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Décisions

CA Riom, ch. corr., 6 octobre 2004, n° 04-00221

RIOM

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poughon

Conseillers :

M. Gautier, Mme Collin-Jelensperger

Avocat :

Me Roy

TGI Clermont-Ferrand, ch. corr., du 22 o…

22 octobre 2003

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a relaxé X Corinne de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant mars 1999, à Issoire, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

Les appels:

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 31 octobre 2003 contre Madame X Corinne

Décision:

Par déclaration en date du 31 octobre 2003, le Ministère public a interjeté appel principal des dispositions du jugement contradictoire rendu le 22 octobre 2003 par le chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Clermont Ferrand ayant prononcé la relaxe de Mme Corinne X prévenue de publicité de nature à induire en erreur;

Citée à parquet général la prévenue comparaît volontairement en personne assistée de son conseil qui a déposé des conclusions versées au dossier;

Devant la cour, le représentant du Ministère public conclut à l'infirmation de la décision entreprise estimant que la mention "Gigot d'Agneau frais" ne pouvait s'appliquer aux produits en cause abattus et placés sous atmosphère contrôlée entre 52 et 73 jours plus tôt selon les lots ;

Mme Corinne X, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Elle soutient qu'en l'espèce l'élément matériel et l'élément moral de l'infraction font défaut. Selon elle il s'agissait d'aviser les consommateurs que la viande mise en vente n'était pas congelée et se trouvait à tous points de vue dans le même état que si l'animal avait été abattu dans les jours qui ont précédé la mise sous barquette. Elle fait valoir que la note de service du Conseil de la consommation en date du 8 février 1990 selon laquelle peut être présenté comme frais un produit fabriqué ou produit depuis moins de 30 jours n'a pas force obligatoire et ne saurait servir de base à une poursuite;

Sur quoi, LA COUR:

Sur la recevabilité:

Attendu que l'appel principal du Ministère public interjeté dans les formes et délai légaux est régulier et recevable;

Sur l'action publique:

Attendu qu'en mars 1999, l'enseigne Y a fait diffuser dans la zone de chalandise de deux de ses magasins du Puy-de-Dôme et semble t-il en de nombreux autres points du territoire national métropolitain un prospectus publicitaire sur lequel il était indiqué "Plaisirs de Pâques - gigot d'agneau frais - origine Nouvelle-Zélande - en barquette de 4,34 euro le kilo" ;

Attendu que la Fédération Ovine du Puy-de-Dôme a porté plainte auprès de la DDCCRF leur demandant de vérifier que la viande ainsi annoncée à la vente était fraîche et non conservée sous azote liquide;

Attendu qu'en cours d'enquête les fonctionnaires de la DDCCRF ont constaté le 1er avril 1999 à l'hypermarché Y d'Issoire la présence de barquettes d'agneau mises en vente au rayon boucherie sous une pancarte qui indiquait "promotion gigot d'agneau frais, Nouvelle-Zélande 28,50 F le kg" ; que leurs investigations permettaient d'établir que cette viande avait été préparée, conditionnée et transportée de Nouvelle-Zélande en France sous atmosphère contrôlée, puis emballée en barquettes individuelles sous film portant la mention "emballé le 1er avril 1999";

Attendu qu'en première analyse la prévenue soutient que le vocable frais qui s'oppose à celui de congelé ou surgelé peut s'appliquer au traitement de la viande néo-zélandaise qui mise sous vide plus de 50 jours avant son emballage a conservé toutes ses qualités organo-leptiques et présente un état biologique tout à fait comparable à celui qui était le sien lors de l'abattage; qu'en particulier elle peut faire l'objet d'une congélation sans risque pour le consommateur;

Attendu qu'elle soutient encore que le consommateur ne pouvait se méprendre alors qu'il savait que la viande venait de Nouvelle-Zélande et en conséquence ne pouvait avoir été abattue récemment;

Qu'elle ajoute encore que le délai de 30 jours visé à la note du 8 février 1990 ne saurait s'imposer au juge;

Mais attendu que si l'avis du Conseil national de la consommation en date du 8 février 1990 au terme duquel, pour avoir droit au qualificatif "frais" le produit doit avoir été fabriqué ou produit depuis moins de 30 jours, ne revêt aucune force obligatoire, force est de constater qu'il sert de référence aux agents économiques, aux consommateurs et aux organes de contrôle et permet d'harmoniser les pratiques en ce sens ;

Attendu encore que l'on ne saurait raisonnablement opposer le terme "frais" à ceux de congelé ou de surgelé ainsi qu'il est soutenu, dans la mesure où il existe une grande variété de produits non frais qui font l'objet d'un procédé de conservation par des méthodes autres que la congélation;

Attendu qu'il n'est pas non plus raisonnable d'opposer les produits frais aux produits "pas frais" dont la connotation péjorative n'est pas de mise dans le commerce;

Attendu qu'analysé sous l'angle du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, il importe peu de savoir si le produit concerné possédait les mêmes qualités qu'un produit récemment abattu mais de rechercher si en recevant l'offre publicitaire incriminée, le consommateur pouvait croire qu'il s'agissait d'une viande provenant d'une bête fraîchement abattue;

Attendu tout d'abord que l'indication de l'origine de la viande comparée à la date d'emballage ne peut orienter le consommateur dans la mesure où celui-ci peut également penser que les animaux en cause certes originaires de Nouvelle-Zélande ont fait l'objet d'une importation sur pieds et où les prospectus également support de la publicité ne portaient aucune indication sur la date de conditionnement;

Attendu qu'employé en alimentation, le vocable " frais " présente une connotation valorisante et confère au produit qu'il désigne une réelle qualité ; que dans l'esprit du consommateur, il désigne clairement une denrée récemment produite, cueillie ou abattue et s'oppose aux produits objet d'un traitement quelconque en vue de leur conservation par des procédés artificiels tel que la congélation, le fumage, le salage, appertisation, etc...

Attendu que le placement sous atmosphère contrôlé est un procédé de conservation qui retire au produit concerné la qualité de produit frais et par la même, interdit toute publicité sous ce vocable ;

Attendu que l'infraction est ainsi constituée ; qu'il convient d'infirmer la décision déférée et de retenir Mme Corinne X dans les liens de la prévention, et en répression de la condamner à la peine de 5 000 F d'amende, compte tenu du caractère national de la campagne publicitaire et de l'importance de son budget;

Attendu qu'il y a lieu compte tenu de la nature de l'infraction d'ordonner la publication du dispositif de l'arrêt aux frais de la condamnée dans le journal "La Montagne" toutes éditions;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit le Ministère public en son appel, Infirme le jugement entrepris, Déclare Mme Corinne X directeur de Marketing SAS Y, coupable d'avoir à Issoire (PDD) et sur le territoire national, courant mars 1999 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature et les qualités substantielles de biens ou des services en l'espèce en diffusant un prospectus faisant état de la vente du gigot d'agneau frais, alors qu'il s'agissait de gigots conditionnés sous atmosphère contrôlée et réfrigérée, le conditionnement d'origine datant de plus de trente jours, Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4 et L. 213-1 du Code de la consommation; En répression la condamne à la peine de 5 000 F d'amende; Dit que le dispositif de la présente décision sera publié dans le journal La Montagne toutes éditions (autre que l'édition du dimanche) aux frais de la condamnée; Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable chaque condamné et dit que l'éventuelle contrainte par corps s'exercera selon les modalités légales. Le tout en application des articles susvisés et des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale et 1018 A du Code général des impôts.