TPICE, 3e ch. élargie, 2 mai 1995, n° T-163/94
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NTN Corporation, Koyo Seiko Co. Ltd
Défendeur :
Conseil de l'Union européenne, Federation of European Bearing Manufacturers'Associations, Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Biancarelli
Juges :
MM. Schintgen, Briët, García-Valdecasas, Bellamy
Avocats :
Mes Sprenger, Penning, Buhart, Kaplan, Rabe, Berrisch, Ehle, Volker Schiller
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),
Cadre réglementaire et faits à l'origine du litige
1 Les présents recours visent à l'annulation du règlement (CEE) n° 2849-92 du Conseil, du 28 septembre 1992, modifiant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CEE) n° 1739-85 sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres (JO L 286, p. 2, rectificatif JO 1993, L 72, p. 36, ci-après "règlement n° 2849-92" ou "règlement litigieux"). Ce règlement a été adopté sur la base des dispositions du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après "règlement n° 2423-88" ou "règlement de base").
2 Le règlement (CEE) n° 1739-85 du Conseil, du 24 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains roulements à billes et à rouleaux coniques originaires du Japon (JO L 167, p. 3, ci-après "règlement n° 1739-85"), qui a été modifié par le règlement litigieux, avait institué des droits antidumping définitifs variant de 1,2 % à 21,7 % sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres. Les produits fabriqués par NTN Corporation (ci-après "NTN") et par Koyo Seiko Co. Ltd (ci-après "Koyo Seiko") avaient ainsi été frappés d'un droit antidumping définitif s'élevant, respectivement, à 3,2 % et à 5,5 %.
3 En vertu de l'article 14, paragraphe 1, du règlement n° 2423-88, un réexamen des droits antidumping a lieu, entre autres, "à la demande d'une partie intéressée qui présente des éléments de preuve d'un changement de circonstances suffisant pour justifier la nécessité de ce réexamen, à condition qu'une année au moins se soit écoulée depuis la conclusion de l'enquête". Selon l'article 14, paragraphe 2, lorsqu'il apparaît qu'un réexamen est nécessaire, l'enquête est rouverte si les circonstances l'exigent.
4 L'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 2423-88 dispose que "les droits antidumping ... deviennent caducs après un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle ils sont entrés en vigueur". Toutefois, lorsque le réexamen d'une mesure en vertu de l'article 14 est en cours à la fin du délai de cinq ans, l'article 15, paragraphe 4, prévoit que "la mesure reste en vigueur dans l'attente du résultat du réexamen. Un avis à cet effet est publié au Journal officiel des Communautés européennes avant l'expiration du délai de cinq ans correspondant".
5 La Federation of European Bearing Manufacturers'Associations (ci-après "FEBMA") a introduit, le 27 décembre 1988, une demande de réexamen des droits antidumping institués par le règlement n° 1739-85. La Commission a estimé que cette demande contenait des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure de réexamen et a ouvert une enquête, conformément aux dispositions de l'article 14 du règlement n° 2423-88. Un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes du 30 mai 1989 (C 133, p. 3) a informé les parties intéressées de l'ouverture de la procédure de réexamen.
6 Pendant que la procédure de réexamen était en cours, le délai de cinq ans, correspondant à la durée d'application des droits antidumping en vigueur prévue à l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 2423-88, est venu à expiration. La Commission a, par conséquent, publié un avis, le 31 mai 1990 (JO C 132, p. 5), annonçant que les mesures existantes restaient en vigueur, conformément à l'article 15, paragraphe 4, du règlement n° 2423-88, dans l'attente du résultat du réexamen.
7 Après l'ouverture de la procédure de réexamen, les requérantes ont répondu aux questionnaires que les institutions communautaires leur ont adressés. Les renseignements demandés concernaient la période du 1er avril 1988 au 31 mars 1989 (ci-après "période d'enquête" ou "période de référence").
8 Koyo Seiko prétend que la Commission a informé le comité consultatif antidumping, le 15 février 1991, conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2423-88, de son intention de clore la procédure de réexamen et de laisser les droits antidumping devenir caducs. Ce comité aurait rejeté la proposition de la Commission en mai 1991.
9 Par lettres du 5 décembre 1991, adressée à Koyo Seiko, et du 11 décembre 1991, adressée à NTN, la Commission a communiqué aux requérantes, entre autres, deux tableaux relatifs au marché communautaire des produits concernés. Les tableaux, qui ne sont contestés par aucune des parties au litige, sont reproduits ci-après, à l'exception des données afférentes à l'année 1987.
Roulements à billes > 30 mm ° Marché CE total
excluant les productions japonaises en Europe
Ventes en millions d'écus
1986 1988 Pér. Réf.*Év.1986/Réf.Ventes des:
Product. CE
dans la CE
819,7
903,0
922,4
65,1
68,4
70,5
États-Unis 45,3 39,4 39,9 - 11,9 %Autres pays 160,8 155,8 163,6 + 1,7 %MARCHÉ
TOTAL 1 090,9 1 166,6 1 196,4 - 9,7 %Part de marché:
Producteurs CE
75,1 %
77,4 %
77,1 %
* Si la production japonaise dans la CE est incluse pour l'année/période de référence estimée à une valeur de vente de 68,5 millions d'écus (40 millions de pièces), la part de marché des producteurs "CE" régresse de 77,1 % à 72,9 %. La part de marché des japonais augmente de 5,9 % à 11,0 %.
Roulements à billes > 30 mm ° Marché CE total
Millions de pièces
19861988 Pér. Réf.Év. 1986/Réf.Ventes des:
Product. CE *
dans la CE
265,8
300,2
305,2
33,5
34,0
34,4
+ 2,7 %Import. des:
Autres pays*
124,9
121,4
125,1
+ 0,2 %MARCHÉ TOTAL
424,2
455,6
464,7
+ 9,5 %Part de marché:
Producteurs CE
62,7 %
65,9 %
65,7 %
+ 4,8 %Producteurs japonais
7,9 %
7,5 %
7,4 %
- 6,3 %Import. des: Autres Pays
29,4 %
26,6 %
26,9 %
- 8,5 %
* Estimation en tonnes sur la base de données Eurostat.
10 Le 28 septembre 1992 le Conseil a adopté le règlement n° 2849-92. L'article 1er de ce règlement, qui est entré en vigueur le 2 octobre 1992, se lit comme suit:
"Les droits définitifs institués par l'article 1er du règlement (CEE) n° 1739-85 sur les produits définis ci-dessous sont modifiés conformément aux dispositions suivantes.
1) Un droit antidumping définitif est institué sur les importations de roulements à billes relevant du code NC 8482 10 90 et originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres.
2) Le droit antidumping exprimé en pourcentage du prix net, franco frontière communautaire, du produit non dédouané est fixé à 13,7 % (code additionnel Taric 8677), sauf si ces produits sont fabriqués par les sociétés suivantes, auquel cas le taux du droit antidumping indiqué ci-dessous est applicable:
...
° NTN Corporation, Osaka 11,6 %
...
3) Aucun droit antidumping n'est applicable aux roulements à billes dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres et qui sont fabriqués par:
... (liste des sociétés concernées).
4) Les prix franco frontière communautaire sont considérés comme nets si les conditions de vente prévoient le paiement dans les cent quatre-vingts jours de l'envoi.
Il sont majorés ou réduits de 1 % pour chaque mois de délai de paiement en plus ou en moins.
5) Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane s'appliquent."
11 Le Conseil a adopté, le 13 septembre 1993, le règlement (CEE) n° 2554-93 abrogeant le paragraphe 4 de l'article 1er du règlement n° 2849-92 (JO L 235, p. 7, ci-après "règlement n° 2554-93").
Procédure
12 C'est dans ces conditions que, par requêtes enregistrées au greffe de la Cour, respectivement, le 20 décembre 1992 et le 13 janvier 1993, NTN et Koyo Seiko ont introduit les présents recours.
13 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 avril 1993, la FEBMA a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse dans l'affaire NTN/Conseil. La demande en intervention a été admise par ordonnance du président de la Cour du 15 septembre 1993.
14 Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement le 18 mai 1993 et le 24 mai 1993, la Commission et la FEBMA ont demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse dans l'affaire Koyo Seiko/Conseil. Les demandes en intervention de la Commission et de la FEBMA ont été admises, respectivement, par ordonnance du président de la Cour du 16 juin 1993 et du 15 septembre 1993.
15 Par acte séparé, en date du 28 juillet 1993, Koyo Seiko a demandé à ce qu'il plaise à la Cour d'ordonner au Conseil de produire la proposition que la Commission a adressée le 15 février 1991 aux membres du comité consultatif antidumping, ainsi que tout document ou lettre subséquent envoyé par la Commission aux membres dudit comité et ayant trait à cette proposition. Le Conseil a présenté ses observations sur cette demande le 20 août 1993.
16 Par ordonnances du 18 avril 1994, la Cour a renvoyé les présentes affaires devant le Tribunal, en application de l'article 4 de la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), et de la décision 94-149-CECA, CE du Conseil, du 7 mars 1994 (JO L 66, p. 29).
17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
18 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors des audiences publiques qui se sont déroulées le 19 octobre 1994.
19 Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 21 mars 1995, les affaires T-163-94 et T-165-94 ont été jointes aux fins de l'arrêt.
Conclusions des parties
Affaire T-163-94
20 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° annuler l'article 1er du règlement n° 2849-92 dans la mesure où il impose un droit antidumping à la requérante;
° condamner le Conseil aux dépens.
21 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° rejeter le recours;
° condamner la requérante aux dépens.
22 La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° rejeter le recours;
° condamner la requérante aux dépens, y compris aux dépens de la partie intervenante.
Affaire T-165-94
23 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° annuler le règlement n° 2849-92 dans la mesure où il affecte la requérante;
° condamner le Conseil aux dépens.
24 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
° rejeter le recours;
° condamner la requérante aux dépens.
25 Les parties intervenantes n'ont pas déposé de mémoire en intervention dans l'affaire T-165-94.
Sur le fond
26 NTN, partie requérante dans l'affaire T-163-94, invoque quatre moyens à l'appui de son recours. Dans son premier moyen, elle fait valoir que le règlement litigieux a été arrêté en violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base, en ce qu'il ne fournit pas de raisons suffisantes pour écarter l'application du délai normal d'un an prévu par cette disposition. Dans son deuxième moyen, la requérante soutient que le règlement litigieux est illégal du fait que le Conseil aurait omis d'établir l'existence d'un préjudice pour l'industrie communautaire et n'aurait pas correctement déterminé les effets possibles de l'expiration des mesures existantes. Le troisième moyen est tiré d'un détournement de pouvoir. A cet égard, la requérante fait valoir que, si la procédure avait été conclue dans le délai prévu à l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base, les institutions communautaires n'auraient pu constater l'existence d'aucun préjudice. Le quatrième moyen est pris de la violation de l'article 12, paragraphe 1, du règlement de base, en ce que l'article 1er, paragraphe 4, du règlement litigieux aurait introduit un droit antidumping flexible.
27 Koyo Seiko, partie requérante dans l'affaire T-165-94, invoque sept moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de la violation des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 2423-88, en ce que le Conseil aurait imposé des droits antidumping définitifs en l'absence de toute constatation de préjudice ou de menace de préjudice. Le deuxième moyen est pris de la violation de l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 2423-88, en ce que le Conseil aurait institué des droits antidumping définitifs en l'absence de toute probabilité de résurgence d'un préjudice important. Le troisième moyen est tiré d'un détournement de pouvoir du fait que le Conseil aurait imposé des droits antidumping tout en sachant que l'industrie communautaire ne subissait ni préjudice ni menace de préjudice. Le quatrième est pris d'une violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement n° 2423-88, en ce que la durée de la procédure de réexamen aurait été de 41 mois. Le cinquième moyen a trait au montant du droit antidumping et est tiré d'une violation de l'article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2423-88. Le sixième moyen est pris d'une violation des formes substantielles, en ce que les institutions communautaires auraient omis de communiquer à la requérante les considérations sur lesquelles est basé l'article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2849-92. Enfin, le dernier moyen est tiré d'une violation de l'article 190 du traité CEE.
28 Suite à l'adoption, le 13 septembre 1993, du règlement n° 2554-93, abrogeant l'article 1er, paragraphe 4, du règlement litigieux, NTN et Koyo Seiko se sont formellement désistées, lors de l'audience, respectivement de leurs quatrième et sixième moyens. Elles insistent toutefois pour que le Conseil soit condamné aux dépens afférents à ces moyens.
29 Le Tribunal estime qu'il y a lieu d'examiner d'abord le moyen fondé sur la prétendue omission du Conseil d'établir un préjudice au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2423-88 et le moyen tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base. Ces moyens ont été soulevés dans les deux affaires.
Sur le moyen tiré de ce que le Conseil n'aurait pas établi l'existence d'un préjudice, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2423-88
Analyse de l'exposé des motifs du règlement litigieux concernant la situation de l'industrie communautaire et les effets possibles de l'expiration des droits existants
30 En ce qui concerne la définition de l'industrie communautaire, le point 24 de l'exposé des motifs du règlement litigieux expose que "quelques sociétés disposant de capacités de production dans la Communauté n'ont pas été considérées comme faisant partie de l'industrie communautaire au sens de l'article 4, paragraphe 5, du règlement ... n° 2423-88 dans la mesure où elles sont entièrement ou majoritairement détenues par des exportateurs japonais pour lesquels une marge de dumping considérable a été établie. En effet, ces filiales bénéficient des pratiques de dumping des sociétés mères".
31 S'agissant des importations japonaises dans la Communauté et de la situation de l'industrie communautaire, les points 26 à 32 du règlement n° 2849-92 contiennent, quant à eux, les constatations suivantes:
"(26) Lorsque l'on examine les effets des importations japonaises dans la Communauté, il faut savoir que des mesures étaient déjà appliquées qui auraient dû, normalement, éliminer les effets préjudiciables des pratiques de dumping.
La seule question qu'il convient donc d'examiner est de savoir si la situation de l'industrie communautaire est telle que l'expiration des mesures entraînerait à nouveau un préjudice.
32 Quant aux effets possibles de l'expiration des mesures, les points 33 à 39 de l'exposé des motifs fournissent les explications suivantes:
"(33) Compte tenu de cette situation précaire, le Conseil est d'avis que l'expiration des mesures ne ferait qu'aggraver la situation.
Argumentation des parties
33 Les requérantes font valoir que les points 24 à 39 de l'exposé des motifs du règlement litigieux, sur lesquels la constatation de l'existence d'un préjudice a été fondée, comportent différentes erreurs de fait et de droit et que, par voie de conséquence, le règlement litigieux n'établit pas l'existence d'un préjudice subi par l'industrie communautaire, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.
34 Le Conseil estime qu'il n'a pas commis d'erreur de droit et que les faits, tels qu'ils ont été établis par les institutions de la Communauté et exposés dans le règlement n° 2849-92, étayent clairement sa conclusion, selon laquelle la suppression des mesures existantes aurait conduit à la résurgence d'un préjudice pour l'industrie communautaire. Il rappelle la jurisprudence de la Cour, selon laquelle les institutions de la Communauté jouissent d'une grande marge d'appréciation quant à l'évaluation de ce préjudice et quant à l'évaluation des effets de la suppression de droits antidumping existants, et souligne que le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation est limité à la vérification du respect des règles de procédure pertinentes, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation de ces faits et de l'absence de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Sharp/Conseil, C-179-87, Rec. p. I-1635, point 58).
35 S'agissant plus particulièrement des différents points de l'exposé des motifs du règlement litigieux, les parties invoquent les arguments suivants.
Point 24
36 Quant à l'exclusion, aux fins de la définition de l'industrie communautaire, de la production émanant de sociétés ayant des liens avec des exportateurs japonais, NTN fait valoir qu'une telle opération n'est autorisée, en vertu de l'article 4, paragraphe 5, du règlement de base, qu'à la condition que soient exposées les raisons qui la justifient. La déclaration, au point 24, selon laquelle les filiales européennes des exportateurs japonais "bénéficient des pratiques de dumping des sociétés mères", doit, selon la requérante, être écartée, dès lors qu'elle n'est assortie d'aucun élément de preuve.
37 Le Conseil rétorque que, conformément à l'article 4, paragraphe 5, du règlement de base, les institutions communautaires peuvent exclure des producteurs établis sur le territoire de la Communauté de la "production de la Communauté", au simple motif qu'ils ont des liens avec les exportateurs ou qu'ils sont eux-mêmes importateurs des produits qui font l'objet de l'enquête. Le règlement de base ne fixe, selon le Conseil, aucune autre exigence. Le Conseil ajoute que, même si la déclaration selon laquelle les filiales des exportateurs japonais situées dans la Communauté bénéficient du dumping pratiqué par leurs sociétés mères était non fondée, une telle situation ne rendrait pas pour autant inapplicable l'article 4, paragraphe 5, du règlement de base.
Point 27
38 Les requérantes estiment que l'affirmation figurant au point 27 des motifs du règlement, selon laquelle les importations japonaises effectuées en dumping se sont accrues de 2,7 % entre 1986 et la fin de la période de référence, est trompeuse. A cet égard, elles font valoir qu'il ressort des tableaux reproduits ci-dessus au point 9 que, malgré l'accroissement des ventes de roulements à billes importés du Japon, la part de marché (en volume) des producteurs japonais a décru de 6,3 % pendant cette période, alors que celle des producteurs communautaires a augmenté de 4,8 %.
39 Le Conseil fait remarquer que les requérantes ne contestent pas le fait que le volume des importations effectuées en dumping par les producteurs japonais s'est accru de 2,7 % entre 1986 et la fin de la période de référence.
Point 29
40 Koyo Seiko critique l'affirmation, figurant au point 29 des motifs du règlement, selon laquelle la production communautaire serait restée assez stable entre 1986 et la fin de la période de référence, compte tenu du fait que, pendant cette période, les stocks auraient considérablement baissé et que l'utilisation des capacités de production aurait augmenté.
41 Le Conseil n'a pas présenté d'observations à cet égard.
Point 30
42 NTN estime que l'affirmation contenue dans ce point, selon laquelle la valeur totale des ventes de l'industrie communautaire a progressé de 12,5 % entre 1986 et la fin de la période d'enquête, est trompeuse. A cet égard, elle fait valoir que, dans le tableau des ventes exprimées en valeur qu'elle lui a communiqué (voir ci-dessus, point 9), la Commission est parvenue à la conclusion que la valeur des ventes de roulements importés du Japon a crû seulement de 8,3 %, tandis que la valeur des ventes effectuées par les producteurs communautaires a crû de 12,5 %. La part de marché des importateurs japonais aurait ainsi régressé de 1,7 %, alors que celle des producteurs communautaires aurait progressé de 2,7 %. Le tableau révèle ainsi, selon NTN, que ce sont les producteurs japonais, et non les producteurs communautaires, qui ont subi un préjudice.
43 Le Conseil n'a pas présenté d'observations à cet égard.
Point 31
44 A propos de ce point, les requérantes font valoir que l'affirmation selon laquelle la part de marché de l'industrie communautaire a régressé de 75,1 % à 72,9 % est basée sur une "manipulation trompeuse", par les institutions communautaires, de leurs propres constatations. Selon les requérantes, il apparaît, à la lecture des tableaux reproduits ci-dessus au point 9, que, loin de subir une perte de part de marché, l'industrie communautaire a progressé en réalité de 75,1 % en 1986 à 77,1 % au cours de la période de référence.
45 Le Conseil rétorque que c'est à juste titre qu'il a, au cours de la période de référence, exclu de la production communautaire la production des sociétés établies sur le territoire de la Communauté qui sont des filiales entièrement ou majoritairement détenues par des exportateurs japonais pour lesquels une marge de dumping considérable a été établie, puisque ces filiales bénéficient des pratiques de dumping des sociétés mères. Le fait que les ventes réalisées par ces filiales n'ont pas été exclues de la base du calcul, pour l'année 1986, ne signifie pas, selon le Conseil, que le règlement n° 2849-92 est fondé sur des faits inexacts. Tout d'abord, l'évolution de la part du marché n'aurait été qu'un des éléments pris en compte pour apprécier les effets des mesures existantes. De plus, le Conseil fait valoir qu'il ressort des tableaux susvisés que, si l'on n'exclut pas de la production communautaire la production des filiales japonaises établies dans la Communauté, l'accroissement de la part de marché de la production communautaire au cours de la période de référence n'a été que de 2,7 % et le recul de la part de marché des importations japonaises que de 1,7 %. Le Conseil explique que, compte tenu du fait que les importations japonaises effectuées en dumping faisaient déjà l'objet de droits antidumping, on aurait pu s'attendre à ce que leur part de marché diminue de plus de 1,7 % et à ce que l'accroissement de la part de marché de la production communautaire soit supérieur à 2,7 %. Eu égard, de plus, au fait que la mesure existante a eu pour effet de provoquer une élévation des prix, sans pour autant empêcher une certaine sous-cotation, le Conseil estime que les faits, tels qu'ils sont exposés dans le règlement n° 2849-92, étayent parfaitement la conclusion figurant au point 32, selon laquelle, "si les mesures en vigueur ont eu un certain effet, la position de l'industrie communautaire reste relativement faible".
Point 35
46 Les requérantes rappellent que l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base interdit expressément aux institutions communautaires de tenir compte d'une contraction de la demande, lors de l'évaluation du préjudice causé par des importations en dumping. Dès lors, elles estiment que le Conseil a commis une erreur de droit au point 35, en prenant en considération, pour évaluer le préjudice, la récession observée sur le marché. NTN ajoute que l'affirmation figurant au point 35, selon laquelle "le marché est entré actuellement dans une phase de récession", qu'elle soit vraie ou fausse, est juridiquement erronée, car elle ne porte ni sur la période de référence, ni sur l'année suivante, période au terme de laquelle l'enquête aurait dû être clôturée, en vertu de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base. Elle ajoute que, si les institutions communautaires avaient conclu la procédure en 1990, dans le délai d'un an prescrit par cette disposition, le Conseil n'aurait pu constater l'existence d'aucun préjudice, du fait que 1990 a été la meilleure année pour les principaux producteurs de la Communauté.
47 Le Conseil précise qu'il n'a pas pris en compte la récession pour établir le préjudice. La récession est, selon le Conseil, mentionnée dans le règlement litigieux comme un facteur parmi d'autres, qui caractérisait la situation de la production communautaire au moment de l'expiration des mesures existantes. Le Conseil soutient que, lorsqu'il a examiné le point de savoir si la suppression des droits entraînerait une résurgence du préjudice, il était tenu de prendre en compte cet élément, puisqu'une production qui se trouve dans une faible position sur le marché est plus exposée aux effets négatifs d'une pratique de dumping.
48 Le Conseil fait également valoir que la récession à laquelle NTN fait référence a bel et bien commencé début 1990 et donc au cours de l'année qui a suivi le début du réexamen des droits antidumping existants.
Point 36
49 A propos de ce point, les requérantes font valoir que le Conseil a commis une erreur de fait en relevant que "les exportations japonaises aux États-Unis d'Amérique sont frappées de droits antidumping élevés". Elles soutiennent que, bien que, à l'époque où la FEBMA a introduit sa demande de réexamen, les droits antidumping américains sur les roulements à billes originaires du Japon aient été élevés (de l'ordre de 70 %), les mêmes droits étaient, au contraire, d'un montant peu élevé au moment où le règlement litigieux a été adopté. Koyo Seiko précise que, selon les données publiées au Federal Register le 24 juin 1992, telles que corrigées dans la même publication le 14 décembre 1992, les droits américains applicables aux producteurs japonais exportant également des roulements à billes vers la Communauté variaient de 2,24 à 7,86 % au moment où le règlement litigieux a été adopté. Par conséquent, les requérantes estiment qu'il n'y avait aucune raison de supposer, à ce moment, qu'une partie significative des échanges se détournerait des États-Unis d'Amérique vers la Communauté.
50 Le Conseil fait remarquer que, dans l'industrie des roulements à billes, qui est une production de masse, les marges bénéficiaires sont relativement faibles et que, par conséquent, tout accroissement des coûts doit être considéré comme un handicap majeur. Le Conseil estime, dès lors, que c'est à juste titre qu'il a conclu qu'il était probable que le volume des importations japonaises s'accroîtrait en cas de suppression des droits existants, du fait, entre autres, que les exportations japonaises vers les États-Unis étaient frappées de droits antidumping élevés. Selon le Conseil, la référence faite aux droits imposés par les États-Unis sur les importations provenant d'exportateurs japonais, tels qu'ils ont été publiés au Federal Register le 24 juin 1992, est fallacieuse. Il souligne que, dans le point 36 des motifs du règlement n° 2849-92, il a fait référence aux exportateurs japonais dans leur ensemble et non à des exportateurs particuliers. Or, les chiffres publiés au Federal Register le 24 juin 1992 montreraient que plusieurs sociétés étaient frappées de droits extrêmement élevés et que les nouveaux droits imposés par les États-Unis et publiés au Federal Register le 14 décembre 1992 ne constituaient qu'une simple correction d'erreurs matérielles commises à l'égard de quelques exportateurs. Les droits applicables seraient restés inchangés pour la plupart des sociétés, notamment celles qui étaient frappées des droits les plus élevés.
Point 37
51 Koyo Seiko relève que le Conseil déclare, dans ce point, que la capacité de production japonaise a augmenté et que l'on peut, dès lors, supposer que les ventes japonaises à destination de la Communauté augmenteront. Koyo Seiko considère qu'une telle supposition constitue une base insuffisante pour conclure à une menace de préjudice, dès lors que l'article 4, paragraphe 3, du règlement de base impose aux institutions communautaires de rapporter la preuve de l'existence d'une situation particulière, susceptible de se transformer en préjudice réel.
52 Koyo Seiko fait également valoir que les prix des importations communautaires ont augmenté au cours de la période 1986 à 1989 et que les bénéfices de l'industrie communautaire se sont accrus de 4,3 % au cours de la période de référence. En outre, le règlement litigieux ne contiendrait aucune constatation relative aux flux de liquidités ou à la situation de l'emploi durant la période de référence.
53 Selon la requérante, enfin, il résulte de toutes ces constatations que le règlement litigieux ne contient pas de constatations d'ordre factuel suffisantes pour permettre de conclure que l'industrie communautaire a subi un préjudice réel.
54 Le Conseil estime que le point 37 du règlement litigieux fournit une motivation suffisante et étaye entièrement ses conclusions et qu'il n'était pas nécessaire de fournir un tableau détaillé de l'évolution de la capacité de production des producteurs japonais. Il ajoute qu'il n'aurait pas non plus été possible, pour des raisons de confidentialité, de révéler à la requérante la capacité de production de ses concurrents japonais.
55 Le Conseil estime, en outre, que, bien que les mesures existantes aient eu pour effet de faire monter les prix des importations japonaises effectuées en dumping, ces prix restaient néanmoins largement inférieurs à ceux de la production communautaire, dont ils ont provoqué la baisse par sous-cotation. Quant au fait que les bénéfices de la production communautaire aient augmenté, le Conseil rétorque que ces bénéfices sont restés inférieurs à ceux auxquels on aurait pu raisonnablement s'attendre sur un marché qui n'aurait pas été perturbé par les importations japonaises en dumping.
Appréciation du Tribunal
Observations liminaires
56 Le Tribunal constate que, en l'espèce, les institutions communautaires ont procédé, conformément à l'article 14 du règlement de base, à un réexamen du règlement n° 1739-85. Pendant que ce réexamen était en cours, le délai de cinq ans, correspondant à la durée d'application des mesures existantes prévue à l'article 15, paragraphe 1, du règlement de base, est venu à expiration et la Commission a publié un avis annonçant que les mesures existantes restaient en vigueur, conformément à l'article 15, paragraphe 4, du règlement de base, dans l'attente du résultat du réexamen. Le 28 septembre 1992, le Conseil a adopté le règlement litigieux modifiant le règlement n° 1739-85.
57 Il convient de rappeler, tout d'abord, que l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base pose pour principe que tout produit faisant l'objet d'un dumping peut être soumis à un droit antidumping "lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice". La notion de "préjudice" est définie à l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base et les paragraphes 2 et 3 de cette disposition précisent les facteurs à prendre en considération pour sa détermination.
58 Il y a lieu de relever que, s'agissant du réexamen d'un règlement imposant des droits antidumping, le règlement de base ne contient des indications qu'en ce qui concerne les éléments qui doivent être établis pour qu'une procédure de réexamen puisse être ouverte. D'une part, l'article 14, paragraphe 2, dispose que, "lorsqu'il apparaît qu'un réexamen est nécessaire, l'enquête est rouverte conformément à l'article 7 si les circonstances l'exigent". Ainsi, dans son arrêt du 7 décembre 1993, Rima Eletrometalurgia/Conseil (C-216-91, Rec. p. I-6303, point 16), la Cour a jugé, en se référant à l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base, que "l'ouverture d'une enquête, que ce soit à l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte". D'autre part, l'article 15, paragraphe 3, du règlement de base dispose que, "lorsqu'une partie intéressée prouve que
l'expiration de la mesure conduirait de nouveau à un préjudice ou à une menace de préjudice", la Commission procède à un réexamen de la mesure. Dès lors et bien que le règlement de base comporte des dispositions quant aux éléments qui doivent être établis pour qu'une procédure de réexamen puisse être ouverte, il ne comporte toutefois pas de dispositions spécifiques quant au préjudice dont l'existence doit être établie dans le règlement modifiant les droits existants.
59 Il en résulte que, en l'absence de dispositions spécifiques quant à la détermination du préjudice, dans le cadre d'une procédure de réexamen ouverte au titre des articles 14 et 15 du règlement de base, un règlement modifiant, au terme d'une telle procédure, des droits antidumping existants doit établir l'existence d'un préjudice au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.
60 Il y a lieu, dès lors, de rechercher si les points du règlement litigieux établissent l'existence d'un préjudice, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.
61 Il convient de rappeler, à cet égard, que l'existence d'un préjudice, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base, ne peut être établie que si les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions causent soit i) un préjudice important à une production établie dans la Communauté, soit ii) une menace de préjudice important à une production établie dans la Communauté, soit iii) un retard sensible à l'établissement de cette production.
62 Étant donné qu'il est constant qu'il existe d'ores et déjà une production communautaire de roulements à billes, il y a lieu de rechercher si les points du règlement litigieux apportent la preuve que les importations en dumping i) lui causaient un préjudice important ou ii) menaçaient de lui causer un tel préjudice.
63 Il convient de rappeler, ensuite, que l'article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement de base énumère divers facteurs pertinents pour évaluer, respectivement, l'existence d'un préjudice important ou d'une menace de préjudice important. Ainsi, l'article 4, paragraphe 2, du règlement de base dispose:
"L'examen du préjudice doit comprendre les facteurs suivants, ni un seul ni même plusieurs d'entre eux ne constituant nécessairement une base de jugement déterminante:
a) le volume des importations faisant l'objet d'un dumping ou de subventions, notamment pour déterminer si elles se sont accrues de façon significative, soit en valeur absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté;
b) les prix des importations faisant l'objet d'un dumping ou de subventions, notamment pour déterminer s'il y a eu sous-cotation significative du prix par rapport au prix d'un produit similaire dans la Communauté;
c) l'impact en résultant sur la production concernée, tel qu'il ressort des tendances réelles ou virtuelles des facteurs économiques pertinents tels que:
° production,
° utilisation des capacités,
° stocks,
° ventes,
° part de marché,
° prix (c'est-à-dire la dépression des prix ou l'empêchement de hausses de prix qui auraient eu lieu autrement),
° bénéfices,
° rendement des investissements,
° flux de liquidités,
° emploi."
64 L'article 4, paragraphe 3, du règlement de base prévoit ce qui suit:
"Une menace de préjudice ne peut être déterminée que si une situation particulière est susceptible de se transformer en préjudice réel. A cet égard, il peut être tenu compte de facteurs tels que:
a) le taux d'accroissement des exportations vers la Communauté qui font l'objet d'un dumping ou de subventions;
b) la capacité d'exportation du pays d'origine ou d'exportation, telle qu'elle existe déjà ou se présentera dans un avenir prévisible, et la probabilité que les exportations qu'elle engendrera seront destinées à la Communauté;
c) la nature de toute subvention et les effets qui sont susceptibles d'en découler pour le commerce."
65 Il convient, également, de rappeler qu'il ressort des deuxième et troisième points des motifs du règlement de base que ce dernier a été institué en conformité avec les obligations internationales existantes, notamment celles qui découlent de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après "accord général") et de l'accord relatif à la mise en œuvre de l'article VI de l'accord général (ci-après "code antidumping de 1979"). Il en résulte que les dispositions du règlement de base doivent être interprétées à la lumière de l'article VI de l'accord général et du code antidumping de 1979 (voir, notamment, arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69-89, Rec. p. I-2069, points 30 à 32).
66 A cet effet, le Tribunal rappelle que l'article 3, paragraphe 6, du code antidumping de 1979 dispose: "Une détermination concluant à une menace de préjudice devra se fonder sur des faits, et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être nettement prévu et imminent."
Détermination d'un préjudice dans le règlement litigieux, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base
67 Le Tribunal constate, tout d'abord, que les points 24 à 32 des motifs du règlement litigieux contiennent une description de la "situation de l'industrie communautaire". Après avoir examiné différents facteurs, le Conseil conclut, au point 32, que "la position de l'industrie communautaire reste relativement faible". Compte tenu de cette situation précaire, le Conseil fait valoir, au point 33, qu'il "est d'avis que l'expiration des mesures ne ferait qu'aggraver la situation". Par la suite, le Conseil examine, dans les points 33 à 39 des motifs du règlement litigieux, les "effets possibles de l'expiration des mesures" et conclut, au point 39, que "la suppression des mesures existantes conduirait à la résurgence d'un préjudice important".
68 Le Tribunal constate, ensuite, que la décision du Conseil de modifier les droits institués par le règlement n° 1739-85 est ainsi fondée sur la considération que les importations qui faisaient l'objet d'un dumping menaçaient de causer un préjudice important à la production communautaire, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base. Il convient, dès lors, de constater que le règlement litigieux ne contient aucune preuve d'un préjudice important réel. Le point 26 des motifs du règlement litigieux dispose explicitement à cet égard: "La seule question qu'il convient donc d'examiner est de savoir si la situation de l'industrie communautaire est telle que l'expiration des mesures entraînerait à nouveau un préjudice."
Examen des différents points des motifs du règlement litigieux
69 Il convient de constater, tout d'abord, que le point 24 des motifs du règlement litigieux précise que, aux fins de l'enquête, "quelques sociétés disposant de capacités de production dans la Communauté n'ont pas été considérées comme faisant partie de l'industrie communautaire, au sens de l'article 4, paragraphe 5, du règlement ... n° 2423-88, dans la mesure où elles sont entièrement ou majoritairement détenues par des exportateurs japonais pour lesquels une marge de dumping considérable a été établie".
70 Le Tribunal rappelle, à cet égard, que l'article 4, paragraphe 5, du règlement de base permet que des producteurs communautaires qui ont des liens avec les exportateurs ou les importateurs ou qui sont eux-mêmes importateurs du produit qui est présumé faire l'objet d'un dumping soient exclus de la production de la Communauté, aux fins d'évaluer le préjudice causé par les pratiques de dumping sur cette production. Il appartient aux institutions, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, d'examiner au cas par cas si elles doivent opérer une telle exclusion (arrêts de la Cour du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil, C-174-87, Rec. p. I-1335, point 49, Sanyo Electric/Conseil, C-177-87, Rec. p. I-1535, point 24).
71 Il s'ensuit que les institutions communautaires étaient en droit d'exclure de la production communautaire la production de certaines sociétés établies dans la Communauté, au motif que ces sociétés étaient entièrement ou majoritairement détenues par des exportateurs japonais pour lesquels une marge de dumping considérable avait été établie. Au surplus, le Tribunal constate qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le Conseil aurait dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation en ayant opéré une telle exclusion.
72 Il convient de relever, ensuite, que le Conseil a fondé sa constatation de l'existence d'une menace de préjudice sur les facteurs suivants: le volume des importations faisant l'objet de pratiques de dumping se serait accru de 2,7 % (point 27); les prix de l'industrie communautaire auraient baissé et les importations japonaises seraient restées dans une certaine mesure sous-cotées (point 28); la production communautaire serait restée assez stable (point 29); l'augmentation de la valeur des ventes de l'industrie communautaire (de l'ordre de 12,5 %) aurait été inférieure à la croissance totale du marché (point 30); l'industrie communautaire aurait connu une régression de ses parts de marché (en valeur) de 75,1 à 72,9 % pour les produits concernés (point 31); en l'absence de mesures, la sous-cotation des importations japonaises s'accentuerait et l'industrie communautaire enregistrerait une baisse de rentabilité et de nouvelles pertes de parts de marché (point 34); l'industrie communautaire serait très vulnérable du fait que le marché se trouverait dans une phase de récession (point 35); l'existence de droits antidumping élevés aux États-Unis entraînerait un accroissement du volume des importations japonaises si les mesures à l'égard de ces importations dans la Communauté n'étaient plus appliquées (point 36); enfin, en l'absence de mesures, les importations japonaises dans la Communauté augmenteraient, eu égard au fait que les producteurs japonais ont accru leur capacité de production au Japon, alors que la consommation dans la Communauté n'a pas augmenté (point 37).
73 Le Tribunal constate que chacun des points précités, à l'exception des points 28 et 34, dans lesquels ont été examinés les facteurs qui ont conduit le Conseil à constater l'existence d'une menace de préjudice important, a été contesté par les requérantes, en ce qu'il comporterait des constatations trompeuses ou erronées en fait ou en droit. Il y a lieu, dès lors, d'examiner les différents points, à la lumière des observations formulées par les parties.
° Point 27
74 Dans ce point, le Conseil a fait valoir que le volume total des importations de roulements à billes effectuées en dumping s'est accru de 2,7 % entre 1986 et la fin de la période d'enquête.
75 Il ressort des tableaux reproduits ci-dessus au point 9, non contestés par les parties au litige, que la constatation figurant au point 27 est exacte mais incomplète. Il convient de constater, en effet, qu'il ressort de ces tableaux que l'accroissement du volume des importations japonaises est largement inférieur à l'accroissement total en volume qu'a connu le marché communautaire pour les produits concernés pendant la même période, à savoir 9,5 %, et à l'accroissement du volume des ventes réalisées par les producteurs communautaires dans la Communauté, à savoir 14,8 %. Dès lors, en dépit d'une augmentation de 2,7 % du volume des importations japonaises, il y a lieu de constater que la part de marché des importations japonaises a connu une régression de 6,3 % en volume entre 1986 et la fin de la période de référence. La part de marché des producteurs communautaires a augmenté de 4,8 % en volume pendant cette même période.
76 Le Tribunal estime, dès lors, que le caractère incomplet de la constatation faite au point 27 était de nature à fausser l'appréciation du préjudice causé par les importations en dumping que le Conseil a effectuée.
° Point 29
77 Le Tribunal rappelle que, dans ce point, il a été constaté que "la production communautaire est restée assez stable entre 1986 et la fin de la période d'enquête".
78 Le Tribunal constate qu'il ressort des tableaux reproduits ci-dessus, au point 9, que les ventes de roulements à billes par les producteurs communautaires ont augmenté, entre 1986 et la fin de la période de référence, de 14,8 % en volume et de 12,5 % en valeur. Par ailleurs, il ressort des informations qui ont été communiquées par la Commission à Koyo Seiko, par lettre du 5 décembre 1991, que l'utilisation des capacités communautaires a connu une augmentation de 74,38 à 82,27 % pendant la même période et que les stocks communautaires ont diminué en valeur de 114,53 à 84,72 millions de DM et, en volume, de 58,82 à 54,02 millions de pièces.
79 A la lumière de ces éléments, le Tribunal constate que l'affirmation faite par le Conseil, au point 29, selon laquelle la production communautaire est restée assez stable, ne rend pas une image correcte de l'évolution de cette production et est, dès lors, entachée d'une erreur de fait.
° Point 30
80 Dans ce point, le Conseil fait valoir que la valeur totale des ventes de l'industrie communautaire a progressé de 12,5 % entre 1986 et la fin de la période d'enquête et que "cette augmentation est toutefois inférieure à la croissance totale du marché".
81 Il y a lieu de relever qu'il ressort des tableaux reproduits ci-dessus, au point 9, que la croissance totale du marché (en valeur) a été de 9,7 %. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme le point 30, l'augmentation totale des ventes de l'industrie communautaire a été supérieure à la croissance totale du marché.
82 Il s'ensuit que le point 30 est également entaché d'une erreur de fait.
83 Le Conseil a toutefois expliqué, lors de l'audience, que, si l'on inclut dans la production communautaire la "production japonaise en Europe", c'est-à-dire celle des producteurs communautaires entièrement ou majoritairement détenus par des exportateurs japonais, la croissance totale du marché est supérieure à 12,5 %. Le Tribunal estime, toutefois, que cette assertion, qui n'est étayée d'aucun chiffre concret ni d'aucune pièce justificative, n'est pas de nature à réfuter une constatation faite sur la base de données précises et non contestées par les parties, telles que celles figurant aux tableaux reproduits ci-dessus au point 9.
° Point 31
84 Il convient de rappeler que, dans ce point, le Conseil fait valoir que, en termes de valeur, la part de marché de l'industrie communautaire fondée sur les ventes de roulements à billes produits par l'industrie communautaire entre 1986 et la fin de la période d'enquête a régressé de 75,1 à 72,9 %.
85 Le Tribunal constate, toutefois, qu'il ressort des tableaux reproduits ci-dessus, au point 9, que, pendant cette période, la part de marché (en valeur) de la production communautaire a progressé de 75,1 à 77,1 %.
86 Le Conseil tente de justifier cette apparente anomalie en faisant valoir qu'il a exclu, pour la période de référence, la production japonaise en Europe de la production communautaire.
87 Il convient toutefois de remarquer qu'il ressort de l'intitulé du tableau "Ventes en millions d'écus" (voir ci-dessus, point 9), qu'un tel ajustement n'a pas été fait uniquement pour la période de référence. Le Tribunal constate, en effet, que l'intitulé du tableau "Marché CE total excluant les productions japonaises en Europe" se réfère à toutes les données que comporte le tableau et non pas seulement aux données afférentes à la période de référence. Il s'ensuit que la part de marché de la production communautaire, à l'exclusion de la production japonaise en Europe, était de 75,1 % en 1986 et de 77,1 % pendant la période de référence.
88 Le Tribunal estime, dès lors, que l'explication qui a été avancée par le Conseil, à propos des parts de marché indiquées au point 31 des motifs du règlement litigieux, selon laquelle, pour la période de référence, il avait exclu, de la production communautaire, la production japonaise en Europe, est trompeuse.
89 Sur la base de la note figurant sous le tableau "Ventes en millions d'écus" (voir ci-dessus, point 9), le Tribunal constate que, pour parvenir à une part de marché de 72,9 % pour la période de référence, telle qu'indiquée, au point 31 des motifs du règlement litigieux, comme étant celle de l'industrie communautaire, le Conseil a traité la production japonaise en Europe comme des importations japonaises. En effet, si l'on ajoute la valeur de la production japonaise en Europe, qui était, comme il ressort de la note susvisée, de 68,5 millions d'écus pour la période de référence, au montant des importations japonaises dans la Communauté pour cette même période, à savoir 70,5 millions d'écus, les importations japonaises représentent, pour la période de référence, une valeur totale de 139 millions d'écus. Il convient d'observer que la valeur du marché total augmente nécessairement d'un même montant (1 196,4 millions d'écus + 68,5 millions d'écus) et atteint, si un tel ajustement est opéré, un montant de 1 264,9 millions d'écus. Les parts de marché deviennent alors celles qui sont indiquées dans la note figurant sous le tableau susvisé, à savoir 11 % pour les importations japonaises et 72,9 % pour les producteurs communautaires.
90 Le Tribunal constate, ensuite, que la part de marché, pour l'année 1986, indiquée au point 31, à savoir 75,1 %, a, au contraire, été calculée sans qu'ait été effectué l'ajustement décrit ci-dessus, à savoir en traitant la production japonaise en Europe comme des importations japonaises. La note figurant sous le tableau susvisé se réfère, en effet, uniquement à la période de référence.
91 Il y a lieu, dès lors, de constater que, au point 31 des motifs, la part de marché de l'industrie communautaire, pour l'année 1986, n'a pas été calculée sur la même base que la part de marché pour la période de référence et que toute conclusion sur l'évolution du marché fondée sur une comparaison de ces chiffres repose sur une base inexacte. Par ailleurs, il convient de remarquer qu'il ressort du tableau "Ventes en millions d'écus" (voir ci-dessus, point 9) que, si elle est calculée sur la base d'une même méthode pour 1986 et la période d'enquête, la part de marché de l'industrie communautaire, en termes de valeur, a enregistré une progression en passant de 75,1 à 77,1 %.
92 Il s'ensuit que la constatation faite au point 31 des motifs, selon laquelle la part de marché de l'industrie communautaire a régressé de 75,1 à 72,9 % entre 1986 et la fin de la période d'enquête, est entachée d'une erreur de fait.
° Conclusion sur la position de l'industrie communautaire: point 32
93 Le point 32 explique que "l'examen de ces indicateurs conduit le Conseil à conclure que, si les mesures en vigueur ont eu un certain effet, la position de l'industrie communautaire reste relativement faible". Il y a lieu de relever que cette conclusion est fondée sur les constatations effectuées antérieurement, à savoir la progression des importations effectuées en dumping (point 27), le fait que, "bien que les prix des importations japonaises effectuées en dumping aient augmenté et que les prix de l'industrie communautaire aient baissé, les importations japonaises restent dans une certaine mesure sous-cotées" (point 28), le fait que la production communautaire est restée assez stable (point 29), une progression des ventes de l'industrie communautaire inférieure à la croissance du marché (point 30) et une régression de la part de marché de 75,1 à 72,9 % (point 31).
94 Or, il a été établi ci-dessus que les points 27, 29, 30 et 31 comportent chacun des constatations erronées ou trompeuses. Le Tribunal estime, dès lors, que la conclusion du Conseil, figurant au point 32 des motifs, pour autant qu'elle est fondée sur ces constatations, est elle-même erronée en fait et en droit.
95 Dans ces conditions, le Tribunal estime qu'il y a lieu d'évaluer la conclusion figurant au point 32 des motifs à la lumière, d'une part, des données indiquées dans les tableaux reproduits ci-dessus, au point 9, et, d'autre part, des informations produites par les parties au cours de la procédure écrite et non contestées par celles-ci. A cet effet, il convient de rappeler qu'il ressort des tableaux susvisés que l'industrie communautaire a connu l'évolution suivante entre 1986 et la fin de la période de référence: la part de marché de l'industrie communautaire a augmenté de 2,7 % en valeur et de 4,8 % en volume; la part de marché des importations japonaises a diminué de 1,7 % en valeur et de 6,3 % en volume; la croissance des ventes de l'industrie communautaire (14,8 % en volume et 12,5 % en valeur) a été supérieure à la croissance totale du marché (9,5 % en volume et 9,7 % en valeur). De plus, il ressort des lettres de la Commission du 5 décembre et du 11 décembre 1991 (voir, ci-dessus, point 9) que l'industrie communautaire a, pendant la période de référence, réalisé un bénéfice d'environ 4,3 % de son chiffre d'affaires. Le Tribunal constate que ce dernier élément, à la lumière de l'affirmation de la FEBMA, figurant au point 3.4 de la lettre qu'elle a adressée le 7 juin 1990 à la Commission, non contestée par les autres parties au litige, selon laquelle l'industrie communautaire n'a pas réalisé de bénéfices en 1986 et en 1987, révèle également une évolution positive pour l'industrie communautaire. Enfin, il convient de constater qu'il ressort des informations communiquées par la Commission à Koyo Seiko, en annexe à la lettre du 5 décembre 1991, que l'utilisation des capacités communautaires de production a connu une augmentation de 74,38 à 82,27 % et que les stocks communautaires ont diminué en valeur de 114,53 à 84,72 millions de DM et, en volume, de 58,82 à 54,02 millions de pièces.
96 Il résulte de l'analyse faite ci-dessus que la conclusion, figurant au point 32 des motifs, selon laquelle "la position de l'industrie communautaire reste relativement faible", n'est étayée ni par les points 27, 29, 30 et 31, ni par aucun autre élément du dossier.
° Point 35
97 Le Tribunal constate que, dans ce point, le Conseil s'est fondé sur l'existence d'une phase de récession de l'industrie en cause, dans la Communauté, pour établir l'imminence d'un préjudice.
98 Le Tribunal estime, toutefois, qu'il résulte de l'article 4, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement de base qu'un tel facteur ne peut pas être pris en considération pour déterminer l'existence d'un préjudice ou d'une menace de préjudice. Cette disposition énonce en effet que "les préjudices causés par d'autres facteurs, tels que ... la contraction de la demande, qui, ... exercent également une influence défavorable sur la production communautaire, ne doivent pas être attribués aux importations qui font l'objet d'un dumping ou de subvention".
99 Il s'ensuit que le Conseil a commis une erreur de droit, pour autant qu'il s'est fondé, au point 35 des motifs, sur l'existence d'une phase de récession pour apprécier si les importations en dumping des produits concernés menaçaient de causer un préjudice, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.
° Point 36
100 Dans ce point, le Conseil fait valoir qu'il est probable que les volumes d'importation dans la Communauté s'accroîtront si les mesures ne sont plus appliquées du fait que les exportations japonaises vers les États-Unis sont frappées de droits antidumping "élevés".
101 Le Tribunal constate, tout d'abord, que le règlement litigieux ne fournit aucune information concrète quant aux droits antidumping applicables aux États-Unis aux produits concernés, bien qu'une telle information ne revête aucun caractère confidentiel.
102 Il convient de constater, ensuite, qu'il ressort de la demande de réexamen introduite par la FEBMA, le 27 décembre 1988, que, par décision du 27 octobre 1988, le Department of Commerce a, entre autres, imposé un droit antidumping sur les importations de roulements à billes fabriqués par Koyo Seiko et par NTN, s'élevant, respectivement, à 73,65 et à 25,85 %. Le droit applicable aux produits fabriqués par les sociétés japonaises qui n'étaient pas nommément mentionnées dans la décision était de 44,70 %. Aucune des parties au litige n'a contesté le niveau des droits américains, tels qu'ils ont été présentés dans la demande de réexamen.
103 Les requérantes, qui ne contestent pas le caractère élevé des droits applicables au moment de l'introduction de la demande de réexamen, estiment toutefois que, au moment où le règlement litigieux a été adopté, en septembre 1992, les droits applicables aux producteurs japonais exportant également des roulements à billes vers la Communauté, qui variaient alors, selon les requérantes, de 2,24 à 7,86 %, ne pouvaient plus être qualifiés d'élevés et susceptibles, par suite, d'avoir pour effet d'accroître les exportations japonaises vers la Communauté, si les mesures communautaires avaient été supprimées.
104 Le Tribunal constate que les droits antidumping institués par le règlement n° 1739-85 pour les roulements à billes, qui étaient de l'ordre de 1,2 à 21,7 %, se situaient à un niveau nettement inférieur à celui des droits américains, tels qu'institués le 27 octobre 1988. Si, comme le prétend le Conseil, les marges bénéficiaires dans l'industrie des roulements à billes sont faibles et que, par conséquent, tout accroissement des coûts influence directement les courants d'échanges, l'imposition de droits américains élevés en octobre 1988 aurait dû engendrer, par suite de la modification des courants d'échanges en résultant, une augmentation significative des importations japonaises dans la Communauté.
105 Or, si l'on compare, sur la base des informations figurant dans les tableaux reproduits ci-dessus au point 9, les importations japonaises de roulements à billes dans la Communauté pendant l'année 1988, période pendant laquelle les droits américains institués le 27 octobre 1988 ont été en vigueur pendant deux mois, aux importations effectuées pendant la période de référence, période pendant laquelle les mêmes droits américains ont été en vigueur pendant cinq mois, force est de constater que la part du marché communautaire occupée par les importations japonaises a diminué de 0,1 % en volume et qu'elle est demeurée inchangée en valeur. Dès lors, et en l'absence de toute autre information précise à ce sujet, le Tribunal constate que l'institution de droits antidumping élevés aux États-Unis n'a provoqué qu'un effet négligeable sur le marché communautaire. En outre, force est de constater que, au moment où le règlement litigieux a été adopté, les droits américains applicables (2,24 à 7,86 % selon les requérantes; lors de l'audience le Conseil a fait état d'une moyenne de 7,5 %) étaient nettement inférieurs aux droits américains applicables au moment du dépôt de la demande de réexamen par la FEBMA (73,65 % pour Koyo Seiko; 25,85 % pour NTN; 43,47 % pour Nachi; 58,32 % pour NSK et un droit résiduel de 44,70 %).
106 Dans ces conditions, le Tribunal estime que la crainte exprimée par le Conseil, quant à un détournement des exportations japonaises vers la Communauté présente un caractère purement hypothétique et n'est pas de nature à fonder la constatation d'une menace de préjudice, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base, notion qui doit, au reste, être interprétée elle-même à la lumière du code antidumping de 1979 et, notamment, de son article 3, paragraphe 6. En effet, il convient de constater que le point 36 des motifs n'est pas fondé sur des faits, comme le prescrit l'article 3, paragraphe 6, du code antidumping de 1979, mais "seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités".
° Point 37
107 Dans ce point, le Conseil soutient que, "dans la mesure où les producteurs japonais ont accru leur capacité de production au Japon, alors que la consommation dans la Communauté n'a pas augmenté, on peut supposer que, en l'absence de mesures, on enregistrera une augmentation des exportations japonaises dans la Communauté".
108 Il convient de relever que le règlement litigieux n'indique pas, même approximativement, l'importance de l'augmentation de la production japonaise en cause. Par ailleurs, il n'est pas exclu que les producteurs japonais aient augmenté leur capacité de production suite à une augmentation de la consommation des roulements à billes sur le marché japonais ou sur d'autres marchés tiers. Or, le Tribunal constate que ni le point 37 des motifs, ni aucune autre pièce produite par les parties ne contient la moindre indication sur la consommation sur le marché japonais ou sur d'autres marchés des produits concernés.
109 Le Tribunal estime que c'est seulement dans le cas où il aurait été établi que cette augmentation de capacité ne répondait pas à une augmentation de la consommation intérieure au Japon ou dans un autre pays tiers qu'il aurait pu être question d'un risque d'augmentation des exportations japonaises en général et vers la Communauté en particulier. En effet, dans un tel cas, les producteurs japonais, devant trouver des marchés d'exportation pour leur production excédentaire, auraient pu, en l'absence d'une demande suffisante dans d'autres pays, tenter d'augmenter leurs exportations vers la Communauté au moyen, notamment, de pratiques de dumping.
110 Il s'ensuit que le point 37, dans la mesure où il fonde la constatation d'un risque d'augmentation des exportations japonaises vers la Communauté sur la considération, d'une part, que la capacité de production des producteurs japonais a augmenté et, d'autre part, que la consommation dans la Communauté n'a pas augmenté, est trop vague pour étayer la conclusion du Conseil, selon laquelle il existe une menace de préjudice dans le cas d'espèce.
Incidence sur la constatation d'une menace de préjudice
111 Le Conseil fait valoir, dans le point 38 des motifs, que, "compte tenu de ces facteurs, on peut prévoir que l'industrie communautaire subira un préjudice important du fait des importations effectuées en dumping dans le cas où les mesures antidumping viendraient à expiration" et conclut, dans le point 39, que "la suppression des mesures antidumping existantes conduirait à la résurgence d'un préjudice important".
112 Il résulte de l'analyse effectuée ci-dessus que les points 27, 29, 30, 31, 32, 35, 36 et 37 comportent chacun des constatations qui sont entachées d'erreurs de fait ou de droit, ou qui sont trompeuses de par leur caractère incomplet. Dès lors, la conclusion du Conseil figurant au point 39 des motifs, selon laquelle les importations en dumping menaçaient de causer un préjudice important à la production des roulements à billes de la Communauté, est, pour autant qu'elle est fondée sur ces constatations, elle-même erronée en droit et en fait.
113 A ce stade du raisonnement, il convient de rappeler que les requérantes, qui visent à obtenir l'annulation d'un règlement antidumping, sont habilitées à soumettre au juge communautaire toutes les considérations qui permettraient de vérifier si les institutions communautaires ont respecté les garanties procédurales qui leur étaient accordées et si elles n'ont pas commis des erreurs de droit ou de fait, ou fait entrer dans leur motivation des considérations constitutives d'un détournement de pouvoir. A cet égard, sans qu'il puisse intervenir dans l'appréciation réservée aux autorités communautaires par le règlement de base, le juge communautaire est appelé à exercer le contrôle qui est normalement le sien en présence d'un pouvoir discrétionnaire conféré à l'autorité publique (voir notamment arrêts de la Cour du 4 octobre 1983, FEDIOL/Commission, 191-82, Rec. p. 2913, point 30, et du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264-82, Rec. p. 849, point 16).
114 A cet égard, il convient de constater que les erreurs de fait commises par le Conseil font, en règle générale, apparaître des tendances contraires à l'évolution réelle du marché. Ainsi le point 29 relève que la production communautaire est restée assez stable entre 1986 et la fin de la période d'enquête, tandis que, en réalité, elle a progressé; le point 30 explique que l'augmentation de la valeur totale des ventes de l'industrie communautaire a été inférieure à la croissance totale du marché, tandis que, en réalité, elle lui a été supérieure; le point 31 ajoute que, en termes de valeur, la part de marché de l'industrie communautaire fondée sur les ventes de roulements à billes produits par l'industrie communautaire entre 1986 et la fin de la période d'enquête a régressé de 75,1 à 72,9 %, tandis que, en réalité, elle a progressé de 75,1 à 77,1 %. De plus, le point 35 est entaché d'une erreur de droit, dans la mesure où il prend en considération un élément non pertinent pour l'évaluation du préjudice.
115 Au vu de ces éléments et compte tenu, en outre, du caractère trompeur ou inexact des constatations effectuées aux points 27, 32, 36 et 37, le Tribunal estime qu'il n'est pas exclu que le Conseil n'aurait pas conclu à l'existence d'une menace de préjudice en l'absence des erreurs de fait ou de droit susanalysées. Dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions des requérantes et d'annuler le règlement litigieux, pour autant qu'il les affecte.
116 Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal estime, en outre, qu'il convient d'examiner le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement n° 2423-88.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement n° 2423-88
Argumentation des parties
117 Les requérantes font valoir que le règlement litigieux viole l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement n° 2423-88, en ce qu'il ne fournit pas de raisons suffisantes pour écarter l'application du délai normal d'un an prévu à cet article. Elles font remarquer que, bien que le délai d'un an ne soit pas impératif, la procédure ne peut être prolongée au-delà d'un délai raisonnable (arrêt de la Cour du 12 mai 1989, Continentale Produkten-Gesellschaft, 246-87, Rec. p. 1151, point 8). Or, selon les requérantes, le Conseil n'a pas démontré à suffisance de droit pourquoi la procédure s'est étendue sur une durée de 41 mois.
118 Selon le Conseil, le délai d'un an prévu à l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement n° 2423-88 n'est pas impératif. Le Conseil estime que cette conclusion ressort déjà du libellé de ladite disposition, puisqu'il y est précisé que l'enquête est "normalement" conclue dans un délai d'un an. Le Conseil fait valoir que l'une des raisons pour lesquelles la présente enquête a duré plus longtemps que les enquêtes antérieures est que la Commission a réexaminé en 1990 la question de la rentabilité de la production de la Communauté. Il ajoute que la Cour a estimé, dans son arrêt du 28 novembre 1989, Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon Kai Naftiliakon e.a./Conseil (C-121-86, Rec. p. I-3919, points 22 à 23), qu'une enquête ayant duré quatre ans ne constituait pas une violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement n° 2423-88.
Appréciation du Tribunal
119 Il convient de rappeler que l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base prévoit que la conclusion de l'enquête "doit normalement avoir lieu dans un délai d'un an après l'ouverture de la procédure". Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'il s'agit d'un délai indicatif et non impératif (arrêts Continentale Produkten-Gesellschaft, précité, point 8, et Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon Kai Naftiliakon e.a./Conseil, précité, point 22). Il convient, toutefois, de préciser que la procédure ne peut être prolongée au-delà d'un délai raisonnable, qui doit être apprécié en fonction des circonstances de l'espèce (arrêts Continentale Produkten-Gesellschaft, précité, point 8, et Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon Kai Naftiliakon e.a./Conseil, précité, point 22).
120 Il y a lieu de remarquer que la durée de la procédure de réexamen, qui a conduit à l'adoption du règlement litigieux, s'est étendue sur 41 mois, à savoir de mai 1989 jusqu'au 28 septembre 1992. Il y a lieu, dès lors, d'examiner si, dans les circonstances de l'espèce, la procédure s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable, au sens de la jurisprudence de la Cour.
121 A cet égard, il convient de remarquer que le Conseil a avancé, au point 8 des motifs du règlement litigieux, comme justification de cette longue durée le fait, d'une part, que les données à recueillir et à analyser étaient complexes et, d'autre part, qu'il a dû examiner, pour achever l'enquête, des questions nouvelles qui ont été soulevées au cours de la procédure et qui n'avaient pas pu être prévues à l'origine. Pendant la procédure écrite, le Conseil a précisé, sur ce dernier point, qu'il a réexaminé en 1990 la question de la rentabilité de la production de la Communauté.
122 S'agissant de la première justification, le Tribunal constate que les institutions communautaires ont commencé à mener des investigations dans le secteur des roulements à billes dès 1976 (JO 1976, C 268, p. 2). Il s'agit, dès lors, d'un secteur bien connu de leurs services, ce qui aurait dû faciliter le réexamen en cause. Il convient encore de remarquer que le règlement n° 1739-85, qui a été modifié par le règlement litigieux, a également été adopté suite à un réexamen. En effet, le 21 décembre 1984, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 3669-84, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains roulements à billes et à rouleaux coniques originaires du Japon (JO L 340, p. 37), après avoir réexaminé la décision 81-406-CEE de la Commission, du 4 juin 1981, portant acceptation des engagements souscrits dans le cadre de la procédure anti-"dumping" concernant les importations de roulements à billes et à rouleaux coniques originaires du Japon, de la Pologne, de la Roumanie et de l'Union soviétique, et portant clôture de cette procédure (JO L 152, p. 44). Le Conseil a ensuite imposé des droits définitifs en adoptant, le 24 juin 1985, le règlement n° 1739-85. Le Tribunal constate que le réexamen qui a donné lieu à l'adoption du règlement n° 3669-84, du 21 décembre 1984, précité, a duré dix mois, bien que portant sur une gamme de produits plus vaste, à savoir les roulements à billes et à rouleaux coniques originaires du Japon, soit un délai beaucoup plus bref que la procédure de réexamen qui a donné lieu à l'adoption du règlement litigieux, lequel portait uniquement sur les roulements à billes du Japon dont le plus grand diamètre excède 30 millimètres.
123 Le Tribunal estime que, dans ces circonstances, le Conseil ne saurait se fonder sur la complexité des données à recueillir et à analyser pour justifier le fait que la procédure a, en l'espèce, duré plus de trois ans. De plus, le Tribunal estime que le réexamen de la question de la rentabilité de la production communautaire ne peut, à lui seul, justifier cette longue durée.
124 Il s'ensuit que le Conseil n'a pas démontré à suffisance de droit que, en l'espèce, la procédure de réexamen a été conclue dans un délai raisonnable. Dès lors, le moyen tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base est également fondé.
125 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'article 1er du règlement litigieux doit être annulé, pour autant qu'il concerne les requérantes, sans qu'il soit besoin, pour le Tribunal, ni de statuer sur les autres moyens d'annulation invoqués par les requérantes, ni d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par Koyo Seiko dans l'affaire T-165-94.
Sur les dépens
126 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie défenderesse ayant succombé en ses conclusions et les parties requérantes ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens.
127 En ce qui concerne les parties intervenantes dans l'affaire T-165-94, le Tribunal constate qu'elles n'ont pas déposé de mémoire en intervention. Le Tribunal estime qu'il y a lieu, eu égard au fait qu'elles ont succombé en leurs conclusions, de les condamner à leurs propres dépens. En ce qui concerne la partie intervenante dans l'affaire T-163-94, celle-ci, ayant participé à la procédure écrite, a occasionné des dépens à la partie requérante. Toutefois, cette dernière n'ayant pas conclu à la condamnation de la partie intervenante aux dépens afférents à l'intervention et la partie intervenante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de condamner la requérante et la partie intervenante à supporter, chacune, leurs propres dépens afférents à l'intervention.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) L'article 1er du règlement (CEE) n° 2849-92 du Conseil, du 28 septembre 1992, modifiant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CEE) n° 1739-85 sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres, est annulé, dans la mesure où il impose un droit antidumping aux requérantes.
2) Le Conseil supportera ses propres dépens et les dépens exposés par les parties requérantes, à l'exception des dépens de la requérante dans l'affaire T-163-94 afférents à l'intervention, qui seront supportés par la requérante. Chacune des parties intervenantes supportera ses propres dépens.