CA Paris, 4e ch. B, 16 janvier 2004, n° 2002-14079
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
AMG Compagnie (SA)
Défendeur :
Auchan France (SA), Centrale d'achat centrale de services Auchan (GIE), Auchan France établissement secondaire (Sté), Atac (Sté), Atac établissement secondaire (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
Mme Regniez, M. Marcus
Avoués :
SCP Annie Baskal, SCP Roblin-Chaix de Lavarene
Avocats :
Mes Hoffman-Attias, Culevier, SCP Deprez Dian Guignot
La société anonyme AMG Compagnie a déposé à l'Institut National de la Propriété Industrielle plusieurs modèles de vêtements, dont deux modèles de T-shirts et de polos. Les sociétés Auchan France et Atac ayant commercialisé des vêtements semblables, elle a fait procéder à quatre saisies- contrefaçon le 4 mai 1999.
La cour est saisie de l'appel formé par la société anonyme AMG Compagnie (ci-après la société AMG) à l'encontre du jugement rendu le 11 juin 2002 par le Tribunal de commerce de Créteil qui a notamment :
- débouté la société AMG de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les parties défenderesses de leur demande de mettre hors de cause le GIE Centrale d'achat Auchan, les magasins Auchan de Fontenay-sous-Bois et de la Défense, de la société Atac et du magasin Atac de Vitry-sur-Seine,
- débouté les parties défenderesses de leurs demandes au titre des dommages-intérêts,
- condamné la société AMG à payer à la société Auchan France la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC et débouté les parties défenderesses du surplus de leurs demandes,
- débouté la société AMG de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC, et aux dépens.
Dans ses conclusions récapitulatives du 13 novembre 2003, la société AMG Compagnie, appelante, demande à la cour de :
- la recevoir en son appel, le déclarer bien fondé et y faire droit;
- débouter les intimés de toutes leurs demandes;
- infirmer le jugement et statuant à nouveau:
- débouter les sociétés intimées de leur demande tendant à voir prononcer leur mise hors de cause;
- valider l'ensemble des saisies-contrefaçon diligentées le 4 mai 1999;
- dire et juger que les modèles de tee-shirts et polos référencés par la société Auchan France sous les numéros S278 492 et 27363 et commercialisés par cette dernière ainsi que le modèle de tee-shirt commercialisé par la société Atac constituent la contrefaçon des modèles originaux référencés S 97 127 et S 98 011 par la société AMG Compagnie et déposés à l'INPI sous le numéro 97 4673;
en conséquence,
- condamner solidairement les sociétés Auchan France SA, le GIE Centrale de Services Auchan, les magasins à l'enseigne Auchan de Fontenay-sous-Bois, et de la Défense, la SA Atac et le magasin à l'enseigne Atac de Vitry-sur-Seine à verser à la société AMG Compagnie la somme de 150 000 euro TTC en réparation du préjudice financier consécutif à la contrefaçon;
- condamner solidairement les sociétés Auchan France SA, le GIE Centrale de Services Auchan, les magasins à l'enseigne Auchan de Fontenay-sous-Bois, et de la Défense, la SA Atac et le magasin à l'enseigne Atac de Vitry-sur-Seine à verser à la société AMG Compagnie la somme de 150 000 euro en réparation du préjudice consécutif à sa perte de chiffre d'affaires du fait des actes de contrefaçon reprochés aux intimés;
- condamner solidairement les sociétés Auchan France SA, le GIE Centrale de Services Auchan, les magasins à l'enseigne Auchan de Fontenay-sous-Bois, et de la Défense, la SA Atac et le magasin à l'enseigne Atac de Vitry-sur-Seine à lui verser la somme de 50 000 euro en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale;
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux dont un journal professionnel au choix de la société AMG Compagnie et aux frais des sociétés intimées sans que le coût de cette insertion ne puisse excéder la somme de 4 500 euro HT, soit la somme globale de 45 000 euro HT;
- débouter les sociétés Auchan France SA, le GIE Centrale de Services Auchan, les magasins à l'enseigne Auchan de Fontenay-sous-Bois, et de la Défense, la SA Atac et le magasin à l'enseigne Atac de Vitry-sur-Seine de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- condamner chacune des sociétés intimées à verser à la société AMG Compagnie la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens comprenant l'intégralité des frais de saisie;
Dans leurs conclusions récapitulatives en date du 6 novembre 2003, la société Auchan France, le GIE Centrale de services Auchan, les magasins à l'enseigne Auchan de Fontenay-sous-bois et de la Défense, la société Atac et le magasin Atac de Vitry-sur-Seine, intimés, demandent à la cour de:
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* déclaré AMG irrecevable à agir tant sur le fondement des articles L. 335-2 et suivants du CPI que sur celui des articles L. 521-1 et suivants du même Code,
* constaté que les modèles de T-shirts et polo ne sont pas dignes de bénéficier de la protection instituée par les dispositions des Livres I et V du CPI,
* dit que Auchan ne s'est pas rendue coupable d'actes de contrefaçon artistique et de concurrence déloyale au préjudice de AMG Compagnie,
- débouter la société AMG Compagnie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner AMG Compagnie à payer à Auchan la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC,
l'infirmant pour le surplus, et statuant à nouveau,
- prononcer la mise hors de cause du GIE Centrale de services Auchan, des magasins Auchan de Fontenay-sous-Bois et de La Défense, de la société Atac et du magasin Atac de Vitry-sur-Seine,
- condamner la société AMG Compagnie à payer à la société Auchan la somme de 8 000 euro à titre de dommages-intérêts pour saisies et procédures abusives et vexatoires,
- condamner AMG à payer à Auchan la somme complémentaire de 9 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.
Le 14 novembre 2003, les sociétés Auchan France SA, le GIE Centrale de Services Auchan, les magasins à l'enseigne Auchan de Fontenay-sous-Bois, et de la Défense, la SA Atac et le magasin à l'enseigne Atac de Vitry-sur-Seine ont déposé des conclusions de procédure par lesquelles elles demandent notamment à la cour de rejeter des débats les conclusions et pièces signifiées et communiquées le 13 novembre 2003;
Ceci étant exposé,
Sur la communication de pièces
Considérant que les intimés demandent à la cour de rejeter des débats les conclusions et pièces signifiées et communiquées le 13 novembre 2003 ;
Considérant qu'il ne saurait être fait droit à la demande de rejet des conclusions et pièces qui ont été signifiées et communiquées sans porter atteinte au principe du contradictoire dans le cadre de la procédure d'appel ; que les appelants ne forment aucune demande spécifique relative aux divers documents communiqués ; que la demande sera rejetée ;
Sur l'irrecevabilité à agir de la SA AMG Compagnie sur le fondement des livres I et V du CPI
Considérant que les intimés soulèvent l'irrecevabilité à agir de la société AMG dès lors qu'elle ne justifie pas de ses droits sur les modèles revendiqués ni au titre du droit des dessins et modèles ni au titre du droit d'auteur ;
Irrecevabilité sur le fondement du droit des dessins et modèles
Considérant que la société AMG Compagnie qui a procédé au dépôt des modèles de polos et tee-shirts litigieux auprès de l'INPI le 7 août 1997 prétend bénéficier de la présomption de titularité prévue par l'article L. 511-2 du CPI, pour un modèle de tee-shirt référence S97127 et d'un modèle de polo référencé S 98011 dans sa collection;
Considérant toutefois que cette présomption est en réalité distincte ainsi que l'a relevé le tribunal; qu'en effet, de nombreuses pièces versées aux débats démontrent que la société AMG n'a en réalité pas créé ces modèles ;
Que les premiers juges ont avec raison et motifs pertinents que la cour adopte, débouté la société AMG de sa demande au titre de l'article L. 511-2 du CPI;
Irrecevabilité sur le fondement du droit d'auteur
Considérant que la société AMG Compagnie fait notamment valoir pour justifier de sa qualité d'auteur des fiches techniques et schémas relatifs aux tee-shirts et polos litigieux;
Que les premiers juges ont avec raison et motifs pertinents que la cour adopte, débouté également la société AMG de sa demande au titre du droit d'auteur alors que, d'une part, l'activité de la société AMG est celle qui figure sur ses documents commerciaux et son extrait K bis à savoir celle d'achat d'articles vestimentaires auprès de fournisseurs et de revente auprès de grossistes et de centrales d'achat, et que, d'autre part, le paiement par cette société, au titre des années 2001 et 2002 de la taxe parafiscale "Textile-Maille-Habillement" ne lui permet pas d'établir nécessairement le "caractère créatif de son activité" dans la mesure où les entreprises exerçant une activité autre y sont également assujetties, que surtout, dans une lettre du 19 mars 1999, la société indienne Kanan Knitwear, fournisseur habituel, déclare avoir créé les deux modèles litigieux;
Que dans ces conditions, la cour confirmera la décision des premiers juges, en ce qu'ils ont débouté la société AMG du chef de contrefaçon;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant que la société AMG soutient l'existence de concurrence déloyale aux motifs que les intimés ont volontairement créé un risque de confusion dans l'esprit du consommateur en vendant à un prix inférieur des modèles imitant les siens ; que par la différence de prix les intimés se sont placés dans son sillage pour faciliter la commercialisation de leurs produits ;
Considérant toutefois que la situation de concurrence nécessaire pour fonder cette action ne peut être retenue, dès lors que les parties en cause n'ont pas le même circuit de distribution (grossiste pour l'appelante, commerçants détaillants multi-marques pour les intimés) et n'ont pas la même activité;
Que, par ailleurs, la pratique d'un prix inférieur procède du principe de la liberté de commerce et ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale;
Qu'il s'ensuit que la société appelante sera déboutée de son action en concurrence déloyale et parasitaire et que la cour confirmera le jugement de ce chef;
Sur la mise en cause du GIE Centrale de services Auchan, des magasins Auchan et de la société Atac
Considérant qu'il est demandé à la cour par les intimés de mettre hors de cause les magasins aux enseignes Auchan et Atac ainsi que le GIE Centrale de services et la société Atac aux motifs, d'une part, que le GIE n'est intervenu qu'au titre des paiements des produits litigieux auprès du fournisseur de la société Auchan France, d'autre part, que la société Atac, appartenant au groupe Auchan, n'a également pas participé à l'acquisition des produits en cause, le magasin de Vitry-sur-Seine ayant acquis les produits litigieux auprès de la société Auchan France ; qu'enfin plus généralement, les magasins aux enseignes Auchan et Atac achètent auprès de la société Auchan France les produits qu'elles commercialisent et n'interviennent nullement dans le choix des produits ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Que la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef;
Sur la procédure abusive
Considérant que les intimés soutiennent que l'appelante a agi à leur encontre de manière particulièrement abusive, notamment en faisant opérer quatre saisies-contrefaçon dans les magasins à l'enseigne Auchan, ce qui exclut toute bonne foi dans l'acharnement de l'appelante à les poursuivre ;
Mais considérant que les intimés ne rapportent pas la preuve de ce que l'appelante aurait agi à leur encontre d'une manière fautive, ayant pu se méprendre de bonne foi sur la portée de ses droits ; que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Auchan France la somme de 8 000 euro au titre des frais complémentaires d'appel non compris dans les dépens ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Condamne la société AMG Compagnie à verser à la société Auchan France la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du NCPC; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société AMG Compagnie aux entiers dépens et admet la SCP d'avoués Roblin-Chaix de Lavarene au bénéfice de l'article 699 du NCPC.