CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 30 mars 2000, n° 96-12396
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nouvelle Métallurgie (SARL), Pastorelli
Défendeur :
Almet (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Isouard
Conseillers :
MM. Blin, Semeriva
Avoué :
SCP Cohen Guedj
Avocats :
Mes Deplano, Deur
Exposé du litige :
La société Almet a assigné Monsieur Pastorelli devant le Tribunal de commerce de Nice en paiement d'une facture.
Par jugement rendu le 9 mai 1996, le tribunal, retenant que la défense tirée du vice caché de la chose vendue était tardive au regard de l'article 1648 du Code civil et qu'il n'était justifié d'aucune reconnaissance de responsabilité, a ainsi statué :
- reçoit la SARL Métallerie Scano en son intervention volontaire au lieu et place de Monsieur Pastorelli,
- condamne la SARL Métallerie Scano - Monsieur Pastorelli à payer à la SA Almet la somme de
67 163,18 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- la condamne au paiement de la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Nouvelle Métallerie Scano et Monsieur Pastorelli ont relevé appel le 22 mai 1996.
Ils exposent que l'entreprise Pastorelli a acheté à la société Almet des tubes coudés destinés à supporter une passerelle affectée à la circulation des personnes, et que cet ouvrage a cédé à la suite d'une défaillance des soudures pouvant entraîner des dégâts matériels et physiques.
La société Nouvelle Métallerie Scano, qui indique être "aux droits" de Monsieur Pastorelli, en déduit :
- que l'article 1648 du Code civil ne s'applique pas à l'action en responsabilité contractuelle fondée sur l'obligation de sécurité,
- qu'en toute hypothèse, l'action a été introduite dès que la société Almet a présenté sa réclamation en justice,
- que cette dernière a d'ailleurs reconnu sa responsabilité par un courrier interruptif du délai d'action,
Elle soutient qu'elle a subi un préjudice considérable, notamment par la perte de son client principal, et demande la réformation du jugement et la désignation d'un expert chargé d'évaluer son préjudice, si la Cour ne préfère condamner la société Almet à lui payer une somme de 400 000 F.
La société Nouvelle Métallerie Scano réclame enfin paiement d'une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Almet conclut en ces termes :
- dire que son co-contractant était Monsieur Pastorelli exerçant en nom personnel,
- donner acte à la société Nouvelle Métallerie Scano de son intervention volontaire, qui ne décharge pas Monsieur Pastorelli de ses obligations,
- dire que la découverte du vice est intervenue en mai 1991,
- dire que Monsieur Pastorelli n'a engagé aucune action en garantie des vices cachés pendant plus de quatre ans,
- dire en effet qu'il a formulé ses premières demandes par conclusions du 5 septembre 1995,
- dire que l'action en garantie des vices cachés est enfermée dans un bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil,
- dire qu'en l'absence de préjudice corporel ou de destruction de biens autres que le matériel litigieux, Monsieur Pastorelli et la société Nouvelle Métallerie Scano ne peuvent se prévaloir des jurisprudences récentes ayant anticipé sur la transposition en droit interne de la directive européenne du 25 juillet 1985,
- dire que le courrier de la société Almet du 4 juin 1991 ne comporte aucune reconnaissance de responsabilité,
- dire en conséquence que Monsieur Pastorelli et la société Nouvelle Métallerie Scano ne peuvent plus invoquer les vices affectant la livraison pour présenter une demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
- confirmer le jugement déféré,
- condamner en outre Monsieur Pastorelli et la société Nouvelle Métallerie Scano, solidairement, à payer à la société Almet la somme de 13 432,67 F, à titre de clause pénale, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 30 septembre 1992,
- les condamner solidairement à lui payer ta somme de 15 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision :
La société Almet a enregistré la commande de Monsieur Pastorelli, comme portant sur des "tubes façonnés inox, soudés assemblés en crosse à 9° par un coude soudé, selon votre croquis en annexe".
Ces produits ont été mis en œuvre, lors de l'exécution d'un marché confié à l'entreprise générale Philippe, pour la réalisation du ponton de l'hôtel Majestic à Cannes.
Cette entreprise informait Monsieur Pastorelli par courrier du 21 mai 1991, que "la fourniture concernant les tubes acier coudés présente un grave défaut au niveau des soudures, que par deux fois les soudures exécutées sur les pièces coudées en inox ont cédé, avec affaissement de la passerelle pouvant entraîner des dégâts matériels et physiques".
Monsieur Pastorelli a répercuté cette information à la société Almet, qui, par courrier du 4 juin 1991, a répondu qu'elle transmettait cette lettre à son fournisseur, la société Cellier, et que, à titre conservatoire, (elle effectuait) une déclaration auprès de (son) assurance".
Il convient d'adopter l'opinion des premiers juges refusant de lire dans une telle phrase une quelconque reconnaissance de responsabilité.
Il y a également lieu de confirmer l'application qu'ils ont faite de l'article 1648 du Code civil à l'exception et à la demande reconventionnelle fondées sur le manque de solidité des produits fournis.
A défaut en effet de toute production sur ce point, les conséquences de l'affaissement du ponton ne sont guère précisées, les appelants se bornant à indiquer dans leurs conclusions que cette rupture partielle a 'entraîné la chute à l'eau de photographes lors d'une manifestation sur la place du Majestic".
Même en tenant ce fait pour avéré, il n'est pas prétendu que l'entreprise Pastorelli ait dû subir quelque recours.
Dans ces conditions, le dommage dont elle tire argument s'est exclusivement traduit par des dégâts à l'ouvrage lui-même, qui, dans sa thèse, résulterait de la mauvaise tenue de certaines de ses soudures.
Une telle argumentation ne vise qu'à l'indemnisation de l'impropriété de la chose vendue à sa destination, par suite de vice caché,
Quoique la norme nationale doive s'interpréter à la lumière des principes communautaires, il n'apparaît pas que ce seul dommage à la chose vendue implique garantie du vendeur envers l'installateur-concepteur au sens de la directive européenne 85-374 du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, encore que le délai fixé pour sa transposition fut épuisé à l'époque de ta vente.
Le vice prétendu a été révélé à Monsieur Pastorelli dès le courrier adressé par l'entreprise générale le 21 mai 1991.
Sa première demande en justice n'a été formée devant le juge des référés, aux fins d'expertise, qu'au mois de février 1993 ; cette action est d'ailleurs demeurée sans suite.
Les parties ne se trouvaient pas en pourparlers durant ce laps de temps, les seules pièces produites à ce propos consistant en deux courriers restés sans réponse, adressés par la société Almet à Monsieur Pastorelli, le 13 janvier 1992, demandant précisément à "être fixée sur l'évolution de ce dossier afin de procéder, le cas échéant, à son classement, et être également couverte du montant correspondant", puis le 7 août 1992, en ces termes: "nous revenons sur votre courrier nous faisant part de désordres survenus sur le matériel fourni, depuis nous n'avons aucune nouvelle de votre part, vous voudrez bien nous informer par retour de la réalité du préjudice causé ou procéder au règlement de notre créance",
Dans ces conditions, le bref délai applicable est expiré sans que l'action soit introduite, et la défense est irrecevable à opposer un vice caché, qui resterait d'ailleurs à démontrer, à l'action en paiement des produits.
La société Métallerie Nouvelle Scano n'indiquant pas dans quelles conditions elle est "aux droits" de Monsieur Pastorelli, il ne résulte pas de son intervention que le débiteur initial se trouve libéré, et la société Almet est fondée à poursuivre la confirmation de la condamnation prononcée contre ces deux parties.
Enfin, les premiers juges ont exactement minoré la clause pénale dont la société Almet demande paiement.
Correspondant en effet à 20 % des sommes en litige, cette clause est manifestement excessive au regard des usages, et elle n 'est pas justifiée en l'espèce par les dépenses de contentieux qu'elle est contractuellement censée compenser et qui seront équitablement prises en compte par une indemnité prononcée au titre des frais irrépétibles.
Il convient de la ramener à une somme de 3 000 F, par réformation sur ce point de la décision frappée d'appel.
Cette pénalité doit être ramenée à un point de majoration du taux de l'intérêt légal.
Le jugement entrepris doit être en conséquence confirmé, hors la prise en compte partielle des demandes formées au titre des clauses pénales.
Aucune circonstance ne justifie que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile soient écartées.
Par ces motifs, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris, hors le chef déboutant implicitement la société Almet de sa demande en paiement de clauses pénales, et sauf à recevoir l'intervention de la société Métallerie Scano aux côtés de Monsieur Pastorelli, et non en ses lieu et place, Statuant à nouveau sur le chef réformé, condamne Monsieur Pastorelli et la société Métallerie Nouvelle Scano in solidum à payer à la société Almet une somme de 3 000 F (457,35 euro), ainsi que les intérêts sur le principal de la condamnation au taux légal majoré d'un point à compter du 30 septembre 1992, Condamne Monsieur Pastorelli et la société Métallerie Nouvelle Scano in solidum à payer à la société Almet une somme supplémentaire de 5 000 F (762,25 euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Pastorelli et la société Métallerie Nouvelle Scano soudain aux entiers dépens; autorise la SCP P Blanc - Ph. Blanc - C. Miniran-Amsellem à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans recevoir provision.