CA Colmar, 3e ch. civ. B, 30 octobre 2002, n° 00-03879
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ballet
Défendeur :
Reul (SARL), Thiebaut Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leiber
Conseillers :
MM. Limouzineau, Laurain
Avocats :
Mes Cahn, Feuerbach, Schwab
Par jugement réputé contradictoire eu date du 05 juin 2000, le Tribunal d'instance de Strasbourg a déclaré Madame Dilma Ballet seule responsable de l'accident survenue le 29 janvier 1999 sur la RN 83 vers Lons Le Saunier, au cours duquel le véhicule appartenant à la société de droit belge Reul a été percuté par la roue arrière droite qui s'est détachée de la camionnette Nissan conduite par Madame Ballet, et a condamné celle-ci à payer à la société Reul la somme de 5 243,48 euro.
Ce jugement a par contre débouté la société Reul de son action à l'encontre de la SA Thiebaut Automobiles, laquelle avait, le même jour que l'accident, vendu à Madame Ballet le véhicule Nissan en cause, et a constaté que l'appel en garantie formé par la société Thiebaut contre la société Evasion Automobiles était de ce fait sans objet.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 21 juillet 2000, Madame Ballet a interjeté appel de ce jugement.
Elle fait valoir que la perte d'une roue par suite du bris de l'axe en cours de circulation constituait pour elle un cas de force majeure et qu'en tout état de cause la responsabilité de ce vice caché et de ses conséquences incombe à la société Thiebaut Automobiles, vendeur du véhicule Nissan qui a d'ailleurs reconnu sa responsabilité en réparant ensuite le dit véhicule sans facturer cette intervention.
Elle conclut à l'infirmation du jugement, au rejet de la demande de la société Reule et subsidiairement à la condamnation de la société Thiebaut Automobiles à la garantir de toutes indemnités mises à sa charge et à lui payer un montant de 2 500,00 F au titre de l'article 700 NCPC.
La société de droit belge Reul conclut au rejet de cet appel et à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Madame Ballet sur le fondement de l'article 1384 al 1 du Code civil et de la loi du 05 juillet 1985.
Elle forme cependant un appel incident en demandant à la Cour de condamner la société Thiebaut Automobiles, solidairement avec Madame Ballet, à lui payer la somme de 6 750,43 euro en réparation de son dommage avec les intérêts légaux capitalisés depuis le jour du sinistre, ainsi que les dépens et un montant de 1 500,00 euro en application de l'article 700 NCPC.
Elle soutient que la responsabilité de la société Thiebaut est engagée sur le fondement des articles 1384 al 1 du Code civil (garde de la chose), 1386-6 et 1387-7 du Code civil (responsabilité du producteur et vendeur de produits défectueux) et de l'article 1382 du Code civil (faute du vendeur d'un véhicule affecté d'un vice portant atteinte à la sécurité des tiers).
La société Thiebaut Automobiles conclut au rejet tant de l'appel en garantie formé par Madame Ballet que des conclusions de la société Reul.
Elle fait valoir que le contrôle technique du véhicule vendu à Madame Ballet n'avait révélé aucun désordre et qu'aucune expertise n'a été faite après l'accident permettant d'établir l'existence d'un vice du véhicule,
- qu'elle n'a nullement reconnu sa responsabilité, dès lors que la réparation a été prise en charge par l'assurance du garage Evasion Automobiles, celui-ci ayant changé l'arbre de roue quinze jours avant la vente.
Vu l'ordonnance de clôture du 06 juin 2002,
Vu le dossier de la procédure et les documents annexes régulièrement versés aux débats;
Attendu qu'il est incontestable que le véhicule de Madame Ballet est impliqué dans l'accident du 29 janvier 1999 et que le conducteur du véhicule de la société Reul n'a commis aucune faute;
Attendu que l'article 2 de la loi du 05 juillet 1985 interdit à l'appelante de se prévaloir de la force majeure ou du fait d'un tiers à l'égard de la victime;
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a condamné Madame Ballet à réparer le dommage subi par la société Reul, exactement évalué à 5 243,43 euro au vu des justificatifs produits;
Attendu que par contre, la société Reul ne dispose d'aucune action contre la société Thiebaut Automobiles,
- qu'en effet, celle-ci avait nécessairement transféré à Madame Ballet la garde du véhicule Nissan qu'elle lui avait vendu,
- que d'autre part, la législation relative à la responsabilité du fait des produits défectueux n'est pas applicable à la vente d'un véhicule d'occasion affecté d'un vice qui n'est pas inhérent à sa fabrication,
- qu'enfin, la société Reul ne peut pas invoquer une responsabilité délictuelle résultant d'un manquement de la société Thiebaut à une prétendue obligation de sécurité, le vendeur d'un véhicule d'occasion n'étant pas tenu d'une telle obligation mais seulement de la garantie des vices cachés à l'égard de l'acquéreur;
Attendu que l'appel provoqué incident doit donc être rejeté;
Attendu que sur l'appel en garantie formé par Madame Ballet contre la société Thiebaut Automobiles, il est constant, malgré l'absence d'expertise technique, que la roue arrière droite du véhicule Nissan s'est détachée par suite de la rupture de l'arbre de roue ou de sa fixation,
- que la fragilité de cette pièce constitue nécessairement un vice caché préexistant à la vente qui datait du même jour que l'accident;
Attendu que le vendeur professionnel est tenu en vertu de l'article 1645 du Code civil de réparer toutes les conséquences de ce vice, étant observé que le lien de causalité avec l'accident litigieux apparaît incontestable;
Attendu que la société Thiebaut Automobiles, qui n'a pas mis en cause la société Evasion Automobiles devant la Cour. doit donc être condamnée à garantir Madame Ballet de toutes les condamnations prononcées à son encontre.
Par ces motifs, LA COUR, Sstatuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré: Déboute Madame Ballet de son appel sur la demande principale; Déboute la société de droit belge Reul de son appel provoqué à l'encontre de la société Thiebaut Automobiles; Confirme le jugement rendu le 05 juin 2000 par le Tribunal d'instance de Strasbourg, Y ajoutant, Condamne la société Thiebaut Automobiles à garantir Madame Ballet de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Reul; Condamne Madame Ballet aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la société Reul une indemnité complémentaire de 750,00 euro (sept cent cinquante euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Thiebaut Automobiles aux dépens de l'appel en garantie et à payer à Madame Ballet une indemnité de 350,00 euro (trois cent cinquante euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.