CJCE, 6 avril 1962, n° 21-61
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Meroni & Co ; Acciaieria Laminatoi Di Magliano Alpi ; Ferriere Rossi ; Société en Commandité Simple Meroni et Co ; Societa Industriale Metallurgica Di Napoli
Défendeur :
Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier
LA COUR,
Attendu que le second point des conclusions des requérantes au principal est libellé de la manière suivante :
" annuler pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité et détournement de pouvoir à l'encontre de la requérante, avec toutes conséquences de droit, la décision implicite de refus qui est réputée résulter du silence de la haute autorité, eu égard à la demande de la requérante visant la suppression, à compter du jour où elles ont été implicitement ou explicitement accordées (ou seulement tolérées), les dérogations au versement obligatoire des contributions de péréquation de ferraille, consenties à d'autres entreprises visées à l'article 80 du traité, consommatrices de ferrailles d'achat et placées dans une situation comparable " ;
Attendu qu'il importe tout d'abord d'examiner d'office s'il y a carence de la part de la haute autorité, c'est-à-dire décision implicite de refus ;
Qu'une lettre signée par M. Rollman, directeur général de l'acier à la haute autorité, et M. Peco, directeur, figure en annexe à la requête et doit être prise en considération ;
Que cette lettre constitue une réponse à la première série de mises en demeure adressées par les requérantes à la haute autorité entre le 4 et le 9 septembre 1961 ;
Que cette lettre est datée du 27 octobre 1961 ;
Qu'elle parait donc à première vue interrompre le délai de deux mois au terme duquel une décision implicite de refus est réputée résulter du silence de la haute autorité ;
Qu'un examen plus poussé du contenu de cette lettre démontre qu'il ne s'agit pas d'une décision explicite de refus, mais d'une reproduction et d'une explication de la position juridique préexistante de la haute autorité ;
Qu'en particulier, le troisième alinéa de cette lettre expose :
" en tout cas avant que la haute autorité ait à se prononcer sur le problème en question, il semble opportun que soient fournies de plus amples précisions en ce qui concerne les plaintes qui ont été formulées " ;
Qu'il n'y a donc pas de décision explicite de refus de la haute autorité ;
Attendu qu'il convient d'examiner si la procédure de l'article 35 est applicable ;
Qu'à cette fin il importe de rechercher si, conformément à l'allégation de la défenderesse au principal, la décision implicite de refus, invoquée par la partie requérante, n'est pas purement confirmative de la réglementation en vigueur ;
Qu'à cet égard il faut prendre en considération la décision qu'aux yeux des requérantes la haute autorité eut été tenue de prendre ;
Que les lettres de mise en demeure adressées par les requérantes à la haute autorité, ainsi que les requêtes elles-mêmes permettent de présumer avec une suffisante précision le contenu de cette décision ;
Que la description de l'objet des recours par laquelle les requérantes ont ouvert leurs requêtes est la suivante :
" la requérante demande à la Cour de justice des communautés européennes de déclarer que la haute autorité doit donner acte par une décision du fait qu'en exonérant des charges de péréquation sur les consommations de ferraille d'achat les producteurs d'acier visés à l'annexe III du traité et les fonderies d'acier, pour la part de consommation de ferraille correspondant à la part de production d'acier brut de fonderie, elle a contrevenu aux obligations qui lui incombaient en vertu du traité et qu'elle doit par conséquent abroger ces dispositions qui apparaissent discriminatoires " ;
Que les requérantes, dans leur mise en demeure du 8 septembre 1961, ont demandé dans l'avant-dernier alinéa, que :
" la discrimination en question... Soit éliminée par l'adoption par la haute autorité d'une décision qui soumette à la charge du prélèvement de péréquation tous les achats de ferraille sans exception, y compris ceux qui sont destinés à la production des aciers vises à l'annexe III du traité et à la production d'acier coulé pour moulages " ;
Que l'alinéa précédant les conclusions des requêtes est rédige comme suit :
" ayant donné acte enfin que la requérante s'en remet à la sage appréciation de la Cour de justice sur la question de savoir si la décision implicite de refus de la haute autorité de rapporter les exonérations illégales et discriminatoires contenues aux points b et d (de l'article 10) de la décision 2-57 à une portée individuelle ou générale " ;
Que ces textes prouvent à suffisance de droit que, en tout cas, la décision, qu'aux yeux des requérantes la haute autorité était tenue de prendre, devait abroger les décisions d'exonération litigieuses et en particulier les alinéas b et d de l'article 10 de la décision 2-57, repris dans les mêmes alinéas de l'article 10 de la décision 16-58, ainsi que les pratiques de même effet de la haute autorité, antérieures a la décision 2-57 ;
Attendu que, en ce qui concerne la décision 2-57, la requête doit être rejetée puisqu'on ne peut permettre que, par l'artifice de procédure du recours en carence, un requérant soit habilite a demander l'annulation de décisions dont la nullité éventuelle est couverte par l'écoulement du délai prévu au troisième alinéa de l'article 33 ;
Attendu que, en ce qui concerne les exonérations alléguées par les requérantes pour la période qui précède la décision 2-57, elles ne sont pas expressément, ou en tout cas pas clairement, visées dans les lettres de mise en demeure précitées ;
Que les requérantes soulignent elles-mêmes que ces exonérations étaient notoires ;
Que lesdites requérantes n'ont pas juge utile, à l'époque, de mettre la haute autorité en demeure d'y renoncer ;
Que pas davantage elles n'ont intente un recours en annulation contre les dérogations en question, lorsque l'article 10 de la décision 2-57 les a rendues ostensibles et passibles de recours ;
Que ne l'ayant pas fait alors, elles sont désormais forcloses à le faire ;
Attendu qu'il convient d'accueillir l'exception d'irrecevabilité soulevée par la défenderesse au principal.
Attendu qu'en application de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties requérantes au principal, ayant succombé sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse au principal, doivent être condamnées aux dépens ;
LA COUR,
Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :
L'exception d'irrecevabilité soulevée par la haute autorité à l'encontre des recours 21-61, 22-61, 23-61, 24-61, 25-61 et 26-61 est admise.
Les parties requérantes au principal sont condamnées aux dépens de l'instance.