Cass. crim., 7 mars 2006, n° 05-86.096
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Guihal
Avocat général :
M. Frechede
Avocats :
SCP Peignot, Garreau
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Lionel, la société Y, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 5 octobre 2005, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 1 000 euro d'amende avec sursis et la seconde à 2 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-3 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;
"aux motifs que le 11 janvier 2003, Delphine Pelisset prenait à bail un appartement, situé <adresse> Paris, par l'intermédiaire de l'agence immobilière Y ; le 19 mai 2003, elle saisissait les services de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF) d'une plainte, en exposant qu'elle avait loué cet appartement suite à une annonce émise sur un site internet par la société Y qui proposait un appartement deux pièces de 32 m² au prix de 610 euro ; qu'ayant constaté lors de son emménagement que la surface était inférieure à celle annoncée, elle avait fait prendre des mesures par un géomètre révélant une surface de 25 m² ; que la DDCCRF après enquête dressait procès-verbal pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ; que, comme l'a justement relevé le tribunal, l'absence de règle légale relative aux superficies en matière de location, ne saurait exonérer l'auteur d'une publicité relative à un bien locatif, des obligations posées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; qu'il n'est pas contesté que l'annonce qu'ont fait paraître la société Y et son directeur général, sur le site internet "à vendre à louer", courant 2002, et notamment le 27 décembre 2002, énonçait, pour présenter au public l'appartement dont s'agit, une superficie de 32 m², ce qui, selon les mesures concordantes des géomètres M. Bloy et M. Bardet, ne correspondait qu'à la surface hors œuvre nette et non à la surface habitable, seule déterminante pour quelqu'un qui cherche à louer un appartement ; qu'il s'agit donc d'une indication fausse ou de nature à induire en erreur dans un message publicitaire, peu important que, dans les documents postérieurs à l'annonce, les prévenus aient cru bon préciser 32 m² "environ" ; qu'en matière de bail, la superficie de l'appartement, parce qu'elle détermine pour la plus grande part le prix du loyer au m² mais aussi parce qu'elle influe sur les futures conditions de vie du locataire, est un élément substantiel du bien proposé, déterminant pour le choix du preneur ; que l'élément intentionnel de l'infraction est caractérisé dès lors que Lionel X a pris l'initiative de cette publicité ; qu'il lui appartenait, en sa qualité d'annonceur, de vérifier que la publicité litigieuse était exempte de tout élément susceptible d'induire en erreur le consommateur, ce qu'il a manifestement omis de faire, engageant ainsi sa responsabilité pénale ; que le délit a été commis au nom et au profit de la société Y, dont la responsabilité pénale est ainsi également engagée ; que le délit est ainsi caractérisé en tous ses éléments ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la culpabilité de Lionel X et de la société Y pour les faits visés à la prévention ; que la cour confirmera donc le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité et sur les peines prononcées à l'égard de chacun des prévenus, qui constituent une juste application de la loi pénale ; qu'y ajoutant, la cour ordonnera la publication du jugement, par extraits, en application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, dans les quotidiens "Le Monde" et "Libération" aux frais des condamnés ;
"alors, d'une part, qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur de sorte qu'en statuant ainsi aux motifs que l'annonce parue sur le site internet "à vendre à louer" faisait état d'une surface hors œuvre nette de 32 m² et non de la surface habitable de 25 m² tout en relevant pourtant que cette surface hors œuvre nette était exacte et nullement mensongère, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
"alors, d'autre part, que la loi pénale est d'interprétation stricte et que le délit de publicité trompeuse requiert l'existence d'une information fausse ou de nature à induire en erreur, de sorte qu'en énonçant que, seule la surface habitable aurait été déterminante pour la personne cherchant un appartement alors qu'aucun texte n'impose en matière de location d'appartement que l'annonce fasse exclusivement référence à la surface utile à l'exclusion de toute autre référence dont notamment la surface hors œuvre nette, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne comporte pas, a donc violé les articles L. 121-1 du Code de la consommation et l'article 111-4 du Code pénal ;
"alors, en outre, que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs, si bien qu'en omettant de répondre aux conclusions de Lionel X et de la société Y desquelles il résultait que l'élément substantiel ayant déterminé Delphine Pelisset à prendre à bail l'appartement litigieux était sa situation géographique dans le XVe arrondissement de Paris et non la superficie annoncée, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"alors, enfin, que seul caractérise l'élément moral du délit de publicité trompeuse le fait pour le prévenu de n'avoir pas pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la véracité du message publicitaire incriminé, de sorte qu'en statuant ainsi tout en constatant pourtant que la surface hors œuvre nette annoncée était exacte et que Delphine Pelisset avait pu visiter l'appartement avant de le prendre à la location et n'avait donc pas été induite en erreur quant à la superficie de l'appartement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.