la pratique incriminée n'aient pas pu présenter d'observations en réponse aux observations de la DRCCRF est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'ils ont eu communication de ces observations dans un délai raisonnable avant la tenue de la séance du Conseil,

- sur le fond, qu'il n'y a pas de disposition légale ni de jurisprudence concernant l'activité en question et que les positions évolutives de la DGS ne constituent pas des règles s'imposant à lui, que le nettoyage de prothèse, distinct de la réparation, et présentant un faible degré de technicité, quelle qu'en soit la nature (nettoyage quotidien ou détartrage), ne nécessite ainsi ni consultation ni prescription particulière préalables d'un chirurgien-dentiste pour sa réalisation et sa remise en bouche;

Vu les observations du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, déposées le 18 novembre 2005, tendant :

- sur l'incompétence, à voir la cour considérer qu'un ordre professionnel dont la mission est d'assurer le respect des devoirs professionnels et la défense de l'honneur de la profession (article L. 4221-2 du Code de la santé publique), n'autorise pas cet organe à envoyer une lettre circulaire dans laquelle il se livre à une interprétation de la législation applicable à son activité, et qu'en agissant ainsi, il sort de sa mission et intervient dans une activité de service entrant dans le champ d'application de l'article L. 410-1 du Code de commerce,

- sur la violation des garanties du procès équitable, à voir écarter cet argument en ce que les appelants ont disposé d'un délai de 2 mois pour présenter leurs observations après la notification de griefs, qu'ils ont pu formuler de telles observations oralement devant le Conseil, et qu'ainsi les formalités des articles L. 463-2 et 7 du Code de commerce ont été respectées,

- sur le fond, à voir la cour considérer qu'il existe bien un marché pertinent du nettoyage des prothèses amovibles par un technicien employant des techniques telles que les ultrasons, marché complémentaire de celui du nettoyage quotidien, et distinct du marché de fabrication et réparation des prothèses qui, lui, nécessite une prescription médicale, et que le courrier à l'origine des poursuites était bien de nature, par les termes utilisés, à jeter la suspicion sur les capacités professionnelles et le sens des responsabilités de Mme Thomas et attestait de la volonté d'écarter cette dernière du marché des prestations de nettoyage à domicile des prothèses amovibles, alors que les appelants ne justifient par aucun document leurs allégations quant aux risques infectieux de la prestation offerte par Mme Thomas;

Vu le mémoire en réplique déposé le 6 janvier 2006 par le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme qui tend aux mêmes fins que le précédent, en arguant que la jurisprudence invoquée par la DGCCRF n'est par pertinente, que l'égalité des armes impose une réponse écrite à des observations écrites, que la prestation offerte par Mme Thomas n'est pas un nettoyage de prothèses dentaires amovibles mais un détartrage que la DGS confirme relever de l'art dentaire, comme la jurisprudence de la Cour de cassation;

Vu le mémoire en réponse de Mme Robert déposé le 17 janvier 2006 demandant à la cour de dire et juger les appelants irrecevables et mal fondés en leur recours, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes et de confirmer la décision entreprise, en observant, sur l'incompétence, que la jurisprudence invoquée par les requérants est inopérante, sur le procès équitable, que l'article L. 463-2 du Code de commerce ne prévoit pas de dépôt d'observations écrites en réponse, sur le fond, que la jurisprudence invoquée par les requérants est inopérante, que le ministère des PME a confirmé le 12 décembre 2005 le faible degré de technicité de la prestation proposée par Mme Thomas, qui a justement pour objet d'empêcher que le défaut d'entretien des prothèses n'entraîne des risques bucco-dentaires pour les porteurs d'appareils, et qu'ainsi les agissements des requérants ont restreint le jeu de la concurrence en garantissant aux chirurgiens-dentistes une situation de monopole allant au-delà de celui défini par la loi;

Vu le mémoire de rejet déposé le 20 janvier 2006 par les requérants pour voir écarter le mémoire complémentaire et en réponse de Mme Thomas, en ce qu'il est postérieur à l'ordonnance de clôture;

Vu les observations écrites du Ministère public déposées à l'audience du 24 janvier 2006, concluant à ce que la cour se déclare incompétente pour connaître de la saisine du Conseil de la concurrence enregistrée le 12 juillet 2000, dès lors que la lettre circulaire du président du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes en date du 7 janvier 1999 s'analyse comme un acte administratif dont l'appréciation de la légalité relève de la compétence de la juridiction administrative;

Après avoir, à l'audience publique du 24 janvier 2006, entendu les conseils des parties, les observations du représentant du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et celles du Ministère public, les conseils des parties ayant la parole en dernier.

Sur ce,

Sur le mémoire en réplique de Mme Thomas-Robert du 17 janvier 2006

Considérant que si le conseiller de la mise en état a fixé au 9 janvier 2006 le délai ultime pour le dépôt des mémoires, il est établi que le mémoire des requérants du 6 janvier 2006 n'a été communiqué au conseil de Mme Thomas que le 10 janvier 2006, interdisant à ce dernier d'en prendre connaissance et d'y répondre dans le délai imparti parle conseiller de la mise en état, le délai ayant expiré; qu'ainsi, le retard à répliquer ne trouve pas sa source dans le comportement dilatoire de la défenderesse;

Que la cour estime que le principe du contradictoire nécessite de permettre à celle-ci de répliquer à des arguments nouveaux invoqués par les requérants et rejettera les conclusions du Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme tendant à ce que lesdites écritures soient écartées;

Sur la compétence du Conseil

Considérant qu'aux termes de l'article L.410-1 du Code de commerce, les règles de concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de service public;

Que selon l'article L. 462-6 du même Code, le Conseil examine si les pratiques dont il est saisi entrent dans le champ d'application des articles L. 420-1, L. 420-2 ou L. 420-5 ou peuvent se trouver justifiées par application de l'article L. 420-4, et prononce, le cas échéant, des sanctions et des injonctions;

Considérant que selon l'article L. 4121-2 du Code de la santé publique, le Conseil national et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes veillent au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de l'art dentaire, et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le Code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1, qu'ils assurent la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession de chirurgien-dentiste;

Qu'ils représentent ainsi l'Ordre auprès des pouvoirs publics, assurent le respect des lois et règlements qui régissent l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste et veillent au respect de la discipline et au perfectionnement professionnel;

Considérant que la lettre circulaire du 7 janvier 1999 ne constitue pas une décision par laquelle lesdits Conseils exercent, auprès de leurs membres, la mission de service public au moyen de prérogatives de service public;

Qu'un ordre professionnel sort de cette mission en adressant à des tiers une lettre circulaire dans laquelle il se livre à une interprétation de la législation applicable à son activité, en prenant, selon les termes mêmes des conclusions de son conseil, une position sur un point de technique médicale sous une forme qui ne peut en aucun cas être considérée comme un simple avis (lettre du 17 décembre 1999 " seul un chirurgien-dentiste est habilité et possède la compétence nécessaire pour faire face à toutes les situations qui peuvent être créées par le nettoyage des prothèses ");

Considérant que le Conseil de la concurrence, après avoir qualifié au regard des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce les pratiques mises en œuvre par les requérants sur le marché en cause, ne s'est pas prononcé sur la validité ou la licéité d'un acte administratif, mais a constaté que les Conseils en cause étaient entrés dans le champ de l'application de l'article L. 410-1 du Code de commerce;

Que la cour considère que le Conseil de la concurrence était compétent pour apprécier le comportement du Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et rejettera ainsi le moyen soulevé;

Sur les garanties procédurales

Considérant que les requérants ne démontrent pas en quoi le délai de deux mois pour répondre à la notification des griefs, conformément aux dispositions de l'article L.463- 2 du Code de commerce, était insuffisant pour leur permettre de réunir les éléments au soutien de leur défense;

Que le rejet par le Conseil de la concurrence du mémoire des requérants, en réponse aux observations de la DGCCRF, n'a pas eu pour effet de les empêcher de disposer d'un temps suffisant avant l'audience pour pouvoir présenter leurs observations;

Que la cour constate qu'il n'y a aucune violation des principes posés par l'article 6 de la CEDH sur le procès équitable et notamment du respect du contradictoire, et rejettera donc ce moyen;

Sur le fond

Sur le marché pertinent

Considérant que les requérants n'établissent pas que la prestation de services proposée par Mme Thomas et la société Prodental consiste à avoir une autre activité que de nettoyer les seules prothèses dentaires amovibles, notamment par un bain d'ultrasons et un polissage destiné à éliminer par brossage les résidus éventuels de tartre;

Que cette opération est d'une faible technicité dans la mesure où elle ne nécessite pas de connaissances médicales, mais au mieux une connaissance des matériaux qui composent la prothèse, dès lors qu'elle peut être effectuée par toute personne intéressée par l'acquisition d'un appareil à ultrasons;

Que cette opération, ayant pour objet de rendre à l'appareil son volume initial défini par le chirurgien-dentiste, ne le modifie en rien et notamment pas en son volume;

Qu'elle ne présente aucun risque pour le patient et peut, au contraire, prévenir la survenance des risques bucco-dentaires visés par la DGS;

Que cette opération ne nécessite aucune intervention en bouche, celle-ci étant effectuée par le porteur de la prothèse et qu'ainsi elle ne consiste ni à installer un premier appareil ni à ajuster ou remplacer une prothèse existante;

Qu'ainsi, elle ne justifie ni un diagnostic ni une intervention préalables d'un chirurgien-dentiste, même si cette dernière peut se révéler utile pour des questions indépendantes de celle de l'entretien de la prothèse en cause, ladite prestation n'étant d'ailleurs pas considérée comme un acte médical couvert par la Sécurité Sociale;

Que la cour constate que le Conseil de la concurrence a pu justement relever qu'il existait deux types de nettoyage le nettoyage quotidien au moyen de comprimés effervescents ou de brossage de l'appareil d'une part, et le nettoyage ponctuel utilisant des procédés particuliers de nettoyage comme les ultrasons et destiné à une remise en état d'une prothèse non correctement entretenue d'autre part, lesquels constituent deux marchés différents, en ce qu'ils répondent à des besoins différents pour les consommateurs, au moyen de produits ou services différents ; que le Conseil a, avec raison, qualifié le marché de pertinent;

Sur les pratiques abusives

Considérant que l'envoi d'une lettre circulaire interprétant la règle de droit et adressée à des tiers aux membres de la profession, le refus de déférer à un rappel à la loi qui leur était faite par la DGCCRF (courrier du 16 août 1999), et la qualification dénigrante de la prestation sous le terme " soi-disant nettoyage ", constituent des pratiques d'action concertée entrant dans les prévisions de l'article L. 420-1 du Code de commerce;

Que ces pratiques avaient pour objet de limiter l'accès au marché, comme le démontrent les écritures mêmes des requérants qui n'hésitent pas à exposer que "la jurisprudence de la Cour de cassation avait pour effet d'exclure tout contact personnel entre les patients et les prothésistes ", mais aussi de limiter le libre exercice de la concurrence; qu'en effet, l'offre de service de Mme Thomas avait été dénoncée à la DDASS du Puy-de-Dôme par un chirurgien-dentiste présidant l'association de Soins Dentaires à Domicile qui avait reçu une dérogation du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme pour se livrer à la même activité;

Que la cour constate que le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes du Puy-de-Dôme ont manifestement voulu, en intégrant dans le champ de leur monopole l'activité de nettoyage des prothèses dentaires amovibles, en fermer l'accès à d'autres professionnels;

Qu'elle constate par ailleurs que ces pratiques ont eu pour effet d'empêcher Mme Thomas et la société Prodental, depuis 1999, de se livrer en toute liberté à une activité sur le marché du nettoyage de la prothèse dentaire amovible, ainsi que cela résulte de l'enquête de la DDCRF, alors même que les représentants de maisons de retraite interrogés ont souligné combien le service proposé aurait été apprécié par de nombreuses personnes âgées pouvant difficilement se déplacer;

Qu'elle confirmera en conséquence la décision déférée dans son principe;

Sur la proportionnalité de la sanction prononcée

Considérant que la lettre circulaire du 7 janvier 1999, si elle constitue une prise de position abusive sur la prestation de service offerte par Mme Thomas et la société Prodental, était dépourvue en elle-même de toute force contraignante immédiate comme de toute portée dans le temps, et laissait subsister une faculté de choix personnel pour les établissements de retraite démarchés;

Considérant que Mme Thomas a expliqué que devant l'attitude des Conseils de l'Ordre et la réaction engendrée par leur prise de position au niveau des responsables des maisons de retraite, elle avait suspendu sa proposition, et qu'ainsi la pratique incriminée n'a eu d'autre conséquence que de l'empêcher d'accéder au marché, sans lui causer de préjudice économique direct;

Considérant que cette pratique a néanmoins eu pour effet de priver les consommateurs d'un service de soins à domicile utile et même indispensable, selon les déclarations mêmes des requérants, à l'hygiène buccale;

Qu'ainsi le Conseil de la concurrence a justifié la proportionnalité de la sanction prise à l'encontre du Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes, mais qu'il apparaît inéquitable de faire supporter au Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme une sanction pécuniaire de 1 000 euro, dès lors qu'il est établi qu'il a suivi la position prise par le Conseil national puis par la DGS;

Que la cour rejettera le recours formé en modifiant ainsi qu'indiqué au dispositif, la sanction prononcée en ce qui concerne le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme.

Par ces motifs, En la forme, - rejette les conclusions du Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens dentistes et du Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes du Puy-de-Dôme tendant à voir écarter le mémoire en réplique du 17 janvier 2006, - rejette l'exception d'incompétence du Conseil de la concurrence soulevée par le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes du Puy-de-Dôme, - rejette la demande d'annulation de la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence, Au fond, - rejette le recours formé par le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme à l'encontre de la décision du 20 juillet 2005 du Conseil de la concurrence, - confirme les mesures de publication figurant aux points 3 et 4 de ladite décision, - réforme pour le surplus ladite décision et condamne le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme à une sanction pécuniaire de 1 euro, - rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires, - condamne le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme aux dépens.