Livv
Décisions

Cass. crim., 21 mars 2006, n° 05-82.589

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chaumont

Avocat :

Me Bouthors

TGI Lille, 8e ch. corr., du 5 mars 2004

5 mars 2004

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société Z, X Dirk, Y Claudine, contre l'arrêt de Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 10 mars 2005, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, mise en vente et vente de denrées alimentaires falsifiées, les a condamnés, la première, à 50 000 euro d'amende, le deuxième à 6 mois d'emprisonnement et 30 000 euro d'amende et la troisième à 10 000 euro d'amende ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 28, 30 et 227 du traité CE, de la directive 95-2-CE du 20 février 1995 concernant les additifs autres que les colorants et les édulcorants, de l'arrêté du 2 octobre 1997 relatif aux additifs pouvant être employés dans la fabrication des denrées destinées à l'alimentation humaine, des articles 111-3 du Code pénal, 40, 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Claudine Y, Dirk X et la SARL Z coupables de mise en vente et vente de denrées alimentaires falsifiées ;

"aux motifs que l'arrêté du 2 octobre 1997 dispose que "sauf indication contraire, les doses maximales d'emploi indiquées aux annexes III, IV et V s'appliquent à la denrée telle que mise sur le marché", que le benzoate de sodium (conservateur E 211) figure à l'annexe III de cet arrêté, qu'il est autorisé dans les compléments alimentaires à la dose de 2 000 mg par litre, mais uniquement dans les compléments alimentaires liquides, que les comprimés A-B étaient mis en vente sous forme solide, qu'il est, dès lors, indifférent de savoir qu'ils étaient effervescents et destinés à être ingérés sous forme liquide, que c'est vainement que les prévenus invoquent une autorisation obtenue de l'administration belge dès lors que celle-ci a reconnu que la présence de benzoate de sodium dans ces comprimés solides était de nature à lui faire réviser sa position antérieurement adoptée, qu'en tout état de cause, une décision administrative contraire à la réglementation communautaire n'est pas créatrice de droits et ne saurait conduire à la relaxe des prévenus de ce chef de prévention ;

"1°) alors que, d'une part, toute incrimination dont la définition appartient à l'ordre communautaire doit être claire, précise et antérieure aux faits de la prévention ; qu'en l'état de simples nuances sur la forme liquide ou solide d'un complément alimentaire dans la transposition par deux Etats membres d'une directive européenne, la France ne peut légalement incriminer une opération regardée comme licite en Belgique sans violer l'ordre juridique communautaire ;

"2°) alors que, d'autre part, si le juge national est investi d'un pouvoir de contrôle de compatibilité de la loi interne avec le droit communautaire, il est, en revanche, incompétent pour apprécier la conformité au droit communautaire de la transposition d'une directive par un autre Etat membre ; qu'en se prononçant sur la conformité d'une autorisation administrative belge autorisant la commercialisation d'un complément alimentaire dans le cadre des dispositions de la transposition belge de la directive considérée, le juge français a excédé sa compétence et méconnu encore l'ordre public communautaire ;

"3°) alors, en tout état de cause, que les Etats membres de la Communauté européenne ne bénéficient d'une dérogation au principe de libre circulation des marchandises, et spécialement des denrées alimentaires, leur permettant d'imposer des restrictions quantitatives ou des mesures d'effet équivalent que si ces dernières se justifient par un impératif de protection de la santé publique ou des consommateurs ; qu'en l'espèce, en se limitant à constater l'existence de mesures nationales restreignant l'importation en provenance d'un autre Etat membre, de compléments alimentaires contenant le conservateur incriminé, en raison de sa consistance solide, sans autrement caractériser la réalité du risque sanitaire encouru, la cour s'est, à tort, refusée d'examiner la légalité des restrictions françaises au regard des prescriptions de la directive communautaire" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Z ainsi que ses deux dirigeants successifs, Dirk X et Claudine Y, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel sous la prévention de vente et mise en vente de produits alimentaires falsifiés, pour avoir commercialisé, en 2001 et 2002, des compléments alimentaires sous la forme de comprimés effervescents, dénommés A et B, contenant un additif illicite, le benzoate de sodium ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de ce délit, l'arrêt confirmatif retient que les comprimés ont été mis en vente sous forme solide et que, dès lors, l'emploi du benzoate de sodium n'était pas autorisé, la directive du 25 février 1995 n° 95-2-CE, transcrite en droit national par l'arrêté ministériel du 2 octobre 1997, réservant l'utilisation de ce conservateur aux compléments alimentaires liquides ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et dès lors qu'à l'époque des faits, le benzoate de sodium ne pouvait être incorporé, tant en France qu'en Belgique, dans les compléments alimentaires solides, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions légales et conventionnelles invoquées ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Claudine Y, Dirk X et la SARL Z coupables de publicité trompeuse ;

"aux motifs que les comprimés A-B sont composés de 10 ingrédients, parmi lesquels au moins trois chimiques : le benzoate de sodium, le polyéthylène glycol et le saccharinate de sodium, que l'affirmation selon laquelle il s'agit de produits 100 % naturels et 100 % d'origine végétale est fausse ; que le nom commercial C est fictif et ne correspond pas, contrairement à ce qu'indique la publicité, à un chercheur de génie au service de l'amaigrissement, disposant d'un laboratoire, que l'interview de l'intéressé est fictive, tout comme les témoignages et les photos, créés de toutes pièces, que Dirk X a reconnu à la barre qu'il s'agissait d'un ensemble proposé par un publicitaire qu'il s'est contenté d'acheter pour le diffuser à son profit, qu'aucun test n'a prouvé l'efficacité de A-B, produit qui a simplement été commandé à un fabricant de compléments alimentaires, que le nom commercial "D", utilisé pour la commercialisation de la E, est tout autant fictif et ne correspond pas, contrairement à ce qu'indique la publicité, à un membre de la direction générale du centre national de recherche pour la minceur ; qu'il n'existe aucune structure de ce type ; que cette appellation a manifestement pour but de créer une confusion avec un organisme officiel ; que D, personnage imaginaire, ne pouvait avoir personnellement élaboré un questionnaire dont il étudiait personnellement les réponses, ni avoir procédé à une étude clinique à propos de la perte de poids générée par la consommation de E ; que le questionnaire "confidentiel", tout comme la cure proposée n'avaient rien de personnalisés, que tous les acheteurs potentiels avaient reçu le même mailing publicitaire, comportant un questionnaire dont la seule vocation était de persuader le consommateur qu'il avait besoin de maigrir, que ce questionnaire lui promettait une étude de son cas particulier permettant un traitement adapté, que, dans la pratique, le seul document effectivement exploité par la société Z était le bon de commande, où le client était invité à préciser le nombre de kilos qu'il voulait perdre, ce qui générait l'envoi d'une cure uniquement différenciée par la taille et le nombre de flacons de E vendus ; que les tests visant à faire croire que E est le fruit d'une recherche scientifique sont aussi virtuels que les publications du CNRM ; que les photos avant-après et les témoignages utilisés n'ont pas plus de réalité que D et le CNRM ; que ces mises en scène sont d'une particulière gravité, qu'elles créent l'illusion chez les consommateurs désireux de perdre définitivement du poids sans jamais y parvenir, que le produit miracle a été inventé par un "génie de l'amaigrissement", travaillant seul et à l'écoute attentive de leurs préoccupations, cela dans un but purement mercantile ;

"alors que le recours à l'exagération dans un message publicitaire ne saurait, à lui seul, constituer le mensonge caractérisant la publicité trompeuse ; qu'en l'état d'une campagne promotionnelle proposant à ses destinataires de bénéficier des vertus drainantes de compléments alimentaires composés de produits naturels, la cour n'a pu légalement déduire des formules hyperboliques employées alléguant une prodigieuse et immédiate perte de poids qui ne pouvaient entraîner que l'incrédulité de ses destinataires, le caractère trompeur de l'ensemble de la publicité" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.