CJCE, 25 janvier 1994, n° C-212/91
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Angelopharm GmbH
Défendeur :
Freie Hansestadt Hamburg
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
MM. Moitinho de Almeida, Edward
Avocat général :
M. Jacobs
Juges :
MM. Joliet, Schockweiler, Rodríguez Iglesias, Grévisse, Kapteyn, Murray
Avocats :
Mes Millarg, Vajda, Rapp-Jung
LA COUR,
1 Par ordonnance du 6 juin 1991, parvenue à la Cour le 9 août suivant, le Verwaltungsgericht Hamburg a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles portant, la première, sur le point de savoir si un juge national est empêché de considérer comme invalide, ou comme nulle et de nul effet, une disposition du droit national qui ne fait qu'opérer la transposition d'une directive, au sens de l'article 189, paragraphe 3, du traité CEE, la deuxième, sur le point de savoir si, lorsque tel n'est pas le cas, une telle directive doit être considérée comme directement applicable, la troisième, sur la validité de l'article 1er de la douzième directive 90-121-CEE de la Commission, du 20 février 1990, portant adaptation au progrès technique des annexes II, III, IV, V et VI de la directive 76-768-CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 71, p. 40, ci-après la "douzième directive"), en tant qu'il ajoute l'Alpha-Hydroxy-II-prégnène-4-dione-3,20 (ci-après le "11 Alpha OHP") et ses esters à l'annexe II de cette dernière directive ("liste des substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques").
2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant la Firma Angelopharm (ci-après "Angelopharm") à la Freie und Hansestadt Hamburg (ville libre et hanséatique de Hambourg) au sujet du droit d'Angelopharm de fabriquer ou de commercialiser un produit dénommé "Sétaderm".
3 Le Sétaderm est un produit destiné à éviter la chute des cheveux liée aux androgènes ou à une prédisposition héréditaire. Il contient du 11 Alpha OHP. Selon un jugement de l'Oberverwaltungsgericht Hamburg, en date du 2 décembre 1986 (OVG Bf VI 38-85), le Sétaderm est un produit cosmétique.
4 Angelopharm a fabriqué et commercialisé le Sétaderm à partir du mois de janvier 1983. A la suite de l'avis du Bundesgesundheitsamt (office fédéral de la santé), en date du 28 août 1984, selon lequel le 11 Alpha OHP et ses esters avaient une influence sur l'état hormonal d'un homme et pouvaient donc être préjudiciables à sa santé, l'utilisation du 11 Alpha OHP dans la fabrication des produits cosmétiques a été interdite en République fédérale d'Allemagne par l'article 1er du neuvième règlement modifiant le règlement sur les cosmétiques, du 20 mars 1985 (Neunte Verordnung zur AEnderung der Kosmetik-Verordnung, BGBl I, p. 586). En vertu de l'article 6, sous a), premier alinéa, de ce règlement, modifié, la fabrication de produits cosmétiques contenant du 11 Alpha OHP était autorisée jusqu'au 31 décembre 1986 et leur commercialisation jusqu'au 31 décembre 1987.
5 Conformément à ces dispositions, Angelopharm a cessé de commercialiser le Sétaderm à compter du 31 décembre 1987. Toutefois, elle a engagé une action devant le Verwaltungsgericht Hamburg pour faire constater qu'elle pouvait légalement fabriquer et commercialiser le Sétaderm après cette date.
6 Devant la juridiction nationale, Angelopharm a essentiellement fait valoir que le 11 Alpha OHP n'était pas dangereux pour la santé humaine et que son utilisation dans la fabrication de produits cosmétiques ne pouvait pas être interdite.
7 Le Verwaltungsgericht Hamburg a ordonné une expertise, le 8 février 1990, aux fins de déterminer les effets du 11 Alpha OHP sur la santé humaine.
8 L'expert désigné par le Verwaltungsgericht Hamburg a rendu son rapport le 12 octobre 1990. D'après ce rapport, le 11 Alpha OHP ne recèle aucun danger pour la santé humaine, mais n'a aucun effet démontré sur la croissance des cheveux.
9 Entre temps, l'utilisation du 11 Alpha OHP et de ses esters dans la fabrication des produits cosmétiques avait été interdite par la douzième directive, précitée. En vertu de l'article 2 de cette directive, la mise sur le marché des produits contenant cet agent était interdite à compter du 1er janvier 1991 et leur délivrance au consommateur final interdite à compter du 31 décembre 1991.
10 Les dispositions de la douzième directive ont été transposées en République fédérale d'Allemagne par le dix-septième règlement modifiant le règlement sur les cosmétiques, du 21 mars 1990 (Siebzehnte Verordnung zur AEnderung der Kosmetik-Verordnung, BGBl I, p. 589).
11 Convaincu, selon ses propres termes, par les conclusions de l'expert qu'il avait désigné, le juge de renvoi a estimé que la réglementation allemande, en tant qu'elle interdisait l'utilisation du 11 Alpha OHP dans la fabrication des produits cosmétiques, était contraire aux dispositions combinées des articles 26 et 32 de la loi sur les produits alimentaires et de consommation courante (Lebensmittel- und Bedarfsgegenstaendegesetz du 15 août 1974 BGBl I, p. 1945, ci-après le "LMBG").
12 Il s'est toutefois interrogé sur le point de savoir s'il pouvait déclarer que la réglementation allemande était invalide sur ce point dans la mesure où les dispositions de la douzième directive comportant la même interdiction auraient alors été privées d'effets en droit interne.
13 C'est dans ces conditions que le Verwaltungsgericht Hamburg a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Lorsque et pour autant qu'un règlement national ne fait qu'opérer la transposition d'une directive au sens de l'article 189, paragraphe 3, du traité CEE, la juridiction saisie est-elle empêchée dans cette hypothèse de considérer ledit règlement comme invalide, ou nul et de nul effet?
2) Si tel n'est pas le cas, une directive au sens de l'article 189, paragraphe 3, du traité CEE est-elle alors directement applicable?
3) En cas de réponse affirmative à l'une des questions précédentes, l'interdiction du 11-Alpha-4-Hydroxy-prégnène-3,20-dione et de ses esters prévue dans la douzième directive d'harmonisation de la Commission des Communautés du 20 février 1990 (90-121-CEE) est-elle valide?"
14 Bien que les questions préjudicielles posées aient trait à un produit qualifié par la juridiction nationale de "produit cosmétique", il convient toutefois de rappeler que la Cour a été saisie, dans l'affaire Upjohn (arrêt du 16 avril 1991, C-112-89, Rec. p. I-1703), de questions préjudicielles portant sur le point de savoir si un produit destiné à lutter contre la calvitie naturelle, comme c'est le cas du Sétaderm, devait être regardé comme un "médicament", au sens de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), ou comme un "produit cosmétique", au sens de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169, ci-après la "directive cosmétiques").
15 A cette occasion, la Cour a indiqué (arrêt Upjohn, précité, points 21 à 23) que la définition du "médicament", au sens de la directive 65-65, précitée, comprenait toutes les substances pouvant avoir un effet sur le fonctionnement proprement dit de l'organisme, mais ne comprenait pas, en revanche, les substances qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, comme certains produits cosmétiques, n'avaient pas d'effet significatif sur le métabolisme et ne modifiaient dès lors pas, à proprement parler, les conditions de son fonctionnement. La Cour a précisé qu'il appartenait au juge national de procéder, cas par cas, aux qualifications nécessaires en tenant compte des propriétés pharmacologiques du produit considéré, telles qu'elles pouvaient être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion et de la connaissance qu'en avaient les consommateurs. La Cour a, par ailleurs, indiqué, dans le même arrêt (point 33), que tout produit qui répond à la définition du "médicament" figurant à l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 65-65, précitée, doit être soumis au régime prévu par cette directive, à l'exclusion de celui des produits cosmétiques.
16 C'est sous réserve de ces observations, dont il appartient à la juridiction nationale d'apprécier l'utilité et les conséquences dans le cadre du litige dont elle est saisie au principal, que sont examinées les questions préjudicielles posées.
17 Le juge de renvoi s'interroge sur la possibilité pour lui d'apprécier la légalité d'un règlement national, le dix-septième règlement modifiant le règlement sur les cosmétiques, du 21 mars 1990, précité, qui transpose, en droit interne, une interdiction prévue par une directive communautaire, en l'occurrence l'interdiction du 11 Alpha OHP prévue par la douzième directive, et dont les dispositions sont identiques, en substance, à celles de la directive.
18 Les deux premières questions posées par le Verwaltungsgericht Hamburg n'ont de sens, pour le litige au principal, que si les dispositions en cause de la directive sont valides. En effet, si elles ne sont pas valides et, par conséquent, si elles ne sont pas applicables au litige au principal, les dispositions d'une directive communautaire ne peuvent pas faire obstacle à l'appréciation par le juge national de l'application du règlement national. Il convient donc de rechercher, en premier lieu, si, comme le demande le juge national dans sa troisième question préjudicielle, les dispositions de l'article 1er de la douzième directive inscrivant le 11 Alpha OHP et ses esters sur la "liste des substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques", figurant à l'annexe II de la directive 76-768, précitée, plusieurs fois modifiée, sont ou non valides, avant, en second lieu, comme le demande le juge national dans ses première et deuxième questions préjudicielles, d'examiner les conséquences qu'il doit attacher, pour la solution du litige qui lui est soumis, à l'existence d'une directive valide et identique, quant au fond, à la réglementation nationale.
Sur la validité de la directive
19 Angelopharm soutient que les dispositions de la douzième directive qui portent sur le 11 Alpha OHP doivent être déclarées invalides pour violation des formes substantielles et violation des règles du droit communautaire.
20 Sur le premier point, Angelopharm fait, en particulier, valoir que le comité scientifique de cosmétologie (ci-après le "comité scientifique") doit, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques", être consulté sur toutes les modifications apportées aux annexes II à VII de la directive "cosmétiques" et qu'il n'a pas été consulté au sujet de l'inscription du 11 Alpha OHP et de ses esters à l'annexe II de la directive.
21 La Commission ainsi que les Gouvernements allemand et du Royaume-Uni soutiennent, en revanche, que l'article 8, paragraphe 2, de la directive n'impose de consulter le comité que si un État membre ou la Commission le demande, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
22 Afin d'apprécier la portée de ces arguments, il est utile de rappeler la procédure dont l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques" est un élément.
23 L'article 9 de la directive "cosmétiques" crée un comité pour l'adaptation au progrès technique des directives visant à l'élimination des entraves techniques aux échanges dans le secteur des produits cosmétiques, dénommé "comité" dans le texte de la directive "cosmétiques", qui est composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission.
24 L'article 10 de la directive "cosmétiques", modifié, dispose que:
"1. Dans le cas où il est fait référence à la procédure définie au présent article, le comité est saisi par son président soit à l'initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d'un État membre.
2. Le représentant de la Commission soumet au comité un projet de mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. Il se prononce à la majorité de cinquante-quatre voix, les voix des États membres étant affectées de la pondération prévue à l'article 148, paragraphe 2, du traité. Le président ne prend pas part au vote.
3. a) La Commission arrête les mesures envisagées lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité.
b) Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis du comité, ou en l'absence d'avis, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.
c) Si, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la saisine du Conseil, celui-ci n'a pas statué, les mesures proposées sont arrêtées par la Commission."
25 Aux termes de l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques", modifié:
"Sont arrêtées selon la (procédure prévue par l'article 10 de la directive), après consultation du comité scientifique de cosmétologie, à l'initiative soit de la Commission, soit d'un État membre, les modifications nécessaires pour adapter au progrès technique les annexes II à VII."
26 Les rédactions de l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques", dans les différentes versions linguistiques, et leur comparaison, ne font pas ressortir clairement si la consultation du comité doit ou non avoir lieu dans tous les cas. En effet, la structure de la phrase, les termes et les expressions employés dans les différentes versions linguistiques de la directive permettent de retenir deux interprétations de cet article. Cet article peut être interprété en ce sens que le comité scientifique est réuni seulement si la Commission ou un État membre le souhaite. Mais cet article peut également être interprété en ce sens qu'il appartient à la Commission ou aux États membres de prendre l'initiative de réunir le comité dont la consultation est obligatoire dans tous les cas.
27 Cette incertitude sur la portée de l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques" est renforcée si on rapproche la rédaction de cet article des rédactions voisines employées dans les articles 8 bis, paragraphe 3, et 10, paragraphe 1, de la même directive.
28 Bien qu'ils soient tous deux issus de la directive 82-368-CEE du Conseil, du 17 mai 1982, portant deuxième modification de la directive 76-768-CEE (JO L 167, p.1), et bien qu'ils instaurent des procédures de décision comparables dans lesquelles intervient le comité scientifique, les articles 8, paragraphe 2, et 8 bis, paragraphe 3, de la directive "cosmétiques" n'ont pas, en ce qui concerne la consultation de ce comité, des rédactions identiques dans toutes les versions linguistiques de la directive. Certaines versions des deux articles, telles la version allemande ou la version néerlandaise, adoptent la même rédaction alors que d'autres versions, telles les versions anglaise, française ou grecque, retiennent des rédactions différentes. Prises littéralement, les rédactions retenues dans la version danoise sont même sensiblement différentes: "... efter at Det videnskabelige udvalg for Kosmetologi paa foranledning af Kommissionen eller en medlemsstat har vaeret hoert..." en ce qui concerne l'article 8, paragraphe 2, et "... og, saafremt Kommissionen eller en medlemsstat oensker det, efter samraad med Det videnskabelige udvalg for Kosmetologi..." en ce qui concerne l'article 8 bis, paragraphe 3. Ainsi, en admettant même que la consultation du comité scientifique dans le cadre de l'article 8 bis, paragraphe 3, soit facultative, il n'est pas possible, en l'absence de toute précision dans les considérants ou dans les autres dispositions de la directive 82-368, de dire si, sur ce point, le législateur communautaire a ou non entendu donner le même sens aux dispositions des articles 8, paragraphe 2, et 8 bis, paragraphe 3.
29 Quant à l'article 10, paragraphe 1, de la directive "cosmétiques", il concerne la consultation du comité pour l'adaptation au progrès technique des directives, créé par l'article 9 de la même directive. Compte tenu de l'économie de l'article 10, il est manifeste que la consultation de ce comité présente un caractère obligatoire. Cependant, pour définir les conditions de saisine de ce comité, le législateur communautaire a employé les mêmes mots ou les mêmes formules que ceux qu'il a employés dans les articles 8, paragraphe 2, et 8 bis, paragraphe 3, puisqu'il a prévu une consultation de ce comité à l'"initiative" ou à la "demande" du représentant de la Commission ou des représentants des États membres.
30 Dans ces conditions, pour lever l'ambiguïté du libellé de l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques" et pour apprécier si la consultation du comité scientifique est ou non obligatoire, il est nécessaire de se référer au rôle de ce dernier comité dans le cadre de la procédure d'adaptation des annexes II à VII de la directive "cosmétiques".
31 Comme le soulignent notamment les considérants des directives 76-768, 82-368 et 90-121, précitées, l'élaboration et l'adaptation des règles communautaires en matière de produits cosmétiques reposent sur des appréciations de caractère scientifique et technique qui doivent être fondées sur les résultats les plus récents de la recherche internationale et qui sont souvent complexes. Tel est, en particulier, le cas lorsqu'il s'agit d'apprécier si une substance est ou non dangereuse pour la santé humaine.
32 Or, comme elle l'a reconnu elle-même devant la Cour, la Commission n'est pas en mesure de porter de telles appréciations. Ainsi, elle n'a pas été en mesure de préciser les raisons pour lesquelles le 11 Alpha OHP était une substance dangereuse qui devait être interdite ni de porter une appréciation sur les conclusions de l'expert désigné par le Verwaltungsgericht Hamburg dans le délai qui lui était imparti par la Cour, bien que le terme de ce délai fût très largement postérieur tant à l'interdiction du 11 Alpha OHP par la douzième directive qu'à la présentation du rapport de l'expert.
33 Le comité pour l'adaptation au progrès technique des directives, qui est composé uniquement de représentants des États membres et de la Commission, n'est pas davantage en mesure de porter une telle appréciation. Ainsi que l'a relevé le Gouvernement du Royaume-Uni dans ses observations orales devant la Cour, ce comité doit, dans les faits, en dehors de toute disposition prévue à cet effet, être assisté par des experts délégués par les États membres sur les questions -scientifiques et techniques.
34 En revanche, le comité scientifique a pour fonction d'aider les autorités communautaires sur les questions scientifiques et techniques afin de leur permettre de déterminer, en toute connaissance de cause, les mesures d'adaptation nécessaires.
35 Il ressort en effet des motifs de la décision 78-45-CEE de la Commission, du 19 décembre 1977, relative à l'institution d'un comité scientifique de cosmétologie (JO 1978, L 13, p. 24), que le comité scientifique, qui est composé de personnalités hautement qualifiées dans les disciplines utiles pour la cosmétologie, comme la médecine, la toxicologie, la biologie ou la chimie, a été créé pour apporter à la Commission le concours nécessaire à l'examen des problèmes complexes que soulèvent, sur les plans scientifique et technique, l'élaboration et l'adaptation des règles communautaires en matière de produits cosmétiques.
36 La Commission a reconnu devant la Cour que la consultation de ce comité dans le cadre de la procédure d'adaptation des annexes de la directive "cosmétiques" permettait de garantir que les mesures avaient un fondement scientifique, qu'elles tenaient compte de l'état le plus récent de la recherche scientifique et technique et que seules étaient édictées les interdictions nécessaires à la santé publique.
37 La Commission ne saurait utilement soutenir, comme elle l'a fait lors de la procédure orale, que la consultation du comité scientifique n'est nécessaire que lorsqu'il est envisagé d'autoriser l'usage d'une substance dans la fabrication de produits cosmétiques. D'une part, aucune disposition de la directive "cosmétiques" ne distingue selon que la mesure envisagée est une interdiction ou une autorisation d'utilisation de la substance. D'autre part, la Commission ne saurait, sans méconnaître les dispositions de la directive "cosmétiques", interdire l'usage d'une substance qui, compte tenu des résultats de la recherche scientifique et technique la plus récente, pourrait être regardée comme ne présentant aucun danger.
38 Dans la mesure où la consultation du comité scientifique est destinée à assurer que les mesures prises au plan communautaire sont nécessaires et adaptées à l'objectif de protection de la santé humaine poursuivi par la directive "cosmétiques", cette consultation est donc obligatoire dans tous les cas.
39 Cette interprétation est confirmée par la nouvelle rédaction qu'a donnée à l'article 8, paragraphe 2, la directive 93-35-CEE du Conseil, du 14 juin 1993, modifiant, pour la sixième fois, la directive 76-768-CEE (JO L 151, p. 32), dont les dispositions ne sont cependant pas applicables au litige au principal. Dans sa nouvelle rédaction, l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques" exige, sans autre précision, la consultation du comité scientifique si bien qu'il est clair que cette formalité est obligatoire. Or, aucune disposition du préambule ne laisse même apparaître que le législateur communautaire ait entendu modifier la portée de l'article 8, paragraphe 2, de la directive "cosmétiques" sur ce point essentiel et, en particulier, qu'il ait entendu rendre obligatoire une formalité qui ne l'était pas auparavant.
40 En réponse aux questions écrites de la Cour, la Commission a indiqué que, si le comité scientifique avait été consulté au sujet des mesures prises en ce qui concerne certaines substances visées par la douzième directive, il n'avait pas été consulté, en revanche, au sujet de l'interdiction du 11 Alpha OHP.
41 La procédure d'adoption de la douzième directive a ainsi été entachée d'une irrégularité substantielle de nature à entraîner l'invalidité de la directive en tant qu'elle interdit l'utilisation du 11 Alpha OHP dans la fabrication des produits cosmétiques.
42 Par suite, il y a lieu de répondre à la troisième question préjudicielle que les dispositions de l'article 1er de la douzième directive inscrivant le 11 Alpha OHP et ses esters sur la "liste des substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques" figurant à l'annexe II de la directive "cosmétiques", ne sont pas valides.
Sur les première et deuxième questions préjudicielles
43 Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au point 18 du présent arrêt, les première et deuxième questions préjudicielles n'ont de sens, pour le litige au principal, que dans le cas où la directive dont il est fait application est valide.
44 Compte tenu de la réponse à la troisième question, il n'y a pas lieu de statuer sur les deux premières questions.
Sur les dépens
45 Les frais exposés par le Gouvernement allemand, le Gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht Hamburg, par ordonnance du 6 juin 1991, dit pour droit:
Les dispositions de l'article 1er de la douzième directive 90-121-CEE de la Commission, du 20 février 1990, portant adaptation au progrès technique des annexes II, III, IV, V et VI de la directive 76-768-CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, inscrivant le 11 Alpha OHP et ses esters sur la "liste des substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques", ne sont pas valides.