Conseil Conc., 11 avril 2006, n° 06-D-09
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Blanc, par M. Lasserre, président, Mme Aubert, vice-présidente, Mme Behar-Touchais, MM. Bidaud, Flichy, , Ripotot, membres. La secrétaire de séance
Le Conseil de la concurrence (section III A),
Vu la demande de la société France Portes SA, enregistrée sous le n° 02/0057 F, adressée au ministre de l'Economie le 31 mai 2002, tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce et transmise le 11 juin 2002 au Conseil de la concurrence ; Vu les courriers de la société France Portes SA des 14 juin et 2 juillet 2002 ; Vu l'avis conditionnel de clémence n° 02-AC-01 rendu par le Conseil le 23 juillet 2002 ; Vu la décision n° 02-SO-03 en date du 23 juillet 2002 par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office des pratiques susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la distribution des portes ; Vu l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés France Portes, Premdor, Ekem, Magri, Fonmarty, JH Industries, Blocfer, Malerba, Righini, Berkvens-Svedex, Polynorm, et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés France Portes SA, Premdor SAS, Ekem, Magri, Fonmarty et Fils Techni-Bois, JH Industries, Blocfer, Malerba, Righini, Berkvens-Svedex, Polynorm International BV venant aux droits de la société Polydex, entendus lors de la séance du 31 janvier 2006; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LA SAISINE
1. Par courrier daté du 31 mai 2002, la société France Portes SA, sise 1 rue Lèche à Eauze,
(Gers) sollicitait auprès du Directeur Général de la Concurrence et de la Répression des Fraudes l'application d'une mesure de clémence sur le fondement du IV de l'article L. 464 2 du Code de commerce. A l'appui de sa demande, elle versait un volume important de pièces, contenues dans vingt cinq classeurs, attestant, selon elle, de sa participation à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
2. La Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes a accusé réception de la demande et des pièces par courrier du 3 juin 2002, après en avoir informé, par téléphone, le 31 mai 2002, le rapporteur général du Conseil de la concurrence auquel elle a transmis par courrier daté du 11 juin 2002 la demande de mesure de clémence.
1. LES PRATIQUES DENONCEES PAR LA SOCIETE FRANCE PORTES
a) L'existence d'une entente entre producteurs de portes en bois
3. Dans son courrier du 31 mai 2002, la société France Portes SA a dénoncé l'existence d'un cartel dans le secteur des portes en bois en France. A l'appui de sa dénonciation, elle a versé à la procédure le 2 juillet 2002, en sus des vingt-cinq classeurs de pièces déjà communiqués, un mémorandum dans lequel elle décrivait les principaux aspects de l'historique et du fonctionnement du cartel, appelé aussi "C5" ou"club des cinq".
4. Ce cartel était composé de la société France Portes SA et des sociétés Premdor (et de ses filiales Magri, Ekem, Fonmarty), Blocfer, Righini, Huet et Malerba, qui représentaient à l'époque environ 80 % du marché des portes en France.
5. Ces sociétés fabricantes de portes en France auraient constitué ce cartel dans les années 1985 et 1986, époque à laquelle le secteur de l'industrie des portes était en difficulté. Ce cartel, en dehors des années 1993, 1994 et 1996, aurait été actif dans sa même composition jusqu'en 2002, date de la demande de clémence.
6. Selon la société France Portes SA, l'objectif de cette entente était la fixation de prix minima pour l'ensemble des portes iso-planes et leurs accessoires, afin de contrarier la baisse tendancielle des prix dans ce secteur. A cette fin, était dressée une liste arrêtant des prix minima de vente pour chaque produit, avec interdiction pour chaque membre du cartel de vendre au-dessous de ces prix. Le calcul de ces tarifs se faisait sur la base d'un accord de prix pour un produit de référence, soit une porte de 830 millimètres de large. La multiplication de ce prix de référence par un système de coefficient supérieur ou inférieur à un permettait d'obtenir le prix des portes de largeur différente.
7. Par ailleurs, selon la même société à l'origine de la demande de clémence, les membres du C5 s'entendaient tacitement pour ne pas solliciter leurs clients respectifs. Lorsqu'un client habituel du C5 contactait un concurrent non participant au C5, les membres du cartel se concertaient pour aligner leurs prix à la baisse afin de décourager ce client de changer de fournisseur. Enfin, lorsqu'un client important s'approvisionnait auprès de plusieurs membres du C5, lesdits membres étaient libres de se livrer concurrence sur les prix mais dans la limite des prix minima établis par le C5.
8. Le C5 se réunissait à la suite des réunions organisées par le Syndicat National des Fabricants des Menuiseries Industrielles (ci-après le SNFMI) qui avaient lieu à Bordeaux. Les réunions du C5 servaient à l'actualisation des coefficients à appliquer chaque année aux bases antérieures.
9. France Portes SA était à l'initiative de cette entente et s'était aussi chargée d'établir les listes de prix à l'issue des réunions du C5, bien que d'autres participants aient été également amenés à le faire. La liste de prix minima était ensuite envoyée par courrier ou par fax aux autres membres du C5 sans lettre d'accompagnement.
10. Le non-respect des règles du C5 entraînait généralement une demande d'explication lors des réunions suivantes ou faisait l'objet d'appels téléphoniques rappelant à l'ordre le participant. En pratique, un certain nombre de dérogations aux prix planchers ont eu lieu. Dans les cas extrêmes où un membre du cartel manquait régulièrement au respect des règles, il finissait par être exclu des réunions.
b) Les documents fournis par la société France Portes SA à l'appui de sa demande de clémence
11. Le courrier de la société France Portes s'accompagnait de vingt-cinq classeurs constitués de documents établissant l'existence du cartel dénoncé. Les documents émanant de l'entreprise France Portes SA sont constitués soit de barèmes de prix, soit de relevés manuscrits de réunions internes ou externes à l'entreprise évoquant clairement l'existence et l'objet de cette entente sur les prix.
12. Ces documents couvrent essentiellement deux périodes : les années 1990-1994 et les années 2000-2001.
Les documents couvrant la période 1990-1994
13. La société France Portes a versé à la procédure les documents suivants :
* des documents internes de 1990 et 1991 expliquant que l'augmentation concertée des prix de vente et la maîtrise des volumes visaient à ralentir la baisse tendancielle des prix du marché ;
* une note manuscrite retraçant une réunion interne le 1er juillet 1991 ; le "club des 5" est mentionné, ainsi qu'une politique de "prix plancher", de "volumes plafonnés à la situation de 89" et de "non-agressivité commerciale" ;
* un document dactylographié, daté de juillet 1990 et intitulé "activités portes/blocs portes - axes stratégiques de développement", qui procède au compte-rendu d'une réunion interne et indique : "Politique de prix volontaire et stricte : Définition des prix plancher et interdiction d'y déroger. Contact régulier avec des concurrents : application des hausses, structure tarifaire..." ;
* un document dactylographié, à l'entête de France Bois Industries [dénommée par la suite France Portes SA] et intitulé "Compte-rendu de réunion du 2 octobre 1990 - comité de direction portes/blocs - portes à Eauze" qui précise de façon tout à fait explicite :
"Environnement commercial : M. X (ancien responsable de la société France Portes) est en train de mettre la profession d'accord pour une hausse des prix de 5 % applicable au 15 Janvier 1991, et donc annoncée dès le mois de novembre. Parallèlement à cette hausse, M. X travaille avec Ekem, N et K sur la restructuration du tarif. Ces deux actions sont essentielles, compte tenu des prévisions de baisse du marché, et devront donc être appliquées dans toutes nos unités. D'autre part, il est prévu, pour le 13 novembre 1990, une réunion de toute la profession, afin d'entériner ces deux décisions" ;
* un document dactylographié, à l'en-tête de France Bois Industries et intitulé
"Objectif de la direction commerciale portes et blocs-portes à partir de 1991", qui comporte les indications suivantes :
"Stratégie commerciale : Fin 89 avec François Henri Y, nous avons mis au point notre stratégie à savoir :
- limitation des volumes ;
- modification du mixte ;
- augmentation des prix ;
- et relation privilégiée avec la concurrence.
Ces 4 points clairement expliqués ont tous bien fonctionné pour l'année 1990 puisqu'on peut dire à ce jour que la même stratégie grâce à mes relations privilégiées est également appliquée chez nos principaux confrères. Alors bien sûr, les mêmes causes produisant les mêmes effets, si l'ensemble de la profession applique les mêmes méthodes et notamment sur la modification du mixte, on risque de voir apparaître une guerre des prix sur un haut de gamme au lieu d'un bas de gamme".
* un cahier de notes manuscrites rapportant notamment des comptes-rendus de réunions tenues entre le 16 mai 1991 et le 11 décembre 1991 ; ce document présente une page avec les annotations suivantes concernant la description du cartel :
"910701 [soit du 01.07.91] ....
concurrents: club des 5-Righini-Fonmarty-Huet (Nantes)-Ekem-F.P 70 %
augt : prix plancher
volume plafonné en situation 89
clause de non-agressivité commerciale
12 constructeurs en France (dont 4 pour FP)
...réunion club des 5 : 1 à 2 fois/mois" ;
* un document, intitulé "France Bois Industries - division portes et blocs portes -Étude de la réorganisation industrielle et commerciale de la division et daté du 14 septembre 1991, qui indique :
".... Un autre point important à rappeler concerne la politique tarifaire : depuis 1 an et demi, des discussions ont eu lieu entre les principaux fabricants de portes et un accord tarifaire ainsi qu'une répartition géographique des clients ont été mis au point. Ces accords ont permis à l'ensemble de la profession d'améliorer sensiblement les marges, mais présentent deux inconvénients majeurs :
- la durabilité de tels accords est douteuse
- les positions commerciales sont figées".
* un document manuscrit, qui concerne également les objectifs pour 1992 et indique :
"Objet : objectifs pour 92
CA
Maintien du niveau de prix au travers du C5 et application de la hausse décidée fin 91 de
3 % au 1.4.92" ;
* un document extrait d'un cahier contenant des notes et des tableaux de chiffres, dont celui reproduit ci-après :
" Prix C5
<emplacement tableau>
* un document dactylographié, intitulé "Point France Portes au 11 mars 1993" qui indique :
" a) Part de marché entre 1987 et 1991 :
En 1991, la fermeture de Frugier et le contrecoup de celle de Sami combinés à une agressivité plus marquée des concurrents hors C5, font que France Portes perd encore 1 point de part de marché particulièrement en âmes pleines et portes de style.
En 1992, le C5 a commencé son implosion : Ekem a été rachetée par Premdor. Fonmarty a cessé de respecter les règles. Mais le travail en commun de plusieurs années aura cependant laissé des contacts et installé la notion que la guerre des prix totale n'est pas une solution viable à terme" ;
* une note du 19 octobre 1994 faisant référence au C5 et à des accords de prix non conformes à une "régionalisation à revoir" ;
* un document comportant une partie dactylographiée et une partie manuscrite, indiquant :
" TARIF 9501
A l'attention de M. Z
Proposition des coefficients à appliquer sur les largeurs
<emplacement tableau>
14. Ce document comporte également une page manuscrite sur laquelle sont portées les informations suivantes :
" Vend 16/12/94... Décision à prendre à la rentrée après concertation".
<emplacement tableau>
- un document non daté, manuscrit, qui présente un tableau de prix comparant des prix publiés et des prix minima de C5 :
<emplacement tableau>
Les documents couvrant la période 2000-2001
15. D'autres documents fournis par la société France Portes SA mettent en évidence la continuation de la pratique précédemment décrite de fixation de prix minima et l'existence de vérifications, par les agents commerciaux de France Portes SA, des prix pratiqués par des concurrents à l'occasion de l'établissement de devis à des clients.
16. Ils établissent également l'existence d'une politique commerciale interne à cette société consistant à fixer des tarifs minima de vente et à imposer des plafonds de remise. Ces éléments sont les suivants :
* une note relatant une réunion du 19 septembre 2000 à Bordeaux au cours de laquelle a été décidée une augmentation générale des prix ;
* un document extrait d'un cahier de notes manuscrites, établi entre le 18 novembre 1997 et le 25 février 2000, qui contient notamment le compte-rendu d'une réunion du C5 à Bordeaux ;
* un document à l'entête de France Portes Rossignol du 15 mars 2000 intitulé " NOTE DE SERVICE " qui mentionne :
"Objet : rapport réunion Directeurs de vente Orly des 9 & 10 mars 2000
Principales décisions
pour la hausse : appliquer au minimum les prix du tarif confidentiel de Thierry C.
A) Si déjà au-dessus, appliquer quand même + 1,2 ou 3 %
B) Si au-dessous : tenter d'arriver absolument au prix MINI.
Ex : Bloc porte 730 : 170 F (prix minimum de Righini & Fonmarty en négoce) Gros distributeur : style Piolet".
17. Dans le même classeur se trouvent également des tableaux de prix nets minima datés du 1er mai 2000, du 1er décembre 2000, du 22 janvier 2001, du 6 juin 2001 ainsi qu'un compte-rendu de réunion " Farbolux " du 16 janvier 2001.
18. D'autres documents fournis par la société saisissante sont constitués de tableaux de " prix nets minimums au 01/11/2001 " (pages numérotées de 1 à 20) et comportent la liste des prix minima. La première page de ceux-ci comporte la mention manuscrite "copie envoyée au C5".
19. Parmi les pièces fournies par la société saisissante, on peut également citer :
* une série de tableaux de " prix nets minimums au 22/01/2001 ;
* une série de tableaux de " prix nets minimums au 06/06/2001 " (15 pages numérotées) identifiés en bas de page comme " tarif 2001/01 " ;
* une série de tableaux de " prix nets minimums au 06/06/2001 " plus complète que la précédente (20 pages numérotées) et identifiés en bas de page comme "tarif 2002/01".
20. Enfin, par courrier du 14 juin 2002, la société France Portes a adressé à la DGCCRF le tableau reproduit ci-dessous qui indique "le nom des personnes ayant été impliquées directement ou indirectement dans la pratique dénoncée." :
<emplacement tableau>
c) L'existence d'une entente entre fabricants de portes laquées
21. Dans ses courriers des 14 juin et 2 juillet 2002 adressés au Conseil, la société France Portes SA dénonçait un autre cartel "sur les portes laquées" commercialisées sous le nom de "Farbolux", entre les sociétés France Portes SA, Berkvens, Svedex, et Polydex, fabricants implantés aux Pays-Bas, en Belgique et en France.
22. Le cartel, initié en 1991/1992, se serait poursuivi au moins jusqu'en 2000. Les membres du cartel représentaient approximativement 95 % du marché français de la porte laquée.
23. Les membres du cartel "portes laquées" auraient établi en commun des prix minima applicables à la porte laquée sur le marché français, formalisés par des grilles de prix du même type que celles en vigueur entre les membres du C5. Ces tableaux imposaient un prix minimum en dessous duquel la porte laquée ne devait pas être vendue.
24. Afin de s'entendre sur la liste des prix, les membres du cartel "portes laquées" se rencontraient à Paris environ une fois par an. La société France Portes s'assurait ensuite de la diffusion de cette liste aux membres du cartel ainsi qu'aux sociétés Righini et Huet.
2. L'AVIS CONDITIONNEL DE CLEMENCE
25. Par un avis du 23 juillet 2002, le Conseil de la concurrence a accordé à la société France Portes SA, le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération totale de sanction subordonnée au respect des conditions suivantes :
- les éléments apportés par l'entreprise devront concerner la période non prescrite et contribuer à établir la réalité des pratiques dénoncées, présentées comme étant anticoncurrentielles, et à en identifier les auteurs ;
- l'entreprise devra apporter au Conseil de la concurrence et aux services d'enquête du ministre de l'Economie une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et leur fournir tout élément de preuve qui viendrait en sa possession ou dont elle disposerait sur les infractions suspectées ;
- elle devra mettre fin à sa participation aux activités illégales présumées, sans délai et au plus tard à compter de la notification de l'avis ; elle ne devra pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions ;
- elle ne devra pas avoir informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées.
26. A la suite de l'avis conditionnel de clémence, le Conseil de la concurrence s'est, par décision du 23 juillet 2002, saisi d'office des pratiques dénoncées.
27. Agissant dans le cadre d'une demande d'enquête en date du 25 juillet 2002, les services de la DGCCRF ont saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Bordeaux qui, par ordonnance datée du 27 novembre 2002, les a autorisés à procéder à des opérations de visites et de saisies dans neuf établissements. Les enquêteurs ont procédé également à l'audition des personnes susceptibles d'avoir connu ou participé aux pratiques dénoncées par France Portes SA.
B. LES SOCIETES IMPLIQUEES DANS LES PRATIQUES DENONCEES PAR FRANCE PORTES
1. LE GROUPE FRANCE PORTES
28. Depuis mai 1998, la société France Portes SA, dirigée par M. D, est l'une des filiales du groupe Jeld Wen dont le siège social se situe à Klamath Falls (Oregon, Etats-Unis).
29. Le groupe France Portes correspond à la fusion de sociétés qui appartenaient toutes auparavant au groupe Pinault :
* France Portes Eauze au 1 rue Lèche 32800 Eauze (anciennement dénommée Bruynzeel Touyarou) ;
* France Portes Ussel au Theil 19200 Ussel (anciennement dénommée Bruynzeel Ussel) ;
* France Portes Mulhouse au 1 rue de l'industrie 68730 Blotzheim (anciennement dénommée Record) ;
* France Portes Argentré au 32 rue Chateaubriand 35370 Argentré-Du-Plessis
(anciennement dénommée Rossignol) ;
* France Portes Alès à ZA l'hospitalet, lieu-dit Peyregoux sud, Bagard 30140 Anduze.
30. Le groupe France Portes fabrique uniquement des portes iso planes standards ou techniques, respectivement à hauteur de 85 % et de 15 %. Chaque site du groupe produit l'ensemble de la gamme. Les négociants (65 %) ou les entreprises générales (35 %) composent la clientèle du groupe.
31. France Portes SA fabriquait également jusqu'en 2001 des portes laquées post-formées à partir de panneaux de parement achetés au groupe Jeld Wen. Par ailleurs, ses commerciaux proposent à la vente des portes laquées planes pour le compte d'un fabricant belge [marque Theuma] dans le cadre d'un accord et moyennant le versement d'une commission sur chaque vente effectuée.
2. LE GROUPE PREMDOR
32. Le groupe canadien Premdor Inc., dénommé Masonite International Corportation, est présent dans 12 pays au travers de ses 70 usines de fabrication de portes et blocs-portes.
33. Le groupe Masonite est représenté en France par sa filiale Premdor SAS dont le siège social se situe 10 quai de la Souys à Bordeaux ; son président est M. Philippe M.
34. Sept usines de production sont réparties sur le territoire : Ekem achetée en 1993 ; Fonmarty et Fils rachetée en 1994 ; Magri rachetée en 1995 ; Monnerie rachetée en 1996 et le groupe Batimétal racheté en 1999 qui se compose lui-même des sociétés Batimétal, Rabillon et Réseau Bois. L'ensemble de ces sociétés emploie 610 personnes et produit plus de 2 millions de portes par an.
35. Les sociétés Ekem, Magri, Batimétal, Rabillon et Réseau Bois fabriquent des portes et blocs-portes intérieurs, bois et métal, standards et techniques ainsi que des blocs-portes extérieurs métal ou huisseries métalliques à destination des entreprises générales. Ces sociétés mettent en commun leurs moyens et leurs structures (une direction commerciale et un président communs, un réseau commercial unique, des gammes de produits complètes et un même type de clientèle).
36. Les sociétés Fonmarty et Monnerie quant à elles fabriquent des portes et blocs-portes intérieurs bois standards et techniques à destination des négociants pour la première et des grandes surfaces de bricolage pour la seconde. Elles ont chacune leur propre directeur.
37. Les sociétés Batimétal (fabrication d'huisseries et portes métalliques), Rabillon (fabrication d'huisseries et portes métalliques), Réseau Bois (fabrication d'huisseries bois) et Monnerie (fabrication de produits à destination des GSB et de l'exportation) ne sont pas concernées par les comportements relevés.
a) La société Ekem
38. La société Ekem partage son siège social avec celui de la société Premdor SAS et fait partie du groupe de sociétés dirigées par un directeur commercial unique, M. Jean-Louis F.
39. Elle est spécialisée dans la fabrication de portes techniques pré-peintes (coupe-feu, acoustique, thermique) pour les établissements recevant du public (hôpitaux, crèches...) et éventuellement pour les logements de particuliers. Les débouchés sont les ventes en direct aux entreprises de bâtiment et de menuiserie.
b) La société Magri
40. M. Jean-Louis F assure également la fonction de directeur commercial de la société Magri, dont le siège social se situe route de Pannecières à Thignonville (45).
41. L'essentiel (60 %) de la production est représenté par les portes standards vendues aux cloisonneurs de bureaux et éventuellement aux entreprises qui construisent les logements de particuliers. Les portes techniques (40 % de la production), plus spécialement destinées aux établissements pouvant recevoir du public, sont vendues à des entreprises de bâtiment et de menuiserie. Qu'elles soient standards ou techniques, les portes fabriquées par Magri sont toujours stratifiées.
42. Les gammes de produits des sociétés Ekem et Magri s'adressant au même type de clientèle, tout en étant complémentaires, font l'objet d'un catalogue unique et d'une force de vente commune. Pour les petits marchés, les commerciaux peuvent immédiatement proposer des devis. Par contre, pour les projets de plus grande envergure, une étude approfondie est nécessaire. Pour leur travail quotidien, ils disposent d'un tarif général complété par une grille de remises.
c) La société Fonmarty
43. La société Fonmarty et Fils, installée ZI du Roc 8 avenue de Verdun à Bazas (33), correspond à l'entité la plus importante du groupe Premdor en terme de nombre de salariés et de chiffre d'affaires (1/3 du CA global de la holding française).
44. Elle a sa propre force de vente composée d'agents commerciaux non salariés et uniquement rémunérés à la commission. Ceux-ci disposent d'un tarif général sur lequel ils appliquent des remises variables mais non pré-déterminées.
45. Cette société fabrique essentiellement des portes planes ou post-formées et des portes techniques simples, proposées avec toutes sortes de finitions (pré-peintes pour l'essentiel mais pouvant être stratifiées, laquées, vernies...). Sa clientèle privilégiée est constituée des sociétés de négoce.
3. LA SOCIETE BLOCFER
46. Blocfer est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance dont le siège social se situe 13 rue Pierre et Marie Curie à Argentat (Corrèze).
47. Elle offre une menuiserie industrielle spécialisée dans la fabrication à la demande (sur mesure) et la distribution de blocs-portes techniques destinés plus particulièrement aux établissements pouvant recevoir du public (hôpitaux, écoles, bureaux, hôtels, salles de spectacles, musées). Afin de compléter sa gamme, et d'offrir à ses clients tous les produits dont ils ont besoin, la société Blocfer fabrique également des portes et blocs-portes standards.
48. L'activité de la société se répartit entre fabrication (huisseries bois, huisseries métalliques et portes) et négoce. En 2001 et 2002, les ventes de portes et blocs-portes en général ont généré environ 75 % du chiffre d'affaires total de la société, part qui se décompose en 18 % de produits standards et 82 % de portes techniques.
49. La force de vente est constituée d'attachés technico-commerciaux salariés de la société Blocfer et d'un agent commercial. S'agissant dans la plupart des cas de produits sur mesure et uniques, les commerciaux ne peuvent pas travailler avec des tarifs mais établissent leurs prix de vente grâce à un configurateur de produits. Ce logiciel, qui n'a pas été retrouvé dans les autres sociétés, permet à la fois de concevoir le produit et d'en calculer le prix de vente par l'intégration des coûts de production et d'un niveau de marge personnalisé. Les commerciaux peuvent ensuite, dans une certaine limite, appliquer des remises.
50. Ses clients sont dans 80 % des cas des entreprises de menuiserie, dans 14 % des négociants en bois et matériaux et plus marginalement des entreprises générales, cloisonneurs de bureaux, constructeurs de maisons individuelles.
4. LA SOCIETE JH INDUSTRIES
51. La SARL Huet Holding détient la holding financière Sogefimave qui elle-même détient à 100 % diverses sociétés de production comme Huet et AVM, ou de négoce tel que Batidoc ou Sodim.
52. La société JH Industries comprend notamment sept sites de production situés à :
* Challans (site de la route de Soullans) pour la fabrication de menuiseries - fenêtres bois ;
* Challans (site de la route de Cholet) pour la fabrication de menuiseries - fenêtres aluminium et mixtes ;
* Challans (site de la route des sables) pour la fabrication de meubles (chambres...) ;
* La Garnache pour la fabrication des menuiseries intérieures et portes planes ;
* Rocheservière pour la fabrication de fenêtres PVC, huisseries bois et mise en bois des blocs-portes ;
* Pontivy pour la fabrication de menuiseries - fenêtres bois, portes d'entrées bois et fenêtres PVC ;
* Pontivy pour la fabrication de cercueils.
53. Afin de simplifier la gestion quotidienne des échanges entre ces différents sites de production (qui correspondaient aux sociétés et marques industrielles Huet, AVM et Simo), ces derniers ont été regroupés au sein de la société JH Industries dont le siège social est situé 30 rue Pauline de Lézardière à Challans (85). M. Jean-Michel K assure la fonction de président directeur général de JH Industries. Si les sociétés n'existent plus en tant qu'entités individualisées, les marques Huet et AVM perdurent. Les produits sont fabriqués indifféremment par chacun des sites de production mais sont commercialisés sous l'une des deux marques selon la clientèle destinataire. Ainsi, les portes et blocs-portes destinés à la vente directe aux entreprises sont identifiés sous la marque Huet alors que pour la vente aux négociants ils le sont sous la marque AVM.
54. La société JH Industries fabrique essentiellement des produits techniques (60 % du volume fabriqué) et peu de produits standards (40 %). En terme de finition, les marchandises sont dans la majorité des portes pré-peintes (75 à 80 %) mais elles peuvent aussi être laquées, plaquées ou stratifiées.
55. Pour chaque marque, le groupe dispose d'un directeur des ventes assisté de deux équipes commerciales : l'une sédentaire et l'autre sur le terrain.
5. LA SOCIETE MALERBA
56. A l'origine, la société Malerba, dont le siège social est situé rue de la Fargette à Cours-la-Ville (Rhône), était spécialisée dans la fabrication de produits métalliques tels que les huisseries, encadrements de baies, portes techniques pour les établissements recevant du public, les logements individuels ou collectifs.
57. Avec le rachat de la société Coucheroux en 1987, Malerba s'est diversifiée dans la fabrication des produits en bois ou dérivés du bois comme les portes à haute performance techniques, les portes basiques planes ou post-formées, généralement pré-peintes.
58. La société Malerba ne dispose d'aucun commercial salarié mais d'une force de vente externalisée sous la forme d'agents commerciaux qui travaillent à partir d'un tarif général, avec des grilles de coefficient de vente.
59. La vente de portes en bois représente 38 % du chiffre d'affaires total de la société. Entre 1999 et 2001, la production de produits techniques ne cesse de croître, pour arriver à 55 % de l'activité "portes bois", au détriment des produits standards qui eux passent progressivement sous la barre des 50 %. Les ventes des portes et blocs-portes à performance représentent pratiquement 80 % du chiffre d'affaires.
60. La société Malerba ne vend ni aux négociants ni aux grandes surfaces. Ses clients sont les menuisiers poseurs, les entreprises générales ou des maîtres d'ouvrages.
6. LA SOCIETE RIGHINI
61. La société Righini est dirigée par M. Philippe N, président du conseil d'administration. Située route de Verteuil à Tonneins (Lot-et-Garonne), elle est spécialisée dans la fabrication de portes et blocs-portes en bois ou dérivés pour une utilisation intérieure, qu'elle classe en deux grandes familles : d'une part les portes planes (64 % des unités produites) et post-formées (35 %), d'autre part les portes de style (1 %).
62. En 2002, 60 % des produits de la société ont été fabriqués en série (produits standards) contre 40 % sur-mesure.
63. La force de vente est constituée de commerciaux salariés qui travaillent à partir d'un tarif sur lequel ils appliquent des remises. Les clients de la société sont majoritairement (pour 94 % du chiffre d'affaires) les négociants, distributeurs de matériaux, généralistes ou spécialisés. Les autres acheteurs peuvent être de gros utilisateurs tel que les cloisonneurs, constructeurs de mobile home, entreprises générales.
7. LA SOCIETE BERKVENS
64. La SARL Berkvens France, créée en 1968, est détenue à 100 % par la holding Berkvens Beheer dont le siège social se situe à Someren (Pays-Bas).
65. La société française dispose d'un seul établissement sur le territoire national français, installé au siège social (13 rue de Témara 78100 Saint-Germain-en-Laye). L'entité française est dirigée par MM. O et P, respectivement directeur des ventes et responsable commercial.
66. La société Berkvens Beheer est spécialisée dans la fabrication de portes et blocs-portes iso-plans laqués, stratifiés, pré-peints ou plaqués bois. Les portes laquées qui représentent 70 % de son activité sont vendues en Belgique, Allemagne, Pays-Bas ou France.
67. La société Berkvens France joue le rôle de bureau de vente en achetant à sa holding et revendant à ses propres clients des portes laquées (90 %) ou stratifiées (10 %) ainsi que des blocs-portes.
68. La force de vente se compose d'agents commerciaux, qui ne sont donc pas des salariés de la société. Les portes et blocs-portes vendus par Berkvens sont soit standards soit techniques (coupe-feu, acoustiques ou isolation thermique).
69. Plus de la moitié (65 %) des portes vendues sont utilisées dans la construction de logements neufs (menuisiers, entreprises générales...), le reste des ventes se fait aux constructeurs modulaires (Algéco, Cougnaud). En montant de chiffre d'affaires, le rapport est inverse.
70. Pour la porte laquée, les concurrents de la société Berkvens (120 000 unités vendues par an) sont :
- Theuma (65 000 unités vendues par an), marque fabriquée en Belgique qui ne dispose pas de bureau de vente en France mais d'un réseau de commerciaux. Cette marque appartient au groupe Doorwin dont le siège social se situe aux Pays-Bas ;
- Huet (15 000 unités vendues par an).
71. Avant 2000, le marché de la porte laquée comptait trois concurrents supplémentaires :
- Svedex, société spécialisée dans la fabrication de portes laquées, rachetée par Berkvens et qui était à l'époque le leader du marché avec 65 000 à 80 000 unités vendues par an ;
- France Portes avec le produit référencé sous le nom de "Farbolux" (35 à 40 000 unités vendues par an à l'époque) ;
- Polydex (15 000 unités vendues par an), filiale française de Polynorm et partenaire de la société Blocfer entre 1997 et 2000. Cette société ne fabriquait pas les produits en France mais les importait des Pays-Bas.
8. LA SOCIETE POLYDEX
72. La SARL Polydex, filiale du groupe néerlandais Polynorm, assurait la commercialisation en France des portes laquées de la marque Svedex puis à partir de 1994 de celles de la marque Polynorm-Bruynzeel importées des Pays Bas. Elle commercialisait environ 15 000 unités par an.
73. Les portes de marque Polynorm-Bruynzeel étaient jusqu'en 2000 également distribuées en France par la société Blocfer, dans le capital de laquelle la société Polynorm International BV, filiale de Polynorm, détenait une participation. Celle-ci a été cédée en 2000.
74. En 1999, le groupe Polynorm a décidé de se concentrer sur le secteur de l'automobile et de cesser toutes ses activités dans le secteur des portes, tant en France qu'aux Pays Bas. Le groupe Polynorm a pris la décision en novembre 2001 de fermer son usine néerlandaise de fabrication de portes. En France, la décision du groupe Polynorm s'est traduite par un retrait progressif de Polydex du marché. Le 31 mai 2002, la société Polydex a finalement été dissoute, son patrimoine ayant fait l'objet d'une transmission universelle à sa société mère, Polynorm International.
C. LES SECTEURS CONCERNES
1. LES PRODUITS
75. Le secteur d'activité concerné est celui des portes et blocs portes. Les portes sont en bois, en métal, en aluminium ou PVC. Elles sont montées sur une huisserie (chambranle/bâti) et pivotent grâce aux gonds. Cet ensemble constitue un "bloc-porte". On parle de "bloc-porte complet" lorsque les portes sont munies d'accessoires tels que les serrures. Les portes correspondent aussi à ce que les professionnels désignent sous le mot "vantail".
76. Dans le secteur des portes et blocs-portes, on peut distinguer deux grandes familles de produits : les portes menuisées et les portes planes ou iso-planes. Les portes menuisées sont constituées par l'assemblage mécanique de moulures et d'éléments de remplissage (vitrages, panneaux de bois massif ou plaqué, petits carreaux) et offrent une esthétique et un mode de montage traditionnel, alors que les portes iso-planes se composent d'éléments assemblés par collage et sont donc des produits plus ordinaires.
77. Ces deux produits sont différents, à la fois par leur qualité et leur technique de fabrication. Les fabricants intervenant sur le marché des portes menuisées ne sont pas concernés par les comportements dénoncés. Seuls sont visés les fabricants de portes et blocs-portes à parements que les professionnels désignent sous la dénomination générale de "portes planes ou iso-planes". Elles représentent les plus gros volumes de vente.
78. Une porte plane se compose de quatre éléments : le cadre en fibres de bois aussi appelé armature à l'intérieur duquel est disposée une âme, c'est-à-dire un réseau de carton alvéolaire pour une âme creuse ou un panneau de particules pour une âme pleine, complété de chaque côté par deux panneaux de parements, le tout étant assemblé par pression et collage à chaud.
79. Les panneaux sont d'une grande diversité : ils peuvent être constitués de matériaux de différente nature (fibres ou contreplaqués), leur forme peut être plate (on parlera de portes iso-planes ou post-formées) ; enfin, leur finition peut revêtir différents aspects (soit vernie ou pré-vernie, soit peinte ou pré-peinte, soit encore laquée ou plaquée avec du bois ou des essences fines ou stratifiées).
80. Les portes planes peuvent aussi présenter des qualités techniques particulières (anti-feu, acoustique, stabilité à une différence de température, isolation thermique, anti-effraction) dès lors qu'elles sont équipées d'âmes spécifiques. Dans cette hypothèse, il convient de poser une huisserie adaptée à la fonction remplie par la porte. Elles ont pour vocation d'équiper des bâtiments à usage collectif ou d'habitation.
81. Au sein des portes iso-planes existent deux grandes familles de produits : les portes standards et les portes techniques. Les portes standards sont assemblées en série et déclinées en peu de gammes de produits ; leurs prix sont peu élevés. Les portes techniques offrent une large gamme de produits et les commandes sont réalisées en petite série uniquement sur commande. Leurs prix sont plus élevés.
2. LA DEMANDE
82. La distribution des portes et blocs-portes iso-planes s'articule autour de trois pôles : les grandes surfaces de bricolage (GSB), le négoce et les entreprises générales ou de menuiserie.
83. Les canaux de distribution des portes varient selon qu'elles sont de type standard ou technique. Ainsi, les portes standards sont essentiellement diffusées via les grandes surfaces de bricolage ou des sociétés de négoce (qui sont des sociétés de distribution assurant la revente des portes standards aux professionnels du bâtiment). Les portes techniques, quant à elles, sont commercialisées directement auprès des entreprises de construction en charge des chantiers auxquels s'appliquent des spécifications techniques particulières. Ces entreprises fonctionnent sur devis émis dans le cadre des chantiers auxquels elles participent. Ainsi, chaque commande comporte des spécifications propres à chaque chantier et porte généralement sur de faibles quantités.
84. La fabrication des portes et blocs-portes est soumise à un ensemble de règles édictées au niveau européen et, notamment, à la directive "produits de construction" (directive du Conseil des communautés européennes n° 89-106-CEE du 21 décembre 1988) qui encadre la fabrication des portes et blocs-portes et sert de référentiel de certification. A cette fin, des laboratoires d'essais agréés testent les portes et blocs-portes afin de délivrer, le cas échéant, un agrément ou un procès-verbal de conformité. Les cinq critères de performance pouvant être certifiés sont les suivants : anti-feu, acoustique, stabilité, thermique, anti-effraction. Cette certification garantit la fonctionnalité du bloc-porte ou des vantaux et leur conformité aux normes en vigueur.
3. L'OFFRE
85. Au cours des années 80-90, le secteur des portes, composé de petites entreprises, a connu une grave crise, qui a conduit à des dépôts de bilan en cascade. Au milieu des années 80, un phénomène de concentration a débuté : le groupe Pinault a entrepris le rachat de plusieurs sites de production sur le territoire national.
86. En 1995, il a décidé de se désengager du secteur de la fabrication et a revendu l'ensemble de ses usines à la société France Portes. En 1998, la société France Portes a été rachetée par la société de droit américain Jeld Wen (qui fabrique également des panneaux de parement post-formés).
87. De façon concomitante, le groupe canadien Premdor-Masonite s'est implanté en France moyennant l'acquisition successive d'Ekem en 1993, Fonmarty en 1994, Magri en 1995, Monnerie en 1996, Batimétal, Rabillon et Réseau Bois en 1999.
88. A ce jour, sont principalement présentes dans le secteur des portes les sociétés France Portes, Fonmarty, Ekem, Magri, Malerba, Huet, Righini et Blocfer, représentant plus de 77 % du marché.
89. La société France Portes est l'acteur le plus important avec 21 % de parts de marché, suivie des sociétés du groupe Premdor (Ekem, Magri, Fonmarty) avec environ 20 % de parts de marché, de la société Malerba avec environ 11 % de parts de marché, des sociétés Righini et JH Industries avec environ 9 % de parts de marché, chacune, et de la société Blocfer avec environ 7 % de parts de marché.
90. Ces sociétés ont chacune leurs spécificités quant à la gamme des produits qu'elles fabriquent et la clientèle à laquelle elles s'adressent. Ainsi la société France Portes fabrique indifféremment des portes standards et techniques et s'adresse à une clientèle de négoce et d'entreprises. La société Magri fabrique, elle aussi, indifféremment des portes standards et techniques et s'adresse principalement à une clientèle d'entreprises. Les sociétés Ekem, Malerba et Blocfer fabriquent essentiellement des portes techniques et s'adressent à des clientèles d'entreprises. Les sociétés Righini, JH Industries et Fonmarty fabriquent essentiellement des portes standards et s'adressent à une clientèle de négoce.
91. S'agissant du secteur spécifique des portes laquées, la vente des portes laquées représente en France environ 200 000 unités par an. La société Berkvens-Svedex est leader en France de la vente des portes laquées, avec 120 000 unités vendues annuellement. Deux autres concurrents se partageaient le marché jusqu'en 2000-2001, France Portes (avec sa référence Farbolux dont elle a abandonné la fabrication courant 2000) et Polydex (qui a été dissoute en 2002).
92. En 2002, le chiffre d'affaires annuel généré par la vente de portes et blocs-portes iso-planes s'élève à environ 300 millions d'euro, selon les données fournies par la direction générale de l'industrie. La valeur du marché des portes laquées s'élève quant à elle à environ 6 à 8 millions d'euro par an.
93. Le marché géographique est essentiellement national. Le taux d'importation des portes et blocs-portes est d'environ 10 %. Ce taux relativement faible s'explique par la spécificité des produits destinés au marché français, peu compatibles avec ceux des autres pays de l'Union européenne qui recourent souvent à des techniques de construction différentes ou utilisent des dimensions spéciales.
4. LE MARCHE PERTINENT AFFECTE PAR LES PRATIQUES DENONCEES PAR FRANCE PORTES
a) En ce qui concerne les portes ou blocs-portes iso-planes
94. La substituabilité entre différents biens ou services du point de vue de la demande constitue le critère déterminant pour la délimitation du marché pertinent. La plupart du temps, faute d'éléments quantitatifs permettant de mesurer directement cette substituabilité, le Conseil prend en compte plusieurs indices (nature de la demande, fonction et utilisation du produit, prix...) afin de l'apprécier de manière qualitative.
95. En l'espèce, il est possible, au sein du marché global des portes et blocs-portes iso-planes, de distinguer deux segments de marché spécifiques affectés par les pratiques du C5 : l'un concernant les portes standards et l'autre les portes techniques.
96. En effet, du point de vue tant de la demande, que de l'offre, les portes standards sont difficilement substituables aux portes techniques dans la mesure où :
- le mode de production de chaque type de portes diffère en ce que les gammes de portes standards étant limitées, leur fabrication peut s'effectuer en série, tandis que la gamme des portes techniques étant extrêmement large (en fonction des caractéristiques techniques auxquelles elles doivent répondre), elles sont fabriquées sur commande après devis, en fonction des exigences spécifiques des demandeurs et des constructions pour lesquelles elles sont prévues (hôpitaux, immeubles collectifs,...) ;
- le prix des portes standards n'est pas identique au prix des portes techniques dans la mesure où pour les premières la production en grande série permet d'offrir à une clientèle peu diversifiée des prix relativement bas, tandis que pour les secondes, les offreurs pratiquent une politique de prix élevés justifiée par le fait que leur fabrication s'effectue sur commande et en petites séries ;
- la fabrication des portes techniques, au regard notamment des normes techniques auxquelles elles doivent répondre, exige de la part des fabricants des investissements lourds et des équipements spécifiques,
- les canaux de distribution des portes varient selon qu'elles sont de type standard ou technique. En effet, les portes standards sont essentiellement diffusées via les grandes surfaces de bricolage ou des sociétés de négoce de matériaux qui n'offrent qu'une gamme limitée de produits. Les portes techniques quant à elles sont commercialisées directement auprès des entreprises de construction en charge de chantiers auxquels s'appliquent des spécifications techniques particulières (établissements recevant du public ou immeubles de grande hauteur),
- l'utilisation des portes standards et techniques diffère en ce que les portes techniques sont destinées à occuper certains types de construction (établissements recevant du public ou immeubles de grande hauteur) et doivent de ce fait répondre à des caractéristiques techniques (anti-effraction, coupe-feu, acoustique, stabilité,...) qui les différencient des portes standards destinés à équiper des immeubles d'habitation classiques.
97. La société France Portes fabrique indifféremment des portes standards et des portes techniques. L'entente qu'elle a initiée portait sur ces deux segments de marché, comme l'attestent les grilles de prix, versées à la présente procédure, qui couvrent à la fois des gammes de portes standards et des gammes de portes techniques.
b) En ce qui concerne les portes laquées
98. Les portes laquées constituent, elles aussi, un produit particulier qui correspond à un critère esthétique, la technique de la laque constituant une technique très éprouvée. Il s'agit d'un segment de marché plus limité que celui des blocs portes, sur lequel interviennent des opérateurs spécifiques s'adressant à une clientèle spécialisée.
D. LES PRATIQUES RELEVEES
1. LES ELEMENTS FACTUELS RECUEILLIS au COURS DES INVESTIGATIONS PERMETTANT D'IDENTIFIER LES PARTICIPANTS AUX ENTENTES DENONCEES
99. Selon le courrier du 31 mai 2002 par lequel la société France Portes a dénoncé l'existence du C5, ce cartel était composé de la société France Portes SA et des sociétés Premdor (et de ses filiales Magri, Ekem, Fonmarty), Blocfer, Righini, Huet et Malerba, qui représentaient environ 80 % du marché des portes en France.
100. Entendu sur ce point, M. D, PDG de la société France Portes, déclarait aux enquêteurs : "J'ai été embauché par la société France Bois Industries, dont est issue la société France Portes, en avril 1991. Assez rapidement, j'ai appris l'existence du C5. Selon mes notes personnelles en date de juillet 1991, les membres en étaient les sociétés Righini, Fonmarty, Huet, Ekem et France Portes (...) A elles 5, elles représentent environ 70 % des parts du marché des portes iso-planes (...) Les sociétés Blocfer et Cib ont parfois essayé de rentrer dans le cartel, après avoir été démarchées par des membres du C5, mais sans s'y maintenir. Elles ne devaient pas respecter la règle et étaient donc exclues (pas de convocation aux réunions)".
101. Ces déclarations ont été confirmées par M. C, directeur commercial de France Portes: "Pour la société France Portes, le participant aux réunions du C5 fut M. X puis moi quand je l'ai eu remplacé dans ses fonctions de directeur commercial. En 1996-97 j'ai en effet commencé à participer aux réunions du syndicat mais ce n'est qu'en 1997-98 que j'ai pris part aux rencontres du C5. Les sociétés membres du C5 étaient : Righini, Huet, Fonmarty, Ekem-Magri, Malerba. La société Blocfer a participé à quelques réunions puis est sortie du cartel".
102. Selon les courriers du 14 juin et du 2 juillet 2002 par lesquels la société France Portes SA a dénoncé un autre cartel "sur les portes laquées", commercialisées sous le nom de "Farbolux", ce cartel comprenait les sociétés France Portes SA, Berkvens, Svedex, et Polydex, fabricants implantés aux Pays-Bas, en Belgique et en France.
103. Entendu sur ce point, M. D, PDG de la société France Portes, déclarait aux enquêteurs :
"En ce qui concerne l'entente sur les portes laquées, il en a été question mais plus pour mémoire et être tout à fait honnête avec l'administration car c'est quelque chose de tout à fait marginal. Elle consistait également en la mise en place de prix minimums et à respecter un certain statu quo dans la répartition des clients. La vente des portes laquées représente en France environ 200 000 unités par an. L'entente concernant ces portes était totalement indépendante du C5. Elle avait été mise en place afin de nous préserver d'une chute de prix : nos concurrents étrangers qui souhaitaient pénétrer le marché français, beaucoup moins virulent en terme de concurrence que les autres marchés européens, auraient pu avoir tendance à faire du dumping sur les prix et à les faire baisser. Le prix du marché à l'époque était d'environ 190 F pour une porte aux dimensions classiques
(730 ou 830) et certains de nos concurrents auraient souhaité descendre à 150 F. Ce n'est pas la société France Portes qui a été à l'origine de cette entente, mais l'une des sociétés étrangères qui était également implantée dans le nord de la France (Berkvens à confirmer).
Avec nos partenaires nous nous rencontrions tous les 9-10 mois, ces réunions avaient lieu dans des hôtels à proximité de l'aéroport de Roissy. Là encore rien n'était formalisé, hormis le tableau des prix minimums. Il n'existait pas de système formalisé de surveillance de prix, mais des remontées au coup par coup. De fait, en 2000, la société France Portes est sortie de cette entente car à cette date elle a stoppé sa production de portes laquées. Depuis cette date, nos commerciaux vendent des portes laquées fabriquées par l'industriel belge Theuma. Je ne sais donc pas si le cartel vit toujours".
104. Les visites et saisies dans les locaux des sociétés incriminées, ainsi que les auditions réalisées par les enquêteurs ont permis d'accréditer les propos tenus par la société France Portes au soutien de sa demande de clémence, et d'identifier précisément les participants au C5 ainsi qu'au cartel des portes laquées.
a) Les éléments recueillis à l'encontre de la société Malerba
Les documents saisis dans les locaux de la société Malerba
Ont été saisis :
105. Un compte-rendu de réunion de coordination n°1 du 6 mars 1998 dans lequel on peut lire :
"Denis (B...) a expliqué que les réunions avec "nos confrères concurrents" semblaient porter ses fruits, car les prix de base sont à la hausse et précision de Paul (L) : "on se met au prix du marché" ;
106. Des notes manuscrites indiquant clairement la tenue d'une "REUNION PORTE BOIS" le 17 janvier 2001, en présence des représentants des sociétés France Portes, Ekem, Huet et Malerba, ayant eu pour objet de fixer les prix :
<emplacement tableau>
107. A propos de ces notes, M. L, directeur commercial de la société Malerba, a déclaré: "Concernant le document répertorié sous les cotes 2 et 3 (scellé n° 5, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), il s'agit de notes que j'ai prises à l'occasion d'une réunion du syndicat, plus spécialement consacrée à la norme produit " FASTE ". Ce document fait apparaître les noms des principaux participants. Les prix qui sont indiqués sur ce document correspondent aux commentaires de M. Thierry C qui souhaitait rajouter lesdits produits sur les tableaux de prix minimums".
108. Une série de tableaux intitulés " prix nets minimums " avec la mention "au 01/01/2000" inscrite à la main, à propos desquels M. L a affirmé : "Concernant le document répertorié sous les cotes 99 à 103 (scellé n° 5, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), il s'agit d'un tableau des prix nets minimums qui avait été remis ou adressé à M. B et que j'ai annoté".
109. Une série de tableaux "prix nets minimums au 01/12/2000", à propos desquels M. L indique :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 57 à 64 (scellé n° 6, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), je pense que c'est M. B qui l'avait reçu, en tout cas il ne m'a pas été remis à moi personnellement".
110. Une série de tableaux dénommés " prix nets minimums au 22/01/2001 ", à propos desquels M. L indique :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 46 à 56 (scellé n° 6, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), il s'agit du tableau qui m'a été remis par M. C après une réunion du syndicat en février ou mars 2001. Lors d'une réunion préalable, ces prix nous avaient été exposés oralement par M. C".
111. Deux séries de tableaux de "prix nets minimums au 01/11-2003" et une page "réunion Farbolux du 16/01/2001" portant des annotations manuscrites ont été saisies. A propos de ces documents, M. L a déclaré :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 1 à 40 (scellé n° 6, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), il s'agit des tableaux de prix nets minimums établis par France Portes. C'est ce genre de document qui est remis par M. C lors d'une réunion syndicale. Celui-ci en l'occurrence m'a été remis par l'un des agents commerciaux".
112. Une série de tableaux intitulés "Prix nets minimums" datés du 17 juin 2002 et établis en couleur. Ces tableaux permettent la comparaison des prix nets de la société Malerba et ceux définis dans le cadre du C5. Ainsi que l'explique M. L :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 41 à 45 (scellé n° 6, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), il s'agit d'un tableau que j'ai réalisé moi-même en vue de comparer nos prix moyens pratiqués (lignes bleues) aux prix nets minimums des tableaux remis par France Portes et évoqués ci-après (prix au 22/01/2001)".
Les déclarations des dirigeants de Malerba
113. M. L, directeur commercial de la société Malerba, a déclaré lors de ses auditions:
"Avant 2001, donc avant que je ne prenne mes fonctions actuelles au sein de la société Malerba, je n'avais jamais entendu parler ou vu de tableaux de prix minimum auxquels il est fait référence dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du TGI de Bordeaux en date du 27 novembre 2002.
Avant son départ de la société, M. B a reçu, à ma connaissance, par courrier sans autre commentaire, au moins un tableau de prix minimums. Quant à moi, depuis 2001, M. Thierry C le directeur commercial de la société France Portes m'a remis une fois ce même tableau à l'occasion de nos entrevues dans le cadre des réunions syndicales mais pas pendant ces réunions elles-mêmes. C'est lui qui établissait ces tableaux et qui les commentait après le déjeuner, de façon informelle, devant un café en disant qu'il serait bien qu'ils soient appliqués (...). C'est vrai que j'écoutais les conversations de M. C car il est intéressant de savoir ce qui se fait dans la profession mais au titre de ce que l'on pourrait appeler de la veille concurrentielle, pour faire des comparatifs, mais en aucun cas pour les appliquer [les prix minimums]. La société Malerba ne faisait pas partie du cartel des 5. La société Malerba n'est pas intéressée pour qu'on lui dise le coût d'une porte, et à quel prix il faut les vendre".
Les déclarations des autres membres de l'entente
114. La déclaration de M. C, directeur commercial de France Portes, déjà citée au paragraphe 101, mentionne que la société Malerba était membre du cartel C5. Ce point est confirmé par M. F, directeur commercial des sociétés Ekem-Magri, qui a souligné la participation de la société Malerba aux réunions de concertation initiées par France Portes :
"Les participants à ces réunions étaient la société France Portes (M. X la plupart du temps et M. C), la société Huet (M. K), Malerba (M. L, François et/ou Bruno), Righini (M. Z), Blocfer occasionnellement (M. J), Fonmarty (M. J.J. G) et les sociétés Ekem/Magri (M. S et moi-même)".
115. M. T, ancien adjoint au responsable des ventes nationales pour les sociétés du groupe Premdor, ajoutait lors de son audition :
"Un éventuel accord sur les prix au niveau des dirigeants n'était pas relayé sur le terrain. Les principaux concurrents de Ekem-Magri étaient Malerba le leader du marché, Huet et France Portes, ce qui correspond aux 4 intervenants majeurs pour les portes bois techniques en vente directe à l'utilisateur. La société Malerba était notre concurrent n° 1. Si les discussions existaient, ce qui a été le cas pendant un certain temps, elles devaient donc avoir lieu au moins entre ces intervenants".
Les documents saisis dans les locaux de la société Malerba relatifs à une répartition de clientèle entre membres de l'entente
116. A été saisie dans les locaux de la société Malerba une page manuscrite, qui n'est pas datée mais qui fait référence à l'année 2000, ayant pour intitulé "Tour de Table", et comprenant le nom des représentants de sociétés comme "J.J. G" et "Thierry C" ou des noms de sociétés "Righini" et "Ekem", et mentionnant des chiffres et des taux de progression. Le même document indique ensuite pour les sociétés Huet et France Portes des noms de sociétés clientes, qui semblent leur être attachées.
117. Interrogé sur ces notes, M. L a précisé :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 8 et 9 (scellé n° 5, procès-verbal de visite et saisie de la société Malerba en date du 10 décembre 2002), il s'agit de mes notes certainement à l'occasion d'une réunion mais je ne peux pas la dater et je ne peux pas vous en dire plus concernant le nom des sociétés qui apparaissent".
b) Les éléments recueillis à l'encontre de la société Righini
Les documents saisis dans les locaux de la société Righini
Ont été saisis :
- une télécopie en date du 2 octobre 2000 de la part de "Record Maint Invest" à l'attention de M. Z consistant en une série de huit tableaux intitulés "prix nets minimums au 01/12/2000" ;
- dix tableaux de "prix nets minimums au 06/06/2001" ;
- six tableaux de "prix nets minimums au 01/11/2001" ;
- un tableau interne permettant la comparaison entre des "prix tarif, prix mini, taux de remise maxi et prix net rg [=Righini ]" pour une série de portes et blocs portes.
On remarquera à cette occasion que les prix minima portés sur les tableaux "prix nets minimums au 1/12/2000" diffusés par France Portes sont repris dans le tableau interne établi par la société Righini comme "Prix mini" (ex. prix minimum diffusé par France Portes concernant la porte alvéolaire pré-peinte référence 830 fixé à 83 F. et repris dans le tableau interne Righini, prix minimum diffusé par France Portes concernant la porte alvéolaire contreplaqué référence 830 fixé à 110 F et repris dans le tableau interne Righini, prix minimum diffusé par France Portes concernant la porte nue à âme pleine et cylindair pré-peinte fixé à 151 F et repris dans le tableau interne Righini,...) ;
- une télécopie de M. U, commercial de la société Righini, à l'attention de son collègue M. V, daté du 29 janvier 2001, s'étonnant des tarifs pratiqués par la société Malerba et ajoutant : "hormis ça tout le monde respecte les règles du jeu".
Les déclarations des dirigeants de Righini
118. Dans un premier temps, la société Righini s'étant pourvue en cassation contre l'ordonnance du juge des libertés du Tribunal de grande instance de Bordeaux, le directeur général de cette société Righini, M. Z, a refusé dans l'attente de l'arrêt de la cour, de s'exprimer sur les documents saisis dans les locaux de la société. Les pourvois de la société Righini ont été rejetés par la Cour de cassation par arrêts du 16 juin 2004.
119. Dans un second temps, M. Z a déclaré aux enquêteurs :
"La société France Portes cherchait à convaincre la profession d'appliquer des prix qu'elle déterminait elle-même, afin de pouvoir remonter ses prix, améliorer sa rentabilité et par là même asseoir ses parts de marché. Pour cela, France Portes cherchait également à nous faire participer à des réunions qui auraient pu se tenir après les réunions syndicales (...)".
Entre 95 et 99, ils ont relâché la pression. Profitant de faire des propositions pour leurs panneaux post formés, les envois de tableaux de prix ont repris en 1999 (...). Les tableaux de prix établis par France Portes étaient envoyés par fax de façon régulière (1 à 2 par an selon les périodes) ou donnés de la main à la main lors de réunions professionnelles (réunions syndicales générales, réunions techniques ou pour des motifs sociaux...).
France Portes tentait de nous apostropher pour que nous appliquions les prix. En pratique, ces prix ne voulaient pas dire grand chose puisque beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte dans leur détermination (quantité, conditions de règlements...) (...) C'est France Portes qui avait seul intérêt à ce que la pratique fonctionne, ce n'est d'ailleurs pas pour rien que cette société en était à l'origine en 1985, date à laquelle il y a eu une crise. En 15 ans c'est la seule société qui a changé de mains 3 fois, à cause de mauvais résultats et d'une part de marché qui s'effritait.
En ce qui nous concerne, nous n'avions aucun intérêt dans cette démarche puisque nous avons largement augmenté notre chiffre d'affaire alors qu'eux, malgré cela ils en sont toujours au même point. Nous déterminons nos prix uniquement sur nos coûts de production et avec les informations recueillies sur le terrain par les commerciaux".
Les déclarations des autres membres de l'entente
120. Les déclarations déjà citées de MM. D et C, dirigeants de France Portes, font état de la participation de la société Righini au cartel C5, notamment à compter de 1997-1998 (paragraphes 100 et 101). Elles sont confirmées par les propos de M. F déjà cités au paragraphe 114 et ceux de M. K, PDG de la société JH Industries, qui a, pour sa part, déclaré :
"Les sociétés qui à l'origine ont participé avec France Portes à cette démarche sont Righini (M. N ou M. Z), Fonmarty (M. G), Ekem (M. H) et nous-même...".
c) Les éléments recueillis à l'encontre de la société Blocfer
Les documents saisis dans les locaux de la société Blocfer
Ont été saisis :
121. Une page de notes manuscrites qui mentionne des chiffres apparaissant comme étant des taux de hausse de prix pour différents types de portes, en face de leur propre nom et de celui de trois autres concurrents (Huet, Ekem et France Portes) ainsi que des numéros de téléphones portables :
<emplacement tableau>
122. Une série de huit tableaux identifiés "Prix nets minimums au 01/05/2000".
123. M. J, ancien directeur commercial de Blocfer, confirmait lors de son audition que ces tableaux correspondaient à ceux élaborés par France Portes dans le cadre du C5 :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 24 à 32 (scellé n° 2, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002), il s'agit bien des tableaux de prix élaborés par la société à l'origine de la tentative de mise en place de prix planchers pour la profession".
Les déclarations des dirigeants de Blocfer
124. M. W, de la société Blocfer, a nié toute participation de sa société au C5 :
"M. J Hervé était gérant de la société Polydex et avait un contrat de travail avec Blocfer en tant que directeur commercial. Il supervisait tous les commerciaux de la société. D'un commun accord il a quitté la société en juin 2000, alors que moi-même j'étais arrivé dans la société depuis peu (mai 2000). Pendant la période où il était présent dans la société, c'est lui qui allait aux réunions du syndicat (SNFMI). Je n'ai jamais participé à aucune réunion dont le but était la mise au point de prix nets minimums. A ma connaissance, par le passé et encore aujourd'hui, aucun des collaborateurs de la société Blocfer ne participe à ce genre de chose. De toute façon, la définition de prix nets minimums n'aurait eu pour nous aucun intérêt puisque nous ne faisons pas les mêmes produits et ne sommes pas sur les mêmes marchés, car nous fonctionnons par calcul de devis au cas par cas et pas avec un tarif général. Je ne vois rien d'autre à vous dire concernant une éventuelle pratique du cartel des 5".
125. Les propos de M. W étaient démentis par ceux de M. J, ancien directeur commercial de Blocfer, qui avait personnellement participé aux réunions du C5. Il déclarait ainsi lors de son audition :
"Début 99 au moment où le marché redémarrait fort, des discussions plus ouvertes entre des membres du syndicat mais en dehors des réunions syndicales à proprement parler, ont eu lieu sur les prix des portes et la structure tarifaire (définition des suppléments, des dimensions...).
A peu près au même moment, des tentatives d'élaboration de tableaux de prix ont été faites par l'instigateur de la pratique, dont je préfère taire le nom mais il est évident que ça ne peut être qu'une société importante pour laquelle la pratique présente un intérêt et qui dispose d'un semblant de possibilité d'agir sur le marché. Ces tableaux étaient remis à l'occasion de ces réunions".
Les déclarations des autres membres de l'entente
126. Les déclarations concordantes de M. D, de M. C et de M. F, déjà citées aux paragraphes 100, 101 et 114, font état de la participation occasionnelle de la société Blocfer aux réunions du cartel C5 avant qu'elle ne soit "exclue" de ce dernier, faute d'avoir respecté "les prix fixés en commun".
d) Les éléments recueillis à l'encontre de la société JH Industries
Les documents saisis auprès de la société JH Industries
127. Un cahier à spirales comportant de nombreuses notes manuscrites a été saisi lors de la visite du bureau de M. 1, directeur général adjoint au sein de JH Industries.
- on peut y lire, en pages 80 et 81 des notes concernant une réunion du 15 avril 2002, avec cette mention "autour de la table: Malerba le plus virulent, Righini, France Portes, Ekem, Fonmarty, Premdor". On peut également y lire une référence "au tarif base professionnelle plancher (accord nov. 2001)" ;
- un peu plus loin dans ce cahier (page 139), on peut lire la mention "Réunion Prix portes le 18/6 ", suivie des noms de trois sociétés concurrentes (Malerba, Righini, Premdor) accompagnés de références de prix ;
- enfin, page 159, une note relative à une "réunion tarifs portes" datée du 17 février 2002 comportant des types de portes et des prix :
Réunion tarifs portes le 17/7/02
Alvéolaire OK
Post-formée OK
CF 1/2 h. Vérifier grande largeur
Portes technique 38 + 10 sur tout et sur 39 d.
Value 69 euro - 54 euro
- 15 euro
111,39
Les déclarations des dirigeants de JH Industries
128. M. K, PDG de la société JH Industries, a déclaré lors de son audition par les enquêteurs :
"A cette époque, la société France Portes disposait du plus gros site de production
(4 sociétés je crois) mais n'échappait pas aux difficultés financières. Ils pratiquaient des prix à vau-l'eau. Cette société avait donc un intérêt certain à voir les prix de la profession s'harmoniser. Afin de sortir du marasme que la profession traversait, France Portes a eu la volonté de réunir la profession pour définir des prix qui serviraient de point de mire. Les sociétés qui à l'origine ont participé avec France Portes à cette démarche sont Righini
(M N ou M. Z), Fonmarty (M. G), Ekem (M. H) et nous-même (...). Jusqu'en 1995-96, il y a eu élaboration de ces prix [minimums], traduits en tableaux par France Portes (...). Les réunions avaient lieu à la suite des réunions syndicales proprement dites. Après le déjeuner, ceux qui étaient disponibles restaient pour discuter des prix entre eux et en dehors de toute considération syndicale (...). De leur propre initiative, France Portes établissait les tableaux de prix sur papier neutre (sans signe distinctif tel qu'une en-tête ou autre) et me les adressait par courrier sans lettre d'accompagnement (...). Les tableaux ont permis à certains de se resituer sur le marché et donc en 1995-96, les prix ont commencé à repartir à vau-l'eau avec des écarts très significatifs à 2 chiffres. Depuis cette date, je ne participe plus à aucune réunion en vue de définir des prix et je serais d'ailleurs surpris qu'il y en ait encore eu. Depuis, France Portes m'adresse des grilles de prix qu'elle doit mettre au point seule. J'ai dû recevoir la dernière grille il y a environ un an- un an et demi de cela. Je ne conserve pas ces grilles et me contente de les regarder pour une veille tarifaire mais les prix pratiqués par ma société restent toujours au-dessus de ceux des grilles".
Les déclarations des autres membres de l'entente
129. Les déclarations concordantes de MM. D, C et F déjà citées aux paragraphes 100, 101 et 114 confirment la participation de la société JH Industries (K) au cartel C5.
e) Les éléments recueillis à l'encontre de la société Premdor
Les documents saisis dans les locaux de la société Premdor
Ont été saisies :
130. - Une page dactylographiée intitulée "prix nets minimums 2001/01 au 01/12/00" datée du 28 septembre 2000 présentant quatre points : "Nouvelles grilles de prix mini ; coefficients de hausse à appliquer pour les négoces ; franco 15 000 F minimum ; prix mini des portes alvéolaires postf. Laquées ferrage 2 fiches recouvrement + pd 1/2 t". A cette page était annexée une série de onze tableaux intitulés "prix nets minimums Au 22/01/2001", identiques à ceux diffusés par France Portes ;
131. - Une chemise orange, identifiée "Tarif 2002", contenant plusieurs séries de grilles :
- six tableaux "prix nets minimums au 1/12/200" ;
- un tableau "Réunion Farbolux du 16/1/2001" ;
- dix tableaux "prix nets minimums au 22/01/2001";
- six tableaux "prix nets minimums au 1/11/2001" ;
- quinze tableaux "prix nets minimums au 1/11/2001".
132. - Une autre série de sept tableaux "prix nets minimums au 01/12/2000" a été saisie dans le même bureau, de même qu'un second exemplaire des " prix nets minimums au 22/01/2001" accompagné d'une carte de visite à l'en-tête de la société Batimétal.
133. Enfin, parmi les documents saisis se trouve un courrier à l'en-tête des sociétés Ekem, Magri et Rabillon, daté du 4 mars 2002, correspondant à la lettre de démission de M. T, responsable des ventes Ekem-Magri, dans lequel on peut lire :
"Dépit de la politique commerciale du groupement où sous le couvert d'accord de prix avec les principaux intervenants du marché que nous sommes les seuls à appliquer avec une rigueur absolue, ce qui nous fait perdre régulièrement des positions acquises au fil des années (...) En effet, notre rigueur tarifaire fait que toutes les offres sont établies à la remise maximum sans nuance de volume alors que nos collègues s'accordent sur des tarifs hors grille à la baisse pour les gros chantiers et par contre sont aussi capables de chiffrer des affaires secondaires plus haut que le dit tarif (...)".
Les déclarations des dirigeants de Premdor
134. M. 2, directeur financier de Premdor SAS, a indiqué lors de son audition :
"J'ai pris connaissance pour la première fois d'un tableau de " prix nets minimums " (procès-verbal de visite et saisie de la société Premdor en date du 10 décembre 2002 cotes 3 à 14 - 20 à 31 et 95 à 139 du scellé n°2) après avoir pris mes fonctions de directeur de site, soit en 2000 (...). Les exemplaires de ces tableaux qui ont été trouvés dans mon bureau lors des opérations de visites et saisies du 10 décembre 2002, doivent appartenir à M. T, responsable des ventes Ekem-Magri qui occupait dans les faits une fonction d'attaché commercial sur la région Rhône-Alpes. Avant de quitter la société, son supérieur hiérarchique direct était M. Jean-Louis F. M. T a démissionné de la société Ekem en février-mars 2002. Lors de son départ, toutes ses affaires ont été remontées dans mon bureau, ce qui pourrait expliquer la présence de ces documents dans mon bureau (scellé n° 2 cotes 3 à 14 et 95 à 139). Je ne peux vous dire quelle utilisation faisait M. T de ces tableaux de "prix nets minimums".
Les déclarations des autres membres de l'entente
135. Aucune des personnes entendues n'a fait état au cours de l'instruction de l'implication de la société Premdor dans les pratiques dénoncées par France Portes.
Les documents saisis dans les locaux de la société Premdor relatifs à une répartition de clientèle entre membres de l'entente
136. Certains documents saisis au sein des locaux de la société Premdor lors des visites domiciliaires évoquent l'existence d'une répartition de clientèle entre membres du C5, confortant ainsi les faits dénoncés par la société France Portes.
137. Ainsi, au milieu de la série des "prix nets minimums au 01/12/2000" datée du 6 février 2001, on trouve une "liste de clients dérogatoires" en face des noms des sociétés suivantes : Huet, Malerba, Rossignol, Record, B. Ussel et B. Eauze (les sociétés Rossignol, Record, Bruynzeel Ussel et Bruynzeel Eauze correspondent à des sites de production de la société France Portes).
138. Au sujet de cette liste, M. T, ancien responsable commercial de la société Premdor, a déclaré aux enquêteurs ne pas pouvoir apporter d'explications ni en identifier l'auteur.
f) Les éléments recueillis à l'encontre des sociétés Ekem et Magri
Les documents saisis dans les locaux de la société Ekem
139. Une série de notes manuscrites concernant des prix (dont certaines portent les noms de sociétés concurrentes) a été saisie dans les locaux de la société Ekem, sans que l'enquête ait pu établir que ces tableaux soient directement liés aux pratiques du C5.
Les documents saisis dans les locaux de la société Magri
140. Une série de tableaux identifiés "Magri SAS" et intitulés "Tarif Net Fonmarty au 25/04/2002" en date du 28 novembre 2002, présente les prix de différentes sortes de produits en fonction de leurs dimensions, sans que l'enquête ait pu établir que ces tableaux soient directement liés aux pratiques du C5.
Les déclarations des dirigeants des sociétés Ekem et Magri
141. M. F, directeur commercial des sociétés Ekem-Magri, a reconnu l'implication des sociétés pour lesquelles il travaillait lors de son audition par les enquêteurs :
"Les participants à ces réunions étaient la société France Portes (M. X la plupart du temps et M. C), la société Huet (M. K), Malerba (M. L, François et/ou Bruno), Righini (M. Z), Blocfer occasionnellement (M. J), Fonmarty (M.J.J. G) et les sociétés Ekem/Magri (M. S et moi-même) (...). Au cours des réunions [du C5], la société France Portes proposait de nouveaux prix et demandait aux autres membres participants d'approuver cette proposition, ce qui était généralement le cas (...). La société France Portes établissait par la suite les tableaux de prix minimums. Entre début 2000 (date de ma prise de nouvelles fonctions pour les sociétés Ekem Magri) et fin 2001, j'ai eu communication de 2 ou 3 séries de tableaux de prix minimums. Cette communication s'est faite soit en main propre lors d'une réunion ultérieure soit par courrier simple adressé à mon attention avec une carte de visite. Moi-même je transmettais une copie de ces tableaux à M. 2 pour son information car lui ne participait jamais aux réunions " extra-syndicales ".
142. Entendu à son tour, M. T, ancien adjoint au responsable des ventes nationales pour les sociétés du groupe Premdor, déclarait :
"Entre 1999 et 2002, je disposais de grilles de prix minimums, données par ma direction générale, à partir desquels j'établissais les prix catalogues. Officiellement, ces grilles étaient établies à partir des coûts de production auxquels je n'avais pas accès (...). Je ne sais pas si la grille interne des prix minimums - présentée comme le seuil de rentabilité de l'entreprise - que l'on me remettait, correspondait à celle mise au point au niveau de la profession".
143. Il apportait également des précisions quant à la signification de son courrier de démission daté du 4 mars 2002 et saisi dans les locaux de la société Premdor :
"Concernant le document répertorié sous les cotes 86 et 87 (scellé n° 2, procès-verbal de visite et saisie de la société Premdor en date du 10 décembre 2002), lorsque j'écris " dépit de la politique commerciale du groupement ou sous le couvert d'accord de prix avec les principaux intervenants du marché que nous sommes les seuls à les appliquer avec une rigueur absolue, ce qui nous fait perdre régulièrement des positions acquises au fil des années", je fais allusion aux accords sur des prix minimums entre les principaux intervenants du secteur que je viens d'évoquer ci-avant dans mes déclarations ; prix minimums que nous, commerciaux des sociétés Ekem-Magri, étions les seuls à respecter au travers de nos remises maximales ce qui nous valait de perdre des clients".
Les déclarations des autres membres de l'entente
144. Les déclarations concordantes de MM. D, C et K, déjà citées aux paragraphes 100, 101 et 114 confirment la participation de la société Ekem ou des sociétés Ekem Magri au cartel C5.
g) Les éléments recueillis à l'encontre de la société Fonmarty
Les documents saisis dans les locaux de la société Fonmarty
145. Ont été saisis des tableaux identifiés "Magri SAS" et intitulés "Tarif Net Fonmarty au 25/04/2002" en date du 28 novembre 2002, présentant les prix de différentes sortes de produits en fonction de leurs dimensions. L'enquête n'a pu établir que ces tableaux étaient directement liés aux pratiques du C5.
Les déclarations des dirigeants de la société Fonmarty
146. M. G, PDG de la société Fonmarty, déclarait aux enquêteurs lors de son audition :
"La société France Portes m'a régulièrement sollicité en vue de l'application des tarifs minimums qu'elle avait définis. Par deux fois, j'ai eu communication des tableaux de prix minimums établis par France Portes : une fois par courrier, une autre fois ils me les ont remis en main propre lors d'une réunion syndicale. De toute façon pour moi, il n'y a que le prix du marché qui compte pour faire les affaires. Si j'avais dû respecter les prix qu'ils nous donnaient j'aurais parfois été au-dessus ou au-dessous de ce prix de marché. En plus, je ne pratique pas les même tarifs pour une commande de 10 ou 500 portes, donc il aurait bien fallu que j'adapte ces prix. Les tableaux de prix minimums communiqués par France Portes ne m'ont jamais servi, je ne les ai d'ailleurs pas conservés".
Les déclarations des autres membres de l'entente
147. Les déclarations concordantes de MM. D, C, F et K déjà citées aux paragraphes 100, 101, 114 et 120, confirment la participation de la société Fonmarty au cartel C5.
h) Les éléments recueillis à l'encontre de la société Berkvens-Svedex
Les documents saisis dans les locaux de la société Berkvens-Svedex
148. Un document dactylographié intitulé "Séminaire Porte Laquée du 27 novembre" a été saisi chez Berkvens France, indiquant des prix et des taux de remise.
149. Un document manuscrit a été saisi, joint au précédent, détaillant la part de marché détenue par chacune des sociétés et faisant apparaître l'identité des représentants de chaque entité sociale présente à la réunion (France Portes (M. D) ; Svedex (M. 3) ; Polydex-Bruynzeel NL (M. J - M.4) ; Berkvens (M. 5) ; Huet (absent)).
Les documents saisis dans les locaux des sociétés Blocfer et Righini
150. Il convient de préciser que la présence de documents intéressant Berkvens-Svedex dans les locaux de la société Blocfer s'explique par le fait que M. J était à la fois directeur commercial de Blocfer et gérant de Polydex. Ont été saisis :
- un compte rendu de réunion de la société Blocfer adressé par M. J à M. 6, l'ancien directeur commercial de la société, en date du 24 septembre 1998 relatif à une "réunion fabricants de portes laquées le 9 septembre 1998" à laquelle assistaient des représentants des sociétés Berkvens, France Portes, et Svedex, dans lequel on peut lire :
"Les prix : si des exceptions confirment la règle, aux dires de chacun, les prix remontent pour se rapprocher des prix minimums. La hausse des prix minimums envisagée est de 3 %. Ce qui donne..." ;
- un compte rendu de réunion "Farbolux du 20/7/1999", dans lequel on peut lire : "Il a été décidé de nouveaux prix entrant en vigueur le 3/1/2000, date de livraison" ;
- un courrier de M. J, gérant de Polydex à l'attention de M. 7 (Polynorm Bruynzeel), daté du 6 octobre 1999, dans lequel on peut lire : "Pour information, je t'adresse également ci-joint le tableau des prix minimums élaboré par les concurrents (Berkvens, Svedex et France Portes) lors de leur dernière réunion" ;
- une page manuscrite, sur papier à en tête "Novotel Porte de Bagnolet", daté du 25/1/2000, dans lequel apparaît le nom de la société Svedex-Berkvens, une liste de prix ainsi que la mention :
"1/7 date de livraison : + 2 % ;
- un compte-rendu daté du 31 janvier 2000 relatif à une réunion tenue le 25 janvier 2000 entre les sociétés précédentes et Blocfer, faisant lui aussi référence à des prix minima :
"Chez les autres clients, les prix minimums appliqués sont en annexe (188 F la porte de base 850). Une hausse de ces prix, de 2 % est décidée..." ;
- un tableau intitulé "réunion Farbolux du 16 janvier 2001", saisi dans les locaux de la société Righini (dont la société Svedex était cliente).
Les déclarations des dirigeants de la société Berkvens-Svedex
151. M. O, responsable administratif des ventes de la société Berkvens-Svedex, a déclaré aux enquêteurs lors de son audition :
"Aujourd'hui, 200 000 portes laquées sont vendues en France, 120 000 pour Berkvens, on estime Theuma à 65 000 et Huet à 15 000. Nous sommes donc leader de la vente des portes laquées en France, surtout depuis le rachat de la société Svedex au 1er janvier 2000 par Berkvens Beer".
Avant 2000, nous avions 3 concurrents supplémentaires :
- France Portes, avec sa référence Farbolux (...),
- Svedex (...). Aujourd'hui, Svedex n'existe plus en France : tout se passe sous le nom de Berkvens bien que la fabrication se passe toujours dans les usines de l'ancienne société Svedex (...),
- Polydex, qui appartenait à Blocfer entre 1999 et 2000, avant de reprendre son indépendance pendant un an le temps de remonter un réseau commercial et d'être vendue au groupe Doorwin début 2002 (...).
Dans le cadre des salons professionnels (Batimat,...) il nous arrive notamment de rencontrer nos concurrents avec lesquels nous parlons du marché en général ou de problèmes que nous pouvons rencontrer avec certains clients (...). Les rencontres ou contacts que nous avons pu avoir n'ont jamais eu pour but de définir des prix minimums communs. La concurrence sur le marché des portes laquées est même plutôt vive (...). En interne, nous définissons des prix planchers, par rapport à nos prix d'achat et au contexte du marché".
Les déclarations des autres membres de l'entente
152. M. D, PDG de la société France Portes, a décrit le fonctionnement de l'entente lors de son audition par les enquêteurs (voir paragraphe 103).
153. M. C, directeur commercial de la société France Portes a, pour sa part, précisé :
"Concernant les portes laquées, j'ai dû participer à une ou deux réunions en 1998. Suite aux rachats et regroupements de sociétés, la pratique a disparu d'elle-même. De toute façon, les membres ne se faisaient pas confiance donc ça ne pouvait pas marcher".
154. M. J, ancien gérant de Polydex, a déclaré aux enquêteurs :
"La société instigatrice de la première pratique (France Portes) aurait bien voulu faire la même chose sur le marché des portes laquées mais Svedex, le leader pour la fabrication de ce type de produits, ne voulait pas en entendre parler. Cette société pratiquait des prix extrêmement bas, notamment dans le cadre d'un contrat avec Bouygues. Il y a eu une réunion à Roissy mais qui est restée sans suite car Svedex ne suivait pas d'une part à cause du contrat avec Bouygues et parce qu'ils ne voulaient pas remonter leurs prix. En ce qui concerne les portes laquées, un tableau de prix minimums - évolutif sur 1998 et 1999 - avait également été réalisé".
i) Le cas particulier de la société Polydex
155. La société Polydex, filiale de la société néerlandaise Polynorm, a été dissoute le 31 mai 2002. Son patrimoine a fait l'objet le 18 octobre 2002 d'une transmission universelle à sa société mère. Mise en cause par la société France Portes, les enquêteurs n'ont pu, faute d'archives disponibles ou de salariés à entendre, procéder à des investigations concernant cette société.
156. Pour autant, l'audition de M. J, ancien gérant de Polydex, a permis de conforter les allégations de la société France Portes. Entendu par les enquêteurs sur les documents saisis dans les locaux de la société Blocfer et concernant Polydex, celui-ci, sans jamais reconnaître l'existence du cartel des portes laquées, a néanmoins donné un éclairage dénué de toute ambiguïté sur l'attitude de la société dont il assumait alors la gérance.
"Concernant le document répertorié sous les cotes 156 à 159 (scellé n° 1, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002), il s'agit d'un compte-rendu à l'attention de M. 6... auquel est annexé un document de travail annoté (tableau cote 158) qui reprend des prix minimums de vente souhaités par la société à l'origine des réunions (caractères gras ajoutés par le Conseil).
Concernant le document répertorié sous la cote 160 (scellé n° 1, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002), il s'agit d'un tableau rédigé par France Portes (Farbolux est un produit de cette société) reprenant les prix minimums qui devaient constituer l'objectif de vente à atteindre. Je ne sais pas quelle est l'origine de ce document" (caractères gras ajoutés par le Conseil).
Concernant le document répertorié sous la cote 199 (scellé n° 1, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002) il s'agit d'un courrier que j'ai fait en tant que salarié de Blocfer à M. 7, salarié de Polynorm qui s'est occupé de la société Polydex lorsque celle-ci a été restituée à son groupe d'origine. Lorsque je dis "pour information, je t'adresse également ci-joint le tableau des prix minimums élaboré par les concurrents (Berkvens, Svedex, et France Portes) lors de leur dernière réunion" (caractères gras ajoutés par le Conseil). Je pense que j'étais présent à ladite réunion mais vu le volume que nous réalisions en vente de portes laquées nous étions suiveur et non meneur d'où l'expression "par les concurrents " et non " avec les concurrents". Lorsque j'indique "Ces prix ne reflètent pas les prix de marché", cela signifie qu'ils sont nettement au-dessus des prix pratiqués sur le marché. Quant à la phrase "je me suis fait avoir par le passé", elle signifie que j'ai dû vouloir les respecter et que j'ai perdu des marchés".
2. LE FONCTIONNEMENT DU C5
157. Des documents saisis ainsi que des auditions réalisées par les enquêteurs, il ressort plusieurs éléments permettant de comprendre l'organisation et le fonctionnement du C5.
a) La mise en place du C5
Les déclarations des personnes auditionnées
158. Dans le mémoire accompagnant sa demande de clémence, la société France Portes soutient que le C5, composé de la société France Portes SA et des sociétés Premdor (et de ses filiales Magri, Ekem, Fonmarty), Blocfer, Righini, Huet et Malerba, aurait été constitué dans les années 1985 et 1986, époque à laquelle le secteur de l'industrie des portes était en difficulté. Ce cartel, en dehors des années 1993, 1994 et 1996, aurait été actif, dans sa même composition jusqu'en 2002, date de la demande de clémence.
159. Ces propos sont, en grande partie, confirmés par les déclarations de M. K, PDG de la société JH Industries :
"Je souhaite resituer les faits dans leur contexte économique de l'époque, c'est à dire en 1984-1985, période au cours de laquelle la profession traversait une grave crise (...) A cette époque, la société France Portes disposait du plus gros site de production (4 sociétés je crois) mais n'échappait pas aux difficultés financières. Ils pratiquaient des prix à vaul'eau. Cette société avait donc un intérêt certain à voir les prix de la profession s'harmoniser. Afin de sortir du marasme que la profession traversait, France Portes a eu la volonté de réunir la profession pour définir des prix qui serviraient de point de mire (...) Jusqu'en 1995-96, il y a eu élaboration de ces prix, traduits en tableaux par France Portes, mais dans les faits ces prix n'ont jamais été respectés même par France Portes (...) Les tableaux ont permis à certains de se resituer sur le marché et donc en 1995-96, les prix ont recommencé à partir à vau-l'eau".
160. De même, M. Z, directeur général de la société Righini, a déclaré :
"C'est France Portes qui avait, seule, intérêt à ce que la pratique fonctionne, ce n'est d'ailleurs pas pour rien que cette société en était à l'origine en 1985, date à laquelle il y a eu une crise".
161. M. D, PDG de la société France Portes, a indiqué au cours son audition avoir participé aux réunions du C5 dès 1991 (voir paragraphe 100).
162. M. C, directeur commercial de la société France Portes, déclarait quant à lui :
"Dans les années 80, beaucoup de fabricants de portes ont déposé le bilan suite à une guerre des prix. Je suppose que c'est ce contexte qui a conduit certaines sociétés à se réunir à partir de ces années 1985-1986, mais je n'en connais pas l'instigateur. Pour la société France Portes, le participant aux réunions du C5 fut Claude X puis moi quand je l'ai eu remplacé dans ses fonctions de directeur commercial. En 1996-1997, j'ai en effet commencé à participer aux réunions du syndicat mais ce n'est qu'en 1997-1998 que j'ai pris part aux rencontres du C5 (...) En tant que "nouveau" représentant de la société France Portes c'est moi qui ai été désigné pour établir les tableaux. Ainsi je suis l'auteur des tableaux sur la période 1998-2001 (date de cessation de participation de France Portes aux réunions).
163. M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, déclarait à son tour :
"Depuis fin 2001, ces réunions "extra-syndicales" ne se tiennent plus notamment suite au désengagement de la société France Portes".
Les documents versés par France Portes et saisis dans les locaux des sociétés mises en cause
164. Des documents versés par France Portes, il ressort que des réunions du C5 ont bien eu lieu en 1990, 1991, 1992 et 1994.
165. La société à l'origine de la demande de clémence a en outre fourni au soutien de cette demande des grilles de prix minima qu'elle avait établies à la suite des réunions du C5 et diffusées, datées des :
- 1er mai 2000,
- 1er décembre 2000,
- 22 janvier 2001,
- 6 juin 2001,
- 1er novembre 2001.
166. Les investigations effectuées dans les locaux des sociétés incriminées ont permis de saisir des grilles de prix minima identiques. Ainsi, ont été retrouvées :
- dans les locaux de la société Malerba : les grilles de prix datées du 1er décembre 2000, du 22 janvier 2001 et du 1er novembre 2001 ;
- dans les locaux de la société Righini : les grilles de prix datées du 1er décembre 2000, du 6 juin 2001 et du 1er novembre 2001 ;
- dans les locaux de la société Premdor : des grilles de prix datées du 1er décembre 2000, du 22 janvier 2001, du 1er novembre 2001 ;
- dans les locaux de la société Blocfer : les grilles de prix datées du 1er mai 2000.
167. En outre, une grille de prix, identique dans la forme à celles diffusées par France Portes et datée du 1er décembre 2000, a été retrouvée dans les locaux de la société Malerba.
168. D'autres documents versés par France Portes ou saisis au siège des sociétés incriminées évoquent des réunions du C5 antérieures à 2000, notamment :
- des notes manuscrites, inscrites dans un cahier communiqué par France Portes ayant appartenu à M. X, ancien directeur commercial de France Portes, couvrant la période du 18 novembre 1997 au 25 février 2000, et relatant une réunion du C5 ayant eu lieu à Bordeaux le 18 mars 1998 ;
- un compte rendu de réunion de coordination du 6 mars 1998, saisi chez Malerba, évoquant les "réunions avec nos confrères concurrents" qui semblent "porter ses fruits, car les prix de base sont à la hausse".
169. Des déclarations et documents ainsi réunis, il apparaît que le C5, créé à l'occasion des difficultés qu'a connues le secteur des portes au milieu des années quatre-vingt, a été mis en place en 1985, qu'il a été mis en sommeil de 1993 à 1996, puis réactivé en 1998 pour s'achever fin 2001 à l'initiative de la société France Portes. Les documents recueillis attestent sans conteste une continuité des pratiques pour les années 2000-2001.
170. Il a néanmoins été difficile de réunir des grilles de prix attestant ces réunions pour les années 98-99, et antérieures à ces années, dans la mesure où, comme l'affirme M. C, directeur commercial de France Portes :
"Avant 1998, il n'y avait aucun formalisme et même les tableaux n'existaient pas à ma connaissance. Chaque participant devait prendre ses propres notes. Mais devant le succès limité de la démarche - erreurs de prises de notes ?- une décision collective a conduit à la création des tableaux de prix nets minimums. En tant que "nouveau" représentant de la société France Portes c'est moi qui ai été désigné pour les établir. Ainsi, je suis l'auteur des tableaux sur la période 1998-2001 (date de cessation de participation de France Portes aux réunions). Durant cette période, 3 ou 4 séries de tableaux ont dû être validées par les membres du C5, avec possibilité de brouillons intermédiaires. Tous les tableaux qui existaient chez France Portes ont été remis à l'appui de la demande de clémence. Les tableaux représentaient la synthèse de ce qui était discuté pendant les réunions, il n'y avait donc aucun autre document ou compte-rendu de rédigé à leur issue".
171. Il ressort de ces déclarations que les grilles de prix établies en commun étaient les seuls documents formalisant l'accord des participants à l'entente, ce qui explique qu'aucun compte-rendu "officiel" des réunions du C5 n'a pu être saisi au cours des investigations.
b) Le rôle moteur de la société France Portes
172. Le rôle central de la société France Portes dans l'existence, l'organisation et le fonctionnement de cette entente a été largement confirmé par les responsables de la société et ceux des autres sociétés impliquées dans l'entente.
173. Selon M. D, PDG de la société France Portes :
"Le rôle de leader de la société France Portes sur le marché à l'époque, faisait que face aux 4 autres sociétés plus familiales il était considéré comme l'animateur. M. X (ancien directeur commercial de France Portes), au début tout du moins, allait seul aux réunions du C5 puis il lui est arrivé d'emmener M. C ou Serge E (responsable recherche et développement), notamment en prévision du passage de relais pour la fonction de directeur (...) C'est donc son successeur à la fonction de directeur commercial, M. Thierry C, qui a pris le relais. Cette personne occupe toujours à l'heure actuelle ce poste mais ne participe plus, s'il y en a encore, aux réunions du C5".
174. M. K, PDG de la société JH Industries, confirmait ainsi les déclarations de M. D :
"A cette époque, la société France Portes disposait du plus gros site de production (4 sociétés je crois) mais n'échappait pas aux difficultés financières. Ils pratiquaient des prix à vau-l'eau. Cette société avait donc un intérêt certain à voir les prix de la profession s'harmoniser. Afin de sortir du marasme que la profession traversait, France Portes a eu la volonté de réunir la profession pour définir des prix qui serviraient de point de mire".
175. M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, déclarait à son tour :
"Cette société [France Portes] souhaitait établir des prix minimums de marché pour des portes et blocs-portes essentiellement pré-peintes (...) Le but de cette pratique était d'éviter une chute des prix de vente ou tout du moins de les stabiliser.
En 2000, lorsque je suis arrivé dans la société, le contexte économique du marché du bâtiment était normal, les prix n'étaient donc pas en train de s'écrouler - contrairement à ce qui peut se produire en temps de crise".
176. M. Z, directeur général de la société Righini, confirmait le rôle moteur joué par France Portes :
"La société France Portes cherchait à convaincre la profession d'appliquer des prix qu'elle déterminait elle-même, afin de pouvoir remonter ses prix, améliorer sa rentabilité et par là même, asseoir ses parts de marché. Pour cela, France Portes cherchait également à nous faire participer à des réunions qui auraient pu se tenir après les réunions syndicales (...) Entre 95 et 99, ils ont relâché la pression. Profitant de faire des propositions pour leurs panneaux postformés, les envois de tableaux de prix ont repris en 1999".
c) L'organisation des réunions du C5
177. Les réunions du C5 avaient lieu après les réunions du syndicat professionnel, sans que cette fréquence soit systématique. En règle générale, quatre réunions syndicales se tenaient statutairement tous les ans mais des réunions complémentaires pouvaient être organisées en tant que de besoin si l'actualité technique, juridique ou sociale le nécessitait. Ainsi pour l'année 2000, le SNFMI s'est réuni les 1er février, 3 mai, 19 septembre et 5 décembre. Pour l'année 2001, il s'est réuni les 6 février, 22 mai, 18 septembre et 4 décembre.
178. La société France Portes préparait des projets de grilles de prix minima qu'elle soumettait à la discussion des membres de l'entente. A l'issue de cette réunion, elle rédigeait les versions définitives des grilles qu'elle diffusait par fax ou de la main à la main aux membres de l'entente, sans que les dates qui y sont mentionnées correspondent nécessairement aux dates de réunions précises du SNFMI.
179. Les témoignages recueillis sont sur ce point concordants.
180. M. 8, délégué général du SNFMI, a ainsi confirmé la tenue des réunions syndicales pour la section des portes planes à Bordeaux :
"Généralement, les réunions se font ici [au siège du syndicat à Paris] sauf pour les portes planes dont les acteurs sont tous ou presque originaires du Sud-Ouest et pour lesquelles les réunions se déroulent la plupart du temps au Sofitel de Bordeaux-Lac".
181. S'agissant plus spécifiquement des réunions du C5, M. D, PDG de la société France Portes, déclarait aux enquêteurs :
"Depuis que j'appartiens à la société, je n'ai jamais vu de réunion dans les locaux de France Portes. Elles se passaient généralement dans des salles de réunions de grands hôtels (style Mercure, Novotel Mérignac ou Sofitel) le plus souvent à Bordeaux pour des raisons pratiques. Les réunions du syndicat se tiennent soit à Paris soit à Bordeaux, elles durent la matinée et sont suivies d'un déjeuner à l'issue duquel les membres du C5 en profitaient pour eux-mêmes se réunir. Je ne crois pas que le secrétaire général du syndicat ait eu un rôle quelconque dans le C5, même si je soupçonne qu'il en connaissait l'existence".
182. Ces déclarations ont été confirmées par M. F, responsable commercial des sociétés Ekem et Magri, qui précisait lors de son audition :
"Les réunions syndicales - donc extra syndicales - se déroulent généralement sur Bordeaux, les fabricants étant pratiquement tous situés dans le Sud-Ouest de la France, dans des salles de réunions d'hôtels (...) Il arrivait, mais pas de façon systématique, qu'après le déjeuner qui suivait la clôture de la réunion du syndicat, une autre réunion se tienne (...) A ma connaissance, des réunions en vue d'établir les prix minimums de vente n'avaient pas lieu entre les réunions du syndicat et chaque réunion syndicale n'était pas systématiquement suivie de cette réunion".
183. M. K, PDG de la société JH Industries, a de même déclaré :
"Les réunions avaient lieu à la suite des réunions syndicales proprement dites. Après le déjeuner, ceux qui étaient disponibles restaient pour discuter des prix entre eux et en dehors de toute considération syndicale (...) Au vu des fonctions des personnes présentes lors de réunions " extra-syndicales " (directeurs commerciaux ou responsables des sociétés), il n'était pas matériellement possible de se réunir 2 fois par mois comme cela est dit dans l'ordonnance. Il n'y avait pas de fréquence prédéfinie pour la tenue des réunions".
184. M. G..., PDG de la société Fonmarty, déclarait quant à lui :
"Après les déjeuners qui avaient lieu à l'occasion des réunions syndicales, la société France Portes (représentée par MM. X, C en général) nous approchait pour tenter de nous rallier à leur cause".
185. S'agissant de la tenue des réunions "extra-syndicales" du C5, elles avaient lieu à l'issue des réunions syndicales, sans convocation formelle des participants.
186. M. D, PDG de la société France Portes, précisait aux enquêteurs lors de son audition :
"Je n'ai jamais vu de convocation écrite (...) Je suppose que les convocations se faisaient oralement ou par fax, mais je n'en ai jamais vu".
187. M. C, directeur commercial de la société France Portes, confirmait les déclarations de M. D :
"Le C5 se réunissait en dehors de tout formalisme (convocation par exemple) puisque de simples appels téléphoniques entre membres permettaient de prévoir une date de réunion. Des réunions, qui duraient parfois plusieurs heures, pouvaient en effet avoir lieu en dehors de toute réunion syndicale. Il s'agissait de vraies réunions de travail, pas de simples conversations, même lorsqu'elles se tenaient après les réunions officielles du syndicat".
188. M. J, responsable commercial de la société Blocfer, confirmait lui aussi les déclarations des dirigeants de la société France Portes.
"Début 99 au moment où le marché redémarrait fort, des discussions plus ouvertes entre des membres du syndicat mais en dehors des réunions syndicales à proprement parler, ont eu lieu sur les prix des portes et la structure tarifaire (définition des suppléments, des dimensions (...). Il n'y a jamais eu de convocation pour des réunions relatives aux discussions sur les prix, ça s'est toujours fait avant ou après les réunions syndicales mais jamais pendant les réunions elles-mêmes et sans l'aval du syndicat. Je ne sais d'ailleurs pas si le secrétaire général était au courant".
d) L'objet des réunions du C5 : l'établissement en commun de grilles de prix minima
189. Les personnes entendues confirment que ces réunions "extra-syndicales" avaient pour objet d'établir en commun des grilles de prix minima.
190. M. D, PDG de France Portes SA, déclarait ainsi aux enquêteurs : "Il n'y avait pas de compte-rendu officiel de ce qui se passait pendant les réunions. A l'issue des réunions, les tableaux de prix minimums étaient établis généralement par France Portes qui les adressait ensuite aux 4 autres sociétés. Cet envoi se faisait selon moi par télécopie. Les tableaux étaient tapés sur papier blanc mais ne comportaient aucun signe distinctif si ce n'est le titre "prix nets minimums", justement pour être le plus anonymes possible (...) Ce qui est sûr c'est que le but recherché n'était pas de mettre en place un dumping des prix mais au contraire de faire passer une hausse des prix ou tout du moins de les maintenir".
191. Ces déclarations, ont été complétées par celles de M. C, directeur commercial de la société France Portes SA :
"Les tableaux représentaient la synthèse de ce qui était discuté pendant les réunions, il n'y avait donc aucun autre document ou compte-rendu de rédigé à leur issue. Les réunions permettaient la mise à jour des tableaux et éventuellement l'ajout de nouveaux produits, accessoires ou autre, à la liste. Une ou plusieurs réunions étaient parfois nécessaires dans le but de valider les tableaux.
Une fois approuvés, ces tableaux étaient envoyés à tous les membres, en règle générale par courrier (ou par fax). Il est aussi probable qu'ils aient pu être remis lors de réunions syndicales".
192. M. J, responsable commercial de la société Blocfer, confirmait les déclarations de MM. D et C :
"A peu près au même moment, des tentatives d'élaboration de tableaux de prix ont été faites par l'instigateur de la pratique, dont je préfère taire le nom mais il est évident que ça ne peut être qu'une société importante pour laquelle la pratique présente un intérêt et qui dispose d'un semblant de possibilité d'agir sur le marché. Ces tableaux étaient remis à l'occasion de ces réunions".
193. Les déclarations du directeur commercial des sociétés Ekem et Magri (paragraphe 141) et des dirigeants des sociétés Fonmarty (paragraphe 146), JH Industries (paragraphe 128), Malerba (paragraphe 113) et Righini (paragraphe 119) éclairent, elles aussi, les conditions dans lesquelles étaient établies en commun les grilles de prix minima.
e) L'objectif recherché par les membres de l'entente
194. Plutôt que d'harmoniser les politiques commerciales des membres de l'entente, il apparaît que le C5 avait principalement pour objet de maintenir un niveau de prix minima, alors même que le marché était en décroissance.
195. M. D, PDG de France Portes SA, déclarait ainsi aux enquêteurs : "Ce qui est sûr c'est que le but recherché n'était pas de mettre en place un dumping des prix mais au contraire de faire passer une hausse des prix ou tout du moins de les maintenir".
196. M. C, directeur commercial de la société France portes, précisait aux enquêteurs lors de son audition :
"Dans la majorité des cas, la volonté des membres du C5 était d'éviter que les prix ne se dégradent mais il est également arrivé que les prix baissent entre deux tableaux successifs, notamment dans le cas de produits techniques au départ qui se sont standardisés au fil du temps. Chacun pouvait proposer le nouveau prix, la discussion avait ensuite pour but de mettre tout le monde d'accord. Avec les indications portées dans les tableaux, on arrivait à faire les prix de 20 % des familles de produits (15 familles environ au total) vendus qui représentent 80 % du chiffre d'affaires (règle des 80-20 % si on raisonne en famille de produits et non en produits)".
197. M. K, PDG de la société JH Industries, déclarait :
"Les tableaux ont permis à certains de se resituer sur le marché et donc en 1995-96, les prix ont commencé à repartir à vau-l'eau avec des écarts très significatifs à 2 chiffres".
198. M. Z, directeur général de la société Righini, limitait à la seule société France Portes l'intérêt de définir et d'appliquer des grilles de prix minimums :
"C'est France Portes qui avait seul intérêt à ce que la pratique fonctionne, ce n'est d'ailleurs pas pour rien que cette société en était à l'origine en 1985, date à laquelle il y a eu une crise. En 15 ans c'est la seule société qui a changé de mains 3 fois, à cause de mauvais résultats et d'une part de marché qui s'effritait. En ce qui nous concerne, nous n'avions aucun intérêt dans cette démarche puisque nous avons largement augmenté notre chiffre d'affaires alors qu'eux, malgré cela ils en sont toujours au même point".
f) Le contrôle du respect des prix minima
199. Dans sa demande de clémence, la société France Portes SA avait précisé les modalités de contrôle du respect des prix minima. L'enquête a permis de confirmer les éléments dénoncés. En règle générale, les commerciaux des différentes sociétés exerçaient une surveillance sur le respect des prix minima par les sociétés concurrentes, et en cas de difficultés, des contacts étaient pris entre les différents responsables commerciaux pour résoudre ou tenter de résoudre le différend.
Un système de surveillance souple
200. Les dirigeants de France Portes ont confirmé qu'une surveillance des prix était assurée par les commerciaux des sociétés et que les éventuelles distorsions se réglaient "à l'amiable" entre directeurs commerciaux.
201. M. D, PDG de la société France Portes, détaillait devant les enquêteurs la manière dont les membres de l'entente veillaient à l'application des grilles de prix minima :
"Il existait une surveillance des prix pratiqués, au cas par cas, mais ce n'était donc pas une pratique institutionnalisée. Cette surveillance était assurée indirectement par les commerciaux de chacune des sociétés.
Ces derniers travaillent à partir de tarifs publics avec des grilles de remises maximales. L'application de ces dernières conduisait à ne jamais descendre en dessous des prix mini du C5. Les commerciaux devaient demander l'accord du directeur commercial pour y déroger et faire ainsi face aux prix proposés par la concurrence. Dans l'hypothèse où l'offre concurrente provenait d'un membre du C5, le directeur commercial prenait alors contact avec son homologue pour voir si le client avait réellement eu une telle proposition ou s'il avait menti.
Ceci était à la fois un moyen de savoir qui ne respectait pas les prix minimums du C5 et de faire pression sur eux pour qu'ils mettent un terme à cette attitude".
202. Ses déclarations ont été complétées par celles de M. C, directeur commercial de la société France Portes :
"Concrètement ce sont les commerciaux qui, sur le terrain, surveillaient et constataient les prix proposés. En ce qui concerne France Portes, en cas d'offre d'un concurrent avec des prix inférieurs à ceux définis par le C5, j'appelais mon confrère pour avoir une explication. Ces dernières pouvaient être de plusieurs ordres : oubli d'un élément dans le devis, problème de manque de travail, quelqu'un hors du C5 avait fait des prix particulièrement bas et mon concurrent souhaitait suivre".
Les exceptions
203. Néanmoins, les déclarations concordent pour établir que ces grilles de prix n'étaient pas strictement appliquées et que chacun des membres du C5 pouvait y déroger en tant que de besoin.
204. M. D, PDG de la société France Portes, indiquait aux enquêteurs lors de son audition que les grilles de prix pouvaient ne pas être respectées par les membres de l'entente :
"En ce qui concerne la société France Portes il a dû arriver, pour des affaires ponctuelles, que nous descendions en dessous des prix mini. Pour les autres, je serai moins catégorique".
205. M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, confirmait lui aussi que des pratiques dérogatoires étaient admises par les membres du C5 :
"Pour établir des prix ou accorder d'éventuelles dérogations il m'arrivait de contrôler par rapport à ces tableaux. Sur la période 2000-2001, j'ai pu déroger à ces prix minimums notamment en fonction des remontées que nous avions d'autres membres qui ne les respectaient pas, France Portes notamment, bien qu'ils en soient à l'origine".
Les pratiques "déviantes" n'étaient pas systématiquement sanctionnées
206. Il ressort des déclarations des personnes entendues que le fait de ne pas respecter les grilles de prix n'était pas systématiquement sanctionné (à l'exception toutefois de la société Blocfer qui, courant 2000, a été exclue des réunions du C5).
207. M. K, PDG de la société JH Industries, déclarait ainsi aux enquêteurs :
"Dans les faits ces prix n'ont jamais été respectés même par France Portes. Il n'y a jamais eu ni gendarme pour la vérification des prix pratiqués, ni sanction. En ce qui nous concerne, nous avons toujours pratiqué des prix au-dessus alors que France Portes pratiquait des prix en dessous".
208. M. J, responsable commercial de la société Blocfer, confirmait les déclarations de M. K :
"A deux ou trois reprises il m'est arrivé d'avoir des appels téléphoniques de la part de la société instigatrice pour me faire remarquer que j'avais fait des propositions de prix en dessous des prix planchers définis. Il ne pouvait pas y avoir plus de conséquence que cela en cas de non-respect".
209. Ces déclarations ont été confirmées également par M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri :
"A ma connaissance, il n'y avait pas de sanction en cas de non-respect des prix minimums".
210. M. T, ancien adjoint au responsable des ventes nationales pour les sociétés du groupe Premdor, a de même déclaré :
"Sur le terrain, les prix minimums étaient très rarement appliqués car pour une raison ou pour une autre mais notamment pour s'aligner sur les concurrents, les propositions de prix étaient souvent en dessous. Les menuisiers montrent très souvent les propositions de prix qu'ils reçoivent et nous connaissions donc parfaitement les prix pratiqués par nos concurrents. Je pense que les accords sur les prix au niveau de la profession portaient sur les produits les plus courants (20 % des références du catalogue) qui représentent environ 80 % des ventes. Un éventuel accord sur les prix au niveau des dirigeants n'était pas relayé sur le terrain".
211. S'agissant du cas particulier de la société Blocfer, M. C, directeur commercial de la société France Portes, déclarait :
"La société Blocfer venait aux réunions pour prendre les prix mais ne les respectait pas. Lorsque nous les interrogions sur leur niveau de prix, ils ne fournissaient pas d'explications. Du coup, on ne leur parlait plus de la tenue des réunions, c'est comme ça qu'ils ont été "exclus" du C5".
g) La répartition éventuelle de clientèle
212. Deux responsables de la société France Portes SA interrogés, ont indiqué aux enquêteurs que l'entente avait aussi pour objet la répartition de la clientèle, comme semblaient le laisser penser le document cité au paragraphe 136 et une page manuscrite saisie dans les locaux de la société Malerba, faisant référence à l'année 2000, associant aux sociétés Huet et France Portes des noms de sociétés clientes qui paraissent leur être attachées.
213. M. D, PDG de la société France Portes, a ainsi déclaré : "A travers le C5, les sociétés avaient une attitude plutôt défensive. Elles cherchaient à maintenir la répartition de la clientèle : chacun veillait à ne pas démarcher les clients des autres ou à respecter sa part de marché, certains clients travaillant parfois avec plusieurs membres du C5 en même temps. Il n'existe pas de liste des clients par société mais chaque société sait avec quel fournisseur travaille chaque client (marquage des portes)".
214. Ces propos ont été confirmés par M. C, directeur commercial de la société France Portes :
"Le C5 avait pour but de mettre en place des prix minimums sur les produits les plus courants et basiques et de stabiliser la clientèle dérogatoire... Dans la profession des fabricants de portes on connaît tous les fournisseurs des gros clients du marché. A partir de ce constat, les membres du C5 se sont mis d'accord sur une sorte de "pacte de non-agression" pour permettre à chacun de garder ses clients. Ainsi, chacun possédait des clients stratégiques considérés comme "dérogatoires" pour lesquels il était possible de proposer des prix inférieurs de 10 % aux prix minimums.
Certains gros clients travaillent avec plusieurs fournisseurs membres du C5 alors pour éviter que le client n'utilise la proposition de l'un pour faire baisser celle de l'autre, les sociétés concernées se contactaient".
215. Les dirigeants des autres sociétés, interrogés sur la répartition de la clientèle entre membres du C5, ont, tous, contesté la possibilité d'une répartition de clientèle.
216. Ainsi, M. G, PDG de la société Fontmarty, a-t-il déclaré:
"En ce qui concerne une éventuelle répartition des clients, par client, zone géographique ou autre, c'est totalement impossible. Il n'y a pas de client réservé à l'un ou à l'autre. Une bonne partie de mes clients travaillent avec plusieurs fournisseurs, dans leur propre intérêt. Moi-même je ne fais pas plus de 10 % de mon chiffre d'affaires avec le même groupe".
217. De même, M. Z, directeur général de la société Righini :
"Une répartition géographique des clients ou par enseigne n'est pas envisageable. Cette démarche a par contre été mise en œuvre au sein du groupe France Portes qui orientait ses clients en fonction de l'usine la plus proche. Cela leur a d'ailleurs fait perdre pas mal de parts de marché".
218. Ces propos ont été confirmés par M. K, PDG de la société JH Industries :
"Il n'y a pas eu de répartition de client ou de zone géographique pour chacun, les réunions ne portaient que sur les prix".
219. M. J, responsable commercial de la société Blocfer, a également déclaré :
"Je ne crois pas que les discussions aient porté sur la répartition des clients".
220. M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, confirmait lui aussi les propos tenus par les dirigeants des autres sociétés :
"Cette société [France Portes] souhaitait établir des prix minimums de marché pour des portes et blocs-portes essentiellement pré-peintes mais pas le partage de clientèle. Ce dernier point est plutôt dû au créneau de marché de chacune des sociétés".
3. LE CARTEL DES PORTES LAQUEES
221. Le second cartel dénoncé par la société France Portes concerne les portes laquées (référence Farbolux pour la société France Portes). L'objectif consistait également à fixer des prix nets minimums au travers de tableaux intitulés "réunions Farbolux", souvent insérés au milieu des autres tableaux de prix.
a) Les faits dénoncés
222. Le mémorandum rédigé par la société France Portes précise que le cartel relatif aux portes laquées comprenait les sociétés suivantes : France Portes, Berkvens, Svedex (aujourd'hui filiale de Berkvens) et Polydex (ayant auparavant appartenu au groupe Blocfer et rachetée par le groupe Polynorm).
223. Le cartel aurait débuté en 1991/1992 et se serait poursuivi au moins jusqu'en 2000. Les membres du cartel représentaient approximativement 95 % du marché français de la porte laquée. Chaque participant au cartel vendait en France entre 30 000 à 40 000 unités de portes laquées par an. Le reste des ventes était réalisé par Theuma SA, une société belge (qui n'était pas membre du cartel "portes laquées"), ainsi que par les sociétés Righini et Huet.
224. D'après la société France Portes, les membres du cartel "portes laquées" auraient établi des prix minima applicables à la porte laquée sur le marché français. Cet objectif aurait été atteint par l'établissement d'une liste de prix minima, du même type que celle du C5. Cette liste imposait un prix minimum en dessous duquel la porte laquée ne devait pas être vendue. Afin de s'entendre sur la liste des prix, les membres du cartel "portes laquées" (essentiellement les directeurs des ventes France des sociétés concernées) se rencontraient à Paris environ une fois par an. France Portes s'assurait ensuite de la diffusion de cette liste aux membres de l'entente.
b) Les éléments recueillis au cours de l'enquête
Les auditions des dirigeants de la société France Portes
225. M. D, PDG de la société France Portes, a donné aux enquêteurs quelques indications sur l'organisation et le fonctionnement du cartel des portes laquées :
"En ce qui concerne l'entente sur les portes laquées, il en a été question mais plus pour mémoire et être tout à fait honnête avec l'administration car c'est quelque chose de tout à fait marginal. Elle consistait également en la mise en place de prix minimums et à respecter un certain statu quo dans la répartition des clients.
La vente des portes laquées représente en France environ 200 000 unités par an. L'entente concernant ces portes était totalement indépendante du C5. Elle avait été mise en place afin de nous préserver d'une chute de prix : nos concurrents étrangers qui souhaitaient pénétrer le marché français, beaucoup moins virulent en terme de concurrence que les autres marchés européens, auraient pu avoir tendance à faire du dumping sur les prix et à les faire baisser. Le prix du marché à l'époque était d'environ 190 F pour une porte aux dimensions classiques (730 ou 830) et certains de nos concurrents auraient souhaité descendre à 150 F.
Ce n'est pas la société France Portes qui a été à l'origine de cette entente, mais l'une des sociétés étrangères qui était également implantée dans le nord de la France (Berkvens à confirmer).
Avec nos partenaires nous nous rencontrions tous les 9-10 mois, ces réunions avaient lieu dans des hôtels à proximité de l'aéroport de Roissy. Là encore rien n'était formalisé, hormis le tableau des prix minimums. Il n'existait pas de système formalisé de surveillance de prix, mais des remontées au coup par coup. De fait, en 2000, la société France Portes est sortie de cette entente car à cette date elle a stoppé sa production de portes laquées. Depuis cette date, nos commerciaux vendent des portes laquées fabriquées par l'industriel belge Theuma. Je ne sais donc pas si le cartel vit toujours".
226. M. C, directeur commercial de la société France Portes a, pour sa part, précisé avoir personnellement participé à ces réunions de fixation des prix minimums :
"Concernant les portes laquées, j'ai dû participer à une ou deux réunions en 1998. Suite aux rachats et regroupements de sociétés, la pratique a disparu d'elle-même. De toute façon, les membres ne se faisaient pas confiance donc ça ne pouvait pas marcher".
Les éléments recueillis au cours des investigations
227. Les investigations des enquêteurs ont été rendues plus difficiles par le fait que la société Polydex a juridiquement disparu depuis 2002, sans qu'il soit matériellement possible d'accéder à ses archives. De ce fait, l'audition de son ancien gérant, M. J..., a été le seul acte d'enquête possible pour cette société.
228. La société Berkvens-Svedex a, quant à elle, pu faire l'objet d'une opération de visites et saisies.
L'audition de M. J..., ancien gérant de la société Polydex
229. M. J..., lors de son audition par les enquêteurs, a reconnu l'existence de la pratique, tout en minorant ses effets :
"La société instigatrice de la première pratique (France Portes) aurait bien voulu faire la même chose sur le marché des portes laquées mais Svedex, le leader pour la fabrication de ce type de produits, ne voulait pas en entendre parler. Cette société pratiquait des prix extrêmement bas, notamment dans le cadre d'un contrat avec Bouygues.
Il y a eu une réunion à Roissy mais qui est restée sans suite car Svedex ne suivait pas d'une part à cause du contrat avec Bouygues et parce qu'ils ne voulaient pas remonter leurs prix. En ce qui concerne les portes laquées, un tableau de prix minimums - évolutif sur 1998 et 1999 - avait également été réalisé".
Les éléments factuels recueillis au cours des investigations
230. Un document dactylographié intitulé "Séminaire Porte Laquée du 27 novembre" (1997) a été saisi dans les locaux de la société Berkvens France, indiquant des prix et des taux de remise.
231. Un document manuscrit, joint au précédent, daté du 12 décembre 1997, détaille la part de marché détenu par chacune des sociétés et fait apparaître l'identité des représentants de chaque entité sociale, dont on peut supposer qu'il s'agit des personnes présentes à la réunion.
232. A également été saisi un compte rendu de réunion de la société Blocfer adressé par M. J... à M. 6..., ancien directeur commercial de la société, en date du 24 septembre 1998 relatif à une " réunion fabricants de portes laquées le 9 septembre 1998 ", à laquelle assistaient des représentants des sociétés Berkvens, France Portes, et Svedex, dans lequel on peut lire :
"Les prix : si des exceptions confirment la règle, aux dires de chacun, les prix remontent pour se rapprocher des prix minimums. La hausse des prix minimums envisagée est de 3 % Ce qui donne...".
233. Entendu sur ce point, M. J... a précisé :
"Concernant le document répertorié sous la cote 155 (scellé n°1, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002), la phrase "si des exceptions confirment la règle, aux dires de chacun, les prix remontent pour se rapprocher des prix minimums" portée dans un courrier que j'adresse à M. 6... fait bien référence aux prix préconisés par la profession et repris au bas de la page".
234. Un tableau de prix a été saisi dans les locaux de Blocfer intitulé "Réunion Farbolux du 20/7/1999", dans lequel on peut lire "il a été décidé de nouveaux prix entrant en vigueur le 3/1/2000, date de livraison".
235. Entendu sur ce point, M. J... a déclaré :
"Concernant le document répertorié sous la cote 160 (scellé n°1, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002), il s'agit d'un tableau rédigé par France Portes (Farbolux est un produit de cette société) reprenant les prix minimums qui devaient constituer l'objectif de vente à atteindre. Je ne sais pas quelle est l'origine de ce document".
236. Dans un courrier de M. J..., gérant de Polydex à l'attention de M. 7... (Polynorm Bruynzeel), daté du 6 octobre 1999, on peut lire :
"Pour information, je t'adresse également ci-joint le tableau des prix minimums élaboré par les concurrents (Berkvens, Svedex et France Portes) lors de leur dernière réunion".
237. Entendu sur ce point, M. J... a déclaré :
"Concernant le document répertorié sous la cote 199 (scellé n°1, procès-verbal de visite et saisie de la société Blocfer en date du 10 décembre 2002) il s'agit d'un courrier que j'ai fait en tant que salarié de Blocfer à M. 7, salarié de Polynorm qui s'est occupé de la société Polydex lorsque celle-ci a été restituée à son groupe d'origine. Lorsque je dis "pour information, je t'adresse également ci-joint le tableau des prix minimums élaboré par les concurrents (Berkvens, Svedex, et France Portes) lors de leur dernière réunion" je pense que j'étais présent à ladite réunion mais vu le volume que nous réalisions en vente de portes laquées nous étions suiveur et non meneur d'où l'expression "par les concurrents" et non "avec les concurrents".
238. Un compte-rendu de réunion établi par M. J, à son supérieur hiérarchique M. 6, daté du 31 janvier 2000, fait état d'une réunion du 25 janvier 2000 à laquelle participaient des représentants des sociétés France Portes, Svedex et Polydex et au cours de laquelle une augmentation uniforme des prix minima était décidée. On peut ainsi lire :
" Chez les autres clients, les prix minimums appliqués sont en annexe (188 F la porte de base 850).
Une hausse de ces prix, de 2 % est décidée...".
239. Entendu sur ce point, M. J a déclaré :
"Il s'agit d'un compte rendu de réunion à l'attention de M. 6 auquel est annexé un document de travail annoté qui reprend des prix minimums de vente souhaités par la société à l'origine des réunions".
240. Un tableau de prix intitulé "réunion Farbolux du 16 janvier 2001" a été saisi dans les locaux de la société Righini.
E. LES GRIEFS NOTIFIES
241. A l'issue des investigations, les griefs suivants ont été notifiés :
* "Il est fait grief aux sociétés France Portes SA, Blocfer, Righini, JH Industries, Malerba et à la société Premdor et à ses filiales les sociétés Ekem, Magri et Fonmarty d'avoir consciemment et volontairement aligné les prix de leurs portes et blocs portes iso-planes.
Cet alignement volontaire des prix entre ces différentes sociétés a été facilité par les échanges d'informations entre les différents responsables de ces sociétés et résulte de l'entente préalable volontaire et librement consentie de ces sociétés de renoncer à se faire concurrence et à suivre une politique commerciale sur le marché des portes et blocs portes iso-planes en instaurant des prix minimums faisant obstacle à une baisse tendancielle des prix sur ce marché. Ce comportement a eu pour objet et pour effet de porter atteinte à la concurrence sur le marché des portes et blocs portes iso-planes et il est prohibé par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Le cartel, mis en œuvre sur tout le territoire français, a nécessairement affecté le commerce intra-communautaire; il est donc contraire à l'article 81 du traité CE.
* Il est fait grief aux sociétés France Portes SA, Blocfer, Righini, JH Industries, Malerba, et à la société Premdor et à ses filiales Ekem Magri et Fonmarty de s'être volontairement et consciemment réparti la clientèle. Cette répartition de clientèle a été facilitée par les accords passés entre les différents responsables de ces sociétés et résulte d'une entente préalable volontairement et librement consentie de ces sociétés de renoncer à se faire concurrence et à suivre une politique commerciale indépendante sur le marché des portes et blocs portes iso-planes en se répartissant la clientèle. Ce comportement a eu pour objet et pour effet de porter atteinte à la concurrence sur le marché des portes et blocs portes iso-planes et il est prohibé par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE.
* Il est fait grief aux sociétés France Portes SA, Berkvens, Svedex, et à la société Polydex d'avoir consciemment et volontairement aligné les prix de leurs portes laquées. Cet alignement volontaire des prix entre les différents sociétés a été facilité par les échanges d'informations entre les différents responsables de ces sociétés et résulte de l'entente préalable volontaire et librement consentie de ces sociétés de renoncer à se faire concurrence et à suivre une politique commerciale sur le marché des portes laquées en instaurant des prix minimums faisant obstacle à un libre jeu des prix sur le marché. Ce comportement a eu pour objet et pour effet de porter atteinte à la concurrence sur le marché des portes laquées et il est prohibé par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE".
II. Discussion
Seront successivement discutés :
- La compétence du Conseil ;
- La prescription ;
- Les moyens de procédure ;
- Le bien fondé des griefs.
A. SUR LA COMPETENCE DU CONSEIL
242. La société Righini soutient que le Conseil de la concurrence serait incompétent pour connaître de la présente procédure au motif que le dépôt par la société France Portes d'une demande de clémence auprès des services de la Commission européenne dessaisirait, par application du 6ème alinéa de l'article 11 du règlement 1-2003, l'autorité nationale de concurrence de sa compétence pour appliquer l'article 81 du traité CE.
243. Mais si la disposition invoquée prévoit que "l'ouverture par la Commission d'une procédure en vue de l'adoption d'une décision en application du chapitre III dessaisit les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer les articles 81 et 82 du traité (...)", le dépôt d'une demande de clémence auprès de la Commission n'entraîne pas nécessairement l'ouverture d'une procédure par cette dernière.
244. En effet, conformément au point 52 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (2004-C 101-03 du 27 avril 2004) : "l'ouverture d'une procédure est un acte officiel par lequel la Commission fait part de son intention d'adopter une décision en vertu du chapitre III du règlement du Conseil. Elle peut avoir lieu à n'importe quel stade de l'examen de l'affaire par la Commission. Le simple fait que la Commission ait reçu une plainte n'est pas suffisant en soi pour dessaisir les autorités nationales de concurrence de leur compétence".
245. Dans un arrêt du 6 février 1973 (SA Brasserie de Haecht, n° 48-72), la Cour de justice des communautés européennes a précisé que l'"acte officiel" est "un acte d'autorité de la Commission, manifestant sa volonté de procéder à une décision".
246. En l'espèce, la demande de clémence de France Portes ainsi que l'immunité conditionnelle qui lui a été accordée par la Commission ne peuvent s'interpréter comme une ouverture de procédure au sens du 6ème alinéa de l'article 11 du règlement 1-2003, dans la mesure où la Commission n'a jamais pris d'acte officiel manifestant son intention d'adopter une décision en vertu du chapitre III de ce règlement.
247. En conséquence, l'exception d'incompétence soulevée par la société Righini doit être écartée.
B. SUR LA PRESCRIPTION
248. La société Malerba considère que le premier acte interruptif de prescription est constitué par la saisine d'office du Conseil de la concurrence, datée du 23 juillet 2002. En conséquence, elle demande au Conseil de la concurrence de ne prendre en considération que les faits et pièces postérieurs au 23 juillet 1999.
249. L'article L. 462-7 du Code de commerce dispose, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, que "le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction".
250. La démarche volontaire entreprise par la société France Portes, le 31 mai 2002, auprès de la DGCCRF puis du Conseil a consisté, non seulement à dénoncer des pratiques ignorées jusqu'alors des autorités de concurrence, mais également à verser des éléments permettant de constater l'existence d'une infraction présumée et donner à ces autorités les moyens, à partir des documents fournis par elle, de rechercher des preuves nouvelles permettant d'étayer ses allégations.
251. En conséquence, les courriers adressés les 31 mai et 14 juin 2002 à la DGCCRF par la société France Portes SA doivent nécessairement être interprétés comme les actes volontaires d'une entreprise révélant aux autorités de la concurrence sa participation à la commission d'infractions à l'article L. 420-1 du Code de commerce, et permettant à ces autorités, à l'aide de son témoignage et des documents versés, d'en faciliter la recherche, d'en constater l'existence et finalement de les sanctionner.
252. Comme la Cour d'appel de Paris l'a rappelé dans un arrêt du 25 novembre 2003 (SAS Prefall), la déclaration spontanée d'un chef d'entreprise devant les agents de la DGCCRF est un acte interruptif de prescription, dès lors qu'il tend à la recherche, la constatation et la sanction de pratiques anti-concurrentielles. Il en est de même d'une lettre d'une société demandant à la Commission de la concurrence de se saisir d'office (Cour d'appel de Paris, 27 septembre 1990, Société des Lubrifiants du Midi).
253. Dès lors, s'agissant de l'entente affectant les marchés des portes planes et iso-planes, le courrier adressé le 31 mai 2002 par la société France Portes sur le fondement du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce est un acte tendant à la recherche, la constatation et la sanction de pratiques anticoncurrentielles : il est donc interruptif de prescription. En conséquence, le Conseil, saisi in rem, est habilité à connaître des faits concernant cette entente remontant au plus tard au 31 mai 1999.
254. Pour les mêmes raisons, s'agissant de l'entente affectant le marché des portes laquées, le courrier de la société France Portes du 14 juin 2002 est un acte interruptif de prescription. Dès lors, le Conseil, saisi in rem, est habilité à connaître des faits concernant cette entente remontant au plus tard au 14 juin 1999.
255. Les éléments, présents au dossier, portant sur la période antérieure, s'ils attestent de l'existence de réunions de concertation durant les années 90, ne suffisent pas, du fait de l'interruption avérée des réunions de concertation en 1993, 1994 et 1996 et du peu d'éléments recueillis concernant les années 1997 et 1998, à établir le caractère continu des pratiques dénoncées sur cette période et ne peuvent être utilisés pour sanctionner les infractions commises antérieurement à 1999 puisque portant sur des faits prescrits.
256. En revanche, au terme d'une jurisprudence constante (Cour de cassation, 30 mai 1995, Société Juin ; Cour d'appel de Paris, 29 janvier 2002, Tramway de Grenoble), ces éléments peuvent être utilisés pour éclairer les faits non prescrits susceptibles d'être sanctionnés, à la condition qu'il n'en soit pas tiré de conséquences quant à la gravité de ces derniers.
C. SUR LES MOYENS DE PROCEDURE
1. SUR L'ACCES AU DOSSIER ET LE RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE
a) En ce qui concerne les correspondances échangées entre la DGCCRF et la société France Portes avant le 31 mai 2002
257. La société Righini indique ne pas avoir eu accès à des courriers échangés entre France Portes et les services de la DGCCRF avant le 31 mai 2002, date de la demande de clémence présentée par cette dernière société. Cette circonstance affecterait de nullité la procédure suivie devant le Conseil, car elle aurait porté atteinte aux droits de la défense.
258. L'accès aux pièces du dossier du Conseil a pour objet de permettre aux sociétés destinataires d'une notification de griefs de prendre connaissance des éléments sur lesquels se fonde cette dernière, afin de pouvoir se défendre utilement. Il n'existe, par suite, aucune obligation de joindre au dossier d'autres documents, notamment ceux antérieurs à la saisine du Conseil, qui ne sont pas utilisés pour fonder les griefs notifiés. Il en est notamment ainsi, de jurisprudence constante, des pièces présentées par la DGCCRF au juge autorisant les visites et saisies (Cour de cassation, 3 octobre 1995) ou encore des courriers ou pièces échangés, avant la saisine du Conseil, au sein des services de la DGCCRF.
259. En l'espèce, les courriers échangés entre la société France Portes et les services de la DGCCRF, antérieurs à la demande de clémence du 31 mai 2002, qui n'ont pas été fournis par la DGCCRF au rapporteur et n'ont donc pas été utilisés pour fonder la notification de griefs, n'avaient pas à être joints au dossier.
260. Le moyen n'est donc pas fondé en droit. Il convient d'ailleurs d'ajouter qu'il manque en fait dès lors que les courriers précités, dont il s'est avéré qu'ils se bornaient à évoquer les conditions procédurales dans lesquelles la demande de clémence devait être adressée aux autorités de concurrence, ont été spontanément versés au dossier le 23 janvier 2006 par la société France Portes : la société Righini a ainsi été mise en mesure d'en prendre connaissance. Cette dernière n'est donc pas fondée à invoquer une méconnaissance des droits de la défense, pas plus qu'elle ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la DGCCRF, les prescriptions de la loi du 17 juillet 1978 relatives à l'accès aux documents administratifs.
b) En ce qui concerne le rapport présenté par le rapporteur à l'occasion de la séance consacrée à l'examen de l'avis de clémence
261. La société Righini soutient que le principe du contradictoire a été méconnu du fait que les rapports, écrit et oral, établis par les services d'instruction en vue de permettre au Conseil d'élaborer son avis conditionnel de clémence, ne lui ont pas été communiqués, alors que ces rapports sont des actes d'instruction auxquels les parties doivent avoir accès.
262. La société Malerba reprend cette argumentation en limitant ses observations à l'absence de communication du rapport oral du rapporteur.
263. Le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose qu' "à la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, le Conseil de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'Economie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié".
265. En l'espèce, le Conseil s'est réuni le 17 juillet 2002 afin de statuer sur l'octroi du bénéfice conditionnel de la clémence à la société France Portes à laquelle le rapport de la rapporteure avait été préalablement communiqué, conformément aux dispositions précitées. Il a, à cette occasion, entendu notamment le rapport oral de la rapporteure.
266. L'avis de clémence adopté par le Conseil le 23 juillet 2002, qui est le seul acte par lequel ont été définies les conditions auxquelles était subordonnée l'exonération de sanction demandée par la société France Portes, a été versé au dossier au stade de la notification de griefs afin que toutes les parties puissent en avoir connaissance. Le rapport préalable qui se borne à élaborer des propositions d'exonération de sanctions et les soumet au Conseil est adressé à l'entreprise demanderesse à l'octroi du bénéfice de la clémence mais n'a pas à être communiqué aux parties destinataires de la notification de griefs, selon les dispositions de l'article 44 du décret. Au surplus, les sociétés Righini et Malerba qui ne peuvent, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 26 novembre 2003 (TF1), exiger que le rapport oral de la rapporteure fasse l'objet d'une retranscription écrite, n'apportent aucun élément de nature à étayer l'allégation selon laquelle ce rapport leur aurait été utile pour se défendre contre les griefs qui leur ont été notifiés. Le moyen, non fondé en droit, manque aussi en fait dès lors que le rapport en cause, préalable à l'examen par le Conseil de l'avis de clémence, a été transmis aux parties par courrier du 4 août 2005 et signifié à nouveau à la société Righini par voie d'huissier le 25 octobre 2005.
264. L'article 44 du décret du 30 avril 2002 précise les conditions procédurales dans lesquelles le Conseil de la concurrence est amené à rendre son avis et le rôle joué à cette occasion par le rapporteur désigné par le rapporteur général : "Un rapporteur du Conseil de la concurrence élabore des propositions d'exonération de sanctions et précise les conditions auxquelles le Conseil de la concurrence pourrait soumettre cette exonération dans son avis de clémence. Son rapport est adressé, au moins trois semaines à l'avance, à l'entreprise ou organisme concerné et au commissaire du gouvernement".
c) En ce qui concerne les documents déposés par la société France Portes auprès des services de la Commission européenne
267. La société Righini soutient qu'il aurait été porté atteinte au principe du contradictoire au motif que des informations auraient été échangées, entre la Commission et le Conseil de la concurrence, sans qu'elles aient été versées à la procédure.
268. Cette société vise plus spécifiquement deux documents : la demande de clémence déposée par la société France Portes et l'immunité conditionnelle de clémence accordée par la Commission européenne, qui auraient "nécessairement donné lieu à échange d'informations", en application du 2 de l'article 11 du règlement 1-2003.
269. Mais aucun de ces deux documents (demande de clémence et immunité conditionnelle) n'a été transmis au Conseil, qui a simplement été informé de leur existence.
270. En outre, la transmission d'informations détenues par la Commission, telle qu'organisée par le 2 de l'article 11 du règlement 1-2003, ne vise que les cas où la Commission, ayant eu connaissance d'une infraction, informe l'autorité nationale de concurrence des mesures prises à l'encontre de la société à l'encontre de laquelle a été ouverte une procédure (au sens de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence datée du 27 avril 2004). En l'espèce, comme il a été rappelé au paragraphe 246 de la décision, la Commission n'ayant pas ouvert de procédure au fond, le 2 de l'article 11 n'a pas reçu application.
271. Il convient donc d'écarter ce moyen.
d) En ce qui concerne l'impossibilité dans laquelle se serait trouvée la société Righini, d'accéder aux annexes du rapport
272. La société Righini invoque la nullité de la procédure au motif qu'elle n'aurait pu accéder aux pièces jointes au rapport daté du 3 août 2005 : les CD Roms contenant ces pièces étant, selon elle, défectueux, elle aurait été privée de la possibilité de discuter les éléments sur lesquels se fondait le rapporteur ainsi que les observations des parties.
273. La société Righini a fait état, par courrier daté du 1er septembre 2005, des difficultés qu'elle avait à lire les CD Roms annexés au rapport du 3 août 2005. Le bureau de la procédure a, dès le 6 septembre 2005, procédé à l'envoi d'un nouveau jeu de CD Roms par courrier recommandé. Pour des raisons inexpliquées (l'enquête diligentée par les services de la Poste s'étant révélée infructueuse), l'accusé de réception de cet envoi n'est jamais parvenu au Conseil.
274. Afin de donner à la société Righini un plein accès aux pièces versées en annexe du dossier, le rapporteur général a mandaté, par courrier du 12 octobre 2005, un huissier bordelais en vue de notifier les CD Roms comportant les annexes du rapport.
275. Cette signification ayant été faite le 25 octobre 2005, le rapporteur général adressait le 2 novembre 2005 un courrier dans lequel il indiquait qu'"à compter de la remise des pièces par voie d'huissier le 25 octobre 2005, vous bénéficiez d'un délai de deux mois pour produire un éventuel mémoire en réponse". La société Righini répondait par courrier du 10 novembre 2005 qu'elle n'entendait pas déposer de mémoire complémentaire.
276. L'intégralité des pièces versées en annexe au rapport du 3 août 2005 a donc bien été communiquée à la société Righini. Il ne peut être soutenu que la défectuosité des CD Roms versés en annexe du rapport résulterait d'une volonté manifeste du Conseil de limiter l'accès de la société Righini à l'intégralité de la procédure, les trois envois successifs des pièces versées en annexe démontrant, au contraire, la volonté des services d'instruction de donner à la société Righini un accès complet à la procédure.
277. En conséquence, ce moyen doit être écarté.
e) En ce qui concerne les conditions de notification du rapport
278. La société Righini soutient qu'une irrégularité "substantielle" a été commise par le rapporteur dans la mesure où son rapport daté du 3 août 2005, faisant suite à la notification de griefs puis aux observations des parties, a été notifié au siège de la société Righini alors qu'il aurait dû l'être, conformément au mandat donné par la société Righini, à l'adresse de ses conseils.
279. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 3 août 2005, comme le prévoit l'article 36 du décret du 30 avril 2002, le rapporteur a adressé aux parties à la présente procédure son rapport, accompagné de ses annexes. S'agissant de la société Righini, cet envoi a été adressé au siège de cette société. L'avis de réception de cet envoi a été signé le 5 août 2005.
280. Les obligations légales de notification qui s'imposent au rapporteur général ont donc été respectées et la société Righini, qui, à aucun moment de la procédure, n'a fait part de sa volonté d'élire domicile au siège de ses conseils, a été régulièrement destinataire de ce rapport.
281. Il convient dès lors d'écarter le moyen.
2. SUR L'OCTROI D'UN DELAI SUPPLEMENTAIRE
282. La société Righini soutient qu'elle a "subi un désavantage" du fait du refus implicite du président du Conseil de la concurrence de lui accorder un délai supplémentaire pour consulter le dossier et présenter des observations complémentaires, alors qu'elle en avait fait la demande et qu'un tel délai a été accordé à la société Polynorm.
283. Mais l'alinéa 4 de l'article L. 463-2 du Code de commerce dispose que : "Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, le président du Conseil de la concurrence peut, par une décision non susceptible de recours, accorder un délai supplémentaire d'un mois pour la consultation du dossier et la production des observations des parties".
284. La société Righini a demandé à bénéficier de cette disposition par courrier du 21 décembre 2004, sans toutefois justifier de circonstances exceptionnelles susceptibles de motiver une telle demande. Or, comme la cour de cassation l'a indiqué dans un arrêt du 22 février 2005 (Société Socarel), il appartient à la partie en cause de démontrer l'existence de circonstances exceptionnelles à même de justifier l'octroi d'un délai supplémentaire. Faute de telles circonstances, la société Righini, qui a bénéficié du délai légal de deux mois fixé à l'article L. 463-2 du Code de commerce, n'est pas fondée à soutenir que le refus d'un délai supplémentaire aurait entaché la procédure.
285. En conséquence, ce moyen est écarté.
3. SUR LA PARTIALITE DONT AURAIT FAIT PREUVE L'INSTRUCTION DU DOSSIER
286. La société Righini met en cause la partialité de l'instruction, le rapporteur ayant, selon elle, bâti sa démonstration sur les seuls éléments fournis par la société dénonciatrice (France Portes), sans tenir compte des éléments à décharge versés à la procédure. De cette partialité résulterait "un déséquilibre juridique" accordant une crédibilité présumée à la société dénonciatrice aux dépens des autres sociétés incriminées.
287. Mais dans la mesure où le rapporteur s'est fondé, pour établir la notification de griefs, sur des éléments, à charge et à décharge, qui ont pu, tous, être discutés par les parties, et que celles-ci ont eu toute latitude pour apporter d'autres éléments utiles à leur défense, il ne saurait être reproché à l'instruction d'avoir porté atteinte au principe d'impartialité.
288. En conséquence, le moyen doit être écarté.
4. SUR LA PRISE EN COMPTE DES DECLARATIONS FAITES PAR LES DIRIGEANTS DE LA SOCIETE FRANCE PORTES
289. La société Malerba demande au Conseil que soient écartées des débats les déclarations faites par la société dénonciatrice, dans la mesure où France Portes, qui souhaite être exonérée de sanctions, a un intérêt pécuniaire à les formuler. Seuls devraient être pris en compte, selon la société Malerba, les documents saisis dans les locaux des autres parties visées par les griefs. La société Righini demande que soient pris en compte les mobiles animant la société France Portes et le groupe Jeld Wen qui chercheraient, par cette procédure, à "déstabiliser le secteur de la fabrication française de portes".
290. Cette argumentation se heurte à la lettre même des dispositions du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce selon lesquelles "une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont le Conseil et/ou l'administration ne disposaient pas antérieurement".
291. Il résulte en effet de ces dispositions que l'entreprise demandant le bénéfice de la clémence doit apporter au Conseil de la concurrence tous éléments d'information, sans qu'il en soit précisé la forme et la nature, lui permettant d'établir la pratique dénoncée et d'identifier ses auteurs. Ces éléments d'information peuvent donc être constitués de preuves documentaires (documents internes à l'entreprise, compte rendus de réunions,...) que l'entreprise peut compléter par des explications synthétisées dans un ou plusieurs mémoires versés à l'appui de sa demande, ou de déclarations orales.
292. Pour apprécier la valeur probante d'une déclaration ou d'un document, il faut, en s'inspirant de ce que jugent les juridictions communautaires, "en premier lieu vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable" (TPICE, 25 octobre 2005, Groupe Danone, T 38-02).
293. Le Conseil de la concurrence a rappelé également dans sa décision n° 03-D-12 du 2 mars 2003, confirmée sur ce point par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 25 novembre 2003, en réponse à un moyen tiré de ce que les déclarations spontanées d'un tiers à l'origine de l'affaire devraient être écartées au motif qu'elles auraient été motivées par un esprit de vengeance ou par une volonté de déstabilisation du secteur, "que les raisons de cette démarche sont sans incidence sur la validité de la procédure et que le caractère vraisemblable des déclarations contestées, qui ne constituent qu'un indice parmi d'autres, a été conforté par de nombreuses pièces recueillies au cours de l'enquête".
294. Il n'y a donc pas lieu d'écarter, par principe, les déclarations de la société France Portes. Il conviendra seulement, lors de l'examen au fond des pratiques, d'apprécier leur valeur probante en les rapprochant des autres indices rassemblés au dossier.
5. EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDE DE TRANSACTION
295. Les sociétés JH Industries, Premdor, Ekem, Magri et Fonmarty estiment qu'elles ont été irrégulièrement privées du bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, du fait du refus du rapporteur général de poursuivre la procédure de transaction avec elles. Elles ont sollicité à nouveau en séance le bénéfice de ces dispositions.
296. Le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que "lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence, qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié".
297. Il résulte clairement de cette disposition :
- d'une part, que la demande de transaction doit être effectuée par l'entreprise après qu'elle a reçu notification des griefs, dans le délai qui lui est imparti pour y répondre, dès lors que l'un des effets de l'acceptation de la transaction est de dispenser la suite de la procédure de l'établissement du rapport ;
- d'autre part, que le rapporteur général qui, aux termes du texte, "peut" proposer au Conseil de réduire la sanction, dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'exercice de la faculté de transiger.
298. En l'espèce, c'est bien dans le délai qui leur était imparti pour répondre à la notification de griefs que la société JH Industries d'une part, les sociétés Premdor, Ekem, Magri et Fonmarty d'autre part, ont, pour la première, "sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce" et, pour les quatre dernières, "décidé, en application du même article, de ne pas contester les griefs" qui leur étaient notifiés.
299. La question qui reste à trancher est celle de savoir s'il appartient à la formation appelée à statuer sur la présente affaire de contrôler l'appréciation à laquelle s'est livré le rapporteur général pour refuser, implicitement, de donner suite à cette proposition de transaction. Il convient d'y apporter une réponse positive pour deux raisons.
300. La première est qu'il appartient au Conseil de statuer sur tous les moyens mettant en cause la régularité de la procédure préalable à la décision, à la seule exception de ceux contestant le déroulement des opérations de visite et saisie, qui doivent, en application du dernier alinéa de l'article L. 450-4 du Code de commerce, être portés devant le juge ayant autorisé ces opérations : celui tiré de l'application irrégulière de la procédure résultant du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce doit donc pouvoir être soumis à la formation du Conseil.
301. La seconde est que, même si la disposition législative précitée laisse un large pouvoir d'appréciation au rapporteur général, cette situation ne fait pas obstacle à ce que le Conseil exerce un contrôle - au moins restreint - sur l'usage qu'il fait de cette faculté, dans la mesure où cette appréciation rejaillit sur le montant de la sanction finalement décidée. C'est pourquoi, il y a lieu de vérifier qu'en refusant de poursuivre la transaction qui lui était demandée et donc de proposer une réduction de la sanction, allant de pair avec une diminution de moitié du plafond légal, le rapporteur général n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des circonstances de l'espèce.
302. Une telle erreur manifeste ne peut lui être reprochée dans la présente affaire.
303. Comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 04-D-42 du 4 août 2004, "pour établir qu'une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs notifiés, il faut que soit rapportée la preuve qu'elle ne conteste ni la réalité des pratiques notifiées, ni leur qualification juridique au regard de dispositions du Code de commerce, ni l'imputabilité de ces pratiques à la personne morale qui demande le bénéfice du III de l'article L. 464-2". Cette renonciation doit être claire, complète et dépourvue d'ambiguïté. Or, si la société JH Industries a reconnu, dans son mémoire adressé en réponse à la notification de griefs, avoir participé à des réunions au cours desquelles des informations relatives aux prix des portes et des blocs portes ont été échangées entre différents concurrents et avoir reçu de la société France Portes des grilles de prix, elle a contesté que puisse être donnée à ces pratiques la qualification d'entente sur les prix, expliquant au contraire qu'une telle entente tarifaire était impossible aussi bien pour les portes techniques que pour les portes "standard". Or c'est bien cette qualification qui lui a été opposée dans la notification de griefs
304. En ce qui concerne les sociétés Premdor, Ekem, Magri et Fonmarty, elles ont d'abord sollicité le bénéfice de la clémence, en présentant une demande en ce sens le 8 janvier 2003, c'est-à-dire postérieurement à la demande de la société France Portes et aux opérations de visites et saisies autorisées par le juge des libertés du TGI de Bordeaux, avant d'y renoncer le 19 janvier 2003 au motif qu'elles n'étaient pas en mesure d'apporter des éléments nouveaux par rapport à ceux déjà en possession du Conseil et de l'administration. N'ayant ainsi pu bénéficier d'une "clémence de second rang", de nature à leur ouvrir la possibilité d'une exonération partielle de sanctions, elles ont tenté de poursuivre le même objectif en décidant de renoncer à contester les griefs notifiés. Mais cette dernière renonciation, telle qu'elle est développée dans leur mémoire en réponse à la notification de griefs, est pour le moins ambiguë : avant de contester les effets des pratiques, ce que les sociétés pouvaient faire afin de se défendre sur le montant de la sanction, elles tentent en effet de requalifier ces dernières. Il y est notamment écrit que les échanges de prix minima provenaient unilatéralement de la société France Portes, sans être sollicités ni appliqués par les autres membres des réunions du C5.
305. Non seulement cette affirmation est, dans les faits, contradictoire avec la déclaration de M. F, directeur commercial des sociétés Ekem - Magri, relatée au paragraphe 141, selon laquelle les prix proposés par France Portes faisaient l'objet d'une demande d'approbation auprès des autres membres participants, "ce qui était généralement le cas", mais en droit, elle tend à nier l'existence d'un concours de volonté entre la société France Portes et les entreprises dont il s'agit, élément juridiquement indispensable à la qualification de l'entente notifiée. Elles poursuivent d'ailleurs dans le même sens en faisant valoir en réponse au rapport que "les conditions posées par l'article L. 420-1 du Code de commerce [qui réprime les ententes anticoncurrentielles] ne sont pas remplies".
306. C'est donc sans erreur manifeste d'appréciation que le rapporteur général a pu estimer que les conditions prévues par le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce n'étaient pas remplies et qu'il n'y avait donc pas lieu de poursuivre la transaction demandée.
307. Il sera également relevé, à titre surabondant, que les engagements proposés par JH Industries ("ne plus procéder à un quelconque échange d'informations sur les prix avec ses concurrents", c'est-à-dire respecter à l'avenir le droit de la concurrence) ou pour les quatre autres sociétés (cesser toute concertation avec les membres du C5 ou les autres acteurs du marché portant sur les prix ou la répartition des clients, poursuivre la mise en place d'un système informatique permettant le calcul des prix de revient des produits et la maîtrise des coûts de fabrication, sensibiliser le personnel aux règles qui régissent le droit de la concurrence) ne revêtent pas le caractère substantiel qui, rapproché du caractère clair, complet et dépourvu d'ambiguïté de la renonciation à contester les griefs, peut justifier une proposition de réduction de la sanction.
6. EN CE QUI CONCERNE LA PRESENTATION D'ENGAGEMENTS JUSTIFIANT LA CLOTURE DE L'AFFAIRE
308. La société JH Industries qui, comme il a été indiqué ci-dessus, a pris, dans son mémoire en réponse à la notification de griefs, l'engagement "de ne plus procéder à un quelconque échange d'informations sur les prix avec ses concurrents", a également sollicité du Conseil qu'il accepte un tel engagement et, sur le fondement du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, qu'il classe l'affaire sans prononcer de sanction à son égard. Cette proposition a été réitérée en séance.
309. Pour les raisons qui ont été indiquées ci-dessus, un tel engagement de respecter à l'avenir le droit de la concurrence n'est pas de la nature de ceux qui peuvent, en application de la disposition mentionnée plus haut, justifier le classement de l'affaire sans prononcé de sanction, surtout dans le cas d'une entente sur les prix entre concurrents. En outre, comme l'a rappelé le Conseil dans sa décision n° 06-D-03 du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation (paragraphe 1284), le bénéfice de la procédure d'engagement prévue par le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce a pour objet, conformément à la pratique du Conseil consacrée par le décret du 27 décembre 2005 pris pour l'application de l'ordonnance du 4 novembre 2004, de répondre à des préoccupations de concurrence résultant d'une "évaluation préliminaire" nécessairement antérieure à la notification de griefs : il ne peut donc être demandé qu'avant réception de cette dernière et non, comme en l'espèce, en réponse à cette dernière.
D. SUR LE BIEN FONDE DES GRIEFS
1. SUR LES MARCHES PERTINENTS
310. La société Righini conteste la segmentation des marchés entre portes planes et isoplanes standards d'une part et techniques d'autre part, la "stratégie de commercialisation mise en place par les offreurs ayant un impact direct sur la substantialité de la demande", fondant, selon elle, "une distinction de marchés" selon chaque type de porte.
311. Ainsi que le Conseil l'a rappelé dans une décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005, "les pratiques ayant fait l'objet de la notification de griefs étant recherchées au titre de la prohibition des ententes, il n'est alors pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d'abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre".
312. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 94 à 98 ci-dessus que compte tenu des caractéristiques techniques des deux types de portes, standards ou techniques, de leur mode de production, de leurs prix, de la réglementation applicable, des normes techniques applicables à chacun, et enfin des canaux de distribution différents, ces deux catégories de portes ne sont pas substituables aux yeux des demandeurs et constituent deux marchés distincts.
313. Considérer, comme le suggère la société Righini, que chaque porte, répondant à des caractéristiques définies par les clients, est un modèle unique adapté aux besoins spécifiques des demandeurs, et qu'il y aurait autant de marchés que de portes fabriquées, reviendrait à l'évidence à admettre une segmentation excessive du marché, non justifiable au regard des critères rappelés plus haut.
2. SUR LES PRATIQUES DU C5 REPROCHEES AUX SOCIETES FRANCE PORTES, BLOCFER, RIGHINI, JH INDUSTRIES, MALERBA, PREMDOR ET A SES FILIALES EKEM, MAGRI ET FONMARTY
a) Sur l'entente sur les prix
314. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 105 à 147 que les sociétés Malerba, Righini, France Portes SA, Ekem, Blocfer, JH Industries, Magri et Fonmarty ont participé à plusieurs réunions du C5 de 1999 à la fin 2001 (à 2000 pour Blocfer). La plupart d'entre elles ont reconnu, tant au cours de l'enquête que de l'instruction, leur participation à des réunions au cours desquelles étaient discutés des prix minima des portes planes et isoplanes standards ou techniques. Ces déclarations sont corroborées, pour chacune d'entre elles, par des preuves documentaires saisies au siège de ces sociétés et par les déclarations concordantes de chaque membre du cartel. Les preuves documentaires saisies au siège des entreprises sont constituées de compte-rendus de réunions et de grilles de prix afférentes à plusieurs années, établies, selon les orientations données par le cartel, par la société France Portes et transmises par elle à chaque société, à la suite des réunions des membres de l'entente. Ces preuves documentaires attestent la participation de chaque entreprise à plusieurs réunions du cartel. La saisie, au siège de chacune d'entre elles, de grilles de prix vient encore renforcer les preuves de leur participation à l'entente, puisque ces grilles n'étaient envoyées qu'aux membres de l'entente.
En ce qui concerne la participation de la société Malerba
315. La société Malerba relève que pour caractériser une entente, la jurisprudence nationale est plus exigeante que la jurisprudence communautaire car, selon elle, la seule participation à une réunion ne suffit pas à caractériser l'entente anticoncurrentielle (premier point). Elle conteste avoir participé à l'élaboration d'une grille de tarifs minima, fait valoir que cette dernière était unilatéralement diffusée par la société France Portes, et qu'elle n'y était pas intéressée puisque intervenant principalement sur le marché des portes techniques (alors que l'entente concerne selon elle le marché des "portes basiques") (second point).
316. Mais sur le premier point, il est de jurisprudence constante, tant au niveau national que communautaire, que le fait de participer à des réunions de concertation, au cours desquelles sont échangées entre concurrents des informations sur les prix ou les volumes des produits, suffit à établir le concours de volonté nécessaire à la qualification d'une entente.
317. Dans sa décision n° 06-D-03 du 9 mars 2006 déjà citée, le Conseil a précisé que le concours de volontés caractérisant une entente était suffisamment rapporté dès lors que l'entreprise mise en cause a participé à plusieurs réunions ayant le même objet anticoncurrentiel, ou que l'entreprise mise en cause a participé à une seule réunion ayant un objet anticoncurrentiel tout en ayant manifestement adhéré à cet objet, notamment par la diffusion des consignes adoptées ou encore par l'application des mesures décidées au cours de cette réunion.
318. En conséquence, dès lors qu'est rapportée la preuve que des entreprises concurrentes ont pris des contacts et se sont réunies à plusieurs reprises, à l'occasion de réunions professionnelles, afin d'échanger des informations sur les prix qu'elles entendaient pratiquer, l'infraction d'entente qui leur est reprochée est suffisamment caractérisée.
319. Ainsi que la Cour d'appel de Paris l'a rappelé sans un arrêt du 25 novembre 2003 (SAS Prefall), ces preuves peuvent résulter des déclarations de dirigeants des sociétés impliquées dans la pratique, de notes internes et des tarifs identiques saisis dans les locaux de plusieurs sociétés.
320. Sur le second point, de nombreux indices réunis par les enquêteurs attestent de la participation de représentants de la société Malerba aux réunions de concertation du C5.
321. En effet, les représentants de la société France Portes ont toujours clairement affirmé que la société Malerba était l'un des membres du C5. Sur ce point, les déclarations de M. C, directeur commercial du groupe France Portes en charge de la rédaction des grilles de prix, affirment sans aucune ambiguïté que la société Malerba a participé, depuis l'origine, aux réunions du C5 à l'occasion desquelles était décidée la politique tarifaire commune (paragraphe 101). Ces déclarations sont en outre confortées par celles de M. T du groupe Premdor et de M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, qui confirment la participation régulière et active de la société Malerba aux réunions du C5 (paragraphes 114 et 115).
322. D'autre part, les documents saisis au siège de la société Malerba ont permis de réunir des éléments qui attestent de sa participation volontaire aux réunions de concertation. Il en est ainsi des notes manuscrites datées du 17 janvier 2001 prises par M. L au cours d'une réunion à laquelle participaient M. C de la société France Portes, M. F de la société Ekem, MM. Q et R de la société JH Industries. Dans ces notes est clairement mentionnée une "liste de prix mini" remise, aux dires même de M. L, par M. C, représentant de la société France Portes, aux participants à cette réunion.
323. En outre, quatre séries de tableaux de "prix nets minimums" ont été saisies au siège de la société Malerba, remises par M. C à l'occasion de la réunion du SNFMI et qui avaient fait l'objet, aux dires mêmes de M. L, de "réunions préalables" au cours desquelles ces prix étaient "exposés oralement par M. C". Les dates portées sur chacun de ces tableaux établissent que les membres du C5 se sont régulièrement réunis en 2000 et 2001 pour élaborer en commun les grilles de prix minima postérieurement diffusés aux seuls membres du cartel par France Portes.
324. L'ensemble de ces documents atteste que les représentants de la société Malerba ont, à la demande de la société France Portes, participé, depuis l'origine du C5, à des réunions au cours desquelles leur était communiquée une liste de prix minima qu'ils pouvaient discuter et modifier, et dont ils recevaient copie ultérieurement. La participation de la société Malerba à l'entente sur les prix est donc établie.
En ce qui concerne la participation de la société Righini
325. La société Righini soutient que le fait de posséder des grilles de prix minima, qui n'avaient selon elle aucun caractère occulte, ne suffit pas à caractériser son adhésion à un cartel de prix (premier point). Elle conteste la participation d'un de ses représentants aux réunions de concertation visées par le rapporteur comme élément à charge dans sa notification de griefs, en versant des documents tendant à établir que les personnes visées ne pouvaient être matériellement présentes à ces réunions (deuxième point). Elle prétend enfin que les tableaux diffusés par France Portes lui permettaient d'assurer une veille concurrentielle (troisième point).
326. Mais sur le premier point, plusieurs séries de tableaux de prix minima (datés du 1/12/2000, 6/6/2001 et du 1/11/2001), strictement identiques à ceux diffusés par la société France Portes ont été retrouvées au siège de la société Righini, établissant sans conteste qu'elle faisait partie de la "liste de diffusion" de France Portes.
327. M. Z, directeur général de la société Righini, a confirmé aux enquêteurs que "les tableaux de prix établis par France Portes étaient envoyés par fax de façon régulière ou donnés de la main à la main lors de réunions professionnelles". Le fait que les grilles de prix soient "données de la main à la main" confirme que la société Righini, bien plus que spectateur passif du cartel, acceptait de recevoir directement de la part de France Portes des grilles de prix à l'occasion des réunions du SNFMI.
328. Il faut noter également que le tableau interne permettant la comparaison entre des "prix tarif, prix mini, taux de remise maxi et prix net rg [=Righini]" saisi dans les locaux de la société Righini atteste que celle-ci prenait dûment en compte les prix minima définis par le C5, réduisant ainsi sa marge d'autonomie dans la définition de sa politique commerciale.
329. En outre, la participation à l'entente de la société Righini au C5 est attestée non seulement par les grilles de prix saisies dans ses locaux à l'occasion des visites domiciliaires, mais également par les déclarations concordantes des dirigeants des sociétés France Portes, Ekem, Magri et JH Industries.
330. A ce sujet, les déclarations de M. D, PDG de France Portes et de M. C, directeur commercial du groupe France Portes en charge de la rédaction des grilles de prix (paragraphes 100 et 101), affirment sans aucune ambiguïté que la société Righini a participé, depuis l'origine, aux réunions du C5 à l'occasion desquelles était décidée une politique tarifaire commune. Ces déclarations sont confortées par celles de M. K, PDG de la société JH Industries et de M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, qui confirment la participation de la société Righini aux réunions du C5, qui se tenaient postérieurement aux réunions du SNFMI, (paragraphes 114 et 120).
331. Sur le deuxième point, la société Righini conteste son implication dans l'entente en faisant valoir qu'il était matériellement impossible à son directeur général d'assister aux réunions incriminées. Elle cite notamment une réunion en date du 17 janvier 2001 (s'appuyant sur une note manuscrite intitulée "réunion portes bois" saisie dans les locaux de la société Malerba), ainsi qu'une réunion datée du 17 juillet 2002 (mentionnée dans un document manuscrit saisi dans les locaux de la société JH Industries). La société Righini relève, en outre, qu'a été retenu à sa charge un rendez-vous entre M. Z et M. X, ancien directeur commercial de France Portes, en date du 3 juillet 2002.
332. Mais il n'a jamais été reproché à la société Righini, tant dans la notification de griefs que dans le rapport, d'avoir participé à une réunion de concertation le 17 janvier 2001 ou le 17 juillet 2002. En effet, s'agissant de la réunion du 17 janvier 2001, la lecture de la note manuscrite invoquée révèle que seules les sociétés France Portes, Ekem, Huet et Malerba étaient présentes à cette réunion. L'absence ponctuelle de la société Righini peut s'expliquer par le fait que, comme l'indique la société Righini dans ses écritures, M. Z était ce jour là occupé alors par un autre rendez-vous, tout comme les représentants des sociétés Premdor, Magri et Fonmarty. S'agissant de la réunion du 17 juillet 2002 ou du rendez-vous entre M. X et M. Z, en date du 3 juillet 2002, s'il en a été fait mention dans la notification de griefs, aucune conséquence n'en a été toutefois tirée pour identifier les participants au C5 et caractériser les pratiques anti-concurrentielles imputées à la société Righini.
333. Sur le troisième point, contrairement à ce qu'affirme la société Righini, il ressort des constatations opérées que les grilles de prix minima arrêtées en commun par les membres du C5 étaient, par la suite, diffusées par France Portes aux seuls membres du C5. Ces grilles n'avaient donc aucun caractère public, les concurrents des membres du C5 n'y ayant pas accès.
334. Il ne peut donc être soutenu que ces grilles de prix auraient été unilatéralement élaborées par France Portes et diffusées par elle sans aucune sollicitation de la part des membres du C5. En effet, il ressort des éléments du dossier que ces grilles, loin d'être établies par la seule société France Portes, étaient le fruit d'une concertation entre opérateurs qui définissaient à l'occasion des réunions du C5, une série de prix planchers en dessous desquels les participants s'engageaient à ne pas descendre.
335. La déclaration de M. C, directeur commercial de France Portes, qui formalisait pour le compte du C5 les grilles de prix, est sur ce point sans ambiguïté :
"Avant 1998, il n'y avait aucun formalisme et même les tableaux n'existaient pas à ma connaissance. Chaque participant devait prendre ses propres notes. Mais devant le succès limité de la démarche- erreurs de prises de notes ? - une décision collective a conduit à la création des tableaux de prix nets minimums. En tant que " nouveau " représentant de la société France Portes c'est moi qui ai été désigné pour les établir. Ainsi, je suis l'auteur des tableaux sur la période 1998 - 2001 (date de cessation de participation de France Portes aux réunions). Durant cette période, 3 ou 4 séries de tableaux ont dû être validées par les membres du C5, avec possibilité de brouillons intermédiaires. Les tableaux représentaient la synthèse de ce qui était discuté pendant les réunions, il n'y avait donc aucun autre document ou compte-rendu de rédigé à leur issue (...) Une ou plusieurs réunions étaient parfois nécessaires dans le but de valider les tableaux. Une fois approuvés, ces tableaux étaient envoyés à tous les membres, en règle générale par courrier (ou par fax). Il est aussi probable qu'ils aient pu être remis lors de réunions syndicales".
336. Ces déclarations ont été confirmées par M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri :
"Au cours des réunions [du C5], la société France Portes proposait de nouveaux prix et demandait aux autres membres participants d'approuver cette proposition, ce qui était généralement le cas".
337. En conséquence, la diffusion de ces grilles arrêtées en commun ne saurait être analysée comme l'annonce par France Portes de la politique tarifaire qu'elle avait seule définie et qu'elle entendait seule appliquer. Elle traduit au contraire la mise en œuvre formelle d'une concertation occulte entre opérateurs définissant une politique tarifaire commune.
338. Enfin, il ne saurait être soutenu que ces échanges d'informations sur les prix prenaient place dans le cadre d'une "veille concurrentielle" organisée entre opérateurs dès lors qu'il a été démontré que les réunions du C5 avaient pour objet essentiel de définir en commun, pour l'avenir, une politique tarifaire commune.
339. Il y a donc lieu de considérer qu'ont été réunis à l'encontre de la société Righini des indices graves, précis et concordants suffisant à caractériser sa participation à l'entente sur les prix.
En ce qui concerne la participation des sociétés Ekem, Magri et Fonmarty
340. Ces sociétés, tout en reconnaissant "avoir participé à des réunions au cours desquelles des informations relatives aux prix des portes et blocs-portes ont été échangées ainsi que d'avoir reçu de la société France Portes des grilles de prix", ont soutenu comme il a été indiqué plus haut, que les échanges découlant de ces réunions "étaient unilatéraux et non sollicités et par conséquent non constitutifs d'un accord mutuel". Elles ont maintenu cette défense au stade du rapport et en séance.
341. Mais il a déjà été démontré que si les grilles de prix étaient envoyées par France Portes aux membres du C5, cet envoi faisait suite aux réunions du C5 au cours desquelles l'ensemble des membres du cartel, y compris les sociétés Ekem, Magri et Fonmarty se concertaient sur les prix proposés par France Portes, comme le confirme la déclaration de M. F, directeur commercial des sociétés Ekem et Magri, déjà citée au paragraphe 141.
En ce qui concerne la société Blocfer
342. Comme la société Malerba, la société Blocfer soutient que la spécificité des produits qu'elle fabrique et commercialise rend impossible toute forme d'entente, dans la mesure où les prix des produits sont établis sur devis, au cas par cas. Dès lors, la prise en compte a priori d'une grille de prix minima est, selon ces sociétés, impossible, chaque marché donnant lieu à un devis spécifique en fonction des choix techniques effectués par les clients.
343. Mais en premier lieu les grilles de prix versées à la procédure montrent que l'entente sur les prix portait tout autant sur le marché des portes standards que sur celui des portes techniques, et sur des gammes multiples et variées de produits commercialisés par l'ensemble des sociétés mises en cause. Dès lors, comme l'a rappelé la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 25 novembre 2003 SAS Prefall, la spécialisation d'une société sur l'un ou l'autre marché ne saurait suffire à l'exonérer de sa participation à l'entente dès lors que cette dernière a affecté les deux marchés en cause.
344. En second lieu, s'il n'est pas contesté que les prix des portes techniques sont établis au cas par cas après devis, il n'en reste pas moins que les producteurs s'appuyaient, pour calculer les devis, sur des grilles de prix établies en commun, ainsi que l'a établi le rapport administratif d'enquête.
345. Dès lors, toute concertation sur les grilles de prix, servant de base à l'évaluation des devis, a nécessairement une incidence directe sur le niveau des prix effectivement pratiqués, peu important qu'à ce prix initial se surajoutent postérieurement des options et services qui peuvent faire varier le prix final. Le Conseil a en effet rappelé dans sa décision n° 03-D-12 du 3 mars 2003 (confirmée par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 25 novembre 2003) que même dans les cas où "les prix sont des devis évalués au cas par cas, les fournisseurs s'appuient, pour calculer leurs devis sur des grilles de prix ou des tarifs". Dès lors, "toute concertation sur la grille de prix ou le tarif qui sert de base à l'évaluation des devis aura une incidence directe sur le niveau des prix effectivement pratiqués".
En ce qui concerne la société Premdor
346. S'agissant du cas particulier de la société Premdor, il convient de relever que celle-ci est une holding qui effectue pour le compte de ses filiales des tâches administratives sans rapport avec la politique commerciale que chacune de ses filiales (Ekem, Magri, Fonmarty) définit de manière autonome.
347. Prenant en compte cette absence d'autonomie, le Conseil considère que les sociétés Premdor, Ekem, Magri, Fonmarty ne forment pas une unité économique au sens tant de la jurisprudence communautaire que nationale.
348. En effet, les sociétés Ekem, Magri et Fonmarty jouissaient d'une totale indépendance en matière commerciale vis à vis de leur société mère, Premdor SAS, allant jusqu'à participer activement et régulièrement aux réunions du C5 sans lui en référer.
349. Aucun élément n'est rapporté permettant de démontrer la connaissance que la société Premdor SAS avait de la participation de ses filiales aux réunions du C5. De même, aucun élément ne permet de constater que la société Premdor assistait, au travers de l'un de ses représentants, aux réunions du C5.
350. En outre, bien que des tableaux de prix aient été saisis dans ses locaux, il ressort des investigations que ces documents provenaient des archives de M. T, ancien responsable commercial des sociétés Ekem et Magri, qui avaient été entreposées, à son départ, dans les locaux de la société Premdor.
351. Dès lors, le Conseil constate qu'il n'est pas rapporté d'éléments suffisants permettant de caractériser la participation de la société Premdor SAS à l'entente. La pratique d'entente sur les prix n'est donc pas établie à son encontre.
352. Il résulte de ce qui précède que les sociétés France Portes SA, Blocfer, Righini, JH Industries, Ekem, Magri, Malerba et Fonmarty ont participé à l'entente sur les prix des portes standards et techniques planes et isoplanes, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
b) Sur la répartition de clientèle
353. L'ensemble des sociétés incriminées conteste le grief de répartition de clientèle. Les sociétés Righini, Malerba, Premdor, Ekem, Magri, Fonmarty et JH Industries indiquent qu'une répartition de clientèle est impossible dans la mesure où la clientèle à laquelle elles s'adressent est peu captive. A l'appui de ces assertions, elles versent aux débats la liste de leurs clients, démontrant au moyen de factures qu'elles ont librement commercé avec eux, sans être limitées par une liste de "clients dérogatoires".
354. Au vu de ces éléments, le seul indice constitué par la liste manuscrite de clients évoquée au paragraphe 137 n'est pas suffisant pour établir la réalité d'une répartition de clientèle entre membres du C5. Le grief de répartition de clientèle ne peut donc être retenu.
c) Sur les effets de l'entente
355. Les sociétés JH Industries, Premdor, Ekem, Magri, Fonmarty et Malerba exposent que l'entente est restée sans effet au motif qu'aucun système de surveillance et de sanctions n'avait été mis en place par ses membres pour faire respecter les prix minima décidés en commun, laissant ainsi les membres du C5 libres d'appliquer ou non les grilles de prix (premier point).
356. Les sociétés JH Industries, Righini, Premdor, Ekem, Magri, Fonmarty et Malerba soulignent l'absence d'effets de la pratique sur les prix pratiqués par les entreprises incriminées, dans la mesure où face à une clientèle peu captive, les entreprises se sont livrées à une guerre tarifaire rendue possible par une baisse du prix des matières premières utilisées pour la fabrication des portes (deuxième point).
357. Enfin, les sociétés Blocfer et Malerba prétendent s'être publiquement distanciées de la politique tarifaire commune afin de marquer leur désaccord avec les pratiques du C5, Blocfer prétendant avoir été exclue du cartel courant 2000, à cause de cet état de fait et la société Malerba s'étant, selon elle, volontairement retirée du SNFMI pendant deux ans (1996-1998) (troisième point).
358. Il résulte d'un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 8 juillet 1999 (Anic), que les pratiques concertées, comme les accords entre entreprises ou les décisions d'associations d'entreprises, sont interdites "lorsqu'elles ont un objet anti-concurrentiel, indépendamment de tout effet". La Cour énonce à ce propos qu'"il est de jurisprudence constante que, aux fins de l'application de l'article 85§1 du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence".
359. De même, le Conseil de la concurrence a, dans une décision n° 02-D-36 du 14 juin 2002, énoncé qu'"il résulte des termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce qu'une pratique anti-concurrentielle est prohibée, même si elle n'a pas eu d'effet réel sur le jeu de la concurrence, dès lors que l'intention de ses auteurs était d'obtenir un tel effet".
360. Il résulte de ce qui précède que les effets d'un accord ayant pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence ne sont pas nécessaires à la caractérisation d'une entente, mais peuvent être pris en compte pour évaluer le montant de la sanction.
361. Sur le premier point, la mise en évidence de l'organisation et du fonctionnement d'une entente horizontale sur les prix ne suppose pas nécessairement que soit établie la preuve de la mise en place d'un système de surveillance et de sanction. Comme l'a rappelé la Cour de justice des communautés européennes dans un arrêt du 6 janvier 2004 (C-2-01 P), "un accord interdit par l'article 81§1 ne suppose pas nécessairement qu'il existe un système de contrôles a posteriori et de sanctions".
362. En l'espèce, il ressort des éléments versés à la procédure, et notamment des déclarations des dirigeants de France Portes (MM. D et C), que cette société avait mis en place un système, certes souple, de contrôle du respect des prix minima à l'égard de ses concurrents, ses commerciaux étant chargés de noter les prix pratiqués par ceux-ci dans des fiches de relevés de prix, dont certains exemplaires ont été versés à la procédure par la société France Portes.
363. De plus, selon M. C, directeur commercial de France Portes, en cas de non-respect de la grille tarifaire, le directeur commercial de France Portes prenait l'attache de son homologue du C5 afin d'obtenir des explications de sa part. M. J, ancien directeur commercial de la société Blocfer, a confirmé avoir été contacté par M. C afin de s'expliquer sur sa politique tarifaire.
364. La mauvaise volonté d'un des membres du C5 pouvait, le cas échéant et à titre exceptionnel, être sanctionnée par une exclusion du C5, la société n'étant plus informée de la tenue des réunions ni destinataire des grilles de prix minima. Ainsi, la société Blocfer a fait l'objet en 2000 d'une exclusion du C5, aux motifs qu'elle ne respectait pas les prix minima décidés en commun et qu'elle refusait de communiquer sa politique tarifaire.
365. Entendu sur ce point, M. C, directeur commercial du groupe France Portes, a déclaré lors de son audition du 11 juin 2003 : "La société Blocfer venait aux réunions pour prendre les prix mais ne les respectait pas. Lorsque nous les interrogions sur leur niveau de prix, ils ne fournissaient pas d'explications. Du coup, on ne leur parlait plus de la tenue des réunions, c'est comme ça qu'ils ont été exclus du C5". La société Blocfer a reconnu ces circonstances tant dans ses écritures qu'à l'occasion de la séance.
366. Néanmoins, le cas de la société Blocfer est isolé et il ressort des éléments versés au dossier que les prix minima étaient, dans la pratique, plus ou moins strictement appliqués, sans donner lieu à sanction en cas d'inobservation.
367. Il faut noter sur ce point que deux des sociétés incriminées ont établi des tableaux de tarifs internes, qui prennent dûment en compte les grilles de prix minima afin de déterminer leurs politiques tarifaires.
368. Ainsi, le tableau réalisé par M. L à partir de la grille de prix nets minima datée du 22 janvier 2001 diffusée par France Portes permettait, selon lui, de comparer les prix pratiqués par la société Malerba aux prix nets minima arrêtés par le C5.
369. De même, le tableau réalisé par la société Righini permettait la comparaison entre des "prix tarif, prix mini, taux de remise maxi et prix net rg [=Righini]" pour une série de portes et blocs portes ; les prix minima portés sur les tableaux "prix nets minimums au 1/12/2000" diffusés par France Portes sont repris dans ce tableau interne établi par la société Righini comme "prix mini" (ex. prix minimum diffusé par France Portes concernant la porte alvéolaire prépeinte 830 fixé à 83 et repris dans le tableau interne Righini, prix minimum diffusé par France Portes concernant la porte alvéolaire contreplaqué 830 fixé à 110 et repris dans le tableau interne Righini, prix minimum diffusé par France Portes concernant la porte nue à âme pleine et cylindair prépeinte fixé à 151 et repris dans le tableau interne Righini...).
370. Sur le deuxième point, les éléments réunis au cours de l'instruction démontrent que l'entente du C5 a contribué à la stabilisation des prix des portes entre 1999 et 2001, conformément aux souhaits des membres de l'entente qui cherchaient à éviter une baisse des prix dans un climat économique dégradé.
371. Les données fournies par l'INSEE et reprises par le Syndicat National des Fabricants de Menuiseries Industrielles (SNFMI), révèlent que le prix des portes planes en bois a connu de 1998 à début 2000 une légère décroissance (l'indice PVI des portes planes passant de 120,3 en décembre 1998 à 118,8 en décembre 1999) avant de connaître une forte croissance à compter de mai 2000 jusqu'à fin 2001 (l'indice PVI des portes planes passant de 118,8 en décembre 1999 à 122,8 en décembre 2001). A partir du troisième trimestre 2001, les prix des portes planes ont connu une forte décroissance jusqu'en 2003.
372. Sur le moyen terme, on peut ainsi constater une relative stabilité des prix, avant une forte décroissance à compter de la fin 2001, ce qu'a confirmé M. 8, délégué général du Syndicat National des Fabricants de Menuiseries Industrielles (SNFMI), qui déclarait aux enquêteurs : "Depuis quelques années on assiste à une stabilisation des ventes alors que les indices tendent à prouver que les prix baissent (indices PIVC officiels fournis par l'INSEE)".
373. Les sociétés incriminées contestent cet "effet stabilisateur" de l'entente sur les prix (en dépit des statistiques fournies par le SNFMI) et prétendent s'être livrées entre elles à une véritable "guerre des prix". Ainsi, la société JH Industries verse à l'appui de ses affirmations un court rapport, non daté, réalisé par le cabinet de consultants Glais Consulting Economists, intitulé "Observation sur l'évolution des prix". Selon cette étude, l'analyse de l'évolution des prix des portes planes ne peut s'établir qu'en comparant cette évolution à celle des coûts des produits intermédiaires et des services contribuant à leur fabrication.
374. Ainsi, de 1998 à juillet 2001, si l'augmentation du prix des portes a été de plus de 2 %, l'augmentation du prix des fermetures a été d'environ 7 % et celle du coût du travail de 15 %. Dans le même temps et sur la même période, le prix des panneaux et placages a connu une diminution d'un peu plus de 1 %, les chiffres donnés par la société Righini, dans son mémoire en réponse au rapport, confirmant la même tendance.
375. Mais aucune conclusion probante ne peut être tirée de cette étude sommaire versée par la société JH Industries, qui ne détaille pas les différents postes de coûts et leur pondération, les plaçant arbitrairement sur le même plan sans les justifier ni les prendre tous en compte.
376. Le calcul du prix d'une porte plane inclut des coûts divers, tels le coût des matières premières, le coût logistique (non pris en compte par l'étude), le coût du travail et le coût dit de "menuiserie/ fermeture". Or, parmi ces coûts, certains n'ont pas la même incidence sur le prix final de la porte. Ainsi, comme l'indique la société Righini dans ses écritures, le coût des matières premières représente près de 60 % du prix final de la porte. Or, sur la période retenue, le prix des matières premières a sensiblement baissé alors même que celui des portes planes augmentait.
377. Il résulte néanmoins des déclarations des dirigeants de France Portes, société initiatrice et organisatrice de la pratique, qu'elle appliquait plus ou moins strictement les prix minima définis en commun. De même, les autres membres du C5 se permettaient ponctuellement de ne pas appliquer strictement les grilles de prix, les utilisant comme simples références à partir desquelles ils composaient leurs politiques tarifaires.
378. Les éléments versés à la procédure établissent donc un certain lien entre les pratiques d'entente tarifaire et la stabilisation des prix constatée, sans que la contribution de l'entente à ce phénomène puisse être précisément évaluée et quantifiée.
379. Sur le troisième point, à aucun moment, la société Blocfer n'a décidé de quitter le SNFMI ou de dénoncer aux autorités compétentes l'existence du C5. Bien au contraire, plutôt que de se distancier publiquement de l'entente, cette société a passivement attendu d'être exclue du C5 au motif qu'elle refusait de donner des informations sur les prix qu'elle pratiquait. Ce comportement ne saurait être apprécié comme une prise de distance publique manifestant sans ambiguïté sa volonté de ne pas appliquer la politique tarifaire décidée par le C5.
380. De même, les raisons invoquées par la société Malerba pour quitter le SNFMI de 1996 à 1998, période d'ailleurs prescrite, sont sans rapport avec une quelconque volonté de se distancier publiquement de l'entente. Les raisons motivant ce départ figurent dans le courrier versé à la procédure, signé par le directeur général de Malerba et daté du 15 février 1996 : "la désaffection des décideurs des sociétés membres, la représentativité de plus en plus faible de la section planes dans la profession, l'acharnement des membres à ne prendre en compte que leurs soucis particuliers et l'absence d'une réelle politique de concertation". C'est donc l'insuffisante solidarité des membres du cartel qui a justifié l'éloignement de la société Malerba, motif qui ne peut certainement pas être mis à son crédit dans l'appréciation de sa responsabilité au regard des règles de concurrence.
d) Sur l'affectation du commerce intra-communautaire
381. Une jurisprudence communautaire constante (cf notamment TPICE 14 juillet 1994 Parker Pen c/ Commission, TPICE 15 mars 2000 Cimenteries CBR) définit l'affectation du commerce intra-communautaire comme suit : "Pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres au sens de l'article 81§1 du traité, un accord entre entreprises doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu'il puisse entraver la réalisation d'un marché unique entre États membres".
382. Pour démontrer l'affectation du commerce intra-communautaire, il n'est pas nécessaire que le comportement incriminé ait effectivement affecté le commerce intra-communautaire. Il n'est pas davantage nécessaire d'établir que la pratique a eu une incidence sensible sur les échanges intra-communautaires. Il suffit d'établir qu'elle est de nature à avoir eu un tel effet sur ces échanges, autrement dit que les accords ou pratiques concertées en cause sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres de manière sensible.
383. C'est ce qu'a affirmé le Tribunal de première instance, dans un arrêt du 21 février 1995 (T 29-92) SPO e.a./Commission en affirmant que "pour que les ententes soient interdites par l'article 85§1 du traité, il n'est pas exigé qu'elles affectent les échanges entre États membres, mais seulement qu'elles soient susceptibles d'avoir un tel effet. Dès lors qu'un effet potentiel suffit, l'évolution future des échanges peut être prise en considération pour apprécier l'effet de l'entente sur le commerce entre États membres, qu'elle ait été prévisible ou non".
384. Trois éléments doivent donc être démontrés : l'existence d'échanges entre Etats membres portant sur les produits faisant l'objet de la pratique (premier point), l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges (deuxième point) et le caractère sensible de cette possible affectation (troisième point).
385. Sur le premier point, plusieurs des sociétés incriminées reconnaissent commercer avec des pays de la communauté européenne. La société Blocfer affirme dans ses écritures que les portes standards font l'objet d'échanges intra-communautaires (à la différence des portes techniques dont le commerce serait limité au seul territoire national). Les sociétés du groupe Premdor exposent que les portes planes et iso-planes font l'objet d'importations à hauteur de 10 %. Enfin, la société Righini admet l'existence d'un commerce transfrontalier relatif aux produits dits "chambranle et contre-chambranle" et aux portes pré-peintes.
386. Sur le deuxième point, la Commission, dans sa communication 2004-C 101-07, intitulée
"Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité", précise que "pour que les articles 81 et 82 soient applicables, il faut qu'il y ait une influence sur les courants d'échanges entre États membres". Selon la Cour de justice des communautés européennes, cette influence peut être directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur les courants d'échanges.
387. S'agissant de ce dernier terme, la Commission définit l'influence potentielle comme étant
"celle qui peut exister postérieurement avec un degré de probabilité suffisant. En d'autres termes, il convient de tenir compte de l'évolution prévisible du marché. Même si le commerce ne risque pas d'être affecté au moment de la conclusion de l'accord ou de la mise en œuvre de la pratique, les articles 81 et 82 restent applicables si les éléments qui ont abouti à cette conclusion sont susceptibles d'évoluer dans un avenir prévisible. Sur ce point il est pertinent de prendre en considération l'incidence des mesures de libéralisation adoptées par la Communauté ou par l'État membre en question et d'autres mesures prévisibles destinées à éliminer les obstacles juridiques au commerce".
388. Au cas d'espèce, si le marché géographique visé s'étend à la totalité du territoire français à l'exclusion de tout pays étranger, les portes et les blocs portes constituent un ensemble de produits dont la fabrication est soumise à un ensemble de règles édictées au niveau européen qui définit de façon stricte les objectifs de qualité et de sécurité que doivent revêtir ces produits, les rendant ainsi commercialisables entre Etats membres.
389. En effet, la directive 89-106-CEE Produits de construction a été adoptée le 21 décembre 1988, dans le but d'harmoniser les réglementations des États membres de manière à éliminer les entraves aux échanges qu'elles induisent sur les produits de construction. Elle a été transposée en droit français par le décret 92-647 du 8 juillet 1992.
390. Cette directive pose le principe suivant : dès lors que les produits satisfont aux six exigences posées par la directive (résistance mécanique et stabilité, sécurité en cas d'incendie, hygiène-santé-environnement, sécurité d'utilisation, protection contre le bruit, économie d'énergie et isolation thermique) et portent la marque CE, les États membres doivent les présumer aptes à l'usage prévu. La marque CE atteste de la conformité du produit à des normes nationales harmonisées ou à un agrément technique européen.
391. A cette fin, le Comité Européen de Normalisation, en collaboration avec l'AFNOR et le CTBA, a édicté un certain nombre de normes d'essais et de classement concernant les portes planes intérieures. Existe également une certification AFAQ AFNOR (NF 60-131) relative aux vantaux de portes planes et blocs portes intérieurs. En outre, d'après les documents fournis par le SNFMI, "une norme européenne Produit Portes Planes concernant les spécifications et comportant une annexe Za relative aux dispositions de marquage CE" est en cours d'élaboration.
392. Les portes iso-planes (qu'elles soient standards ou techniques), qui ont fait et qui continuent à faire l'objet d'une normalisation, ont donc vocation, dès lors qu'elles répondent aux exigences essentielles posées par la directive, à être commercialisables et à circuler librement sur l'ensemble du territoire de l'Union, conformément à l'article 6 de la directive 89-106-CEE.
393. La Commission, dans sa communication 2004-C 101-07, souligne le fait que le contrôle des prix de produits commercialisables dans le cadre d'une entente "permet de penser que la concurrence et les concurrents d'autres États membres constituent aux yeux des participants à l'entente une menace potentielle" dont les participants à l'entente doivent se protéger. Et la Commission de préciser : "Étant donné que la notion d'affectation du commerce englobe les influences potentielles, il n'est pas déterminant de savoir si cette action contre des concurrents d'autres Etats membres est effectivement adoptée à un moment donné. Ce qui compte, c'est de savoir si les participants à l'entente sont susceptibles ou non de se protéger en cas d'évolution des conditions de marché. La probabilité qu'ils le soient dépend de l'existence ou non de barrières naturelles aux échanges sur le marché, et notamment de la question de savoir si le produit en cause est commercialisable ou non".
394. Sur le troisième point, l'appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause.
395. Toutefois, s'écartant d'une appréciation au cas par cas, la Commission a posé le principe selon lequel le commerce entre États membres n'est pas affecté sensiblement si la part de marché totale des parties sur un marché communautaire en cause affecté par l'accord n'excède pas 5 % ou si le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé dans la Communauté par les entreprises en cause n'excède pas 40 millions d'euro. A contrario, les accords affectant plus de 5 % du marché communautaire en cause et sur lequel les entreprises en cause réalisent au moins 40 millions d'euro sont présumés affecter sensiblement, sauf preuve contraire à rapporter par les parties, le commerce intra-communautaire.
396. En l'espèce, le marché communautaire en cause couvre la totalité du territoire français, partie substantielle du marché communautaire. Sur ce marché, les participants à l'entente représentent environ 80 % du marché des portes iso-planes, soit plus de 5 % du marché communautaire.
397. En outre, le chiffre d'affaires annuel moyen réalisé au 31 décembre 2001 par le groupe France Portes, le groupe Premdor, le groupe JH Industries, les sociétés Blocfer, Righini et Malerba s'établissait à plus de 260 millions d'euro, soit plus de 40 millions d'euro par "entreprise en cause" (au sens de la communication de la Commission 2001-C 368-07 concernant les accords d'importance mineure).
398. Le volume des échanges des parties à l'entente n'est certes pas très important au regard de leurs ventes sur le marché national. Pour autant, le Tribunal de première instance, dans un arrêt T 29-92 du 21 février 1995 a indiqué qu' "en ce qui concerne le caractère sensible de cet effet, plus les échanges sont faibles, plus ils sont susceptibles d'être affectés par l'entente".
399. Au surplus, on notera que la Cour de justice a, à plusieurs reprises (cf notamment CJCE, 18 juin 1998, (C-35-96) et CJCE, 19 février 2002 (C-309-99)), posé le principe selon lequel une entente qui couvre l'ensemble du territoire national d'un État membre affecte, par sa nature même, le commerce intra-communautaire dans la mesure où il a "pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration voulue par le traité".
400. Le tribunal de première instance a précisé, dans un arrêt T-35-92 du 27 octobre 1994, qu'"une entente mise en place sur un marché national oligopolistique où interviennent principalement des opérateurs actifs sur l'ensemble du Marché commun est susceptible d'affecter substantiellement le commerce entre États membres" dans la mesure où "en atténuant la concurrence, il pèse nécessairement sur le volume des importations vers le marché de référence".
401. Le Conseil de la concurrence, dans une décision n° 05-D-38 du 5 juillet 2005 a confirmé cette analyse en affirmant que "les cartels nationaux sont par définition susceptibles d'affecter le commerce intra-communautaire " dès lors que " le cartel couvre l'ensemble du territoire national et est mis en œuvre par des sociétés d'envergure internationale".
402. En l'espèce, le marché géographique visé par le cartel s'étend à la totalité du territoire français.
403. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d'avoir affecté sensiblement le commerce intra-communautaire et peuvent donc être qualifiées au regard de l'article 81 du traité CE.
3. SUR LES PRATIQUES DU "CARTEL DES PORTES LAQUEES" REPROCHEES AUX SOCIETES FRANCE PORTES, BERKVENS-SVEDEX ET POLYDEX
404. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 148 à 156 de la décision que les sociétés France Portes SA, Berkvens-Svedex et Polydex ont participé en 1999 et en 2000 à une entente sur les prix des portes laquées.
405. La société Berkvens-Svedex souligne que les griefs qui lui ont été notifiés reposent essentiellement sur la dénonciation de France Portes et sur les déclarations de ses dirigeants, ce qui serait insuffisant pour rapporter la preuve de son implication dans l'entente. Elle indique enfin que la pratique n'a produit aucun effet, les participants aux cartels refusant d'appliquer les grilles de prix minima.
406. La société Polynorm, venant aux droits de la société Polydex, reconnaît l'existence de la pratique qui lui est imputée, tout en insistant sur le fait que cette pratique a été de courte durée et n'a eu qu'une portée limitée.
407. Outre les déclarations des dirigeants de la société France Portes et de la société Polydex, (paragraphes 156 et 225), les documents saisis au cours des investigations confirment l'existence de réunions de concertation et la rédaction de grilles de prix par France Portes à leur issue. Ainsi, ont été saisis :
- un compte rendu de réunion "Farbolux du 20/7/1999", dans lequel on peut lire :
"Il a été décidé de nouveaux prix entrant en vigueur le 3/1/2000, date de livraison" ;
- un courrier de M. J, gérant de Polydex à l'attention de M. 7 (Polynorm Bruynzeel), daté du 6 octobre 1999, dans lequel on peut lire : "Pour information, je t'adresse également ci-joint le tableau des prix minimums élaboré par les concurrents (Berkvens, Svedex et France Portes) lors de leur dernière réunion" ;
- une page manuscrite, sur papier à en tête "Novotel Porte de Bagnolet", daté du 25 janvier 2000, sur lequel apparaît le nom de la société Berkvens-Svedex, une liste de prix ainsi que la mention : "1/7 date de livraison : + 2 % " ;
- un compte-rendu daté du 31 janvier 2000 relatif à une réunion tenue le 25 janvier 2000 entre les sociétés précédentes et Blocfer, faisant lui aussi référence à des prix minima : "Chez les autres clients, les prix minimums appliqués sont en annexe (188 francs la porte de base 850). Une hausse de ces prix, de 2 % est décidée (...)".
408. Ces éléments permettent d'établir l'existence de réunions annuelles "Farbolux" en 1999
(20/7), 2000 (25/1), auxquelles participait, selon les déclarations concordantes de MM. D, C, (France Portes) et J... (Polydex), la société Berkvens-Svedex.
409. Cette société a donc participé régulièrement, en 1999 et en 2000, aux réunions du cartel des portes laquées au cours desquelles elle a échangé avec France Portes et Polydex des informations sur les prix qu'elles entendaient pratiquer, et a arrêté un barème avec ces sociétés dont la diffusion était assurée par France Portes.
410. S'agissant des effets de l'entente, l'instruction n'a pu recueillir d'éléments établissant que les prix minima définis en commun à l'occasion des réunions Farbolux étaient appliqués par les sociétés impliquées dans l'entente.
411. M. C, directeur commercial de la société France Portes a indiqué lors de son audition :
"Les membres ne se faisaient pas confiance donc ça ne pouvait pas marcher".
412. M. J, gérant de Polydex, a confirmé : "Il y a eu une réunion à Roissy mais qui est restée sans suite car Svedex ne suivait pas d'une part à cause du contrat avec Bouygues et parce qu'ils ne voulaient pas remonter leurs prix. En ce qui concerne les portes laquées, un tableau de prix minimums - évolutif sur 1998 et 1999 - avait également été réalisé".
413. A ces déclarations concordantes s'ajoute le fait qu'aucune donnée statistique n'a été relevée en cours d'instruction permettant de déterminer, au vu des prix pratiqués sur le marché en regard de ceux définis par concertation et formalisés par des grilles de prix, si la pratique a pu avoir un quelconque effet sur le marché.
414. Il résulte de ce qui précède que les sociétés France Portes, Berkvens-Svedex et Polydex ont participé, en 1999 et en 2000, à une entente sur les prix des portes laquées, contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. L'absence de données relatives à l'effet de cette entente sur les prix pratiqués par les sociétés impliquées sera prise en compte au stade de l'évaluation de la sanction.
a) Sur l'affectation du commerce intra-communautaire
415. Le cloisonnement du marché français était bien l'objectif de l'entente des portes laquées, comme le confirme M. D, PDG de la société France Portes, lors de son audition :
"L'entente concernant ces portes était totalement indépendante du C5. Elle avait été mise en place afin de nous préserver d'une chute de prix : nos concurrents étrangers qui souhaitaient pénétrer le marché français, beaucoup moins virulent en terme de concurrence que les autres marchés européens, auraient pu avoir tendance à faire du dumping sur les prix et à les faire baisser. Le prix du marché à l'époque était d'environ 190 francs pour une porte aux dimensions classiques (730 ou 830) et certains de nos concurrents auraient souhaité descendre à 150 F".
416. Par ailleurs, l'entente rassemblait les principaux producteurs de portes laquées incluant les sociétés Berkvens-Svedex et Polydex, filiales d'importants groupes internationaux dont les activités couvrent une grande partie du territoire communautaire.
417. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d'avoir affecté sensiblement le commerce intra-communautaire et peuvent donc être qualifiées au regard de l'article 81 du traité CE.
III. Sur les sanctions
A. LA LOI APPLICABLE
1. LE CARTEL DES PORTES STANDARDS ET TECHNIQUES PLANES ET ISOPLANES
418. Le cartel des portes standards et techniques planes et isoplanes, après une brève interruption en 1996-1997, a repris en 1998 jusqu'à la fin 2001. Cette pratique est donc constitutive d'une pratique continue, commencée antérieurement et terminée postérieurement à l'entrée en vigueur, le 18 mai 2001, de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. La saisine du Conseil ayant été effectuée le 23 juillet 2002, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de cette même loi, les dispositions du livre IV du Code de commerce applicables sont celles issues de la loi du 15 mai 2001. Les sociétés France Portes, Ekem, Magri, Fonmarty, JH Industries, Righini et Malerba encourent donc les sanctions prévues par ce texte.
419. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut (...) infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné (...) et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euro. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des derniers exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication (...) de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise. (...). Les frais sont supportés par la personne intéressée".
420. S'agissant de la société Blocfer, dans la mesure où sa participation à cette entente a cessé au cours de l'année 2000, le montant maximum de l'amende qui pourra être prononcé à son encontre est celui résultant de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, à savoir de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos.
2. LE CARTEL DES PORTES LAQUEES
421. Dans la mesure où les pratiques reprochées aux sociétés Berkvens-Svedex et Polynorm, venant aux droits de la société Polydex, ont cessé au cours de l'année 2000, le montant maximum de l'amende qui pourrait être prononcé à leur encontre est, en application de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, de 5 % du montant du chiffres d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos.
B. LA DETERMINATION DE LA SANCTION
1. SUR LA GRAVITE DES FAITS ET LE DOMMAGE A L'ECONOMIE
422. Le Conseil a rappelé dans sa décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 que "la fixation de prix minima de vente communs constitue une infraction grave par son objet et par l'importance de ses effets potentiels sur le fonctionnement de la concurrence". De telles ententes sur les prix entre concurrents constituent des pratiques qualifiées d'injustifiables et donc d'une extrême gravité par les autorités de concurrence.
423. En l'espèce, la détermination de prix minima de vente communs aux producteurs de portes standards et techniques planes et iso-planes et aux portes laquées visait à limiter la concurrence par les prix et était donc susceptible d'affecter sensiblement la compétition entre ces opérateurs, en cherchant à uniformiser les prix minima de vente sur l'ensemble du territoire national.
424. Elle aboutissait aussi à restreindre la possibilité pour les acheteurs d'obtenir des prix différenciés plus favorables, dont ils auraient pu bénéficier en faisant jouer la concurrence entre les producteurs.
425. Elle conduisait enfin à cloisonner le marché national en rendant plus difficile l'accès d'opérateurs étrangers sur les marchés visés.
426. Cette pratique est d'autant plus grave qu'elle impliquait, s'agissant tant du C5 que du cartel des portes laquées, les principaux opérateurs réalisant près de 80 % du chiffre d'affaires du secteur concerné qui se sont pendant plusieurs années concertés sur leurs tarifs.
427. S'agissant du C5, le Conseil relève en particulier que, comme l'indique M. C dans sa déclaration aux enquêteurs, si les grilles de prix ne concernaient que 20 % des familles de produits vendus, elles représentaient 80 % du chiffre d'affaires des entreprises.
428. Néanmoins, le dommage à l'économie, qui doit être évalué au regard de la durée de la pratique (3 ans) et de la taille du marché affecté (300 millions d'euro cf. paragraphe 92) a été d'une importance limitée, puisque les sociétés participantes ont appliqué de manière peu disciplinée les grilles de prix minima établies en commun.
429. En outre, s'agissant du cartel des portes laquées, l'impact des pratiques imputées aux sociétés France Portes, Berkvens-Svedexs et Polynorm a été moins fort, compte tenu de leur durée, plus courte (2 ans), de la taille beaucoup plus faible du marché concerné et de l'absence d'effet sur les prix réellement appliqués sur le marché.
2. SUR L'INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS
a) La société France Portes SA
430. Les pratiques reprochées à la société France Portes sont d'une particulière gravité, puisqu'elle a été l'instigatrice du cartel "des cinq" dénoncé au Conseil. Son rôle moteur dans le fonctionnement du cartel a été décrit aux paragraphes 173 à 176 de la décision, les grilles de prix élaborées en commun étant rédigées et diffusées par ses soins. Elle assurait aussi la surveillance du cartel (paragraphes 200 à 211).
431. Le chiffre d'affaires de la société France Portes réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 58 454 579 euro.
432. Le chiffre d'affaires réalisé en 2003 par la société France Portes, qui constitue le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, s'élève à 62 711 043 euro.
433. Compte tenu de ces éléments et de ceux, plus généraux, rappelés aux paragraphes 422 à 429, le montant de la sanction pécuniaire qui devrait être infligé à la société France Portes s'élève à 1,25 million d'euro.
434. Le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose : "Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'informations dont le Conseil ou l'administration ne disposaient pas antérieurement.
A la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, le Conseil de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'Economie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, le Conseil peut, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération des sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction".
435. Par un avis du 23 juillet 2002, le Conseil de la concurrence a accordé à la société France Portes SA, le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération totale de sanction subordonnée au respect des quatre conditions mentionnées au paragraphe 25 ci-dessus.
436. Afin de déterminer si la société France Portes peut bénéficier d'une exonération totale de sanctions pécuniaires, il convient d'examiner si les conditions posées dans l'avis conditionnel de clémence du 23 juillet 2002 ont été respectées.
Première condition
437. En l'espèce, la société France Portes SA a versé des éléments probants permettant d'établir que les membres du C5, à savoir les sociétés Righini, Malerba, JH Industries, Ekem, Magri, Fonmarty et France Portes, se sont régulièrement réunis au cours des années 2000-2001 afin d'arrêter en commun des grilles de prix minima qu'ils étaient censés par la suite appliquer. Les auditions des dirigeants de la société France Portes réalisées par les services d'enquête, ainsi que les pièces versées à cette occasion qui confortent les déclarations originelles de la société France Portes, ont permis de confirmer les faits d'entente dénoncés.
438. De même, la société France Portes a versé des éléments probants permettant d'établir que les membres du cartel des portes laquées, à savoir les sociétés Berkvens-Svedex, Polydex et France Portes, se sont régulièrement réunis au cours des années 1999-2000 afin d'arrêter en commun des grilles de prix minima qu'ils étaient censés par la suite appliquer. Les auditions des dirigeants de la société France Portes réalisées par les services d'enquête, ainsi que les pièces versées à cette occasion confortant les déclarations originelles de la société France Portes, ont permis de confirmer les faits d'entente dénoncés. La première condition est donc remplie.
Deuxième condition
439. La société France Portes a apporté au Conseil et aux services d'enquête une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction, et leur a fourni tous les documents en sa possession permettant de caractériser les infractions dénoncées. La deuxième condition est donc satisfaite.
Troisième condition
440. Il ressort des éléments du dossier que les pratiques dénoncées par la société France Portes, qu'elle aurait découvertes au cours du second semestre 2001, ont perduré jusqu'à fin 2000 s'agissant du cartel des portes laquées et jusqu'à fin 2001 s'agissant du C5. La société France Portes a dénoncé les ententes auxquelles elle participait par courriers datés des 31 mai et 14 juin 2002. Elle a bénéficié d'un avis conditionnel en date du 23 juillet 2002. Postérieurement à la notification de cet avis, aucun document n'a été découvert par les enquêteurs au cours de leurs investigations, et aucun élément n'a été versé à la procédure par les parties, établissant que la société France Portes aurait manqué à son obligation de cessation des pratiques au plus tard à la date de l'avis conditionnel de clémence. Même si la société a joué un rôle particulièrement actif dans les deux ententes auxquelles elle a participé, dont elle a été l'élément le plus moteur, elle ne peut être regardée comme ayant contraint les autres membres du cartel à y participer. La troisième condition est donc remplie.
Quatrième condition
441. Aucun élément ne démontre que la société France Portes aurait informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées. La dernière condition est donc satisfaite.
442. La société France Portes s'est ainsi strictement conformée aux conditions qui lui avaient été imposées par l'avis conditionnel de clémence du 23 juillet 2002.
443. Il y a donc lieu, par suite, de l'exonérer de toute sanction pécuniaire.
444. Les arguments soulevés par les sociétés Righini et Malerba contestant la possibilité pour le Conseil d'exonérer totalement la société France Portes, aux motifs qu'une telle exonération serait "inéquitable" au regard du rôle joué par France Portes dans la constitution et la mise en œuvre de l'entente (selon Malerba), et violerait le principe de l'égalité des armes et du contradictoire (selon Righini) ne sauraient être admis, dès lors que les conditions imposées par le Conseil dans le cadre de son avis conditionnel de clémence, en conformité avec les disposition du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ont été respectées par France Portes et qu'il convient dès lors d'en tirer toutes les conséquences de droit.
b) La société Righini
445. Le chiffre d'affaires de la société Righini réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 25 111 407 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 430 000 euro.
c) La société Malerba
446. Le chiffre d'affaires de la société Malerba réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 82 175 165 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 1,4 million d'euro.
d) La société JH Industries
447. Le chiffre d'affaires du groupe JH Industries réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 93 944 860 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à hauteur de 1,6 million d'euro.
e) La société Ekem
448. Le chiffre d'affaires de la société Ekem réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 16 051 588 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 300 000 euro.
f) La société Fonmarty
449. Le chiffre d'affaires de la société Fonmarty réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 38 810 798 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 700 000 euro.
g) La société Magri
450. Le chiffre d'affaires de la société Magri réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 14 412 989 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 250 000 euro.
h) La société Blocfer
451. Le chiffre d'affaires de la société Blocfer réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 30 145 340 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, et notamment de la durée plus limitée de la participation de cette société au cartel du C5, le montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée est fixé à 300 000 euro.
i) La société Berkvens-Svedex
452. Le chiffre d'affaires de la société Berkvens-Svedex réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2004 s'élève à 5 306 469 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 40 000 euro.
j) La société Polynorm
453. La société Polynorm, qui vient aux droits de la société Polydex, a indiqué dans ses écritures que son chiffre d'affaires 2005, réalisé essentiellement grâce aux intérêts des prêts consentis à ses filiales, ne présentait aucun lien avec la France.
454. Il résulte d'un arrêt du tribunal de première instance des communautés européennes en date du 29 novembre 2005 (Britannia Alloys & Chemicals Ltd) qu'il convient de se fonder, dans l'hypothèse où une société a cessé son activité économique et où l'on ne dispose pas de chiffre d'affaires correspondant à une année d'activité économique normale, sur le chiffre d'affaires du dernier exercice complet correspondant à une activité économique normale de cette société, pour déterminer le montant de l'amende à lui appliquer.
455. En l'espèce, la société Polynorm, qui vient aux droits de Polydex, n'ayant plus aucune activité de production, il convient, en s'inspirant de la solution dégagée par le juge communautaire, de se référer au chiffre d'affaires du dernier exercice social complet correspondant à une activité normale de la société Polydex sur le territoire français, à savoir celui de 2001, année précédant sa dissolution, soit 2 127 123 euro hors taxe.
456. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'il sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est fixé à 15 000 euro.
Décision
Article 1er : Il est établi que les sociétés Righini, Malerba, JH Industries, Ekem, Fonmarty, Magri, Blocfer, Berkvens-Svedex, Polynorm venant aux droits de la société Polydex ainsi que la société France Portes SA ont enfreint les dispositions de l'article 81 du traité CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
à la société Righini une sanction de 430 000 euro ;
à la société Malerba une sanction de 1,4 million d'euro ;
à la société JH Industries une sanction de 1,6 million d'euro ;
à la société Ekem une sanction de 300 000 euro ;
à la société Fonmarty une sanction de 700 000 euro ;
à la société Magri ne sanction de 250 000 euro ;
à la société Blocfer une sanction de 300 000 euro ;
à la société Berkvens-Svedex une sanction de 40 000 euro ;
à la société Polynorm, venant aux droits de la société Polydex, une sanction de 15 000 euro.
Article 3 : La société France Portes SA est exonérée de sanctions pécuniaires, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.
Article 4 : Il n'est pas établi que la société Premdor SAS ait enfreint les dispositions de l'article 81 du traité CE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce.