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Décisions

CJCE, 17 décembre 1970, n° 25-70

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Einfuhr - und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel

Défendeur :

Köster et Berodt & Co.

CJCE n° 25-70

17 décembre 1970

LA COUR,

1 Attendu que, par ordonnance du 21 avril 1970, parvenue à la Cour le 28 mai 1970, le Hessischer Verwaltungsgerichtshof a demandé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CEE, de se prononcer à titre préjudiciel sur "la validité du règlement n° 102-64-CEE de la Commission, du 28 juillet 1964, relatif aux certificats d'importation et d'exportation pour les céréales, les produits transformés à base de céréales, le riz, les brisures et les produits transformés à base de riz (JO 1964, p. 2125), et notamment sur la question de savoir si les articles 1 et 7 dudit règlement sont valides en tant qu'ils concernent les certificats d'exportation et les cautions constituées en vue de l'obtention des certificats d'exportation" ;

2 Attendu qu'il apparaît de l'ordonnance de renvoi que la question posée a été soulevée dans le cadre d'une procédure d'appel contre un jugement rendu par le Verwaltungsgericht (Tribunal administratif) de Francfort-sur-le-Main, portant annulation d'une décision de la Einfuhr - und Vorratsstelle Fuer Getreide und Futtermittel qui avait déclaré acquise une caution à défaut, par la défenderesse, d'avoir réalisé dans les délais une exportation couverte par un certificat délivré en vertu de l'article 7 du règlement n° 102-64 ;

Que, compte tenu tant que la motivation du jugement de première instance que des contestations soulevées en appel par la défenderesse au principal en ce qui concerne la régularité du régime de cautionnement fixé par les articles 1 et 7 du règlement n° 102-64, le Hessischer Verwaltungsgerichtshof a précisé sa question au moyen de quatre questions subordonnées qu'il convient de considérer séparément ;

1 - Sur la question relative à la procédure "du Comité de gestion"

3 Attendu qu'il est d'abord demandé à la Cour s'il faut considérer comme contraire au traité CEE la procédure prévue à l'article 26 du règlement n° 19 du Conseil, du 4 avril 1962, portant établissement graduel d'une organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO 1962, p. 933), en application de laquelle a été arrêté le règlement n° 102-64 de la Commission et si cette procédure est notamment compatible avec les articles 43, paragraphe 2, 155, 173, 177 et 189, alinéa 1 du traité CEE ;

4 Attendu que cette question concerne la légalité de la procédure dite "du Comité de gestion" introduite par les articles 25 et 26 du règlement n° 19 et reprise par de nombreux autres règlements agricoles ;

Que les dispositions susvisées du traité font reconnaître que la question posée concerne plus particulièrement la compatibilité de la procédure du Comité de gestion avec la structure communautaire et l'équilibre institutionnel au regard tant des rapports entre institutions que de l'exercice de leurs pouvoirs respectifs ;

5 Attendu qu'il est prétendu, en premier lieu, que la compétence pour arrêter le régime litigieux aurait appartenu au Conseil qui, aux termes de l'article 43, paragraphe 2, alinéa 3, du traité, aurait dû statuer sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée et que dès lors la procédure suivie aurait dérogé aux procédures et compétences déterminées par cette disposition du traité ;

6 Attendu que tant le système législatif du traité, reflété notamment par l'article 155, dernier tiret, que la pratique constante des institutions communautaires établissent, conformément aux conceptions juridiques reçues dans tous les États membres, une distinction entre les mesures qui trouvent directement leur base dans le traité même et le droit dérivé destiné à assurer leur exécution ;

Qu'on ne saurait donc exiger que tous les détails des règlements concernant la politique agricole commune soient établis par le Conseil selon la procédure de l'article 43 ;

Qu'il est satisfait à cette disposition dès lors que les éléments essentiels de la matière à régler ont été arrêtés conformément à la procédure qu'elle prévoit ;

Que, par contre, les dispositions d'exécution des règlements de base peuvent être arrêtées suivant une procédure différente de celle de l'article 43, soit par le Conseil lui-même, soit par la Commission en vertu d'une habilitation conforme à l'article 155 ;

7 Que les mesures faisant l'objet du règlement d'application n° 102-64 de la Commission ne dépassent pas le cadre de l'exécution des principes du règlement de base n° 19 ;

Que la Commission a donc pu être valablement habilitée, par le règlement n° 19, à prendre les mesures d'application en cause, dont la validité ne saurait dès lors être contestée au regard des exigences de l'article 43, paragraphe 2, du traité ;

8 Attendu qu'en second lieu, la défenderesse au principal critique la procédure "du Comité de gestion" du fait qu'elle constituerait une ingérence dans le droit de décision de la Commission, au point de mettre en cause l'indépendance de cette institution ;

Que, pour le surplus, l'interposition, entre le Conseil et la Commission, d'un organisme non-prévu par le traité aurait pour effet de fausser les rapports interinstitutionnels et l'exercice du droit de décision ;

9 Attendu que l'article 155 dispose que la Commission exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l'exécution des règles qu'il établit ;

Que cette disposition, dont l'emploi est facultatif, permet au Conseil de déterminer les modalités éventuelles auxquelles il subordonne l'exercice, par la Commission, du pouvoir à elle attribué ;

Que la procédure dite "du Comité de gestion" fait partie des modalités auxquelles le Conseil peut, légitimement, subordonner une habilitation de la Commission ;

Qu'il résulte, en effet, de l'analyse du mécanisme institué par les articles 25 et 26 du règlement n° 19 que la mission du Comité de gestion est de donner des avis sur le projet des mesures envisagées par la Commission ;

Que celle-ci peut arrêter des mesures immédiatement applicables, quel que soit l'avis du Comité de gestion ;

Qu'en cas d'avis non-conforme de ce comité, la seule obligation incombant à la Commission est celle de communiquer au Conseil les mesures prises ;

Que le Comité de gestion a pour fonction d'assurer une consultation permanente afin d'orienter la Commission dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par le Conseil et de permettre à celui-ci de substituer son action à celle de la Commission ;

Que le Comité de gestion n'a donc pas le pouvoir de prendre une décision aux lieu et place de la Commission ou du Conseil ;

Que, dès lors, sans fausser la structure communautaire et l'équilibre institutionnel, le mécanisme du Comité de gestion permet au Conseil d'attribuer à la Commission un pouvoir d'exécution d'une étendue appréciable, sous réserve d'évoquer éventuellement la décision ;

10 Que la légitimité de la procédure dite "du Comité de gestion", dans les termes des articles 25 et 26 du règlement n° 19, ne saurait dès lors être contestée au regard de la structure institutionnelle de la Communauté ;

11 Attendu que la défenderesse au principal a encore critiqué la procédure du Comité de gestion en raison du fait que, par l'institution d'un " droit de cassation " réservé au Conseil à l'égard des mesures prises par la Commission, ce mécanisme aurait privé la Cour de justice de certaines de ses attributions ;

12 Attendu que cette objection repose sur une qualification erronée du droit d'évocation réservé au Conseil ;

Que la procédure prévue par l'article 26 du règlement n° 19 a pour effet de permettre au Conseil de substituer sa propre action à celle de la Commission en cas d'avis négatif du Comité de gestion ;

Que le système est donc aménagé de telle manière que les décisions d'application adoptées en vertu du règlement de base sont prises dans tous les cas, soit par la Commission, soit, exceptionnellement, par le Conseil ;

Que ces actes, quel qu'en soit l'auteur, sont de nature à donner ouverture, dans des conditions identiques, soit à la procédure d'annulation de l'article 173, soit à la procédure préjudicielle de l'article 177 du traité ;

Qu'il apparaît dès lors que l'exercice, par le Conseil, de son droit d'évocation ne limite en rien les compétences de la Cour de justice ;

2 - Sur la question relative à l'habilitation de la Commission

13 Attendu qu'il est demandé à la Cour de dire si le règlement n° 102-64 de la Commission est dépourvu de base valable d'habilitation, en tant qu'il réglemente, à son article 1, l'obligation d'exporter qu'implique le certificat d'exportation, à son article 7, paragraphe 1, la nécessité de constituer une caution pour obtenir ce certificat et, à son article 7, paragraphe 2, la perte de la caution dans le cas où l'obligation d'exporter n'a pas été remplie, ou bien si la Commission trouve cette habilitation, soit dans le traité CEE en général, soit dans les dispositions combinées des paragraphes 2 et 3 de l'article 16 ou dans les articles 19 ou 20 du règlement n° 19 du Conseil ;

14 Attendu qu'il résulte de la motivation du jugement de première instance, autant que des observations de la défenderesse au principal, que cette question concerne un doute relatif à l'habilitation de la Commission à l'effet d'étendre le régime de cautionnement tant à l'exportation de céréales qu'à l'importation ou à l'exportation de produits transformés à base de céréales ;

Que ce doute ayant son origine dans la rédaction de l'article 16 du règlement n° 19, il y a lieu d'examiner si cette disposition fournit une base d'habilitation suffisante aux mesures d'application prises dans le cadre du règlement n° 102-64 au sujet des exportations et, en général, des produits transformés ;

15 Attendu qu'aux termes de l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 19, toute importation ou exportation des produits visés à l'article 1 est soumise à la présentation d'un certificat d'importation ou d'exportation ;

Qu'à cette disposition générale, le paragraphe 2 du même article ajoute diverses spécifications en ce qui concerne la durée du certificat d'importation pour les céréales, en ajoutant que "la délivrance du certificat est subordonnée à la constitution d'une caution ... " ;

Qu'enfin, le paragraphe 3 dispose que "les modalités d'application du présent article ... sont arrêtées suivant la procédure prévue à l'article 26", en spécifiant que cette disposition s'applique "notamment" à la détermination de la durée de validité du certificat d'importation pour les produits transformés à base de céréales ;

Que la rédaction de cet article a fait naître la question de savoir si, le régime de cautionnement n'étant mentionné dans le paragraphe 2 de l'article 16 qu'en relation avec les certificats d'importation des céréales proprement dites, la Commission a pu légitimement l'étendre, par l'effet du règlement d'application n° 102-64, aux exportations et aux produits transformés ;

16 Attendu que ces diverses dispositions doivent être interprétées à la lumière du système et des finalités tant de l'article 16 que du règlement n° 19 dans son ensemble ;

Que le paragraphe 1 de l'article 16 traduit l'intention d'établir un régime destiné à régir indistinctement les importations et les exportations de tous les produits soumis à une organisation de marché par l'effet du règlement n° 19 ;

Que, dans le même esprit, le paragraphe 3 renvoie à la procédure prévue à l'article 26 la détermination de toutes modalités d'application à intervenir dans le cadre de l'article 16 ;

17 Que, placé entre ces deux dispositions de portée générale, le paragraphe 2 constitue une mesure d'application spéciale, destinée à mettre en œuvre une partie des dispositions envisagées par le paragraphe 1 ;

Qu'une interprétation restreignant au seul certificat d'importation, et à une partie seulement des produits qui font l'objet de l'organisation de marché, les garanties d'efficacité prévues par le règlement, aurait pour effet d'affecter le fonctionnement harmonieux du système ;

18 Qu'il faut donc interpréter l'article 16 comme ayant compris dans le renvoi aux mesures d'application prévues par le paragraphe 3 toutes dispositions destinées à compléter les mesures fragmentaires prévues par le paragraphe 2, selon le modèle de cette même disposition ;

Que la Commission était donc habilitée à inclure dans le règlement n° 102-64, en ce qui concerne les certificats d'exportation, les dispositions relatives à l'obligation d'exporter et au cautionnement qui font l'objet des articles 1 et 7, ainsi que celles qui concernent les produits de transformation, catégorie dans laquelle rentrent les marchandises dont la non-exportation est à l'origine du litige ;

19 Qu'ainsi, il n'apparaît pas nécessaire d'examiner dans quelle mesure les articles 19 et 20 du règlement n° 19 auraient pu fournir, éventuellement, une base juridique aux dispositions du règlement n° 102-64 ;

3 - Sur la question relative aux principes de liberté économique et de proportionnalité

20 Attendu qu'il est demandé à la Cour de dire si les dispositions du règlement n° 102-64 de la Commission relatives à l'obligation d'exporter qui est inhérente à tout certificat d'exportation (article 1) ainsi qu'à la constitution et à la perte de la caution constituée en vue de l'obtention des certificats d'exportation (article 7) violent un principe obligeant l'administration à ne mettre en œuvre que des mesures proportionnées au but à atteindre ou lui interdisant de recourir à des mesures excessives et s'il en va notamment ainsi dans le cas, visé à l'article 7, paragraphe 1, où la caution est constituée en vue de l'obtention de certificats d'exportation pour lesquels le montant de la restitution n'est pas fixé à l'avance ;

21 Attendu qu'il résulte de la motivation du jugement de première instance que le Tribunal administratif a considéré comme non-valide l'engagement rattaché à la délivrance des certificats d'importation ou d'exportation, selon l'article 1 du règlement n° 102-64, ainsi que le cautionnement prévu par l'article 7, alinéa 1 du même règlement, à l'effet de garantir l'exécution de cet engagement, en raison d'un prétendu excès de pouvoir contraire aux principes de liberté économique et de proportionnalité ;

Que, selon le tribunal, ces principes destinés à garantir le respect des droits fondamentaux feraient partie intégrante du droit international autant que de l'ordre juridique supra-étatique, de manière qu'une loi communautaire contraire à ces notions devrait être considérée comme nulle ;

22 Attendu que le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de justice assure le respect ;

Qu'il y a lieu dès lors d'examiner, en réponse à la question posée et en vue des principes invoqués, si le régime de cautionnement aurait porté atteinte à des droits de caractère fondamental dont le respect doit être assuré dans l'ordre juridique communautaire ;

23 Attendu que le but du régime de cautionnement est exposé dans le sixième considérant du préambule du règlement n° 102-64, aux termes duquel "il convient d'éviter de mettre en circulation des certificats qui ne seraient pas suivis d'importation et d'exportation", étant donné que "ces certificats donneraient une vue erronée de la situation du marché" et qu'à cette fin, la délivrance de certificats est subordonnée à la constitution d'une caution qui restera acquise s'il n'a pas été satisfait à l'obligation d'importer ou d'exporter ;

Qu'il résulte de ces considérations, autant que du système général des règlements n° 19 et 102-64, que le régime de cautionnement est destiné à garantir la réalité des importations et exportations pour lesquelles les certificats sont demandés, afin d'assurer tant à la Communauté qu'aux États membres une connaissance exacte des transitions projetées ;

24 Que cette connaissance, ensemble avec les autres renseignements disponibles sur l'état du marché, est indispensable pour permettre aux autorités compétentes une utilisation judicieuse des instruments d'intervention, ordinaires et exceptionnels, mis à leur disposition en vue de garantir le fonctionnement du régime des prix institué par le règlement, tels que les actions d'achat, de stockage et de déstockage, la fixation des primes de dénaturation, la fixation des restitutions à l'exportation, l'application de mesures de sauvegarde et le choix de mesures destinées à éviter les détournements de trafic ;

Que cette nécessité est d'autant plus impérieuse que la mise en œuvre de la politique agricole commune entraîne de lourdes responsabilités financières à charge de la Communauté et des États membres ;

25 Qu'il importe dès lors que les autorités compétentes disposent non seulement de renseignements statistiques sur l'état du marché, mais encore de prévisions précises sur les importations et les exportations à venir ;

Qu'en présence de l'obligation, imposée aux États membres par l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 19, de délivrer des certificats d'importation ou d'exportation à tout intéressé, une projection d'avenir serait dénuée de signification si les certificats ne comportaient pas, pour les bénéficiaires, l'engagement d'agir en conséquence ;

Qu'à son tour, cet engagement resterait sans efficacité si son observation n'était pas assurée par des moyens appropriés ;

26 Qu'on ne saurait critiquer le choix, à cet effet, par le législateur communautaire, du moyen du cautionnement, compte tenu du fait que ce mécanisme est adapté au caractère volontaire des demandes de certificats et qu'il possède, sur les autres systèmes possibles, le double avantage de la simplicité et de l'efficacité ;

27 Qu'un régime de simple déclaration des exportations effectuées et des certificats non-utilisés, tel qu'il a été préconisé par la défenderesse au principal, serait, en raison de son caractère rétrospectif et en l'absence de toute garantie d'application, incapable de procurer aux autorités compétentes des données certaines sur l'évolution des mouvements de marchandises ;

Que, de même, un système d'amendes infligées "a posteriori" entraînerait de notables complications administratives et juridictionnelles au stade tant de la décision que de l'exécution ;

28 Qu'il apparaît dès lors que l'exigence de certificats d'importation et d'exportation comportant, pour les bénéficiaires, l'engagement d'exécuter les opérations projetées sous la garantie d'un cautionnement constitué un moyen à la fois nécessaire et approprié en vue de permettre aux autorités compétentes de déterminer de la manière la plus efficace leurs interventions sur le marché des céréales ;

29 Que le régime de cautionnement ne saurait donc être contesté dans son principe ;

30 Attendu qu'il convient cependant d'examiner si certaines modalités du régime de cautionnement ne pourraient pas être contestées au regard des principes évoqués par la question, alors d'ailleurs que la défenderesse au principal a allégué que la charge du cautionnement serait excessive pour le commerce, au point de porter atteinte aux droits fondamentaux ;

31 Attendu que, pour apprécier la charge réelle du cautionnement incombant au commerce, il convient de prendre en considération non pas tant le montant du cautionnement qui est remboursé - soit 0,5 unité de compte par 1 000 kg - que les frais et charges entraînés par sa constitution ;

Qu'il ne saurait être tenu compte, dans l'appréciation de cette charge, de la perte de la caution elle-même, les commerçants étant protégés d'une manière adéquate par les dispositions du règlement relatives aux circonstances comme cas de force majeure ;

Que les frais de cautionnement ne constituent pas un montant disproportionné à la valeur des marchandises en jeu et aux autres frais commerciaux ;

32 Qu'il apparaît dès lors que les charges résultant du régime de cautionnement ne sont pas excessives et sont la conséquence normale d'un régime d'organisation des marchés conçu selon les exigences de l'intérêt général, défini par l'article 39 du traité, qui vise à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole tout en assurant des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ;

33 Attendu que la défenderesse au principal expose encore que la perte de la caution, consécutive à la non-exécution de l'engagement d'importer ou d'exporter, constituerait en réalité une amende ou une peine que le traité n'aurait pas habilité le Conseil et la Commission à instituer ;

34 Attendu que cet argument repose sur une analyse erronée du régime de cautionnement, qui ne saurait être assimilé à une sanction pénale puisqu'il ne constitue que la garantie d'exécution d'un engagement volontairement assumé ;

35 Attendu, enfin, que manque de pertinence l'argument de la défenderesse au principal tiré du fait que les services de la Commission ne seraient, techniquement, pas à même d'exploiter les renseignements fournis par le système critiqué qui serait, dès lors, dénué de toute utilité pratique, cette contestation ne pouvant mettre en cause le principe même du régime de cautionnement ;

36 Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces considérations que le régime des certificats entraînant, pour ceux qui en font la demande, l'engagement d'importer ou d'exporter garanti par une caution, ne porte atteinte à aucun droit de caractère fondamental ;

Que le mécanisme de cautionnement constitue un moyen approprié, au sens de l'article 40, paragraphe 3, du traité, de l'organisation commune des marchés agricoles, dépourvu de tout excès et, par ailleurs, conforme aux exigences de l'article 43 ;

4 - Sur la question relative à la notion de force majeure

37 Attendu qu'il est demandé à la Cour de dire si la disposition du règlement n° 102-64 relative à la perte de la caution (article 7, paragraphe 2) est dénuée de validité en raison du fait que, sans que le législateur se préoccupe de savoir si la non-exécution de l'obligation d'exporter est fautive, le seul cas dans lequel la caution ne reste pas acquise est, aux termes de l'article 8, celui où l'exportation ne peut être effectuée pendant la durée de validité du certificat par suite de circonstances à considérer comme cas de force majeure ;

38 Attendu que la notion de force majeure retenue par les règlements agricoles tient compte de la nature particulière des rapports de droit public entre les opérateurs économiques et l'administration nationale, ainsi que des finalités de cette réglementation ;

Qu'il résulte de ces finalités autant que des dispositions positives des règlements en cause que la notion de force majeure n'est pas limitée à celle d'impossibilité absolue, mais s'applique aussi à des circonstances anormales, étrangères à l'importateur ou à l'exportateur, et dont les conséquences n'auraient pu être évitées qu'au prix de sacrifices excessifs, malgré toutes les diligences déployées ;

Que cette notion implique une souplesse suffisante en ce qui concerne, non seulement la nature de l'événement invoqué, mais encore les diligences que l'exportateur aurait dû effectuer pour y faire face et l'étendue des sacrifices qu'il aurait, à cet effet, dû accepter ;

39 Que le système établi par le règlement n° 102-64 tend à libérer les opérateurs économiques de leur engagement dans les seuls cas où l'opération d'importation ou d'exportation n'a pu être réalisée pendant la durée de validité du certificat à la suite des événements visés par le texte cité ;

Qu'en dehors de tels événements, pour lesquels ils ne sauraient assumer de responsabilité, les importateurs et exportateurs sont tenus de se conformer aux prescriptions des règlements agricoles, sans pouvoir y substituer des considérations tirées de leur propre intérêt ;

40 Qu'il apparaît dès lors qu'en limitant aux cas de force majeure l'annulation de l'engagement d'exporter et la libération de la caution, le législateur communautaire a pris une disposition qui, sans imposer une charge indue aux importateurs ou aux exportateurs, est appropriée en vue d'assurer le fonctionnement normal de l'organisation du marché des céréales, dans l'intérêt général tel que défini par l'article 39 du traité ;

Qu'il en résulte qu'aucun argument ne saurait être tiré, contre la validité du régime de cautionnement, des dispositions limitant la libération de la caution aux circonstances reconnues comme cas de force majeure ;

Sur les dépens

41 Attendu que les frais exposés par le Conseil et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ;

Que la procédure revêt, à l'égard des parties en cause, le caractère d'un incident soulevé au cours du litige pendant devant le Hessischer Verwaltungsgerichtshof et que la décision sur les dépens appartient, dès lors, à cette juridiction ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par le Hessischer Verwaltungsgerichtshof à Kassel par ordonnance du 21 avril 1970, dit pour droit :

L'examen de la question posée n'a pas révélé d'élément de nature à affecter la validité :

1) du règlement n° 102-64-CEE de la Commission, du 28 juillet 1964, relatif aux certificats d'importation et d'exportation pour les céréales, les produits transformés à base de céréales, le riz, les brisures et les produits transformés à base de riz, pris en vertu de l'article 16, paragraphe 3, du règlement n° 19 selon la procédure "du Comité de gestion" instituée par l'article 26 du même règlement ;

2) des articles 1 et 7 du règlement n° 102-64-CEE de la Commission, en tant qu'ils concernent les certificats d'exportation et les cautions constituées en vue de l'obtention de ces certificats.