Cass. soc., 5 avril 2006, n° 04-46.439
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Joannes
Défendeur :
Fédiac (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mazars (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Chollet
Avocat général :
M. Cuinat
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 2004), que M. Joannes a, le 2 janvier 1981, été engagé par la société Fédiac, le contrat de travail visant la qualité de VRP exclusif ; que l'unité de production de cette société ayant, le 6 juillet 2001, été entièrement détruite par un incendie, l'employeur a, le 7 septembre 2001, licencié le salarié en invoquant la force majeure ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement, pour la période de 1996 à 2000, de sommes en application de l'accord national interprofessionnel des VRP, alors, selon le moyen : 1°) que le salarié engagé au titre d'un contrat de représentation au profit exclusif d'un employeur bénéficie du statut légal et conventionnel des VRP, sauf pour l'employeur à établir que le salarié exerce parallèlement une autre activité à titre professionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Joannes avait été engagé à titre de VRP exclusif ; qu'en déduisant la perte de son statut d'une baisse de rémunération et de l'exercice parallèle d'une activité purement privée, à savoir faire fructifier son héritage par le biais d'opérations de bourse, la cour d'appel a violé l'article L. 751-1 et suivants du Code du travail et les dispositions de l'accord collectif national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ; 2°) que le salarié engagé au titre d'un contrat de représentation exclusive bénéficie des dispositions de l'accord collectif national interprofessionnel des VRP ; que la reddition de compte est une obligation du salarié découlant de son statut et non une condition d'application de la convention collective ; qu'en refusant le bénéfice de l'accord collectif national interprofessionnel des VRP au salarié qui s'était abstenu de rendre des comptes, la cour d'appel a violé l'article L. 751-1 et suivants du Code du travail et les dispositions de l'accord collectif national interprofessionnel des VRP ; 3°) que le silence du VRP, qui s'abstient d'informer son employeur des obstacles à l'exercice de son activité et de procéder à des réclamations, ne le prive pas de son droit de demander le bénéfice des avantages qu'il tient de son statut ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 751-1 et suivants du Code du travail et les dispositions de l'accord collectif national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, en se référant exactement aux conditions effectives d'exercice par M. Joannes de son activité, la cour d'appel, qui a constaté que, depuis 1996, le salarié n'exerçait plus son activité de VRP de façon constante et exclusive au profit de la société Fédiac, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes en paiement de sommes tant à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen : 1°) que l'incendie d'une usine ne constitue pas un cas de force majeure, quand l'activité de fabrication est interrompue mais que l'activité de commercialisation s'est poursuivie ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que, alors que l'incendie du centre de production avait eu lieu le 6 juillet 2001 et que son licenciement était survenu le 7 septembre 2001, la société avait conservé une activité de négoce (cf extraits K bis au 31 mars 2004 + transfert du siège social de la société le 14 juin 2004 + bilan 2003 + factures émises en 200... ) ; qu'en se bornant à relever la cessation de la production de l'usine, la liquidation du stock et le paiement des factures de livraison en cours, pour considérer que l'incendie constituait un cas de force majeure, sans rechercher s'il n'y avait pas eu maintien d'une activité de négoce, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1148 du Code civil ; 2°) que la notion de force majeure ne peut être retenue quand il existe une possibilité d'opérer le transfert de l'activité sur un autre établissement de l'entreprise ou du groupe ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait que le personnel technique travaillant au centre de production (chef de fabrication, magasinier, agent de fabrication... ;) avait été transféré à Thorigny-sur-Marne (lieu du siège social d'autres sociétés du groupe) et avait continué d'être payé ; que l'arrêt constate effectivement que six des huit salariés de l'entreprise ont été repris par les sociétés du groupe ; qu'en concluant à l'existence d'un cas de force majeure, alors qu'il résulte de ses propres constatations qu'une partie du personnel attaché à l'activité ininterrompue a été transférée dans d'autres sociétés du groupe, la cour d'appel a violé l'article 1148 du Code civil ; 3°) qu'il incombe à celui qui invoque la force majeure d'en rapporter la preuve ; qu'en reprochant à M. Joannes de ne pas rapporter la preuve de ce que son contrat de travail aurait pu être poursuivi par l'une des sociétés appartenant au même groupe que la société Fédiac, quand il incombait à l'employeur de rapporter cette preuve, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, sans inverser la charge de la preuve ni devoir effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a souverainement retenu que l'incendie ayant détruit le seul centre de production de l'entreprise avait entraîné sa fermeture définitive et que la poursuite de l'activité de la société, laquelle s'est bornée à liquider le stock résiduel et à payer les factures correspondant aux livraisons en cours, était devenue impossible, a, peu important le reclassement de certains salariés au sein du groupe, pu en déduire l'existence d'un cas de force majeure excluant le paiement d'indemnités de rupture ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article L. 122-14 du Code du travail ; - Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que la rupture du contrat de travail résulte d'un cas de force majeure ; qu'en statuant ainsi, alors qu'un tel motif de rupture ne dispense pas l'employeur de respecter les formalités protectrices légales dont l'inobservation doit être sanctionnée par une condamnation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen : - Vu l'article R. 143-2 du Code du travail ; - Attendu que pour débouter M. Joannes de sa demande (subsidiaire) en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés, sur le fondement de la convention collective des industries chimiques, l'arrêt retient que si cette convention collective ne se prononce pas sur la question des VRP, le contrat de représentant conclu entre les parties se réfère expressément aux dispositions légales régissant la profession de VRP ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, les bulletins de paie se référaient expressément à la convention collective des industries chimiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Joannes de sa demande, sur le fondement de la convention collective des industries chimiques, en paiement de sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés et de celle en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 22 juin 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.