CJCE, 22 mai 1985, n° 13-83
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Parlement européen
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes
LA COUR,
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 janvier 1983, le Parlement européen a introduit, en vertu de l'article 175, alinéa 1, du traité CEE, un recours visant à faire constater que le Conseil, en s'abstenant d'instaurer une politique commune dans le domaine des transports et, plus particulièrement, de fixer de façon contraignante le cadre de cette politique, a viole le traité CEE, et notamment les articles 3, sous e), 61, 74, 75 et 84 de ce traité, et que le Conseil s'est abstenu, en violation dudit traité, de se prononcer sur seize propositions nommément désignées qui lui avaient été présentées par la Commission en matière de transport.
2. La politique commune des transports figure parmi les actions que la Communauté doit entreprendre, selon l'article 3 du traité CEE, en vue d'établir un Marché commun et de rapprocher progressivement les politiques économiques des Etats membres. Elle fait l'objet du titre IV de la deuxième partie du traité, partie relative aux " fondements de la Communauté ". L'article introductif de ce titre, l'article 74, prévoit que les objectifs du traité seront poursuivis, dans le secteur des transports, " dans le cadre d'une politique commune ". En vue de réaliser la mise en œuvre de cette disposition, le Conseil doit, selon l'article 75, paragraphe 1, établir, sur proposition de la Commission et après avis du Comité économique et social et du Parlement européen :
'A) des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un Etat membre, ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs Etats membres ;
B) les conditions de l'admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre ;
C) toutes autres dispositions utiles'.
D'après le paragraphe 2 de cet article, les dispositions visées sous a) et b) doivent être arrêtées au cours de la période de transition.
A - les antécédents du litige
3. Le requérant observe qu'en 1968, à l'approche de la fin de la période de transition prévue par le traité CEE, le Parlement européen avait déjà adopté une résolution sur l'état de la politique commune des transports (JO C 10, p. 8) par laquelle, après avoir rappelé une résolution antérieure relative au retard intervenu dans la mise en œuvre de la politique commune des transports, il soulignait " sa volonté expresse de voir définir et mettre en œuvre sans tarder une politique des transports qu'il considère comme un élément essentiel du marche commun ". Deux ans plus tard, en 1970, le Parlement a adopté une résolution similaire (JO C 40, p. 27), aux termes de laquelle il attirait de nouveau l'attention sur le retard pris en la matière et invitait le Conseil à fixer un programme de travail contenant un échéancier précis des décisions à prendre.
4. Au moment de rendre son avis sur la communication de la Commission au Conseil d'octobre 1973 relative au développement de la politique commune des transports, le Parlement a adopté une résolution, le 25 septembre 1974, sur les principes de la politique commune des transports (JO C 127, p. 24). Le Parlement devait réitérer sa demande au Conseil d'instaurer sans délai une politique commune cohérente dans le secteur des transports par des résolutions du 16 janvier 1979 (JO C 39, p. 16) et du 3 mars 1982 (JO C 87, p. 42).
5. Apres avoir constaté que la politique commune voulue par le traité faisait toujours défaut, le Parlement européen a finalement adopté, le 16 septembre 1982, une résolution relative à un recours en carence contre le Conseil des communautés européennes dans le domaine de la politique des transports (JO C 267, p. 62). Cette résolution considère que la politique des transports n'a fait l'objet que de mesures minimales ne répondant nullement aux impératifs du marché commun et que, ainsi, les dispositions des articles 3, sous e), et 74 à 84 du traité CEE n'ont pas été respectées. La résolution rappelle en outre que le Conseil n'a pas statué sur de nombreuses propositions de la Commission sur lesquelles le Parlement européen à déjà depuis longtemps émis un avis favorable.
6. Par ladite résolution du 16 septembre 1982, le Parlement a chargé son Président d'introduire un recours contre le Conseil, en application de l'article 175, alinéa 1, du traité, après avoir invité le Conseil à agir, conformément a l'article 175, alinéa 2. Par lettre du 21 septembre suivant, le Président du Parlement a effectivement informé le Conseil de l'intention du Parlement d'engager un recours en carence contre le Conseil pour avoir omis de fixer, en vertu des articles 3, sous e), 61 et 74, le cadre d'une politique commune des transports dans lequel peuvent être poursuivis les objectifs du traité, ainsi que de prendre les décisions prévues aux articles 75 à 84, pour l'application des articles 61 et 74.
7. La même lettre du 21 septembre 1982 invite le Conseil à une série d'actions, et en particulier :
- à fixer le cadre d'une politique commune des transports, conformément aux articles 3, sous e), et 74 du traité ;
- à instaurer la libre circulation des services dans le domaine des transports, prévue à l'article 61, et à appliquer à cette fin les dispositions des articles 74 à 84 ;
- à prendre sans délai les décisions qui auraient du être prises avant la fin de la période de transition, notamment celles prévues à l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b);
- à arrêter toutes dispositions utiles a la poursuite des objectifs du traité dans le cadre d'une politique commune des transports, conformément a l'article 75, paragraphe 1, sous c);
- à statuer sans tarder sur une série de propositions de la Commission, nommément désignées, sur lesquelles le Parlement avait déjà donné son avis.
8. Le Président du Conseil a répondu par lettre du 22 novembre 1982. Aux termes de cette lettre, le Conseil,'sans s'exprimer à ce stade sur les aspects juridictionnels' évoques par le Président du Parlement, mais 'dans l'esprit de bonnes relations avec le Parlement européen ', communique à celui-ci une analyse dont les éléments devaient permettre au Parlement de connaître 'l'appréciation que le Conseil porte, au stade actuel, sur le développement de la politique commune des transports '. Le Conseil indique au surplus qu'il partage l'intérêt que le Parlement européen attache à la réalisation de cette politique, qu'il a déjà adopté, dans différents secteurs des transports, un ensemble de décisions représentant des mesures importantes dans la mise en œuvre d'une politique commune des transports, mais qu'il est néanmoins conscient que, malgré les progrès effectués, la politique commune des transports exige encore des actions ultérieures.
9. Dans une note jointe à cette lettre, le Conseil fournit un relevé des 71 actes du Conseil établis dans le domaine des transports, ainsi qu'un commentaire sur l'état d'examen de chacune des propositions de la Commission citées dans la lettre du Président du Parlement.
10. A la suite de l'examen de la réponse du Conseil par les commissions parlementaires compétentes, conformément à la procédure prévue par la résolution du 16 septembre 1982, le Président du Parlement européen a estimé que cette réponse ne constituait pas une 'prise de position' au sens de l'article 175, alinéa 2, du traité. Il a, par conséquent, décidé d'introduire le présent recours.
11. La Commission est intervenue au litige pour soutenir les conclusions du Parlement européen ; le royaume des Pays-Bas est intervenu à l'appui des conclusions du Conseil.
B - la recevabilité du recours
12. Le Conseil, partie défenderesse, a présenté une exception d'irrecevabilité comportant deux fins de non-recevoir : une première tirée du défaut de qualité pour agir en justice du requérant, ou manque de légitimation active, une seconde fondée sur le non-respect des conditions relatives à la procédure précontentieuse telles que prévues par l'article 175.
1. La légitimation active
13. Le Conseil explique d'abord que, à son avis, le présent recours s'inscrit dans les efforts du Parlement pour renforcer son influence dans le processus décisionnel au sein de la Communauté. Ces efforts, par ailleurs légitimes, ne devraient cependant pas se servir du recours en carence prévu par l'article 175, étant donne que la collaboration entre les institutions communautaires n'est pas régie par cette disposition. Les objectifs politiques du Parlement devraient être poursuivis par d'autres méthodes.
14. C'est à la lumière de cette considération que le Conseil, tout en reconnaissant que l'article 175 ouvre le recours en carence contre les omissions du Conseil et de la Commission aux Etats membres et aux 'autres institutions de la Communauté ', se demande si le droit de contrôle attribué au Parlement par le traité n'est pas épuisé par les compétences prévues par les articles 137, 143 et 144 du traité, dispositions qui régissent les possibilités d'influence du Parlement sur les activités de la Commission et du Conseil. Dans ces conditions, le Parlement ne pourrait disposer à l'égard du Conseil d'un droit de contrôle qui puisse s'exercer par un recours en carence.
15. Le Conseil ajoute qu'une interprétation systématique du traité ferait obstacle à une légitimation active du Parlement. En effet, le recours en annulation prévu par l'article 173, qui permet un contrôle de légalité des actes du Conseil et de la Commission, ne peut pas être forme par le Parlement. Dans la mesure ou le traité écarte le Parlement du contrôle de la légalité des actes de ces deux institutions, il serait illogique de lui conférer un droit de recours en cas de carence illégale de l'une de ces deux institutions. Seule une attribution expresse de compétence aurait, par conséquent, permis de reconnaître au Parlement la faculté d'introduire un recours en carence.
16. Le Parlement européen et la Commission contestent ce raisonnement en se reférant aux termes mêmes de l'article 175 ; le libellé de cette disposition ne se prêterait en effet à aucune interprétation faisant obstacle à la faculté du Parlement d'introduire un recours en carence. Les deux institutions estiment également que la reconnaissance d'une telle faculté n'est nullement incompatible avec la répartition des pouvoirs prévue par le traité.
17. Il y a lieu de souligner que l'article 175, alinéa 1, ouvre expressément, comme le Conseil l'a d'ailleurs reconnu, le recours en carence contre le Conseil et la Commission, entre autres, aux 'autres institutions de la Communauté '. Cette disposition prévoit ainsi une même faculté d'intenter ce recours pour toutes les institutions de la Communauté. On ne saurait restreindre, pour l'une d'entre elles, l'exercice de cette faculté sans porter atteinte à sa position institutionnelle voulue par le traité et, en particulier, par le paragraphe 1 de l'article 4.
18. La circonstance que le Parlement européen est en même temps l'institution de la Communauté qui a pour mission d'exercer un contrôle politique sur les activités de la Commission et, dans une certaine mesure, sur celles du Conseil n'est pas de nature à affecter l'interprétation des dispositions du traité relatives aux voies de recours des institutions.
19. Dès lors, la première fin de non-recevoir doit être écartée.
2. Les conditions relatives à la procédure précontentieuse
20. Le Conseil estime que les conditions relatives à la procédure précontentieuse telles que spécifiées par l'article 175 ne sont pas remplies. D'une part, la lettre du Président du Parlement européen du 21 septembre 1982 n'aurait pas été une 'invitation à agir' au sens de l'article 175 ; d'autre part, le Conseil aurait 'pris position' sur cette lettre, au sens de cette même disposition, en fournissant au Parlement une analyse complète des activités du Conseil dans le domaine de la politique commune des transports visée par la lettre susvisée du 21 septembre 1982.
21. Sur le premier point, le Conseil soutient que la lettre du Président du Parlement n'a pas été considérée, à l'époque, comme une invitation à agir au sens de l'article 175. La réponse du Conseil permettrait de constater que la correspondance entre les deux institutions constituait, pour le Conseil, une contribution au dialogue politique et non le premier épisode d'un litige. Ce serait pour cette raison que le Conseil a transmis au Parlement tous les éléments d'appréciation nécessaires à montrer la façon dont le Conseil jugeait l'évolution future de la politique commune des transports.
22. Quant au second point, le Conseil attire l'attention sur le fait que le contenu exact d'une 'prise de position' au sens de l'article 175 dépend du grief de carence reproché à l'institution en cause. Lorsque celle-ci est tenue de prendre une décision sans disposer de la moindre discrétion, il serait difficilement concevable qu'une prise de position ayant un contenu autre que l'acte qui doit être pris puisse rendre irrecevable un recours. Si, par contre, le traité accordé à l'institution un large pouvoir discrétionnaire pour agir, comme c'est le cas en l'occurrence, la situation serait différente : en effet, une réponse de l'institution en cause indiquant l'état d'avancement des travaux et faisant apparaître les motifs pour lesquels elle n'a pas encore statué, ainsi que la manière dont elle entend procéder, suffirait dans une telle situation pour établir qu'il n'y a pas de carence au sens de l'article 175 et qu'en conséquence le recours est irrecevable.
23. Le Parlement et la Commission sont d'avis que la lettre du Président du Parlement du 21 septembre 1982 exprime avec une clarté suffisante les mesures sollicitées par le Parlement dans le cadre de l'article 175, alinéa 2, et que la lettre de réponse du Président du Conseil, du 22 novembre 1982, se caractérise précisément par le fait qu'elle ne prend position sur aucune de ces mesures, de façon à laisser le Parlement sans réponse en ce qui concerne le grief de carence qu'il avait avancé.
24. Il y a lieu de constater que les conditions requises par l'alinéa 2 de l'article 175 étaient réunies en l'espèce. Apres s'être expressément référé à cette disposition, le Parlement à clairement indiqué, dans la lettre de son Président, qu'il invitait le Conseil à agir au sens de l'article 175, en ajoutant une énumération des actions qui, à son avis, devraient être entreprises par le Conseil pour mettre fin à sa carence.
25. La réponse du Conseil, par contre, s'est bornée à relever les activités que le Conseil avait déjà accomplies en matière de transport, sans s'exprimer 'sur les aspects juridictionnels' de la correspondance engagée par le Parlement. La réponse n'a ni contesté ni confirmé la carence alléguée, ni révèle de quelque façon que ce soit l'attitude du Conseil sur les actions qui devraient, d'après le Parlement, encore être entreprises. Une telle réponse ne peut pas être considérée comme une prise de position au sens de l'article 175, alinéa 2.
26. La Cour considère, par ailleurs, qu'en l'espèce les observations du Conseil relatives au pouvoir discrétionnaire dont il disposerait pour la mise en œuvre de la politique commune des transports ne concernent pas la question de savoir si les conditions spécifiques de l'article 175 ont été respectées, mais relèvent du problème plus général de déterminer si l'absence d'une politique commune dans le secteur des transports peut représenter une carence au sens de cette disposition, problème qui sera examiné ultérieurement dans cet arrêt.
27. Il s'ensuit que la seconde fin de non-recevoir doit également être écartée.
C - l'objet du recours
28. Dans son mémoire en défense, le Conseil reproche au Parlement de ne pas avoir abordé la question qui détermine toute l'issue du litige et qui est celle de savoir si l'expression 'statuer' figurant à l'article 175 peut être interprétée en ce sens qu'elle inclut l'instauration d'une politique commune des transports. Le Conseil explique que cette politique concerne un domaine extrêmement complexe qui comprend de nombreux aspects, tels l'infrastructure, les prix, les conditions de transport, la liberté d'établissement et de prestation des services, les problèmes sociaux, ceux de la concurrence, etc. Dès lors, une politique commune dans ce secteur, qui devrait englober le trafic routier aussi bien que la navigation intérieure et les chemins de fer, ne pourrait être instaurée par une seule décision : elle devrait être élaborée progressivement, par le biais de réglementations spécifiques.
29. Le Conseil estime que la procédure prévue à l'article 175 est conçue pour les cas où l'institution en cause a l'obligation juridique d'établir un acte juridique déterminé et qu'elle se prête mal à la solution des cas où il s'agit d'instaurer tout un système de mesures dans le cadre d'un processus législatif complexe. En effet, dans l'hypothèse où la Cour constate qu'une institution s'est abstenue, en violation du traité, de 'statuer ', cette institution est tenue, en vertu de l'article 176, de 'prendre les mesures' que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour. Or, le requérant n'aurait nullement indiqué quelles sont les mesures concrètes dont la non-adoption est reprochée au Conseil.
30. Le Parlement européen reconnaît qu'une politique commune des transports ne sera probablement pas arrêtée 'uno actu ', mais qu'elle doit être réalisée au moyen de mesures successives qui devront être harmonisées entre elles à l'intérieur d'un seul système cohérent. Il serait cependant évident qu'il faille 'statuer ', d'une façon ou d'une autre, pour mettre en place, selon un plan préétabli, l'ensemble de mesures nécessaires à cet effet.
31. D'après la Commission, qui appuie la position du Parlement sur ce point, le traité comporte une obligation générale d'instaurer une politique commune des transports, obligation qui exige que soient d'abord définis, en conformité avec les objectifs généraux du traité, les principes d'une politique commune des transports qui fourniraient la base indispensable pour l'adoption de mesures d'exécution. La seule adoption de mesures sporadiques n'englobant pas les domaines essentiels d'une politique commune ne répondrait pas à cette exigence. La Commission estime que, quelle que soit la liberté laissée par le traité au Conseil pour déterminer la nature des mesures à prendre, dans le cadre qu'il fixe, et l'ordre dans lequel ces mesures seront prises, l'obligation d'agir que comportent les articles 74 et 75 du traité, tout autant que l'article 3, sous e), est suffisamment nette pour faire l'objet, en cas de méconnaissance, d'un recours en carence au titre de l'article 175.
32. Le Parlement et la Commission ajoutent que, en tout état de cause, l'article 75 fixe un délai très précis pour les mesures à prendre dans les domaines que le traité considère manifestement comme essentiels, étant donné que les règles communes applicables aux transports internationaux et les conditions d'admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux d'un Etat membre doivent être arrêtées au cours de la période de transition, soit avant la fin de l'année 1969. Les deux institutions rappellent que les deux domaines en cause ont un lien étroit avec la liberté de prestations de services, liberté dont le traité prévoit, en principe, la réalisation avant la fin de la période de transition, mais qui est subordonnée, en matière de transports, à la réalisation d'une politique commune selon l'article 61.
33. Il faut d'abord rappeler que le Parlement a formule deux demandes différentes : celle qui concerne l'omission d'instaurer une politique commune des transports et, plus particulièrement, de fixer son cadre, et celle relative a l'omission de statuer, par le Conseil, sur seize propositions en matière de transports que la Commission lui avait soumises. Seule la première demande pose le problème de savoir si les termes de l'article 175, et la place de cette disposition dans l'ensemble des voies de recours prévu par le traité, permettent à la Cour de constater une abstention de statuer en violation du traité.
34. S'il est vrai que les termes de l'article 175 semblent plaider en faveur d'une interprétation qui présuppose l'absence d'un acte déterminé, en particulier dans les versions allemande et néerlandaise, cet argument n'est pas décisif. D'une part, les autres versions linguistiques du même texte sont libellées de façon à pouvoir inclure une carence moins nettement circonscrite ; d'autre part, l'objectif de l'article 175 serait méconnu si un requérant ne pouvait pas soumettre à la Cour l'omission, par une institution, de prendre plusieurs décisions, ou un ensemble de décisions, au cas où le fait de prendre ces décisions relève de l'une des obligations que le traité impose à cette institution.
35. Dans ces conditions, le problème soulevé par le Conseil se réduit à celui de savoir si, en l'espèce, le Parlement européen a indiqué, dans sa première demande, les mesures dont il reproche l'absence au Conseil avec une précision telle que la Cour, en adjugeant au Parlement ses conclusions, rendrait un arrêt susceptible d'être exécuté par le Conseil en application de l'article 176.
36. Un tel degré de précision s'impose d'autant plus que le système des voies de recours instituées par le traité comporte une connexion étroite entre le recours prévu à l'article 173, qui permet d'arriver à l'annulation d'actes du Conseil et de la Commission qui seraient illégaux, et celui fondé sur l'article 175, qui peut aboutir à la constatation que l'omission, par le Conseil ou la Commission, d'établir certains actes est contraire au traité. Face à une telle connexion, il faut conclure que, dans les deux cas, les actes faisant l'objet du litige doivent être suffisamment individualisés pour mettre la Cour en mesure d'apprécier la légalité de leur adoption ou, respectivement, de leur non-adoption.
37. Il découle de ce qui précède que la première demande du Parlement ne pourrait être accueillie, même si elle s'avérait fondée, que dans la mesure ou le défaut de politique commune des transports reproche au Conseil consiste à avoir omis de prendre des mesures dont la portée peut être suffisamment définie pour qu'elles puissent être individualisées et faire l'objet d'une exécution au sens de l'article 176. Il convient de procéder, par conséquent, à l'examen des arguments des parties relatifs à l'absence, ou non, d'une politique commune des transports.
D - la première demande : l'omission d'instaurer une politique commune des transports
1. La politique commune des transports en général
38. Le Parlement européen reconnaît que le traité laisse un large pouvoir d'appréciation au Conseil pour ce qui est du contenu de la politique commune des transports. Ce pouvoir d'appréciation serait cependant limite à deux égards : en premier lieu, il ne permettrait pas au Conseil de demeurer inactif au-delà de l'expiration des délais prévus par le traité, et notamment de celui de l'article 75, paragraphe 2 ; en second lieu, le Conseil serait tenu de fixer un cadre commun consistant dans un ensemble cohérent de principes de nature à prendre en compte globalement les faits économiques complexes inhérents au secteur des transports. Ces principes devraient régir les différentes mesures spécifiques nécessaires à la réalisation des principes généraux du traité dans ce secteur.
39. Dans une telle situation, les principes de base que le Conseil aurait du adopter devraient, toujours selon le Parlement, respecter au minimum certains objectifs et couvrir certains domaines. La nature même d'une politique commune des transports impliquerait en effet la nécessite d'assurer le respect de certains objectifs, en particulier en vue d'arriver a la libération des transports et de faciliter le trafic transfrontière. Les principes en cause devraient également indiquer quels sont les domaines faisant l'objet du dispositif a mettre en place ; la situation économique dans le secteur des transports exigerait que, parmi ces domaines d'action, figurent notamment les relations de concurrence entre trafic ferroviaire et trafic routier ainsi que les règles pour maîtriser la capacité dans la navigation intérieure et dans le transport routier.
40. La Commission fait état des lacunes importantes qui subsistent dans tous les domaines de la politique des transports, nonobstant les nombreuses propositions qu'elle a soumises au Conseil depuis plus de vingt ans. Elle évoque notamment l'insuffisance des mesures prises dans le domaine du transport de marchandises par route, ou des limitations de capacité sont essentiellement fixées par voie d'accords bilatéraux entre Etats membres sur la base de critères très disparates qui empêchent souvent une utilisation optimale de la capacité existante en raison des nombreux retours opérés à vide et ou, en outre, le transport à l'intérieur de chacun des Etats membres est réserve aux entreprises établies sur le territoire de cet Etat membre. Enfin, un nombre considérable de contrôles aux frontières continuerait d'entraver les transports internationaux.
41. Dans ce même ordre d'idées, la Commission fait état de la situation insatisfaisante des comptes des chemins de fer et des relations entre ceux-ci et l'état ; de la surcapacité structurelle considérable des transports par voie navigable qui est aggravée par l'absence de mesures coordonnées de désarmement des navires ; de l'absence de progrès dans la réalisation de projets d'infrastructure intéressant la Communauté et du défaut de coordination des mesures nationales d'infrastructure ; et, enfin, de l'absence presque totale d'action communautaire en matière de navigation maritime et aérienne.
42. Le Conseil ne conteste pas les lacunes signalées par la Commission. Toutefois, il avance une série d'arguments visant à démontrer que ces lacunes ne peuvent pas être assimilées à une abstention d'agir au sens de l'article 175 du traité. A cet effet, il invoque en particulier la marge de discrétion dont il dispose quant a la mise en place de la politique commune des transports, ainsi que les difficultés objectives de nature géographique, économique et sociale qui font obstacle a un rythme de progrès plus pousse. Le Conseil rappelle, au surplus, le problème de la position particulière des chemins de fer sur le marché des transports et le rôle particulier que joueraient les Etats membres, en matière de transports, dans le système décisionnel du Conseil.
43. Le Conseil se réfère ensuite aux activités qu'il a déjà entreprises en la matière, et dont il a fourni le relevé au Parlement par la lettre du Président du Conseil du 22 novembre 1982, ainsi qu'a ses décisions du 13 mai 1965, qui fixe les objectifs a atteindre en matière d'harmonisation fiscale et sociale dans le secteur des transports (JO 1965, p. 1500), et du 14 décembre 1967, qui arrête un programme de mesures susceptibles d'assurer le développement ultérieur de la politique commune des transports (JO 1967, no 322, p. 4). Ces décisions montreraient d'ailleurs que, à l'époque, le Conseil s'est heurte à l'interdépendance des divers secteurs de transports et des différents problèmes à résoudre, interdépendance reconnue par la Commission à différentes reprises.
44. A cet égard, le Conseil rappelle que, dans sa vision des choses, la libéralisation des transports de marchandises par route n'est guère concevable sans un rapprochement substantiel des conditions de concurrence, rapprochement qui serait cependant impossible a atteindre sans que le problème des chemins de fer et de leurs relations avec les autorités publiques ne soit résolu. Toutefois, le Conseil n'aurait jamais été saisi d'une proposition de la Commission permettant de régler ce problème fondamental.
45. Le gouvernement néerlandais appuie les conclusions du Conseil sur ce point sans partager toute son argumentation. Il estime en effet que l'absence d'une politique commune des transports n'implique pas que les règles générales du traité, et les libertés que celles-ci assurent, ne sont pas applicables aux transports. S'il est vrai que, selon l'article 61 du traité, la libre circulation des services en matière de transports est régie par les dispositions du traité relatives a la politique commune des transports, on ne saurait pour autant en déduire que l'expiration de la période de transition n'a pas eu de conséquence pour la libre circulation des services dans ce secteur. Le gouvernement néerlandais rappelle que la Cour a considère dans d'autres domaines, comme celui de l'organisation des marches agricoles et celui de la conservation des ressources de la mer, que l'expiration de la période de transition peut, a elle seule, engendrer des droits et obligations bases sur les règles générales du traité.
46. Une conclusion peut être déduite sans difficulté de ces quatre interventions : pour les parties, il est constant qu'il n'y a pas encore un ensemble cohérent de réglementations qui peut être qualifie de politique commune des transports au sens des articles 74 et 75 du traité. Cette conclusion peut être fondée soit sur le défaut de cadre cohérent pour la mise en œuvre d'une telle politique, défaut invoque par le Parlement, soit sur la circonstance mise en lumière par la Commission que les problèmes essentiels dans le domaine des transports subsistent, soit sur le manque d'exécution, rappelé par le Conseil, des décisions de 1965 et 1967 fixant le calendrier des travaux dans cette matière, soit enfin sur la persistance des entraves à la libre prestation de services en matière de transports, comme l'a souligné le gouvernement néerlandais.
47. Des lors, il importe de déterminer si, en l'absence d'un ensemble de mesures susceptible de constituer une politique commune des transports, les abstentions de statuer du Conseil constituent une carence justiciable de l'article 175 du traité.
48. A cet égard, il y a d'abord lieu d'observer que les difficultés objectives qui font, selon la thèse du Conseil, obstacle aux progrès nécessaires sur le chemin conduisant a une politique commune des transports sont sans pertinence dans le cadre du présent litige. En vertu de l'article 175, il appartient à la Cour, le cas échéant, de constater la violation du traité que constitue le fait, pour le Conseil ou la Commission, de s'abstenir de statuer dans une situation ou cette institution y était tenue. Le degré de difficulté de l'obligation faite à l'institution en cause n'est pas pris en considération par l'article 175.
49. Toutefois, l'argument que le Conseil tire de son pouvoir d'appréciation doit, en principe, être accueilli. S'il est vrai que ce pouvoir d'appréciation est limite par les exigences découlant de l'établissement du marché commun et par certaines dispositions précises du traité, comme celles fixant des échéances, il n'en reste pas moins que, dans le système du traité, il appartient au Conseil de déterminer, selon les règles de procédure prévues par le traité, les objectifs et les moyens d'une politique commune des transports.
50. En effet, si le Conseil est tenu, dans le cadre de son obligation d'établir une politique commune des transports, de faire l'ensemble des choix nécessaires pour arriver a la mise en place progressive d'une telle politique, le contenu de ces choix n'est pas précise par le traité. C'est ainsi, par exemple, que le traité laisse au Conseil le soin de déterminer si les actions dans le secteur des transports doivent d'abord concerner les rapports entre les chemins de fer et les autorités publiques ou les relations de concurrence entre le trafic routier et le trafic ferroviaire. C'est également au Conseil de déterminer les priorités à observer dans l'harmonisation des législations et des pratiques administratives dans ce secteur et de décider quel est le contenu d'une telle harmonisation. Sur ce terrain, le traité accorde un pouvoir discrétionnaire au Conseil.
51. Cette considération est renforcée par les éléments d'information fournis, au cours du litige, par les trois institutions concernées et par le gouvernement néerlandais. Ces renseignements font apparaître que, depuis la décision précitée du Conseil de 1965, les opinions relatives au contenu d'une politique commune des transports ont évolué et que, en particulier, l'importance relative des différents volets d'une telle politique fait l'objet d'une appréciation qui s'est révélée variable au cours du temps.
52. Les renseignements fournis apportent encore une seconde contribution à ce débat. Il en résulte effectivement que le Parlement, partie requérante dans ce litige, n'a pas indique, malgré les invitations qui lui ont été faites à cet égard, quelles devraient être les mesures a prendre par le Conseil en vertu du traité et dans quel ordre celles-ci devraient être prises. Le Parlement s'est borne a indiquer que ces mesures doivent former un ensemble cohérent, être communes a tous les Etats membres et réaliser les objectifs du traité dans le secteur des transports.
53. Comme il a déjà été constate ci-dessus, l'absence d'une politique commune, en tant que telle, dont l'établissement est prescrit par le traité, ne constitue pas nécessairement une carence dont la nature est suffisamment définie pour être justiciable de l'article 175. Cette constatation s'applique en l'espèce, même s'il est vrai que les travaux menés en vertu de l'article 75 doivent être poursuivis en permanence pour permettre la mise en place progressive d'une politique commune des transports, et s'il est également vrai qu'une partie substantielle de ces travaux devait, aux termes du paragraphe 2 de l'article 75, être parachevée avant l'expiration de la période de transition.
2. La libre circulation de services en matière de transports
54. Le Parlement et la Commission ont fait valoir, à cet égard, que les dispositions de l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b), concernant les règles communes applicables aux transports internationaux ainsi que les conditions d'admission de transpor 56. La Commission a signalé que, en tout état de cause, la politique commune des transports voulue par le traité comporte un élément dont le contenu soit suffisamment circonscrit pour être qualifie d'obligation précise, a savoir la liberté de prestation de services. La portee de cette obligation pourrait être determinée sur la base des dispositions du traité relatives a la prestation de services, en particulier les articles 59 et 60, des directives et de la jurisprudence y relatives.
57. De son cote, le gouvernement néerlandais a également mis l'accent sur l'importance de la libre prestation de services.
58. Par conséquent, il faut examiner de plus prés les arguments des parties relatifs à la libre prestation de services dans le secteur des transports et le lien de celle-ci avec l'instauration d'une politique commune dans ce domaine.
59. La Commission et le gouvernement néerlandais rappellent que, d'après la jurisprudence de la Cour, les dispositions des articles 59 et 60 sont d'application directe des l'expiration de la période de transition. Ils sont d'accord pour soutenir que la seule circonstance que, en vertu de l'article 61, les prestations de services en matière de transports seront libérées dans le cadre de la politique commune des transports ne suffit pas pour suspendre indéfiniment l'effet des dispositions relatives aux services dans une situation ou le Conseil s'abstient, depuis des années, d'établir cette politique commune.
60. Le gouvernement néerlandais rappelle qu'en vertu de l'article 8, paragraphe 7, du traité, l'expiration de la période de transition constitue le terme extrême pour la mise en place de l'ensemble des réalisations nécessaires à l'établissement du marche commun ; il n'y aurait aucune raison pour en exclure le marche des transports. Il rappelle, en outre, que l'absence de dispositions d'exécution expressément prévues par le traité n'a jamais empêche l'application des règles générales du traité ou de ses principes de base. Le gouvernement néerlandais en conclut que, depuis la fin de la période de transition, les effets de la liberté de prestation de services doivent être reconnus même dans le secteur des transports. L'applicabilité directe des dispositions des articles 59 et 60 étant, à elle seule, suffisante pour atteindre les objectifs d'une politique commune des transports, sans qu'il y ait besoin d'autres interventions de la part du Conseil, celui-ci ne se trouverait donc pas en carence.
61. La Commission estime, en revanche, que les articles 59 et 60 ne sont pas directement applicables dans le secteur des transports. En vertu de l'article 61, la libre prestation des services en matière de transports devrait être réalisée dans le cadre des règles prévues par l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b). Cette disposition aurait pour but d'accorder au Conseil un délai approprie, allant éventuellement au-delà de l'expiration de la période de transition, pour réaliser la libre circulation des services en matière de transports dans le cadre d'une politique commune. Ce délai approprie ne pourrait cependant pas s'étendre indéfiniment et, plus de quinze ans après la fin de la période de transition, il devrait presque toucher à son terme ; s'il en était différemment, la libre prestation de services, pourtant garantie par le traité, resterait sans application dans un seul secteur d'activité, ce qui serait de nature à occasionner, à la longue, des distorsions de concurrence. Dans ces conditions, la Cour devrait, par voie d'admonition, indiquer dans le présent arrêt à quel moment le délai raisonnable prévu par l'article 61 est écoule.
62. Il y a lieu de rappeler d'abord que l'article 61, paragraphe 1, prévoit que la libre circulation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports. L'application des principes de liberté des prestations de services, tels qu'établis en particulier par les articles 59 et 60 du traité, doit donc être réalisée, selon le traité, par la mise en œuvre de la politique commune des transports et, plus particulièrement, par la fixation des règles communes applicables aux transports internationaux et des conditions d'admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux, règles et conditions visées par l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b), et concernant nécessairement la liberté de prestation de services.
63. Dès lors, la thèse du gouvernement néerlandais selon laquelle l'expiration de la période de transition aurait pour effet que les dispositions des articles 59 et 60 du traité seraient d'application directe même dans le secteur des transports ne saurait être accueillie.
64. Toutefois, c'est à juste titre que le Parlement, la Commission et le gouvernement néerlandais ont fait valoir que les obligations imposées au Conseil par l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b), comprennent celle de procéder à l'instauration de la libre prestation de services en matière de transports et que la portée de cette obligation est clairement définie par le traité. En vertu des articles 59 et 60, les impératifs de la liberté de prestations de services comportent en effet, comme la Cour l'a constate dans son arrêt du 17 décembre 1981 (webb, 279/80, rec. P. 3305), l'élimination de toutes discriminations a l'encontre du prestataire de services en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu'il est établi dans un Etat membre autre que celui ou la prestation doit être fournie.
65. Il en résulte que, sur ce point, le Conseil ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire dont il peut se prévaloir dans d'autres domaines de la politique commune des transports. Le résultat a atteindre étant fixe par le jeu combine des articles 59, 60, 61 et 75, paragraphe 1, sous a) et b), seules les modalités pour mettre en place ce résultat en tenant compte, conformément a l'article 75, des aspects spéciaux des transports peuvent donner lieu a l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation.
66. Dans ces conditions, les obligations prévues par l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b), pour autant qu'elles visent a réaliser la libre prestation de services, sont suffisamment précisées pour que leur non-respect puisse faire l'objet d'une constatation de carence au sens de l'article 175.
67. Le Conseil était tenu d'étendre la liberté de prestations de services au secteur des transports avant l'expiration de la période de transition, conformément a l'article 75, paragraphes 1, sous a), et 2, pour autant que cette extension concernait les transports internationaux exécutés au départ ou à destination du territoire d'un Etat membre ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi que de fixer, dans le cadre de la libération des prestations de services dans ce secteur, conformément a l'article 75, paragraphes 1, sous b), et 2, les conditions de l'admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre. Il est constant que les mesures nécessaires à cet effet n'ont pas encore été prises.
68. La carence du Conseil doit donc être constatée sur ce point, le Conseil s'étant abstenu de prendre des mesures qui auraient du l'être avant l'expiration de la période de transition et dont l'objet et la nature peuvent être détermines avec un degré suffisant de précision.
69. Le Parlement, la Commission et le gouvernement néerlandais ont encore évoqué la situation juridique qui se présenterait si, après une condamnation éventuelle, le Conseil s'abstenait encore de statuer. Ce problème est, toutefois, hypothétique. L'article 176 oblige le Conseil a prendre les mesures que comporte l'exécution du présent arrêt ; aucun délai n'ayant été prévu par cette disposition, il faut en déduire que le Conseil dispose à cet effet d'un délai raisonnable. Il n'est pas nécessaire d'examiner, dans le présent arrêt, les conséquences pouvant résulter d'une éventuelle carence prolongée du Conseil.
70. Dès lors, il convient de constater que le Conseil s'est abstenu, en violation du traité, d'assurer la libre prestation de services en matière de transports internationaux et de fixer les conditions de l'admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre.
71. Il est entendu qu'il appartient au Conseil d'introduire les mesures dont il juge l'adoption nécessaire pour accompagner les mesures de libéralisation qui s'imposent, et qu'il est libre de le faire dans l'ordre qui lui convient.
E - la deuxième demande : l'omission de statuer sur les seize propositions de la Commission
72. La deuxième demande du Parlement européen vise l'abstention, par le Conseil, de se prononcer sur seize propositions de la Commission figurant sur une liste faisant partie de la requête. Sur toutes ces propositions, le Parlement avait déjà rendu son avis.
73. Deux de ces propositions ont été adoptées par le Conseil avant la procédure orale ; le Parlement a signale que, dans ces conditions, il retire ces deux propositions de la liste qu'il avait soumise. Le Parlement n'a pas été a même de retirer une troisième proposition qui a été adoptée, après modification, par le Conseil après la procédure orale, pour devenir la directive relative aux poids, aux dimensions et a certaines autres caractéristiques techniques de certains véhicules routiers (directive 85/3 du 19 décembre 1984 (JO 1985, l 2, p. 14). Il est constant qu'une quatrième proposition figurant sur la liste du Parlement a été rejetée par le Conseil et qu'une cinquième est devenue sans objet puisque son contenu a été incorpore, par le Conseil, dans une autre directive.
74. Le Parlement considère que les articles 74 et 75 du traité font obligation au Conseil de se prononcer, dans un délai raisonnable, sur les propositions que la Commission lui soumet en matière de transports. Le Conseil ne serait pas oblige d'adopter une proposition telle que la Commission la lui soumet, mais il serait tenu de se prononcer, d'une façon ou d'une autre.
75. Cette présentation implique que l'obligation du Conseil visée par le Parlement se rattache à l'obligation générale du Conseil d'établir une politique commune des transports, pour autant que cette politique doit être déterminée dans un certain délai. Dans ces conditions, seules les propositions concernant les matières couvertes par l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b), peuvent entrer en ligne de compte.
76. Une seule des propositions visées est fondée sur l'article 75, paragraphe 1, sous b), soit la proposition de règlement relatif à l'accès au marche des transports de marchandises par voie navigable, soumise au Conseil en 1967. Il ressort des observations faites par le Conseil et la Commission que cette proposition n'est plus, dans sa forme initiale, d'actualité. La Commission à fait savoir au Conseil que seul l'article 38 de la proposition sera maintenu par la Commission, les autres dispositions faisant l'objet des débats sur le mandat à donner à la Commission pour des pourparlers avec la suisse, dans le cadre de la Commission centrale pour la navigation du rhin.
77. Les propositions fondées sur l'article 75, paragraphe 1, sous a), concernent, pour la plupart, le trafic routier. Tel est le cas des deux propositions relatives aux autorisations requises pour des véhicules couples et de la proposition visant à libéraliser le transport d'animaux vivants et d'œuvres d'art par des véhicules spécialisés.
78. Dans la mesure où les propositions fondées sur l'article 75, paragraphe 1, sous a) et b), ont pour objet de concourir à la réalisation de la liberté de prestation de services en matière de transports, l'obligation du Conseil de se prononcer à ce sujet découle déjà de la constatation de la carence du Conseil qui vient d'être faite. Pour autant que ces propositions ne se situent pas dans ce même cadre, elles font partie de la catégorie de mesures susceptibles d'accompagner les mesures de libéralisation qui s'imposent et dont l'adoption relève du pouvoir discrétionnaire du Conseil.
79. Dès lors, il n'est plus nécessaire de procéder encore à un examen distinct des obligations du Conseil de se prononcer sur les propositions en cause.
80. Aux termes de l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut compenser les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l'espèce, il y a lieu de compenser les dépens en ce sens que chaque partie et chaque partie intervenante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1) le Conseil s'est abstenu, en violation du traité, d'assurer la libre prestation de services en matière de transports internationaux et de fixer les conditions de l'admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre.
2) le recours est rejeté pour le surplus.
3) chaque partie, et chaque partie intervenante, supportera ses propres dépens.