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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 1 mars 2006, n° 04-01729

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FID (SA)

Défendeur :

Adedis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Garnier, Me Teytaud

Avocats :

Mes Denis, Tuffreau

T. com. Evry, du 16 oct. 2003

16 octobre 2003

FID, qui regroupe sous l'enseigne " Centre Auto Formule 1 " des professionnels de la réparation automobile, reprochant a son concurrent Adedis, exploitant sous l'enseigne " Maxauto " des actes de concurrence déloyale, a, par acte du 25 avril 2001, assigné cette société devant le Tribunal de commerce d'Evry afin de faire constater les dits actes et d'en obtenir réparation.

Par jugement du 1er octobre 2003, la juridiction consulaire, faisant droit à cette demande, a condamné Adedis à payer à FID 10 000 euro de dommages-intérêts outre 4 573 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'exécution provisoire étant prononcée.

Par déclaration du 27janvier 2004, FID a interjeté appel de cette décision et conclut le 10 janvier 2006 à ce qu'Adedis soit condamnée à lui payer 798 330 euro de dommages-intérêts, outre 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Adedis réplique le 2 décembre 2005 en sollicitant le débouté, estimant l'action irrecevable et, subsidiairement, déclare n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale ; 5 000 euro sont réclamés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Sur l'irrecevabilité :

Considérant qu'Adedis soulève une fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir de FID dès lors que cette dernière a déjà obtenu, par arrêt de la Cour d'appel de Toulouse en date du 3 octobre 2002, 15 000 euro de dommages-intérêts pour démarchage déloyal;

Considérant que FID s'oppose à cet argument en faisant valoir qu'elle n'a pu recevoir cette somme des consorts Tauleigne condamnés, ceux-ci faisant l'objet d'une procédure collective;

Considérant, en effet, que la condamnation d'un responsable d'un dommage à le réparer ne prive pas la victime de son intérêt à agir contre les autres responsables prétendus du même dommage tant qu'elle n'a pas effectivement reçu réparation;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en raison de la procédure collective ci-dessus rappelée, tel est le cas en l'espèce;

Considérant que FID conservant donc un intérêt à agir, il y lieu de rejeter cette fin de non-recevoir et de déclarer la présente action recevable;

Au fond :

Sur les actes de concurrence déloyale invoqués :

Considérant que pour soutenir qu'Adedis a agi à son encontre de façon déloyale, FID fait valoir que cette société a signé le 6 mars 2000 avec l'agence de publicité Antiope, dirigée par les consorts Tauleigne et avec laquelle FID avait été liée jusqu'en décembre 1999, un contrat, auquel était annexée la liste de tous les membres du réseau " Formule 1 ", et dont l'objet était d'obtenir le passage sous l'enseigne "Maxauto" des membres du réseau " Formule 1", étant entendu que huit membres de ce réseau l'ont ultérieurement quitté en cours de contrat;

Considérant qu'Adedis, qui ne conteste pas la réalité du contrat passé avec l'agence Antiope, estime néanmoins que l'avenant du 3 juillet 2000, qui prévoyait que les actions menées par Antiope pour le compte d'Adedis devaient être réalisées "dans le strict respect des règles en vigueur", a mis fin au contrat du 6 mars en raison de l'inefficacité de l'agence; qu'au demeurant aucun lien de causalité n'est démontré entre cette première convention et le préjudice allégué par FID, les sociétés qui ont quitté le réseau "Formule 1" l'ayant fait pour d'autres raisons que le démarchage de l'agence Antiope;

Mais considérant que l'objet du contrat signé le 6 mars 2000 entre Adedis et l'agence Antiope était le passage sous l'enseigne "Maxauto" des magasins dont la liste était reprise en annexe;

Considérant que cette liste, fournie par l'agence Antiope qui avait été en relations contractuelles avec FID ainsi qu'il a été dit, reprenait les coordonnées précises de l'ensemble des membres du réseau "Formule 1";

Considérant qu'Adedis en choisissant de contracter avec l'agence Antiope ne pouvait ignorer la réalité des engagements antérieurs de celle-ci, le contrat du 6 mars 2000 faisant d'ailleurs explicitement mention de la continuité de relations qui existaient encore entre ladite agence et certains membres du réseau "Formule 1";

Considérant qu'il résulte tant des pièces au débat que de l'arrêt précité de la Cour de Toulouse, aujourd'hui définitif, que l'agence Antiope a aussitôt le contrat signé, démarché les membres du réseau "Formule 1" afin de leur faire quitter celui-ci pour rejoindre "Maxauto";

Considérant, dès lors, que la résiliation invoquée des dispositions du contrat du 6 mars par l'avenant du 3 juillet ne saurait démentir ce constat touchant des faits antérieurs au 3 juillet, qu'au demeurant, en invoquant dans ses écritures l'inefficacité de l'agence dans l'exécution de sa mission pour justifier ledit avenant, Adedis reconnaît implicitement que le contrat du 6 mars 2000 a été mis en œuvre, même si elle estime que les actions de démarchage entreprises ont été insuffisantes au regard de l'objectif fixé au contrat (20 points de vente), 7 points de vente seulement ayant quitté le réseau au 1er semestre 2000;

Considérant qu'il ne saurait être argué, ainsi que le soutient l'intimée, que le départ de ces centres serait sans lien avec le contrat litigieux mais aurait pour seule origine les mauvaises relations entre ceux-ci et FID;

Considérant, en effet, qu'il suffit de constater que ce départ est intervenu après le démarchage de l'agence Antiope accompli en exécution du contrat litigieux, que peu importe en l'espèce que les membres du réseau aient pu trouver dans leurs relations avec FID d'autres mobiles que les offres présentées au nom d'Adedis par Antiope, ces offres ayant en l'espèce, été la cause déterminante de leur départ;

Considérant que l'ensemble de ces faits caractérise la mise en œuvre d'un plan systématique de débauchage des membres du réseau "Formule 1" préparé par Adedis et Antiope, Adedis en ayant été l'incitateur et l'agence Antiope l'instrument, le montant des sommes promises par Adedis à Antiope dans le contrat du 6 mars 2000 (500 000 F HT par an sur 2 ans) et son mécontentement, suite aux premiers résultats de cette campagne de tentatives de débauchage systématique, à l'origine de l'avenant du 3 juillet, démontrant, s'il en était besoin, la part prise par Adedis, voire son acharnement, à mener à terme cette action concertée;

Considérant, en conséquence, que le caractère fautif de celle-ci, caractéristique d'une action en concurrence déloyale par débauchage, et son lien de causalité avec les départs de membres du réseau "Formule 1", ainsi qu'il a été démontré, sont acquis et qu'Adedis doit donc assumer la responsabilité de cette faute en réparant l'entier préjudice qui en résulte;

Sur l'évaluation du préjudice

Considérant que pour fixer le montant de l'indemnité réclamée en compensation de celui-ci à la somme de 798 330 euro, FID évalue à 264 759 euro le préjudice correspondant aux pertes sur la location d'enseigne et les remises arrières (pour huit membres ayant quitté le réseau), une somme de 553 571 euro étant, en outre, réclamée pour des pertes de gains correspondant au non-renouvellement pour cinq ans des contrats avec les sociétés ayant quitté le réseau;

Considérant que pour s'opposer à ces demandes Adedis estime que FID ne rapporte pas la preuve des conditions financières qui la liaient à ces membres du réseau, qu'elle ne saurait, au surplus, réclamer, s'agissant de la perte pour non-renouvellement des contrats, l'indemnisation d'un préjudice indirect;

Considérant que, sur ce dernier point, il ne saurait être fait droit à la demande de FID dès lors que le préjudice invoqué est purement hypothétique, le renouvellement de l'appartenance à un réseau ne pouvant être considéré comme automatique, spécialement dans le contexte des professionnels de l'automobile ainsi que le montrent d'ailleurs les péripéties de la présente affaire;

Considérant, sur le premier point, que FID produit aux débats un tableau regroupant pour chacune des 8 sociétés concernées des éléments de chiffres d'affaires et d'autres se rapportant aux commissions, que cependant ces éléments, très incomplets, ne sont justifiés par aucun document contractuel ou pièces comptables, que la seule attestation de l'expert-comptable de FID précisant que "la part des achats rapportée au chiffre d'affaires évolue (sic) l'activité centre auto entre 55 et 57 % (source infogreffe)" et que "le montant moyen des remises de fournisseurs de fin d'année atteint 4 % du montant total des achats" est insuffisante pour pallier le défaut de pièces permettant de vérifier que le préjudice peut être chiffré à hauteur de la demande;

Considérant que dans ces conditions et au vu des conditions du départ des membres du réseau concernés ainsi que de la durée des relations contractuelles restant à courir, le préjudice total de FID peut être fixé à la somme de 10 000 euro, somme que Adedis sera condamnée à lui payer;

Considérant que l'équité n'implique pas qu'il soit fait application en l'espèce de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'action de FID recevable, et bien fondée, Condamne Adedis à payer 10 000 euro de dommages-intérêts à FID, Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Adedis aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Mireille Garnier, avoué.