CA Rennes, 3e ch. corr., 18 novembre 2004, n° 04-00576
RENNES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Conseillers :
Mmes Pigeau, Antoine
Avocats :
Mes Carmantrand, Piquet Gauthier
Rappel de la procédure :
Le jugement
Le Tribunal correctionnel de Nantes, par jugement contradictoire en date du 25 septembre 2003, pour :
Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, Natinf 000193
Facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, Natinf 002887
à l'égard de Y Patrice et de X Rémy,
- a condamné Y Patrice à une amende délictuelle de 5 000 euro, ordonné la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné, sans que le coût de chaque publication ne puisse dépasser la somme de 350 euro, dans le journal Ouest-France,
- a prononcé la relaxe de Y Patrice, pour l'infraction de facturation non conforme, vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle;
- a condamné X Rémy à une amende délictuelle de 5 000 euro, ordonné la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné, sans que le coût de chaque publication ne puisse dépasser la somme de 350 euro, dans le journal Ouest-France,
- a prononcé la relaxe de X Rémy pour l'infraction de facturation non conforme, vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
Monsieur X Rémy, le 2 octobre 2003, à titre principal, limité au délit de publicité mensongère,
Monsieur Y Patrice, le 2 octobre 2003, à titre principal, limité au délit de publicité mensongère,
M. le Procureur de la République, le 2 octobre 2003, à titre incident, contre Monsieur X Rémy et Monsieur Y Patrice, pour les infractions de publicité mensongère et de facturations non conformes.
La prévention :
Considérant qu'il est fait grief à Patrice Y:
- d'avoir à Nantes et sur le ressort de la Loire-Atlantique, courant janvier 2002, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce:
* en réalisant des tracts publicitaires pour des opérations commerciales du 9 au 13 janvier 2002 alors que certains produits n'étaient pas disponibles en magasin,
* en réalisant des affiches omettant de surcroît de mentionner pour la nième opération la restriction : "Quantité répartie sur 5 jours dans les magasins";
Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation;
- d'avoir à Nantes et sur le ressort de la Loire-Atlantique, courant janvier 2002, en qualité de co-gérant de la SARL B et de la SARL Z, effectué, pour une activité professionnelle, un ou des achats de produits, ou une ou des ventes de produits, ou une ou des prestations de service sans facture conforme, en l'espèce, en omettant dans les factures de mentionner:
* la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire HTVA des services;
* les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente, les taux de pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture;
Faits prévus par l'article L. 441-3 al. 2, al. 3, al. 4 du Code du commerce et réprimés par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code du commerce;
Considérant qu'il est fait grief à Rémy X:
- d'avoir à Nantes et sur le ressort de la Loire-Atlantique, courant janvier 2002, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce:
* en réalisant des tracts publicitaires pour des opérations commerciales du 9 au 13 janvier 2002 alors que certains produits n'étaient pas disponibles en magasin,
* en réalisant des affiches omettant de surcroît de mentionner pour la même opération la restriction : "Quantité répartie sur 5 jours dans les magasins";
Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation;
- d'avoir à Nantes et sur le ressort de la Loire-Atlantique, courant janvier 2002, en qualité de co-gérant de la SARL B et de la SARL Z, effectué, pour une activité professionnelle, un ou des achats de produits, ou une ou des ventes de produits, ou une ou des prestations de service sans facture conforme, en l'espèce, en omettant dans les factures de mentionner:
* la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire HTVA des services;
* les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente, les taux de pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture;
Faits prévus par l'article L. 441-3 al. 2, al. 3, al. 4 du Code du commerce et réprimés par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code du commerce;
En la forme :
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme;
Au fond :
Il résulte du dossier et des débats les fait suivants:
La SARL Z, spécialisée dans la communication et la publicité pour le compte des magasins installés dans différentes villes de France sous l'enseigne A a fait réaliser une campagne publicitaire portant sur des articles de prêt à porter et proposant des articles à un prix réduit de 0 euro, soit un taux de rabais de 100 %, courant 2002.
Le 10 juin 2002, la DGCCRF de Loire-Atlantique effectuait des contrôles dans deux magasins et constatait, qu'à l'heure de son contrôle, aucun article, objet de la publicité, n'était offert à la vente; qu'en réalité, le stock des articles proposés à un taux de rabais de 100 % était réparti sur 5 jours de sorte qu'une très petite quantité de chaque article était proposée à la clientèle à l'heure de l'ouverture des établissements, vite épuisée, obligeant les clients à revenir le lendemain.
Par ailleurs, une seule facture concernant le budget publicitaire, en date du 31 janvier 2002, d'un montant de 21 275,64 euro émanant de la SARL Z et adressée à la SNC C exploitant le magasin A de Rezé, était communiquée aux agents de la DGCCRF.
Le 5 juin 2002, un procès-verbal d'infractions était dressé à l'encontre de Patrice Y, et Rémy X, gérants de la SARL Z et de la SARL B.
Le tribunal est entré envoie de condamnation à leur encontre du chef de publicité mensongère et les a relaxés des fins de la poursuite pour l'infraction de facturation non conforme.
Devant la cour, Patrice X et Rémy X, appelants sur la seule infraction de publicité mensongère, font plaider la relaxe au motif qu'ils n'ont pas la qualité d'annonceurs, ne sont pas les dirigeants d'une personne morale ayant cette qualité et qu'ils n'ont pas personnellement réalisé les tracts et les affiches publicitaires.
Ils contestent aussi le caractère mensonger de la publicité, soutenant que les consommateurs sont avertis, par la mention même de "solde " et sa définition, que les articles peuvent être indisponibles lorsqu'ils se présentent, les soldes consistant en la liquidation accélérée des invendus de la saison.
Enfin, s'agissant de la facture de publicité, ils sollicitent la confirmation du jugement de relaxe.
Le Ministère public requiert l'infirmation du jugement aux fins de voir déclarer les prévenus coupables des deux infractions visées à la prévention;
La DGCCRF, partie intervenante, a été entendue en ses observations.
Sur quoi, LA COUR
* Sur l'étendue de l'appel du Ministère public
La déclaration d'appel du Ministère public en date du 2 octobre 2003, mentionne expressément l'infraction de publicité mensongère et l'infraction de facturation non conforme reprochées aux deux prévenus. Il en résulte que l'appel du Parquet, qualifié par erreur d'appel incident, porte bien sur les deux infractions visées à la prévention et est recevable pour l'infraction de facture non conforme, pour laquelle les prévenus n'ont pas fait porter leur appel.
* Sur la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
Patrice Y et Rémy X sont les co-gérants de la SARL Z qui a pour objet, notamment, toute prestation de service technique, commerciale, financière, administration, marketing et développement ou informatique au profit, au nom des sociétés ou entreprises dans lesquelles la société a une participation.
La société A, société anonyme détient 100 % des parts de la SARL Z.
Les statuts de la SARL Z prévoient, dans leurs articles 14 et 15, que si la société est administrée par plusieurs gérants, chacun d'eux engage la société et a les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société.
Patrice Y et Rémy X sont par ailleurs co-gérants de la SARL B, centrale d'achat de la société A.
Il n'est pas discuté que la SARL Z a fait réaliser la campagne publicitaire du mois de janvier 2002 pour les magasins exploitant à l'enseigne A de Rezé et de Saint-Herblain dans lesquelles elle détient majoritairement des parts ainsi qu'il en résulte de l'article 34 des statuts.
L'audition de Mme Fernandez, exploitante d'un des magasins contrôlés, confirme que la conception de la publicité a été élaborée par "le siège A", unique associée de la SARL Z, et qu'elle n'a fait qu'appliquer les directives en écoulant les articles soldés à 100 % sur cinq jours.
Patrice Y et Rémy X sont donc les dirigeants de la société qui a conçu la publicité pour des magasins exploitant en SNC sous l'enseigne de la société-mère A, dans lesquels la SARL Z a des participations.
Or, la responsabilité pénale de la publicité mensongère incombe aux dirigeants de la personne morale concepteur de la campagne; elle leur incombe donc, peu important que d'autres personnes physiques (co-gérants) ou la personne morale auraient également pu être poursuivies, l'opportunité des poursuites du Ministère public lui permettant de viser les personne physiques directement à l'origine des délits.
Dès lors que les panneaux publicitaires de 4m x 3m affichés sur la voie publique et apposés sur les murs des magasins ne font pas état de la répartition du stock d'articles soldés sur 5 jours, la publicité est de nature à induire en erreur la clientèle. En effet, du fait du fractionnement du stock, seul un nombre très restreint de clients peut bénéficier de la gratuité annoncée. Cette campagne publicitaire a eu pour but et pour effet d'attirer les consommateurs vers les magasins à l'enseigne A, alors que l'indisponibilité des produits pour lesquels ils se déplaçaient, était artificiellement créée par la répartition des articles sur cinq jours, sans qu'ils soient informés de cette restriction.
Il s'ensuit que l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur est établie et a été exactement qualifiée par le tribunal;
* Sur la facturation non conforme:
Sur la facture du 31 janvier2002, les prestations facturées portent la dénomination "animation, logistique et gestion de communication commerciale période janvier 2002".
Elle ne mentionne pas le nombre de prestations, leur dénomination, le prix unitaire hors taxe des services rendus et font également défaut les conditions d'escompte en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant des conditions générales ainsi que le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date du règlement inscrit sur la facture. Elle ne répond donc pas aux exigences de l'article L. 441-3 du Code de commerce.
Dès lors que la prestation de publicité est achevée au 31 janvier 2002 ainsi que le précise la mention " période janvier 2002 ", que ne figure pas sur la facture qu'il s'agit d'un acompte, qu'aucune facture de fin d'année, récapitulative de l'ensemble des prestations réalisées par la SARL Z, n'a été produite aux débats, il n'y a pas lieu de considérer cette facture comme une facture d'acompte l'excluant des exigences de l'article L. 441-3 du Code de commerce.
Elle apparaît au contraire comme la facturation définitive des frais publicitaires du mois de janvier 2002 pour le magasin exploité par la société C, non conforme aux prescriptions légales. Le jugement sera donc infirmé et Patrice Y et Rémy X seront déclarés coupables des faits de facturation non conforme visés à la prévention.
Sur la peine, les manquement des prévenus, dirigeants d'entreprises importantes, à l'information loyale des consommateurs et à leur protection ainsi qu'aux règles visant à la clarté des prestations réellement effectuées et de leur coût, portent gravement atteinte à l'ordre public économique, les antécédents judiciaires de chacun d'eux, tous deux déjà condamnés pour des faits similaires, qui démontrent qu'il s'agit d'un comportement habituel, justifient une aggravation de la sanction, ils seront condamnés à une amende de 20 000 euro chacun, et la publication de la décision sera ordonnée.
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Y Patrice et de X Rémy, Reçoit les appels, Au fond, Infirme le jugement et statuant à nouveau, Déclare Patrice Y coupable de : publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, Natinf 000193 facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, Natinf 002887 ; En répression, Le condamne à une amende de 20 000 euro ; Déclare Rémy X coupable de: publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, Natinf 000193 facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, Natinf 002887 ; En répression, Le condamne à une amende de 20 000 euro ; Ordonne la publication de la présente décision dans les journaux suivants Ouest France (édition Loire-Atlantique) et Presse Océan; Dit que le coût de chaque insertion ne devra pas dépasser 600 euro; Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable chaque condamné, Le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.