CJCE, 23 février 1961, n° 30-59
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg
Défendeur :
Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier
LA COUR,
A - Quant à la recevabilité
1. En ce qui concerne la régularité de la procédure
Attendu que, par lettre du 9 mars 1959, la requérante a saisi la haute autorité, selon l'article 35 du traité instituant la communauté européenne du charbon et de l'acier, en vue de faire constater par une décision que la République Fédérale d'Allemagne, en finançant la prime de mineur sur les fonds publics, avait manque a une des obligations qui lui incombent en vertu du traité ;
Attendu que, par lettre datée du 30 avril 1959 mais portant le cachet postal du 8 mai 1959, la haute autorité à fait savoir à la requérante qu'elle ne se voyait pas en état de donner une suite favorable a sa demande ;
Que cette communication notifié à la requérante la décision de la haute autorité de ne pas prendre la décision qui lui était demandée ;
Attendu que la requête 30-59 tend à l'annulation de cette décision de refus ;
Qu'elle constitue un recours en annulation soumis, de ce fait, aux conditions de l'article 33 du traité ;
Attendu que, la requête ayant été inscrite sur le registre du greffe le 5 juin 1959, le délai d'un mois vise au dernier alinéa de l'article 33 est respecte si l'on tient compte de la date d'envoi de la réponse de la haute autorité, telle qu'elle résulte du cachet postal.
2. En ce qui concerne la qualité de la requérante pour former un recours
Attendu que la décision attaquée est celle par laquelle la haute autorité refuse de prendre la décision qu'aux yeux de la requérante elle était tenue de prendre en application de l'article 88 ;
Que cette décision de refus présente, au regard des exigences de l'article 33, le caractère R la haute autorité ;
Attendu que la haute autorité motive sa décision de refus en affirmant que la situation résultant de l'institution, par le gouvernement de la République Fédérale, de la prime de mineur n'est pas incompatible avec le traité aussi longtemps que les conditions consignées dans la lettre de la haute autorité en date du 21 juin 1957 sont remplies ;
Qu'ainsi la décision, qu'aux yeux de la requérante la haute autorité était tenue de prendre, aurait visé, si elle était intervenue, une mesure particulière prise par un Etat membre déterminé et que, de ce fait, elle aurait été une décision individuelle ;
Que la décision par laquelle la haute autorité refuse de prendre cette décision individuelle est, elle aussi, une décision individuelle ;
Attendu que la requérante allègue que la décision de refus de la haute autorité la concerne ;
Que, pour qu'un recours en annulation d'une décision individuelle, présente par une entreprise, soit recevable, il suffit que la partie requérante allègue que cette décision la concerne et justifie son allégation en exposant d'une façon pertinente l'intérêt que présente pour elle l'annulation de la décision ;
Attendu que la requérante précise :
" qu'habituellement les prix néerlandais du charbon s'alignent sur les prix allemands ;
Que la baisse artificielle des prix allemands du charbon par des subventions de l'état met les entreprises néerlandaises qui ne reçoivent pas une telle subvention dans une situation difficile ;
Que la concurrence des charbons allemands sur le marché néerlandais est grande ;
Que les Pays-Bas doivent défendre leurs exportations de charbon en Allemagne ;
Que l'institution de la prime de mineur en Allemagne a provoqué l'émigration vers l'Allemagne de la main-d'œuvre des entreprises néerlandaises voisines ;
Que cet effet sur la main-d'œuvre était accentué par le fait que la prime de mineur était exempte de la contribution sociale et de l'impôt sur les salaires ;
Que la démission massive de mineurs expérimentés dans les charbonnages néerlandais a obligé ceux-ci à faire eux-mêmes un effort d'embauchage, notamment en augmentant les salaires " ;
Attendu que ces allégations paraissent pertinentes, mais que seul un examen au fond permettra d'en mesurer exactement la portée ;
Que contrairement à l'allégation de la partie défenderesse il n'est pas nécessaire, pour qu'une entreprise puisse former un recours contre une décision individuelle la concernant, qu'elle soit seule ou presque seule concernée par cette décision ;
Attendu que la décision entreprise étant une décision individuelle concernant la requérante, celle-ci a qualité pour former un recours.
3. En ce qui concerne les conclusions de la requérante
Attendu que la requérante ne se borne pas à conclure qu'il plaise à la Cour d'annuler la décision attaquée, mais lui demande aussi de " déclarer que la haute autorité doit constater par une décision que la République Fédérale d'Allemagne n'a pas respecté ses engagements découlant du traité en finançant sur les fonds publics une prime exempte d'impôt accordée aux mineurs de fond et qu'elle doit donc annuler cette mesure " ;
Attendu qu'aux termes de l'article 34 du traité " en cas d'annulation, la cour renvoie l'affaire devant la haute autorité ", celle-ci " étant tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de la décision d'annulation " ;
Attendu qu'il n'appartiendrait pas a la cour, dans le cas ou elle accueillerait le recours, de dicter a la haute autorité les décisions que l'arrêt d'annulation devrait entraîner, mais qu'elle devrait se borner a renvoyer l'affaire devant la haute autorité ;
Que, dans ces conditions, les deuxième et troisième chefs des conclusions de la requérante sont irrecevables ;
Attendu, par contre, que les premier et quatrième chefs des conclusions de la requérante entrent dans le cadre du contentieux de l'annulation et sont donc recevables.
4. En ce qui concerne les moyens et arguments utilises par le gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne en son intervention
Attendu que la requête en intervention du gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne a été déclarée recevable par ordonnance de la cour en date du 18 février 1960 ;
Attendu que si, dans son mémoire en intervention, le gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne tend à soutenir les conclusions de la défenderesse, il utilise des arguments contraires a ceux de la défenderesse et contre lesquels celle-ci prend expressément position ;
Attendu que la requérante estime que, l'article 93, paragraphe 5, du règlement de procédure obligeant l'intervenante à accepter le litige dans l'état ou il se trouve lors de son intervention, la partie intervenante n'était plus libre, au moment ou elle est intervenue - après remise de la duplique - de soulever un argument fondamental en contradiction avec ceux de la partie qu'elle est censée soutenir ;
Attendu toutefois que la requérante renonce a invoquer l'article 93, paragraphe 5, pour ne pas empêcher la Cour d'examiner les thèses énoncées dans la requête ;
Attendu que la question doit être examinée d'office ;
Attendu qu'aux termes de l'article 34 du protocole sur le statut de la Cour de justice les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions d'une partie ou leur rejet ;
Que le gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne soutient en son intervention les conclusions de la partie défenderesse et que les arguments dont il est fait état, bien que différents de ceux de la partie défenderesse, tendent au rejet des conclusions de la requérante ;
Que ce serait vider la procédure d'intervention de tout contenu que d'interdire à l'intervenante tout argument qui n'aurait pas été utilise par la partie qu'elle soutient ;
Que, dans ces conditions, les arguments présentes par le gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne en son intervention sont recevables.
B - Quant au fond
I - Violation du traité
Attendu que la requérante et la défenderesse sont d'accord pour voir dans la prime de poste, considérée en elle-même, une subvention abolie et interdite par l'article 4, C, du traité, alors que l'intervenante la tient pour compatible avec les dispositions du traité ;
Que la requérante estime que la compensation de la prime de poste par la suppression, à partir du 1er avril 1958, de la prise en charge par le gouvernement fédéral de 6,5 pour cent des cotisations patronales à l'assurance-pension des mineurs n'enlève pas à la prime de poste le caractère de subvention abolie et interdite par l'article 4, C, du traité, alors que la défenderesse et l'intervenante sont d'accord pour considérer que cette compensation la rend en tout cas compatible avec les dispositions du traité ;
Que ces deux constatations obligent à considérer séparément la question du caractère, au regard du traité, de la prime de poste et de la manière dont ce caractère est affecté par le mécanisme de compensation.
1. La prime de poste considérée en elle-même, donc indépendamment de tout mécanisme de compensation, est-elle une subvention abolie et interdite par l'article 4, C, du traité ?
A) la notion de subvention selon le traité de la CECA
Attendu que l'article 4, C, du traité établit que " sont reconnus incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, sont abolis et interdits dans les conditions prévues au présent traité, à l'intérieur de la communauté :...c) les subventions ou aides accordées par les états ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit " ;
Que le traité ne définit pas expressément la notion de subvention ou d'aide visée en son article 4, C ;
Que la terminologie usuelle voit dans une subvention une prestation en monnaie ou en nature accordée pour le soutien d'une entreprise en dehors du paiement, par l'acheteur ou l'utilisateur, des biens ou services qu'elle produit ;
Qu'elle voit dans une aide une notion très voisine, qui en accentue cependant le caractère téléologique, l'aide paraissant spécialement destinée à la poursuite d'une fin déterminée, laquelle ne pourrait en général être atteinte sans un concours étranger ;
Que la notion d'aide est cependant plus générale que la notion de subvention parce qu'elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allégent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par la, sans être des subventions au sens strict du mot, sont d'une même nature et ont des effets identiques ;
Attendu que ces définitions, ne se trouvant pas dans le traité, ne peuvent être acceptées que si elles sont confirmées dans leur contenu par les dispositions du traité ou par les fins voulues par lui ;
Attendu que le traité, dans son article 2, assigne notamment pour but à la communauté " l'établissement progressif de conditions assurant par elles-mêmes la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de productivité le plus élevé, tout en sauvegardant la continuité de l'emploi et en évitant de provoquer, dans les économies des Etats membres, des troubles fondamentaux et persistants " ;
Attendu qu'une subvention ou aide, entendue au sens des définitions sus-indiquées, constituerait en elle-même un obstacle à la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de productivité le plus élevé dans la mesure ou, représentant une prestation supportée par une partie autre que l'acheteur ou l'utilisateur, elle permettrait de fixer ou de maintenir des prix de vente qui ne seraient pas directement lies aux coûts de production et, par là, d'établir, de maintenir et de développer des activités économiques qui ne répondraient pas à la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de productivité le plus élevé ;
Attendu qu'aux termes de ce critère, les subventions ou aides accordées par les états, entendues au sens de leurs définitions usuelles, seraient incompatibles avec le marché commun parce qu'elles feraient obstacle à l'une de ses fins essentielles ;
Que, dans ces conditions, il est légitime d'admettre que ce sont bien les subventions ou aides répondant à la conception traditionnelle et générale que l'article 4, C, reconnaît incompatibles avec le marche commun et, en conséquence, abolies et interdites ;
Attendu que l'article 5, alinéa 4, confirme cette analyse puisqu'il prescrit en premier lieu à la communauté d'assurer l'" établissement, le maintien et le respect de conditions normales de concurrence ", le paiement d'une fraction d'un coût de production par une partie autre que l'acheteur ou l'utilisateur faisant manifestement obstacle à l'établissement de conditions normales de concurrence ;
Attendu que l'article 54 du traité confirme l'interprétation susvisée en précisant en son cinquième alinéa que, " si la haute autorité reconnaît que le financement d'un programme où l'exploitation des installations qu'il comporte impliqueraient des subventions, aides, protections ou discriminations contraires au présent traité, l'avis défavorable pris par ces motifs vaut décision au sens de l'article 14 et entraîne l'interdiction pour l'entreprise intéressée de recourir, pour la réalisation de ce programme, à d'autres ressources que ses fonds propres ".
B) L'article 67 est-il un règlement d'application de l'article 4, C ?
Attendu que le gouvernement fédéral, dans son mémoire en intervention, estime que l'admissibilité de certaines subventions de l'état peut être déduite de l'article 67 et que, de ce fait, cet article mitigerait l'interdiction résultant de l'article 4, C, du traité ;
Attendu que cette thèse visant, dans sa généralité, les divers alinéas de l'article 4, pourrait conduire, si elle était admise, a tenir pour autorise par le traité, en certaines circonstances, le rétablissement de droits d'entrée ou de sortie ou taxes d'effet équivalent, voire même de restrictions quantitatives a la circulation des produits ;
Qu'elle doit, de ce fait, être examinée avec une particulière attention ;
Attendu qu'il serait peu compatible avec la rigueur habituelle du traité que ses rédacteurs aient voulu atténuer grandement la portée des interdictions énumérées a l'article 4 en les évoquant sous une terminologie différente, tant dans l'intitulé du chapitre VII (atteintes aux conditions de la concurrence) que dans le texte même de l'article 67 ;
Que, cependant, s'il est vrai que les mots " charges spéciales " figurent à la fois dans l'article 4, C, et dans l'article 67, paragraphe 3, ils visent dans ce dernier article les charges qui pourraient être imposées aux entreprises de charbon ou d'acier par comparaison avec les autres industries du même pays, cette qualification rattachant directement l'imposition desdites charges spéciales à la politique économique générale de l'état intéressé ;
Qu'il est difficile d'admettre que les auteurs du traité aient pu vouloir, non seulement atténuer, mais, en certaines circonstances, annuler les abolitions et interdictions formulées à l'article 4 avec une exceptionnelle rigueur sans se référer à l'article dont ils auraient entendu limiter la portée ;
Attendu que, si l'article 4 formule diverses interdictions, il précise que ces interdictions sont établies " dans les conditions prévues au présent traité " ;
Que l'article 67, paragraphe 3, envisage l'action d'un état qui apporterait un avantage spécial ou imposerait des charges spéciales aux entreprises de charbon ou d'acier relevant de sa juridiction par comparaison avec les autres industries du même pays et reconnaît implicitement la légalité de ces avantages ou charges en habilitant la haute autorité à adresser à l'état intéressé les recommandations nécessaires ;
Que l'article 67 vient immédiatement après les articles 60 a 66, qui précisent les conditions d'application de certaines des interdictions visées à l'article 4 ;
Que cette place dans le traité pourrait conduire à attribuer à l'article 67 une portée analogue à celle des articles 60 à 66 et à voir en lui une sorte de règlement d'application de l'interdiction prévue à l'article 4, C ;
Attendu que, si cette interprétation de l'article 67 était admise, les abolitions et interdictions résultant de l'article 4, C, seraient visées et réglementées par l'article 67 et que les deux articles devraient être considérés dans leur ensemble et simultanément appliqués ;
Attendu que pareille interprétation affecterait grandement la portée de l'interdiction résultant de l'article 4, C ;
Qu'il convient de ce fait de rechercher si elle est admissible ;
Attendu que l'article 4, C, interdit les subventions ou aides accordées par les états " sous quelque forme que ce soit " ;
Que cette qualification ne figure pas dans les alinéas a, b et d de l'article 4 ;
Qu'elle donne une généralité peu commune à l'interdiction qu'elle qualifie ;
Qu'il ne saurait être admis sans preuves décisives que les rédacteurs du traité aient déclaré dans l'article 4, C, que les subventions ou aides accordées par les états sous quelque forme que ce soit étaient abolies et interdites, pour déclarer ensuite dans l'article 67 que, sans même avoir été autorisées par la haute autorité, elles pouvaient être admises, sous réserve des mesures recommandées par la haute autorité pour en atténuer ou en corriger les conséquences ;
Attendu que pareille interprétation ne pourrait être envisagée que s'il était démontre que les atteintes aux conditions de la concurrence visées à l'article 67 désignent les mesures ou pratiques énumérées a l'article 4, notamment en son alinéa C ;
Attendu que si l'article 4 et l'article 67 ont fondamentalement le même but, puisqu'ils tendent a assurer " l'établissement, le maintien et le respect de conditions normales de concurrence ", l'analyse de leur contenu - présentée ci-après - montre qu'ils soumettent des domaines différents à des procédures différentes ;
Attendu que l'article 4 vise des interventions exercées " à l'intérieur de la communauté ", c'est-à-dire dans le domaine couvert par le traité qui l'a établie ;
Qu'aux termes de l'article 1 du traité la communauté est fondée sur un marché commun, des objectifs communs et des institutions communes ;
Qu'à l'intérieur du domaine communautaire, c'est-à-dire pour tout ce qui est relatif à la poursuite des objectifs communs, à l'intérieur du marche commun, les institutions de la communauté ont été pourvues d'une autorité exclusive ;
Que, si des concours financiers peuvent être attribues aux entreprises productrices de charbon et d'acier, ce ne peut être que par la haute autorité ou sur son autorisation expresse, ainsi qu'en témoignent les articles 55 (2) et 58 (2), ainsi que le paragraphe 11 de la convention relative aux dispositions transitoires ;
Que, a contrario, l'article 4, C, vise, en les déclarant incompatibles avec le marche commun, abolies et interdites, les subventions ou aides accordées par les états ou les charges spéciales imposées par eux sous quelque forme que ce soit ;
Que cette distinction met en lumière la volonté du traité de réserver aux institutions communautaires et d'interdire aux états la faculté d'accorder, à l'intérieur de la communauté, des subventions ou aides et d'imposer des charges spéciales sous quelque forme que ce soit ;
Que la rigueur même des termes de l'article 4 souligne le caractère exclusif de la compétence communautaire à l'intérieur de la communauté ;
Attendu que l'article 67 vise exclusivement l'action d'un Etat membre susceptible d'exercer une répercussion sensible sur les conditions de la concurrence dans les industries du charbon ou de l'acier ;
Qu'il n'envisage en aucune de ses dispositions l'abolition et l'interdiction directe de pareille action, mais prévoit seulement sa compensation par une aide appropriée, ou l'atténuation de ses effets dommageables par l'envoi par la haute autorité à l'état intéressé des "recommandations nécessaires " (paragraphe 3) ou par les mesures que ledit état " estimera les plus compatibles avec son propre équilibre économique " (paragraphe 2, 3e alinéa) ;
Que les interventions ressortissant à pareilles dispositions ne peuvent évidemment être celles que l'article 4 déclare incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier, abolies et interdites sous quelque forme que ce soit ;
Attendu que le traité ne soumet pas a l'action de la haute autorité les secteurs de l'économie des états membres qui ne font pas partie du domaine communautaire ;
Attendu que les dispositions du traité laissent hors du domaine communautaire par exemple les activités des entreprises distributrices exclues par l'article 80 et, d'une manière plus générale, toutes les activités économiques qui n'ont pas été incluses par le traité dans le domaine communautaire ;
Que l'article 2 confirme cette interprétation en marquant que la communauté " a pour mission d'accomplir les taches qui lui sont confiées en harmonie avec l'économie générale des états membres " ;
Que l'article 26 du traité précise que celui-ci n'a pas enlevé aux Etats membres la responsabilité de leur politique économique générale puisqu'il charge le conseil " d'harmoniser l'action de la haute autorité et celle des gouvernements responsables de la politique économique générale de leur pays " ;
Que ces dispositions mettent en pleine lumière le caractère partiel de l'intégration réalisée par le traité, les gouvernements des Etats membres restant responsables de tous les secteurs de leur politique économique que le traité n'a pas expressément places dans le domaine communautaire ;
Qu'ainsi, aux termes de l'article 68 (paragraphe 1), ils restent maîtres de leur politique sociale ;
Qu'il en est manifestement de même en ce qui concerne de larges secteurs de leur politique fiscale ;
Que par l'exercice de ces pouvoirs retenus l'action des états membres est susceptible " d'exercer des répercussions sensibles sur les conditions de la concurrence dans les industries du charbon ou de l'acier " ;
Que l'existence du marché commun voulu par l'article 2 du traité dans les conditions définies a l'article 4 eut pu être compromise par ces atteintes à la concurrence auxquelles les dispositions de l'article 4 ne permettaient pas de parer ;
Que les causes de ces atteintes à la concurrence échappant à l'action de la haute autorité il était indispensable, si l'on voulait sauvegarder l'existence du marche commun, que la haute autorité fut mise en mesure de corriger ou d'atténuer leurs effets ;
Que c'est précisément à cette exigence fondamentale que répond l'article 67 ;
Attendu que la différence des champs couverts respectivement par les articles 4 et 67 est illustrée et confirmée par la différence des moyens mis à la disposition de la haute autorité pour leur application ;
Que si l'on considère l'article 67 comme un règlement d'application de l'article 4, C, on ne saurait expliquer que, lorsque l'action d'un Etat membre " comporte des effets dommageables pour les entreprises du charbon et de l'acier relevant de la juridiction des autres Etats membres ", la haute autorité n'ait que le pouvoir de lui adresser " une recommandation en vue d'y remédier par les mesures qu'il estimera les plus compatibles avec son propre équilibre économique " et n'ait pas le pouvoir d'ordonner la suppression pure et simple des aides ou subventions contraires au traité ;
Que, au contraire, la limitation résultant du paragraphe 2, 3e alinéa de l'article 67, ainsi que celle, analogue, résultant du paragraphe 3 du même article, s'expliquent aisément dans le cadre de l'interprétation déduite ci-dessus des termes des articles 4 et 67 ainsi que de la logique du traité ;
Attendu, en effet, que l'intégration établie par le traité n'est que partielle et qu'en raison des pouvoirs retenus par les Etats membres les entreprises du charbon et de l'acier établies sur leurs territoires respectifs restent soumises à des législations et à des réglementations différentes dont les modalités sont susceptibles d'avantager ou de désavantager l'industrie du charbon ou de l'acier d'un Etat membre relativement aux industries similaires relevant de la juridiction des autres états membres ou aux autres industries du même état ;
Que ces situations, si elles contrarient la finalité générale du traité, sont la conséquence nécessaire et légitime du caractère partiel de l'intégration voulue par lui ;
Que, de ce fait, s'il appartient a la haute autorité de rappeler aux états membres les buts qu'ils se sont assignes en entrant dans la communauté, elle ne saurait, de toute évidence, leur imposer les moyens propres a y conduire, des lors que ces moyens impliquent l'usage de pouvoirs ne ressortissant pas à la compétence de la communauté ou de pouvoirs que les états n'ont pas transférés a la haute autorité par le traité ;
Attendu que le fait que l'article 67 ne mette a la disposition de la haute autorité, dans son paragraphe 2, 3e alinéa, et dans son paragraphe 3 qu'un pouvoir limite de recommandation prouve que cet article ne vise pas l'application des abolitions et interdictions formelles visées a l'article 4, mais tend à permettre des incursions de la compétence communautaire dans les souverainetés nationales là où elles sont nécessaires pour que, du fait des pouvoirs retenus par les états membres, l'effet utile du traité ne soit pas grandement diminue et sa finalité gravement compromise ;
Attendu qu'il convient encore de prendre en considération le paragraphe 11 de la convention relative aux dispositions transitoires qui met en œuvre l'interdiction des subventions, aides ou charges spéciales établies antérieurement à l'entrée en fonction de la haute autorité ;
Que le texte de cette disposition permet de préciser l'intention des auteurs du traité dans ce domaine ;
Que le paragraphe 11 de la convention relative aux dispositions transitoires prévoit que, " sauf accord de la haute autorité sur le maintien desdites aides, subventions ou charges spéciales et les conditions auxquelles ce maintien est subordonne, elles devront être interrompues, aux dates et dans les conditions fixées par la haute autorité, après consultation du conseil, sans que cette interruption puisse être obligatoire avant la date qui marque le début de la période de transition pour les produits en cause " ;
Que l'article 67, qui n'accorde à la haute autorité qu'un pouvoir de recommandation en cas de déséquilibre grave cause par un élargissement substantiel de la différence entre les coûts de production, est sensiblement moins rigoureux que le paragraphe 11 de la convention relative aux dispositions transitoires ;
Que si les auteurs du traité avaient voulu faire de l'article 67 le règlement d'application définitif de l'article 4, C, il faudrait conclure qu'ils auraient entendu être plus sévères pour les subventions et aides existant déjà lors de l'entrée en vigueur du traité que pour celles accordées après cette entrée en vigueur ;
Qu'une telle conclusion irait à l'encontre tant du bon sens que de la mise en application rationnelle du traité ;
Attendu que l'analyse qui précède conduit à considérer que l'article 4, C, et l'article 67 visent deux domaines distincts, le premier abolissant et interdisant certaines interventions des Etats membres dans le domaine que le traité soumet à la compétence communautaire, le second tendant à parer aux atteintes a la concurrence que l'exercice des pouvoirs retenus par les états membres ne peut manquer d'entraîner.
C) la prime de poste au regard des dispositions de l'article 4, c
Attendu qu'il convient de rechercher, à la lumière des considérations qui précèdent, si la prime de poste est une subvention ou aide abolie et interdite par l'article 4, C, du traité ;
Attendu qu'il est patent et qu'il n'est pas discute que la prime de poste met à la charge des finances publiques de la République fédérale une fraction du coût de production du charbon allemand et que, ce faisant, elle dispense tant les entreprises productrices que l'acheteur ou l'utilisateur de la payer ;
Attendu que le caractère de la prime de poste est précise par la lettre du ministre fédéral de l'économie, en date du 4 février 1956 (III D 2 70230/56, doc. N° 1231/56 F) qui contient notamment les paragraphes suivants :
" la haute autorité a reçu de l'unternehmensverband ruhrbergbau une requête en vue d'une augmentation des prix de la houille de 3 DM en moyenne. Cette requête se fonde sur le fait qu'a la suite d'un entretien entre l'unternehmensverband ruhrbergbau et l'industriegewerkschaft bergbau les salaires miniers doivent être augmentes de 9 pour cent en moyenne à partir du 15 février, afin de parer à la menace de départs des travailleurs de la mine vers d'autres secteurs industriels. En outre, l'unternehmensverband ruhrbergbau a fait savoir qu'une autre augmentation de prix d'environ 3 DM/T serait nécessaire pour combler un déficit existant depuis longtemps.
Je crains qu'une telle modification du prix du charbon n'ait des conséquences regrettables pour la structure des prix dans son ensemble, surtout dans la République fédérale, mais aussi dans d'autres pays de la communauté qui dépendent, pour leur consommation, du charbon de la ruhr. Au cours d'entretiens approfondis avec les intéressés, j'ai recherche les moyens d'améliorer la rentabilité des houillères et surtout de diminuer leurs charges afin de pouvoir maintenir dans des limites relativement étroites cette augmentation de prix.
Sont envisagées les mesures suivantes :
1) modification des directives d'évaluation
2) baisse de l'impôt sur le chiffre d'affaires
3) assurance retraite de la mutuelle minière
En outre, il faut encore considérer que l'industrie charbonnière, ou les traitements et salaires représentent prés de 50 pour cent du chiffre d'affaires, compte parmi les branches industrielles ou la proportion des frais de salaires est prépondérante, en sorte que les dépenses sociales contribuent particulièrement à augmenter les coûts.
C'est pourquoi il est envisage de faire verser une partie des cotisations ouvrières, mais en aucun cas plus de 6,5 pour cent, directement par l'état aux caisses mutuelles. Une prise en charge de 6,5 pour cent correspondrait à une réduction de 1,77 DM/t des charges grevant l'extraction marchande de houille. La mesure projetée ne serait pas uniquement applicable a l'industrie houillère, mais aussi à d'autres branches de l'industrie minière, et notamment a celles qui ne relèvent pas de la juridiction de la haute autorité.
Il s'agirait, en ce qui concerne la mesure envisagée, d'une modification du financement de la sécurité sociale conformément au deuxième alinéa du point 5 de l'article 68 du traité, qui n'entraînerait cependant pas une distorsion au sens des points 2 et 3 de l'article 67 du traité, étant donné que cet allégement ne servirait lui aussi qu'à compenser en partie l'effet d'un relèvement des prix du charbon.
4) attribution d'une prime de poste exonérée de l'impôt sur les salaires
Il est envisage d'accorder a tous les travailleurs des mines occupes au fond, pour chaque poste complet preste, une prime de poste exempte d'impôt sur les salaires, qui serait versée par les entreprises par prélèvement sur le produit de l'impôt sur les salaires. La prime de poste représenterait pour l'ouvrier rémunéré à la journée 1,25 DM et pour le piqueur et l'ouvrier a la tache 2,50 DM.
Il est vrai que cette mesure n'entraînerait pas directement un allègement financier pour les entreprises, mais elle parait propre a donner un attrait particulier au travail du fond et à contrebalancer ainsi les menaces de départs, de même qu'a encourager dans les mines le recrutement particulièrement urgent de nouveaux travailleurs. Elle est donc conforme aux objectifs et aux taches de la communauté vises aux articles 2 et 3, a et g, du traité.
Attendu que le dernier alinéa indique que la prime de poste " n'entraînerait pas directement un allégement financier pour les entreprises ", mais qu'il est en contradiction avec le premier alinéa de la même lettre, lequel précise que deux augmentations sont nécessaires : " une augmentation des salaires miniers de 9 pour cent en moyenne a partir du 15 février afin de parer a la menace de départs des travailleurs de la mine vers d'autres secteurs industriels et une augmentation de prix d'environ 3 DM/t pour combler un déficit existant depuis longtemps " ;
Que le gouvernement fédéral craint " qu'une telle augmentation du prix du charbon n'ait des conséquences regrettables pour la structure des prix dans son ensemble, surtout dans la République fédérale, mais aussi dans d'autres pays de la communauté qui dépendent, pour leur consommation, du charbon de la Ruhr " ;
Attendu que la lettre du 4 février 1956 susvisée met clairement en lumière que l'institution de la prime de poste permet d'éviter une hausse de prix du charbon qui, sans elle, serait inévitable ;
Que la même lettre montre que, sans entraîner " un allégement financier pour les entreprises ", la prime de mineur les délivre d'un supplément de charges que, sans elle, les entreprises auraient du accepter et qu'ainsi la prime de mineur, sans alléger leurs charges actuelles, allége des charges qui allaient inévitablement peser sur elles ;
Attendu que la lettre du ministre fédéral de l'économie à la haute autorité, du 12 mars 1956 (III D 2 70672/56, doc. N° 2426/ 56 F) précise par ailleurs que :
"... Ces primes (dont la prime de mineur) sont également destinées à empêcher les mineurs du fond d'abandonner la mine pour d'autres professions, abandons qui sont une source de préoccupations, à prévenir d'importantes fluctuations des effectifs de mineurs ainsi qu'a rendre de nouveau la profession de mineur attrayante pour les jeunes. " ;
Attendu que la lettre du ministre fédéral de l'économie a la haute autorité, du 23 mars 1956 (III D 2 70765/56, doc. N° 2781/ 56 F) precise :
"... Je vous transmets en annexe d'autres documents relatifs aux mesures déjà exposées dans ma lettre du 1er mars 1956, visant a supprimer certaines charges particulières des charbonnages. " ;
Attendu que la lettre du ministre des finances du land de Rhenanie du Nord-Westphalie aux associations d'entreprises charbonnières, datée du 6 mars 1956 (Réf : S 2034-2812/vb-2/h 2030-2507 II B 2) précise que :
" afin de parer efficacement au danger menaçant des départs d'ouvriers du fond des mines, une loi octroyant des primes en faveur des mineurs est en préparation.
Attendu que la lettre du ministre fédéral de l'économie a la haute autorité, du 22 octobre 1956 (Réf. III D 2 - 71933/56) précise :
"... Il a été déclare dans cette lettre que le gouvernement fédéral s'était fixé comme but d'améliorer la rentabilité des houillères en diminuant les charges particulières que cette branche de l'économie avait à supporter comparativement à d'autres branches.
Attendu cependant que la lettre qui vient d'être citée contient un alinéa ajoutant que :
"... Par simple mesure de précaution, je tiens à signaler que même si le versement de la prime de mineur élargissait substantiellement les différences de coûts de production, ceci se produirait de façon licite, à savoir par suite d'une variation de la productivité. Comme il est connu de la haute autorité, la production de l'industrie charbonnière allemande peut être considérablement accrue sans nouveaux investissements si l'on parvient à augmenter le nombre des mineurs du fond, étant donné qu'en raison du nombre insuffisant de mineurs les capacités existantes ne peuvent être pleinement utilisées. Il s'ensuit que l'accroissement des effectifs du fond - mentionné ci-dessus au point II - à incontestablement provoqué une augmentation de la productivité.
Que cette simple citation confirme que l'industrie charbonnière allemande voit sa production et sa productivité augmentées par l'accroissement des effectifs du fond résultant de l'augmentation de la rémunération des mineurs issue de la prime de poste ;
Que cette augmentation de rémunération fait incontestablement partie du coût de production ;
Que si elle en est distraite, comme elle l'est en fait par le financement de la prime de poste sur fonds publics, l'industrie charbonnière garde le profit sans supporter le coût d'une mesure qui augmente tant sa production que sa productivité ;
Que, de ce fait, son coût de production n'est pas celui du charbon qu'elle a effectivement extrait ;
Que cette diminution artificielle du coût de production comptable place l'industrie charbonnière qui en bénéficie dans une situation concurrentielle privilégiée relativement à celle dans laquelle se trouvent les industries charbonnières qui doivent couvrir elles-mêmes l'intégralité de leur coût de production ;
Attendu que le gouvernement de la République fédérale à rappelé les termes de l'exposé des motifs du projet de loi sur la prime de mineur (doc. N° 2351 du bundestag, en date du 3 mai 1956) dans sa lettre du 22 octobre 1956 déjà citée (III D 2 - 71933/56) et a notamment répété que :
"... Pendant ces derniers temps, on a cependant remarque de plus en plus que cet esprit professionnel ne subsiste plus devant l'attrait que d'autres métiers aux travaux plus faciles et aux salaires plus élevés peuvent offrir. " ;
Que la pensée ainsi ébauchée a été précisée à l'audience où le représentant du gouvernement de la République fédérale a déclaré que la prime de poste était une sorte de décoration pour une profession extrêmement dure, qu'elle n'avait peut-être pas pris la forme d'une médaille, parce que cet hommage devait toujours être et rester tangible et concret afin que son attrait ne perde pas sa valeur et que la loi sur la prime de mineur n'avait pas pour but d'accorder une subvention aux entreprises minières, mais bien de créer un privilège pour le mineur et tout spécialement pour le mineur de fond ;
Attendu que, aux termes de cette exégèse, la prime de poste ne peut être considérée, en dernière analyse, que comme un complément de salaire ;
Qu'alors que ce complément de salaire ne serait nullement vise par le traité s'il était paye par l'industrie charbonnière il ne peut pas ne pas apparaître comme une subvention des lors qu'il est équivalent à une augmentation de salaire payée sur fonds publics par le gouvernement de la République fédérale ;
Attendu cependant qu'il reste à voir si la subvention où aide que semble constituer la prime de poste ne répond pas à certaines des exigences énoncées à l'article 2 du traité : sauvegarder la continuité de l'emploi et éviter de provoquer, dans les économies des états membres, des troubles fondamentaux et persistants ;
Attendu que le gouvernement fédéral a lui-même précise dans un passage, cite ci-dessus, de sa lettre du 12 mars 1956 (III D 2 70672/56, doc. N° 2426/56 F) que la prime de poste est également " destinée à empêcher les mineurs du fond d'abandonner la mine pour d'autres professions " ;
Que cette affirmation prouve surabondamment que la prime de mineur ne saurait être considérée comme tendant a sauvegarder la continuité de l'emploi ou à éviter le chômage puisque, bien au contraire, elle est intervenue en une période ou l'abandon de la profession de mineur était une " source de préoccupations " pour le gouvernement fédéral ;
Que, enfin, la procédure spéciale de l'article 37, visant l'éventualité de troubles fondamentaux et persistants, n'a pas été mise en œuvre ;
Attendu que la partie intervenante a soutenu que la prime de poste ressortissait a l'article 67 du traité et constituait une " aide " au sens du paragraphe 2, 2e alinéa, dudit article ;
Que cette thèse, en tout cas, ne saurait être admise du seul fait que l'article 67 soumet l'octroi de l'aide visée en son paragraphe 2, 2e alinéa, à l'autorisation préalable de la haute autorité - celle-ci ayant l'obligation de consulter le comite consultatif et le conseil de ministres - et prescrit que le montant de l'aide, ainsi que ses conditions et durée, sont fixes en accord avec la haute autorité ;
Qu'en l'espèce il n'a été question ni de la consultation du comite consultatif et du conseil de ministres, ni de l'autorisation de la haute autorité, ni de l'accord prévu par l'article 67, paragraphe 2, 2e alinéa ;
Qu'au contraire il est constant que la haute autorité s'est abstenue de toute action ;
Attendu que, pour toutes ces raisons, la prime de mineur financée sur fonds publics, considérée isolement, constitue une subvention ou aide accordée par le gouvernement de la République fédérale a l'industrie charbonnière allemande, sans que des raisons valables, tirées du traité, lui fassent perdre ce caractère ;
Qu'en conséquence, considérée isolement, elle doit être tenue pour incompatible avec le marche commun du charbon et de l'acier et, de ce fait, interdite par le traité.
2. La compensation résultant de la suppression, à partir du 1er avril 1958, de la prise en charge par le gouvernement fédéral d'une fraction des cotisations patronales à l'assurance pension des mineurs enlève-t-elle à la prime de poste le caractère d'une subvention ou aide interdite par l'article 4, C, du traité ?
Attendu qu'a partir du 1er avril 1958 le gouvernement de la République fédérale a annulé la décision de février 1956 par laquelle il prenait à sa charge une fraction des cotisations patronales a l'assurance pension des mineurs, représentant 6,5 pour cent du montant des salaires ;
Attendu que la défenderesse déclare, dans son mémoire en défense, que si une prestation considérée isolement présente le caractère d'une subvention interdite, du fait qu'elle " réduit le coût de production et influe sur les conditions naturelles de concurrence ", il suffit que ses effets soient supprimes " pour qu'il n'y ait plus violation du traité " ;
Qu'en ce cas, en effet, " matériellement il ne s'agirait plus d'une subvention que le traité interdit en vue d'assurer une concurrence loyale " ;
Attendu que le gouvernement de la République fédérale, tout en maintenant que " l'octroi de la prime de mineur n'est pas en contradiction avec l'article 4, C, du traité ", affirme qu'une telle contradiction ne pouvait plus exister, car, " a partir du 1er avril 1958, la République fédérale a notamment cessé de verser 6,5 pour cent des salaires à titre de paiement d'une partie de la contribution patronale a l'assurance pension des mineurs, paiement qu'elle avait effectue depuis le 15 février 1956 pour décharger les entreprises minières " ;
Attendu que la défenderesse et l'intervenante déclarent que le supplément de versement ainsi impose aux entreprises minières est égal ou supérieur au montant de la prime de mineur ;
Attendu qu'il y a lieu de rechercher, en raison de ces deux prises de position, si le fait que le gouvernement fédéral ait cesse de verser une contribution de 6,5 pour cent du montant des salaires à l'assurance pension des mineurs est de nature a faire perdre a la prime de poste le caractère d'une subvention ou aide interdite par l'article 4, C, du traité ;
Attendu que le reversement exact par le producteur de charbon au gouvernement fédéral du montant versé aux mineurs sous forme de prime de poste et des impôts dont ce montant eut été frappé en régime de droit commun eut eu pour effet d'annuler, dans le chef des producteurs de charbon, tout effet économique de la prime de poste, sans cependant lui faire perdre les avantages psychologiques que le gouvernement fédéral affirme avoir cherches dans l'institution de ladite prime ;
Que la question peut se poser de savoir si pareil reversement n'eut pas effacé, dans la prime de poste, son caractère de subvention interdite par l'article 4, C, du traité ;
Attendu cependant qu'il n'est pas nécessaire, en l'espèce, de rechercher la réponse à pareille question car la procédure de compensation, admise par la défenderesse et invoquée par l'intervenante, ne présente en aucune façon le caractère d'un reversement égal en tous instants au montant de la dépense à compenser ;
Qu'on ne voit pas pourquoi, si le gouvernement fédéral avait voulu l'annulation exacte des effets économiques de la prime de poste, il n'aurait pas impose aux entreprises minières pareil reversement ;
Que la procédure mise en œuvre n'établit entre la subvention et l'augmentation de charge destinée à la compenser qu'un lien approximatif et incertain, du fait de la complexité des concours consentis par le gouvernement fédéral pendant la période envisagée aux frais et charges de l'assurance pension des mineurs ;
Attendu que l'abolition et l'interdiction établies par l'article 4, C, ayant un caractère général et absolu, ne peuvent en tout cas être annulées par la mise en œuvre d'une procédure de compensation approximative et incertaine ;
Que, pour ces raisons, la suppression, à partir du 1er avril 1958, de la prise en charge par le gouvernement fédéral d'une contribution à l'assurance pension des mineurs s'élevant a 6,5 pour cent du montant des salaires, n'efface pas, en la prime de poste, son caractère de subvention ou aide interdite par l'article 4, C, du traité.
II - détournement de pouvoir
Attendu que la requérante invoque, à l'appui de son recours en annulation a l'encontre du refus qui lui a été oppose, le moyen de détournement de pouvoir ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ce moyen, la constatation que la prime de poste est une subvention interdite par l'article 4, C, du traité suffisant à entraîner l'annulation de la décision attaquée ;
Attendu que pour toutes les raisons sus-invoquées, la décision de refus, énoncée dans la lettre de la haute autorité à la requérante en date du 30 avril 1959, doit être annulée.
Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Que la défenderesse et l'intervenante ont succombe en l'essentiel de leurs moyens ;
Qu'il convient, dès lors, de mettre les dépens à leur charge, la partie intervenante supportant ses propres dépens et ceux que son intervention a causes ;
LA COUR
Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :
1) les premier et quatrième chefs des conclusions de l'association d'entreprises " de gezamenlijke steenkolenmijnen in limburg ", tendant à faire annuler la décision attaquée et condamner la haute autorité aux dépens, sont recevables ; les deuxième et troisième chefs tendant a faire déclarer que la haute autorité doit constater par une décision que la République Fédérale d'Allemagne n'a pas respecté ses engagements découlant du traité en finançant sur les fonds publics une prime exempte d'impôt accordée aux mineurs de fond et à faire annuler cette mesure, ainsi qu'à faire prendre toute autre décision que la cour estimerait nécessaire, sont irrecevables ;
2) la décision de refus énoncée dans la lettre de la haute autorité à la requérante, en date du 30 avril 1959, est annulée ;
3) l'affaire est renvoyée devant la haute autorité ;
4) les dépens sont à la charge de la défenderesse et de l'intervenante, celle-ci supportant ses propres dépens et ceux que son intervention à causes.