CA Paris, 5e ch. A, 1 mars 2006, n° 04-20193
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Phyto Sem (SA)
Défendeur :
Sociétés françaises de nutrition animale (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Baufume-Galland, SCP Bourdais-Virenque-Oudinot
Avocats :
Mes Schiff, Remy
La société Phyto Sem, qui a signé avec la SARL Ralston Purina (devenue SFNA) un contrat de concession comme distributeur exclusif le 9 janvier 1995 a assigné, par acte du 10 mars 2003 cette société devant le Tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamnée pour rupture abusive de ce contrat ainsi que pour rupture du contrat de distribution libre sur lequel les relations entre parties se sont poursuivies.
Par jugement du 4 août 2004, la juridiction consulaire a débouté Phyto Sem de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à SFNA, au titre de son solde débiteur, 9 633,73 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, outre 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 19 octobre 2004, Phyto Sem a fait appel de cette décision et conclut le 18 janvier 2006 à l'infirmation, SFNA devant être condamnée à lui payer 74 769 euro pour rupture abusive du premier contrat et 74 769 euro pour rupture abusive du second, outre 4 537,23 euro au titre du remboursement des stocks, une compensation devant être ordonnée entre ces condamnations et la somme de 9 633,73 euro restant due par Phyto Sem à SFNA ; 6 000 euro sont réclamés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 11 janvier 2006, SFNA sollicite la confirmation du jugement entrepris et, à titre d'appel incident, la condamnation de Phyto Sem à lui verser 9 633,73 euro au titre des marchandises restées impayées avec intérêts de droit à compter du 15 octobre 2004, outre 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce
Sur la rupture du contrat de distribution exclusive :
Considérant que pour soutenir sa demande relative au contrat d'exclusivité, Phyto Sem invoque le fait que cette rupture aurait été déloyale et abusive dans la mesure où les motifs invoqués étaient inexacts et qu'aucune prévenance n'aurait été accomplie à son égard;
Considérant que SFNA répond à ces arguments en faisant valoir qu'elle a parfaitement respecté les dispositions contractuelles tant sur le fond que dans la forme, la résiliation du concédant étant motivée " par le niveau particulièrement peu élevé du tonnage (distribué)" et la lettre recommandée avec accusé de réception envoyée précisant que "la présente résiliation prendra effet à l'expiration d'un délai de 120 jours à courir le jour de la présentation de la présente lettre...";
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du contrat précité, il a été convenu que "chacune des parties peut, à tout moment, mettre fin au présent contrat par l'envoi à son co-contractant d'une lettre recommandée avec accusé de réception exprimant sans équivoque son intention de se dégager des accords d'exclusivité. La résiliation ne prend son plein effet qu'à l'expiration d'une période de préavis de 120 jours qui commence à courir le jour de la présentation de la lettre recommandée de résiliation qui doit être motivée. Dès lors que le préavis est respecté et que la rupture n'est pas abusive, celle-ci ne peut ouvrir droit pour quiconque à aucune indemnité ni dommages-intérêts";
Considérant que Phyto Sem estime le motif invoqué dans la lettre inexact et, par conséquent, abusive la rupture qui ne repose ainsi sur aucun motif;
Considérant que l'inexactitude de ce motif résulterait, en premier lieu, de ce que la perte de tonnage invoquée ne pouvait constituer un tel motif, le contrat ne faisant pas de ce point un des éléments du contrat et cette baisse n'étant pas, au surplus, imputable à Phyto Sem mais liée à l'état général du marché;
Considérant que Phyto Sem avance qu'elle résulterait, en second lieu, d'un manque de prévenance formelle mis dans l'annonce de cette motivation après sept ans de relations contractuelles;
Mais considérant qu'il se déduit de l'article 3 ci-dessus rappelé du contrat que si la rupture devait être motivée, la motivation, destinée à vérifier le caractère abusif ou non de ladite rupture, n'avait nullement à justifier d'une faute commise à l'encontre du co-contractant sollicitant la rupture, celle-ci pouvant, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, intervenir à tout moment;
Considérant qu'en motivant cette rupture par une chute du tonnage distribué, fait objectif, qui pouvait relever en partie d'un contexte plus général, mais qui se justifiait pleinement d'un point de vue économique, la société SFNA n'a pas abusé de son droit de mettre fin à tout moment aux relations contractuelles;
Considérant qu'elle a également respecté les conditions de forme et de délai prévues au contrat, étant établi que la résiliation, envoyée par lettre recommandée du 16 octobre 2001, a fait courir à compter de sa réception un délai de préavis de 120 jours;
Considérant, en conséquence, qu'il convient de débouter Phyto Sem de son action de ce chef;
Sur la rupture du contrat de distribution libre :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les parties ont poursuivi leurs relations sur la base d'un contrat de distribution libre;
Considérant que pour soutenir ses prétentions quant au caractère abusif de la rupture de ce second contrat Phyto Sem avance que courant août 2002 SFNA aurait brutalement rompu ces relations, ayant, d'une part, retiré à compter du 15 août 2002 l'attaché commercial mis à disposition de Phyto Sem et ayant, d'autre part, fait connaître aux clients qu'à compter du 18 août Apprograins assurerait la distribution de ses produits;
Considérant que SNPA estime que les relations contractuelles ont continué sur la base d'actes isolés et qu'aucun préavis n'est de ce fait dû;
Considérant cependant qu'il résulte des pièces au débat l'existence d'un courant d'affaires entre parties au cours de l'année 2002, Phyto Sem bénéficiant de la mise à disposition par la SFNA d'un attaché commercial et des commandes étant encore passées en juillet (4) et août 2002 (2), qu'ainsi une relation commerciale établie existait entre les parties;
Considérant qu'en écrivant directement, par lettre circulaire, aux clients amenés par Phyto Sem et sans en informer celle-ci "qu'à compter du 19 août 2002, DP Nutrition (lire SFNA) a décidé de confier à Apprograins la distribution de ses aliments et de ses produits sur votre zone", SFNA a mis brutalement fin aux relations contractuelles et engage ainsi, par application de l'article 442-6-1 du Code de commerce, sa responsabilité;
Considérant que Phyto Sem réclame à ce titre une indemnité de 74 769 euro;
Considérant cependant qu'en l'absence de toute pièce probante de sa part en ce sens, la cour fixera le montant de l'indemnité due, compte tenu de la durée de ce second contrat et du chiffre d'affaires réalisé par la société Phyto Sem au cours de cette période, à la somme de 5 000 euro;
Sur la reprise des stocks :
Considérant que Phyto Sera réclame à ce titre 4 537,23 euro;
Considérant que SFNA s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'il appartenait à Phyto Sem de gérer ses stocks avec plus de prudence, qu'au demeurant la vente de ceux-ci n'était pas insurmontable;
Considérant cependant que le caractère brutal de la rupture doit conduire à imputer à SFNA le maintien de ce stock raisonnable, dont l'existence et la valeur ne sont, par ailleurs, pas contestées puisque fixées dans un courrier électronique émanant de SFNA (pièce 22 de Phyto Sem);
Considérant qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de Phyto Sem et de condamner SFNA à lui rembourser de ce chef 4 537,23 euro ;
Sur la créance de SFNA à l'encontre de Phyto Sem :
Considérant qu'il n'est pas contesté par Phyto Sem qu'elle reste redevable à SNFA d'une somme de 9 633,73 euro, qu'il convient donc de la condamner à lui payer la dite somme avec intérêts de droit à compter du 15 octobre 2004;
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre cette somme et celles auxquelles SFNA a été condamnée au profit de Phyto Sem;
Considérant que l'équité commande de condamner SFNA à payer 1 500 euro à Phyto Sem au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Déboute Phyto Sem de sa demande de dommages-intérêts au titre du contrat de distribution exclusive, Condamne la SFNA à payer à Phyto Sem au titre de la rupture brutale du contrat de distribution libre 5 000 euro de dommages-intérêts et une somme de 4 537,23 euro au titre de la reprise du stock, outre 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Phyto Sem à payer à SFNA 9 633,73 euro, avec intérêts de droit à compter du 15 octobre 2004. Ordonne la compensation entre ces sommes, Condamne SFNA aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufume Galland, avoués.