Cass. crim., 7 mars 2006, n° 05-81.773
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Palisse
Avocat général :
M. Frechede
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Foussard, SCP Parmentier, Didier
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Jacques, Y Pierre, Z Jean-Marie, C François, A Christian, B Jean-Pierre, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 2005, qui a condamné, le premier, pour tromperie et complicité, publicité de nature à induire en erreur, usurpation d'appellations d'origine et transport de vins sous couvert de titres inapplicables, à 18 mois d'emprisonnement dont huit mois avec sursis ainsi qu'à des pénalités douanières, le deuxième, pour tromperie et publicité de nature à induire en erreur, à 20 000 euro d'amende, les troisième, quatrième et cinquième, pour ces deux derniers délits, à 15 000 euro d'amende chacun, le sixième, pour les mêmes délits, à 10 000 euro d'amende, qui a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Jacques X : - Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur les autres pourvois : - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'effectuant un contrôle de la société D, dont Jacques X était le gérant, les agents du service de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont relevé diverses infractions au Code de la consommation ; que l'Administration des douanes et droits indirects a également dressé un procès-verbal ; qu'à la suite de ces procédures, le Ministère public et l'Administration des douanes et impôts indirects ont cité devant le tribunal correctionnel Jacques X, ainsi que les dirigeants de plusieurs sociétés de négoce clientes de la société D, parmi lesquels Jean-Marie Z, Christian A, Pierre Y, Jean- Pierre B et François C ; que les premiers juges ont déclaré Jacques X coupable des faits qui lui étaient reprochés et ont relaxé les autres prévenus ; que Jacques X et le Ministère public ont interjeté appel ;
Attendu que, devant la cour d'appel, Jacques X a invoqué la nullité de la poursuite le concernant en faisant valoir que, des plaintes avec constitution de partie civile ayant été portées contre lui par des sociétés dirigées par plusieurs de ses co-prévenus, le juge d'instruction de Bordeaux se trouvait saisi des faits retenus par la prévention ; que, par arrêt du 2 juin 2004, devenu définitif, la cour d'appel, après avoir opéré une distinction entre les faits compris dans la procédure d'information et ceux qui y étaient étrangers, dont Jacques X devait répondre devant elle, a renvoyé le jugement de l'affaire à une audience ultérieure ; qu'à cette audience, Pierre Y, Jean-Marie Z, François C, Christian A et Jean-Pierre B ont sollicité leur relaxe et, subsidiairement, qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la clôture de la procédure d'instruction ou qu'un complément d'information soit ordonné ; que l'arrêt attaqué, après avoir écarté l'exception d'incompétence présentée par le seul Jacques X et tirée de l'indivisibilité entre les faits de la prévention le concernant et ceux instruits par le juge d'instruction de Bordeaux, a déclaré tous les prévenus coupables ;
En cet état : - Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, pour Jean-Pierre B, pris de la violation des articles 80, 203 et 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre B coupable des faits visés à la prévention ;
"alors que les faits reprochés au prévenu entraient nécessairement dans le cadre de la saisine du juge d'instruction, dès lors qu'il est poursuivi comme auteur de faits pour lesquels la cour d'appel a constaté dans son arrêt avant dire droit que la complicité des mêmes faits entraient dans le cadre de cette saisine ; que, dès lors, la cour d'appel devait constater qu'elle était incompétente pour se prononcer sur ces faits qui avaient déjà donnés lieu à une instruction ;
"alors qu'en tout état de cause, lorsque des faits sont indivisibles, il doit être procédé à leur jonction ; qu'en l'espèce, les faits reprochés aux prévenus, autres que Jacques X, étaient étroitement liés à ceux qui étaient en cause dans la procédure ouverte devant le juge d'instruction puisque Jacques X y était mis en cause pour les faits pour lesquels le prévenu a été cité à comparaître en qualité d'auteur ; que la cour d'appel, qui ne pouvait se saisir des faits, ayant, antérieurement à la citation à comparaître devant la juridiction correctionnelle, fait l'objet de l'ouverture de l'instruction, ce qu'elle avait elle-même constaté, devait juger que les faits visés dans la citation à comparaître étaient indivisibles et ordonner la jonction des faits à la procédure d'instruction en cours ou à tout le moins prononcer le sursis à statuer jusqu'à l'issue de l'instruction" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour François C ;
Sur le premier moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour Pierre Y ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que, devant la cour d'appel, seul Jacques X a soulevé une exception d'incompétence tirée de l'indivisibilité entre les faits retenus contre lui et ceux instruits par le juge d'instruction de Bordeaux ;
Attendu qu'ainsi, faute d'avoir été proposés devant les juges du fond par les demandeurs, les moyens, mélangés de fait, sont nouveaux et, comme tels, irrecevables ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, pour Jean-Pierre B, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de l'article préliminaire et de l'article 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a refusé de prononcer le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure engagée à l'encontre de Jacques X sur plainte avec constitution de partie civile des sociétés dont les autres prévenus étaient les dirigeants, pour des faits en partie identiques ;
"aux motifs que, "il faut relever que les prévenus, qui connaissaient les faits susceptibles de leur être reprochés depuis fin 1997, début 1998, vont attendre mars et mai 2001 pour faire déposer par les sociétés qu'ils dirigeaient une plainte avec constitution de partie civile contre Jacques X en ne visant qu'une partie des faits susceptibles de lui être imputés, et pas les plus graves, dénotant ainsi le peu d'empressement à revendiquer le statut de victime" ; qu'"enfin et surtout, que ces plaintes ont été déposées par les sociétés de négoces, personnes morales, se présentant comme victimes des infractions et non par leurs dirigeants ; qu'en outre, les personnes morales peuvent être victimes des agissements de leurs propres dirigeants" ; qu' "ainsi il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de l'information ouverte contre Jacques X" ;
"alors qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, comme de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, la procédure doit être équitable et la personne poursuivie doit disposer du droit d'interroger les témoins ; que dès lors qu'en l'espèce, le vendeur des vins litigieux était mis en cause pour les mêmes faits que ceux visés à la prévention dans une instruction ouverte sur plainte des sociétés de négoce dont les dirigeants ont également été cités à comparaître pour répondre des mêmes infractions en qualité d'auteurs, la cour d'appel devait prononcer le sursis à statuer, dès lors que la principale personne mise en cause ne pouvait pas être entendue comme témoin" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour François C ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour Pierre Y ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les demandeurs, qui étaient les co-prévenus de Jacques X et qui n'ont pas demandé à faire interroger des témoins, ne sauraient faire grief à la cour d'appel d'avoir, en refusant de surseoir à statuer, méconnu les dispositions de l'article 6.3. d) de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, pour Jean-Pierre B, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Jean-Pierre B coupable de tromperie et l'a condamné pénalement ;
"aux motifs qu' "il n'est pas contesté que les négociants visés aux poursuites ont effectivement vendu d'importants stocks de bouteilles portant la mention "mise en bouteille au château" alors qu'il n'en était rien" ; que " la mise en bouteille au château constitue pour le consommateur une qualité substantielle du produit car garantissant l'authenticité et la provenance du vin vinifié dans un château à partir des vendanges qui ont été récoltées sous la responsabilité du propriétaire ; qu'en vendant des bouteilles de vins faussement étiquetées " mis en bouteille au château " les prévenus ont bien commis le délit de tromperie qui leur était reproché" ; qu' " à cet égard, ils ne sauraient éluder leur responsabilité en invoquant celle du courtier ayant concouru aux transactions ou leur croyance erronée sur le fonctionnement des "chais D" dont ils auraient méconnu qu'il s'agissait d'un chai de négoce " ; qu'en effet " il résulte expressément des bordereaux et des titres de confirmation, en ce qui concerne Pierre Y, Jean-Marie Z, Christian A et François C, que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur" ; que "les opérations de mise en bouteille ont été effectuées à leur diligence par leurs prestataires de service et qu'ils ont adressé les matières sèches, bouchons, bouteilles non pas dans les châteaux mais dans les chais de négoce de D et l'embouteillage a été réalisé" ; qu' "au surplus, les bordereaux de transport accréditent le fait que le vin embouteillé est parti des chais de D à destination des chais des prévenus" ; qu' "en ce qui concerne Jean-Marc E, si le bordereau de courtage reste muet sur les conditions d'embouteillage, les divers documents figurant au dossier, établissent que la mise en bouteille a été effectuée par D selon un bon de commande des établissements E en date du 1er août 1997, au prix de 0,64 francs la bouteille et que toutes les matières sèches commandées par Jean-Marc E ont été livrées chez D au Plan Médoc" ; qu' "il en est de même pour Jean-Pierre B, même si les bordereaux de courtage mentionnent que " le vin sera mis en bouteille au château par le vendeur au prix de 0,38 la bouteille bouchée" ; qu' "en effet figure sur l'étiquette la mention "mis en bouteille au château par " G "; qu' " il apparaît qu'en fait les 450 hectolitres de vin ont été vendus en vrac, la mise en bouteille faisant l'objet d'une facturation supplémentaire et que cette mise en bouteille a été faite pour le compte de G ainsi que cela résulte des mentions de l'étiquette, G ayant fait livrer à D l'ensemble des matières sèches ; qu' "en outre, les acquits légitimant la circulation des vins précisent que ces vins ont été retirés des chais du négoce de la SARL D pour être transportés dans les chais de la société G" ; que "l'ensemble de ces considérations, alors que l'on se trouve en présence de professionnels, ne permet pas de considérer qu'ils puissent invoquer leur bonne foi" ; que "les circonstances matérielles des mises en bouteille et retiraisons, toutes centrées sur le chai de négoce de Jacques X et pas sur des chais de château, justifiaient qu'il soit procédé de la part de négociants acquéreurs à un minimum de vérifications pour s'assurer que la mise en bouteille qui leur incombait contractuellement ou dont ils étaient les commanditaires avait bien été effectuée au château" ; que "cette absence de contrôle de la part de professionnels établit l'élément intentionnel du délit de tromperie alors que les prévenus n'établissent pas l'impossibilité de se livrer aux vérifications nécessaires qui leur auraient permis d'éviter la commission de l'infraction poursuivie" ; qu' "en conséquence, il sied de déclarer les prévenus coupables du délit de tromperie du co-contractant qui leur était reproché et de réformer la décision déférée en ce sens, étant précisé qu'en leur qualité de dirigeant de société il leur appartenait personnellement de veiller au respect par celles-ci de leurs obligations légales" ;
"alors que, d'une part, la tromperie implique que soit établie l'intention coupable de la personne poursuivie ; qu'en considérant que l'absence de contrôle, de la part de professionnels, des conditions dans lesquelles les vins avaient été mis en bouteille, et notamment de contrôle du fait que la mise en bouteille dans les chais de la société D pouvait être considérée comme une mise en bouteille au château, la cour d'appel a fait de la tromperie une infraction résultant d'une négligence, en violation de l'article L. 213-1 du Code de la consommation ;
"alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas précisé quelle disposition imposait de considérer que la mention "mise en bouteille au château" imposait que celle-ci soit faite par le propriétaire du vin, sans faire appel à une entreprise extérieure ; qu'au contraire, la notion de mise en bouteille au château implique uniquement que l'embouteillage soit fait au château, selon l'approche qu'en donne par ailleurs le droit, sans imposer qu'il soit effectué par le propriétaire lui-même ; qu'il était soutenu dans les conclusions régulièrement déposées pour les prévenus qu'ils avaient acquis les vins en cause, à la condition qu'il y ait mise en bouteille au château, même s'il était prévu que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur ; que dès lors, elle n'a pu justifier la décision en considérant que la tromperie était établie par le fait que les bordereaux et les titres de confirmation établissaient que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur ;
"alors que, de troisième part, la cour d'appel considère que les prévenus ont fait livrer les matières sèches à la société vitivinicole et ont reçu les bouteilles en provenance de la société précitée, sous-entendant qu'ils savaient que la mise en bouteille ne s'était pas faite au château et qu'en leur qualité de professionnels, ils auraient dû s'assurer des conditions dans lesquelles le vin pouvait être présenté comme mis en bouteille au château ; qu'ainsi, elle n'a pas répondu au chef péremptoire de conclusions déposées pour le prévenu selon lequel les négociations avec le vendeur et par le courtier l'avaient amené à considérer que les vins ainsi mis en bouteille pouvaient être présentés comme mis en bouteille au château ; qu'il était donc soutenu qu'ayant fait négocier l'achat de vin pouvant être mis en bouteille au château, ce qui leur avait garanti leur vendeur et leur courtier, le prévenu n'avait commis aucune négligence impliquant une indifférence telle à son obligation de s'assurer que le produit était conforme aux exigences légales équivalent à une intention frauduleuse ; qu'en constatant uniquement une négligence à ne pas s'assurer que le vin mis en bouteille dans les chais de la société D pouvait être considéré comme mis en bouteille au château, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef péremptoire de défense et n'a pu caractériser la négligence équivalant à l'intention coupable ;
"alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel n'ayant pas remis en cause le fait que la vente était intervenue à la condition que le vendeur assure la mise en bouteille au château, elle ne pouvait que constater que Jacques X devait être considéré comme étant intervenu dans la première mise sur le marché des bouteilles de vins en cause et, qu'étant tenu contractuellement d'assurer la mise en bouteille au château et assurant même pour la société dont le prévenu était le dirigeant la mise en bouteille pour son compte, il était seul responsable de la faute à l'origine de la tromperie ; qu'il en allait d'autant plus ainsi que la négociation avec la société dont le prévenu était le dirigeant portait sur la vente de vins mis en bouteille au château par le vendeur ; que c'est par des motifs contradictoires que la cour d'appel estime que le vin a été vendu en vrac alors qu'elle a elle-même constaté que le vin devait être mis en bouteille par le vendeur" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour François C ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour Pierre Y ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, pour Jean-Pierre B, pris de la violation des articles 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5 et L. 121-6 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre B coupable de publicité mensongère et l'a condamné pénalement ;
"aux motifs qu' "il est constant que les négociants susvisés ont fait figurer sur les étiquettes des bouteilles mises en vente, la mention " mise en bouteille au château" alors que cette mise en bouteille avait été en fait réalisée dans un chai de négoce et non dans un chai dépendant de la propriété ; que " les négociants ne sauraient invoquer leur bonne foi alors que la mauvaise foi n'est pas un élément constitutif du délit de publicité de nature à induire en erreur et que l'élément moral est caractérisé par la négligence ayant consisté à ne pas prendre les précautions utiles pour s'assurer de la véracité des énonciations de l'étiquette alors que l'embouteillage leur incombait ou était réalisé pour leur compte ;
"alors que, d'une part, en ne précisant pas en quoi les annonceurs avaient été négligents, la cour d'appel, qui déduit nécessairement cette négligence du fait que les mentions des étiquettes étaient inexactes, a fait du délit une infraction purement matérielle, en violation de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
"alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas précisé quelle disposition imposait de considérer que la mention "mise en bouteille au château " imposait que celle-ci soit faite par le propriétaire du vin, sans faire appel à une entreprise extérieure ; qu'au contraire, la notion de mise en bouteille au château implique uniquement que l'embouteillage soit fait au château, selon l'approche qu'en donne par ailleurs le droit, sans imposer qu'il soit effectué par le propriétaire lui-même ; qu'il était soutenu dans les conclusions régulièrement déposées pour les prévenus qu'ils avaient acquis les vins en cause, à la condition qu'il y ait mise en bouteille au château, même s'il était prévu que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur ; que, dès lors, elle n'a pu justifier la décision en considérant que la tromperie était établie par le fait que les bordereaux et les titres de confirmation établissait que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur ;
"alors que, de troisième part, la cour d'appel considère que les prévenus ont fait livrer les matières sèches à la société D et ont reçu les bouteilles en provenance de la société précitée, sous-entendant qu'ils savaient que la mise en bouteille ne s'était pas faite au château et qu'en leur qualité de professionnels, ils auraient dû s'assurer des conditions dans lesquelles le vin pouvait être présenté comme mis en bouteille au château ; qu'ainsi, elle n'a pas répondu au chef péremptoire de conclusions déposées pour le prévenu selon lequel les négociations avec le vendeur et par le courtier l'avaient amené à considérer que les vins ainsi mis en bouteille pouvaient être présentés comme mis en bouteille au château ; qu'il était donc soutenu qu'ayant fait négocier l'achat de vin pouvant être mis en bouteille au château, ce qui leur avait garanti leur vendeur et leur courtier, le prévenu n'avait commis aucune négligence impliquant une indifférence telle à son obligation de s'assurer que le produit était conforme aux exigences légales équivalant à une intention frauduleuse ; qu'en constatant uniquement une négligence à ne pas s'assurer que le vin mis en bouteille dans les chais de la société D pouvait être considéré comme mis en bouteille au château, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef péremptoire de défense et n'a pu caractériser de négligence du prévenu ;
"alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel n'ayant pas remis en cause le fait que la vente était intervenue à la condition que le vendeur effectue la mise en bouteille au château, elle ne pouvait que constater que Jacques X devait être considéré comme étant intervenu dans la première mise sur le marché des bouteilles de vin en cause et, qu'étant tenu contractuellement d'assurer la mise en bouteille au château et assurant même pour la société dont le prévenu était le dirigeant la mise en bouteille pour son compte, il était seul responsable de la faute à l'origine de la tromperie ou de la publicité de nature à induire en erreur ; qu'il en allait d'autant plus ainsi que la négociation avec la société dont le prévenu était le dirigeant portait sur la vente de vins mis en bouteille au château par le vendeur ; que, c'est par des motifs contradictoires que la cour d'appel estime que le vin a été vendu en vrac alors qu'elle a elle-même constaté que le vin devait être mis en bouteille par le vendeur" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, pour François C, pris de la violation des articles 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5 et L. 121-6 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré François C coupable de publicité mensongère et l'a condamné pénalement ;
"aux motifs qu' "il est constant que les négociants susvisés ont fait figurer sur les étiquettes des bouteilles mises en vente, la mention " mise en bouteille au château " alors que cette mise en bouteille avait été en fait réalisée dans un chai de négoce et non dans un chai dépendant de la propriété ; que "les négociants ne sauraient invoquer leur bonne foi alors que la mauvaise foi n'est pas un élément constitutif du délit de publicité de nature à induire en erreur et que l'élément moral est caractérisé par la négligence ayant consisté à ne pas prendre les précautions utiles pour s'assurer de la véracité des énonciations de l'étiquette alors que l'embouteillage leur incombait ou était réalisé pour leur compte ;
"alors que, d'une part, en ne précisant pas en quoi les annonceurs avaient été négligents, la cour d'appel, qui déduit nécessairement cette négligence du fait que les mentions des étiquettes étaient inexactes, a fait du délit une infraction purement matérielle, en violation de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;
"alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas précisé quelle disposition imposait de considérer que la mention " mise en bouteille au château " imposait que celle-ci soit faite par le propriétaire du vin, sans faire appel à une entreprise extérieure ; qu'au contraire, la notion de mise en bouteille au château implique uniquement que l'embouteillage soit fait au château, selon l'approche qu'en donne par ailleurs le droit, sans imposer qu'il soit effectué par le propriétaire lui-même ; qu'il était soutenu dans les conclusions régulièrement déposées pour les prévenus qu'ils avaient acquis les vins en cause, à la condition qu'il y ait mise en bouteille au château, même s'il était prévu que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur ; que dès lors, elle n'a pu justifier la décision en considérant que la tromperie était établie par le fait que les bordereaux et les titres de confirmation établissaient que la mise en bouteille serait faite par l'acquéreur ;
"alors que, de troisième part, dans les conclusions régulièrement déposées pour le prévenu, il était soutenu que les contrats passés avec Jacques X portaient sur du vin devant être mis en bouteille au château ; que ce dernier devait s'en assurer ; qu'il appartenait également au courtier, qui avait servi d'intermédiaire dans la vente, de vérifier que le vendeur pouvait s'engager à assurer cette mise en bouteille au château ou avait bénéficié d'un accord dérogatoire avec l'Administration en ce sens, dès lors qu'il était prévu que le vin acheté devait être " mis en bouteille au château ", même si l'acheteur prenait en charge le choix et la rémunération de l'intermédiaire devant procéder à l'embouteillage et de le rémunérer ; que, si le vin n'avait finalement pas été mis en bouteille au château, les négociants n'avaient pas commis de faute portant sur leur obligation de moyen de s'assurer que la publicité dont ils étaient les annonceurs n'était pas fausse ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer que les prévenus avaient commis une négligence concernant la mise en bouteille, sans s'expliquer sur ce chef péremptoire de conclusions ;
"alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel n'ayant pas contesté le fait que la vente était intervenue à la condition que le vendeur assure la mise en bouteille au château, même si les acheteurs prenaient en charge la recherche d'un intermédiaire pouvant procéder à l'embouteillage et l'acheminement des matières sèches nécessaires à cette opération, elle ne pouvait que constater que Jacques X devait être considéré comme étant intervenu dans la première mise sur le marché des bouteilles de vin en cause et, qu'étant tenu contractuellement d'assurer la mise en bouteille au château, les acheteurs s'engageant uniquement à procéder aux opérations matérielles de mise en bouteille, il était seul responsable de la faute à l'origine de la tromperie et la publicité fausse qui en était résultée" ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé, dans les mêmes termes, pour Pierre Y ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Marie Z et Christian A, pris de la violation des articles 111-4 et 121-3 du Code pénal, de l'article L. 213-1 du Code de la consommation et des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reconnu Jean-Marie Z et Christian A coupables du délit de tromperie ;
"aux motifs que la mise en bouteille constitue pour le consommateur une qualité substantielle du produit car garantissant l'authenticité et la provenance du vin vinifié dans un château à partir des vendanges qui y ont été récoltées sous la responsabilité du propriétaire ; qu'en vendant des bouteilles de vin faussement étiquetées "mis en bouteille au château", les prévenus ont bien commis le délit de tromperie qui leur est reproché (arrêt, p.49) ; que l'ensemble de ces considérations, alors que l'on se trouve en présence de professionnels, ne permet pas de considérer qu'il puissent invoquer leur bonne foi ; que les circonstances matérielles de mises en bouteille et retiraisons, toutes centrées sur le chai de négoce de Jacques X et pas sur des chais de château, justifiaient qu'il soit procédé de la part des négociants acquéreurs à un minimum de vérifications pour s'assurer que la mise en bouteille qui leur incombait contractuellement ou dont ils étaient les commanditaires avait bien été effectuée au château ; que cette absence de contrôle de la part de professionnels établit l'élément intentionnel du délit de tromperie, alors que les prévenus n'établissent pas l'impossibilité de se livrer aux vérifications nécessaires qui leur auraient permis d'éviter la commission de l'infraction poursuivie ; qu'en conséquence, il sied de déclarer les prévenus coupables du délit de tromperie du cocontractant qui leur est reproché et de réformer la décision déférée en ce sens, étant précisé que, en leur qualité de dirigeants de sociétés, il leur appartenait personnellement de veiller au respect par celles-ci de leurs obligations légales (arrêt, pp. 50-51) ;
"alors, en premier lieu, que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'élément intentionnel du délit de tromperie est caractérisé par le fait de tromper son contractant en connaissance de cause sur la qualité, la quantité ou la fonction de la chose vendue ; que, pour déclarer Jean-Marie Z et Christian A coupables de tromperie, la cour d'appel retient que l'élément intentionnel résulte de l'absence de minimum de vérifications et du défaut de contrôle de la part de négociants professionnels pour s'assurer que la mise en bouteille avait bien eu lieu au château ; qu'en se prononçant ainsi, alors que la tromperie par négligence n'est pas réprimée par la loi pénale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu les textes précités ;
"alors, en second lieu, qu'il appartient au juge de préciser les qualités substantielles de nature à tromper le consommateur ; que, pour déclarer Jean-Marie Z et Christian A coupables de tromperie, la cour d'appel retient que la mise en bouteille constitue pour le consommateur une qualité substantielle du produit en ce qu'elle garantit l'authenticité et la provenance du vin vinifié dans un château à partir des vendanges qui y ont été récoltées sous la responsabilité du propriétaire ; qu'en se prononçant ainsi, alors que le lieu de la mise en bouteille n'apporte aucune garantie d'authenticité et d'origine du vin, la cour d'appel ne pouvait, sans s'expliquer davantage, affirmer que le lieu de cette mise en bouteille constitue pour un vin une qualité substantielle, aucune critique n'ayant par ailleurs été faite à l'encontre du produit vendu, c'est-à-dire le vin lui-même ; que, dès lors, la cour d'appel a méconnu les textes précités" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Marie Z et Christian A, pris de la violation des articles 111-4 et 121-3 du Code pénal, de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif a reconnu Jean-Marie Z et Christian A coupables du délit de publicité trompeuse ;
"aux motifs, qu'il est constant que les négociants ont fait figurer sur les étiquettes des bouteilles mises en vente la mention "mise en bouteille au château" alors que cette mise en bouteille avait été en fait réalisée dans un chai de négoce et non dans un chai dépendant de la propriété ; que les négociants ne sauraient invoquer leur bonne foi alors que la mauvaise foi n'est pas un élément constitutif du délit de publicité de nature à induire en erreur et que l'élément moral est caractérisé par la négligence ayant consisté à ne pas prendre les précautions utiles pour s'assurer de la véracité des énonciations de l'étiquette alors que l'embouteillage leur incombait ou était réalisé pour leur compte ; qu'ainsi, il sied de les déclarer coupables de l'infraction précitée et de réformer en ce sens la décision déférée (arrêt, pp. 48-49) ;
"alors, d'une part, que, si, en principe, il n'y a pas de délit sans intention de le commettre, il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute de prudence ou de négligence ; dans ce cas, la personne physique qui n'a pas causé directement le dommage, mais qui a créé ou contribué à créer la situation dommageable ou qui n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, est responsable pénalement s'il est établi qu'elle a, soit violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée ; que, pour déclarer Jean-Marie Z et Christian A coupables de publicité trompeuse, la cour d'appel énonce que l'élément moral est caractérisé par la négligence ayant consisté à ne pas prendre les précautions utiles pour s'assurer de la véracité des énonciations de l'étiquette ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi ces chefs d'entreprise, auteurs indirects du dommage économique, avaient violé une obligation particulière de prudence ou commis une faute caractérisée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes précités ;
"alors, d'autre part, qu'il appartient au juge de préciser sur quel élément énuméré par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, notamment sur quelle qualité substantielle, porte la publicité de nature à tromper le consommateur ; que, pour déclarer Jean-Marie Z et Christian A coupables de publicité trompeuse, la cour d'appel énonce qu'ils ont fait figurer sur les étiquettes des bouteilles mises en vente la mention " mise en bouteille au château " alors que cette mise en bouteille avait été en fait réalisée dans un chai de négoce et non dans un chai dépendant de la propriété ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes précités" ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Jean-Marie Z et Christian A, pris de la violation du principe "non bis in idem", des articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, et des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif a reconnu Jean-Marie Z et Christian A coupables des délits de publicité trompeuse et de tromperie ;
"aux motifs que les prévenus ne sauraient utilement soutenir qu'il y aurait un cumul idéal d'infractions entre la publicité mensongère et la tromperie, alors qu'il s'agit de faits distincts, la publicité mensongère procédant de la seule exposition à la vue du public et de son information, alors que la tromperie suppose une transaction tentée ou conclue ;
"alors qu'un même fait poursuivi sous deux qualifications différentes ne peut donner lieu qu'à une seule déclaration de culpabilité ; qu'en l'espèce, les prévenus ont été poursuivis sous les chefs de publicité trompeuse et de tromperie pour avoir commercialisé des bouteilles de vins comportant une étiquette portant la mention erronée "mise en bouteille au château" ; que, pour appliquer à ce fait une double qualification, la cour d'appel se borne à exposer les éléments différenciant en droit les infractions fondant les poursuites, sans justifier en quoi le seul et unique fait de commercialiser les bouteilles portant l'étiquette incriminée pouvait faire l'objet d'une double qualification ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes précités" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie, l'arrêt retient que, pour le compte de sociétés qu'ils dirigeaient, ils ont acheté à la société D, qui est une société de négoce, du vin qui a été embouteillé dans les chais de celle-ci et qu'ils ont fait apposer sur les bouteilles des étiquettes portant la mention "mise en bouteille au château" ; que les juges ajoutent que d'importantes quantités de ces bouteilles ont été commercialisées, que la mise en bouteille au château constitue pour le consommateur une qualité substantielle garantissant l'authenticité du produit et qu'est exclue la bonne foi de professionnels ayant fait livrer bouteilles et bouchons, non pas aux châteaux, mais aux chais de la société D, les titres de circulation faisant en outre apparaître le lieu réel de l'embouteillage ; qu'enfin, ils énoncent que la seule exposition des étiquettes apposées sur les bouteilles a constitué le délit de publicité de nature à induire en erreur, celui de tromperie, distinct, l'étant à l'occasion des ventes effectivement réalisées ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.