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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 24 janvier 2006, n° 04-05929

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zuegg France (SAS)

Défendeur :

Association Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deltel

Conseillers :

M. Blanc-Sylvestre, Mme Bresdin

Avoués :

SCP Salvignol-Guilhem, Me Garrigue

Avocats :

Mes Villalongue, Molina, SCP de Torres-Py-de-Torres

TGI Perpignan, du 11 oct. 2004

11 octobre 2004

Faits, procédure et prétentions des parties ;

L'Association Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais expose qu'elle est gestionnaire du Centre d'aide par le travail dit "CAT de la Roselière" à Elne qui a pour finalité de faire accéder à une vie professionnelle des personnes handicapées ; que dans ce cadre elle devait à compter de l'année 1990 jusqu'à 2003 être en relation avec la SA Siam devenue Elnia puis la SAS Zuegg France au titre de divers contrats de prestation de services annuellement négociés représentant sur la dernière année 36,23 % de son chiffre d'affaire et 30,15 % de son volume de travail.

Alors que le 16 décembre 2002 la société Elnia lui avait fait connaître qu'elle souhaitait que leur collaboration continue à se développer, elle lui a adressé le 25 avril 2003 une lettre recommandée avec avis de réception lui notifiant la rupture de leurs relations contractuelles moyennant un préavis de quatre mois prenant fin au 31 août 2003.

Après avoir recherché vainement une solution amiable à la suite de cette rupture qu'elle considérait comme abusive, par acte d'huissier en date du 24 novembre 2003, l'Association a fait assigner la SAS Zuegg France pour voir, au visa des articles L. 442-6 alinéa 5 du Code de commerce et 1134 et 1156 du Code civil, constater le caractère abusif de la rupture des relations contractuelles et en conséquence la voir condamner à lui payer 250 000 euro de dommages et intérêts pour son préjudice financier, 30 000 euro pour son préjudice moral et ordonner l'exécution provisoire. Elle a également demandé de condamner la SAS Zuegg France à lui payer 2 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 11 octobre 2004, le Tribunal de grande instance de Perpignan :

"- Déclare la SAS Zuegg France responsable d'avoir abusivement rompu avec un préavis de quatre mois insuffisant les contrats de prestations de service qui l'unissaient successivement depuis 13 ans continus à l'Association Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais

- Dit que le délai de préavis raisonnable aurait dû être d'une année ;

- En réparation condamne la SAS Zuegg France à payer à l'Association Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais, 56 000 euro de dommages et intérêts au titre de son préjudice économique et financier et 5 000 euro au titre de son préjudice moral ;

- Ordonne l'exécution provisoire du jugement pour les deux tiers des sommes ainsi allouées ;

- Condamne la SAS Zuegg France à payer à l'association Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais une indemnité de 1 300 euro au titre de l'article 700 du NCPC ;

La condamne aux dépens ;

La SAS Zuegg France, appelante, dans ses dernières conclusions en date du 25 février 2005, demande à la cour de :

"Vu les articles 1134 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

- Infirmer la décision de première instance,

- Débouter le CAT La Roselière de l'ensemble de ses demandes, fins conclusions.

A titre subsidiaire, diminuer le montant de l'indemnisation accordée à l'appelante.

- La condamner au versement d'une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens..."

L'Association Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais, intimée, dans ses dernières conclusions en date du 14 novembre 2005, demande à la cour de :

"Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées, vu l'article L. 442-6 alinéa 5 du Code du commerce, subsidiairement, vu les articles 1134 et 1156 du Code civil,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté le caractère abusif de la rupture des relations contractuelles.

Le réformant s'agissant du quantum,

- Condamner la SAS Zuegg France à payer les sommes de :

* 250 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

* 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- La condamner au paiement d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens..."

L'ordonnance de clôture est en date du 14 novembre 2005.

Motifs

Attendu que l'Association " Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais " est gestionnaire d'un Centre d'aide par le travail " La Roselière " à Elne ; qu'à compter de l'année 1990 et jusqu'à l'année 2003 comprise, le CAT a été en relations commerciales avec la SA Siam, devenue Elnia pour des travaux de réfection de fûts métalliques ;

Attendu que par courrier en date du 25 avril 2003, la société Elna devenue SAS Zuegg France a notifié au CAT " La Roselière " la rupture de leurs relations contractuelles moyennant un préavis de quatre mois expirant le 30 août 2003, en invoquant une nécessaire restructuration passant par une diminution significative des volumes de transformation et la mise en place d'une nouvelle activité de préparation de fruits, entraînant la suppression des anciens fûts et avec elle, de l'activité confiée au CAT ;

Attendu que selon les dispositions de l'article L. 442-6 alinéa 5 du Code de commerce, engage sa responsabilité tout producteur ou commerçant qui rompt brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels ; que le CAT a droit à un préavis suffisant pour la cessation de son activité de prestations de services ayant fait l'objet de contrats successifs depuis 1990 ;

Attendu que ce droit et la durée du préavis à respecter ne sont pas remis en cause par l'annualité des contrats, eu égard à l'ancienneté des relations contractuelles de 13 années, d'autant plus que le 16 décembre 2002, la société Elnia écrivait encore que la coopération continuerait à l'avenir et qu'elle ne laissait pas envisager à l'Association une rupture prochaine des relations avec la nécessité de se réorganiser pour l'avenir ;

Attendu que la société Zuegg France, qui fait partie d'un groupe international, ne peut se soustraire à cette obligation au paiement d'un préavis en invoquant des difficultés financières et des pertes ; qu'elle doit supporter les conséquences de sa décision de réorganisation de sa production avec arrêt brutal de l'activité d'un prestataire de services cocontractant ;

Attendu ainsi que le tribunal a exactement constaté qu'eu égard à l'ancienneté des relations commerciales et aux usages, le délai de préavis quatre mois n'était pas suffisamment et qu'il aurait dû être d'une année ; que l'Association doit être déboutée de son appel incident pour le voir porter à deux années, qu'en effet, elle ne démontre pas que le délai d'un an, qui correspond à la durée de chaque contrat successivement renouvelé, est insuffisant à réparer son préjudice du fait de la rupture brutale ;

Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu d'indemniser l'Association pour le préjudice subi du fait de la durée manquante soit huit mois ; que le tribunal a évalué le préjudice global à la somme de 56 000 euro au vu des pièces qui lui ont été soumises par l'Association et qui ne sont pas sérieusement discutées par l'appelante, aucune contestation chiffrée n'étant communiquée par cette dernière devant la cour ;

Attendu par ailleurs que l'Association ne produit pas d'éléments de preuve de nature à établir qu'elle a effectivement subi un préjudice moral du fait de la rupture des relations contractuelles, étant observé à cet égard qu'il est insuffisant d'invoquer le trouble qu'elle a pu provoquer chez ses membres ;

Attendu que ces motifs et ceux adoptés des premiers juges commandent de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de rejeter toutes autres demandes des parties ;

Attendu que la SAS Zuegg France est condamnée aux dépens ; que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dans les termes du dispositif ci-après :

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris ; rejette toutes autres demandes des parties ; condamne la SAS Zuegg France à payer à l'Association " Les Oeuvres de plein air au soleil roussillonnais " la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; rejette toutes autres demandes des parties ; condamne La SAS Zuegg France aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.