CA Paris, 4e ch. A, 17 mars 2004, n° 2002-17365
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Stik Industries (SARL), Strulik Gmbh (SARL), Eidmann
Défendeur :
Strulik (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mme Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Hardouin, SCP Bommart-Forster
Avocats :
Mes Forte-Mayer, Lechler, Neiman
Vu l'appel, interjeté le 7 juin 1996, par la société Stik Industries, et, le 28 octobre 1996, par la société Strulik Gmbh et Jürgen Eidmann, d'un jugement rendu le 7 mai 1996 par le Tribunal de commerce de Sens qui a :
* constaté que la société Stik Industries, Jürgen Eidmann et la société Strulik Gmbh se sont rendus fautifs d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Strulik SA,
* avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Thierry Benne,
Vu l'arrêt, rendu le 15 décembre 1998, par la présente cour qui a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et moyens présentés par les sociétés Strulik SA, Strulik GmbH, Stik Industries et Jürgen Eidmann, jusqu'à ce que l'action en contrefaçon des brevets n° 77 33 515 et n° 0067306 engagée devant le Tribunal de grande instance de Paris soit passée en force de chose jugée, sous réserve de la mise en œuvre par les parties des dispositions prévues par les articles 386 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'arrêt rendu ce jour par la présente cour confirmant le jugement rendu le 18 octobre 2000 par le Tribunal de grande instance de Paris qui, au regard de la présente procédure, a :
* dit que la société Strulik SA a, en fabriquant et commercialisant des soupapes de protection et des dispositifs pare-feu reproduisant les revendications 1, 2 et 3 du brevet européen n° 0 673 06 et 1, 2, 3 et 4 du brevet français n° 77 33 515, ainsi qu'il est constaté dans les procès-verbaux des 19 octobre 1994 et 6 novembre 1995, malgré l'opposition de Jürgen Eidmann, copropriétaire desdits brevets, commis des actes de contrefaçon au préjudice de ce dernier,
* déclaré nul le contrat de licence exclusive conclu avec la société Stik Industries le 1er novembre 1993 par Jürgen Eidmann, sans l'accord de Wilhelm Strulik,
* dit en conséquence que la société Stik Industries a commis des actes de contrefaçon au préjudice de Wilhelm Strulik en fabriquant et commercialisant à compter de cette date des soupapes et dispositifs de protection reproduisant les revendications 1, 2 et 3 du brevet européen n° 067306 et 1, 2, 3 et 4 du brevet français n° 77 33 515,
* interdit à la société Strulik SA de poursuivre les actes de contrefaçon du brevet européen n° 0 067 306 , sous peine, passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement, d'une astreinte de 500 F par infraction constatée,
* interdit à la société Stik Industries de poursuivre les actes de contrefaçon du brevet européen n° 0 067 306, sous peine, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, d'une astreinte de 500 F par infraction constatée,
Vu les dernières conclusions signifiées le 15 janvier 2004, aux termes desquelles la société Stik Industries, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de :
* constater que la demanderesse à l'action en concurrence déloyale, la société Strulik SA, se trouve assignée devant le Tribunal de grande instance de Paris par le propriétaire des brevets, procédure dans laquelle sont impliquées les mêmes parties et qui a été initiée avant la présente instance,
* constater qu'elle possédait une licence exclusive concernant les deux brevets et que cette licence a été régulièrement inscrite à l'INPI,
* en conséquence, vu l'article L. 615-19 du Code de la propriété intellectuelle, constater l'incompétence "rationae materiae" du Tribunal de commerce de Sens pour connaître des demandes formulées par la société Strulik SA,
* constater que la société Strulik SA n'apporte la preuve ni de l'existence d'un acte constitutif de concurrence déloyale, ni d'une faute qui lui soit imputable, ni d'un préjudice en découlant,
* en conséquence, débouter la société Strulik SA de l'ensemble de ses demandes à son encontre,
* condamner la société Strulik SA à lui verser une indemnité de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;
Vu les ultimes conclusions, en date du 30 janvier 2004, par lesquelles la société Strulik Gmbh et Jürgen Eidmann, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demandent à la cour, après une énumération, dans le dispositif de ces écritures, de constatations qui ne sauraient constituer des prétentions au sens des dispositions du nouveau Code de procédure civile, de :
* vu l'article L. 615-19 du Code de la propriété intellectuelle, constater l'incompétence "rarionae materiae" du Tribunal de commerce de Sens pour connaître des demandes formulées par la société Strulik SA,
* débouter la société Strulik SA de l'ensemble de ses demandes,
* condamner la société Strulik SA à payer à Jürgen Eidmann la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts,
* condamner la société Strulik SA à payer une indemnité de 7 500 euro à la société Strulik Gmbh et une indemnité de 7 500 euro à Jürgen Eidmann au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 janvier 2004, aux termes desquelles la société Strulik SA, poursuivant la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, demande à la cour d'y ajouter :
* la condamnation des sociétés Stik Industries et Strulik Gmbh et de Jürgen Eidmann à lui payer la somme de 304 898,03 euro au titre de dommages et intérêts et celle de 30 489,80 euro au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties, ainsi qu'à l'arrêt du 15 décembre 1998 ;
Considérant que s'agissant de l'exception d'incompétence rationae materiae invoquée par les appelants, il a été jugé, aux termes de l'arrêt de sursis à statuer précité que tant la société Stik Industries que la société Strulik Gmbh et Jürgen Eidmann ne sont pas fondés à invoquer la procédure de contrefaçon de brevets engagée devant le Tribunal de grande instance de Paris pour revendiquer tardivement l'application des dispositions de l'article L. 615-19 du Code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que, à titre préliminaire, il convient de relever que la cour a, aux termes de l'arrêt rendu ce jour, retenu que, ne pouvant se prévaloir de l'existence d'un contrat de licence, la société Strulik SA a, en fabricant et commercialisant sans droit des produits reproduisant les revendications des brevets n° 7733515 et n° 0067306, sans l'autorisation de Jürgen Eidmann, porté atteinte aux droits de ce dernier et commis des actes de contrefaçon à son préjudice ;
Que le contrat de licence exclusive concédé le 1er novembre 1993 par Jürgen Eidmann à la société Stik Industries ayant été jugé nul, cette dernière a, dès lors, exploité les deux brevets en cause, sans l'autorisation de Wilhelm Strulik de sorte qu'elle s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon et a porté atteinte aux droits de celui-ci;
* sur la demande principale de la société Strulik SA :
Considérant que, dans le cadre de la présente procédure, la société Strulik SA ne saurait donc se prévaloir, pour établir l'existence d'actes de concurrence déloyale à son encontre, de la titularité d'un contrat de licence d'exploitation des produits objets des deux brevets en cause ;
Considérant que, par ailleurs, aux termes de conclusions confuses comportant des pages numérotées mais blanches à l'exception d'un trait noir les barrant, la société Strulik SA fait grief, en premier lieu, aux sociétés Stik Industries, Strulik Gmbh et Jürgen Eidmann d'avoir créé une confusion entre les dénominations sociales Strulik et Stik Industries;
Mais considérant que pour justifier d'un tel risque la société Strulik SA invoque la seule circonstance selon laquelle il y aurait eu, en 1993, une confusion opérée par un transporteur dans la livraison de marchandises; que cette seule circonstance n'est pas de nature à établir un acte de concurrence déloyale;
Considérant que, en second lieu, il est allégué par la société Strulik SA de l'existence "d'une collusion manifeste entre Mme Wepierre, M. Roux, M. Eidmann, la société Strulik Gmbh et la société Stik", aux fins d'opérer une désorganisation interne de la société ;
Mais considérant que le comportement ainsi dénoncé relève en réalité de la pétition de principe puisqu'il n'est en rien établi par les pièces versées aux débats ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas plus justifié que la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société Strulik SA serait la conséquence de l'attitude de Jürgen Eidmann;
Considérant, en quatrième lieu, que la société Strulik SA prétend que, depuis sa création, elle aurait toujours utilisé deux concepts parfaitement personnalisés pour la composition de l'ensemble de ses documents ;
Mais considérant qu'il ne résulte pas de la comparaison, à laquelle la cour s'est livrée, des documents commerciaux respectifs des sociétés Strulik SA et Stik Industries un risque de confusion, entre les deux sociétés, pour le consommateur ;
Considérant, en cinquième lieu, que, au vu des éléments du dossier et compte tenu des antagonismes qui existent depuis de nombreuses années entre les parties, la société Strulik SA fait manifestement un procès d'intention à Jürgen Eidmann en lui imputant à faute d'avoir la volonté de créer une société qui lui serait directement concurrente ; qu'il en est de même à l'égard de la société Stik Industries qui aurait entrepris un travail de sape tant à l'intérieur de la société Strulik SA qu'auprès des fournisseurs que de la clientèle, dès lors que les éléments produits ne sont pas, en eux-mêmes, probants puisqu'il n'est imputé aucun fait précis de nature à établir la réalité des allégations de la société Strulik SA ; que la seule circonstance d'engager d'anciens salariés d'une société concurrente n'étant pas, en soi, constitutive de concurrence déloyale dès lors que les salariés en cause n'accomplissent pas des actes positifs de détournement de clientèles, de transfert de savoir ou encore de dénigrement;
Considérant, en sixième lieu, que la société Strulik SA reproche à la société Stik Industries de fabriquer et de commercialiser des bouches pare-flammes et coupe-feu et des clapets circulaires ayant la même finalité et les mêmes caractéristiques que ses propres produits;
Mais considérant que, s'agissant des produits en cause, il convient de relever que les faits dénoncés, dans le cadre de la présente procédure, ont été poursuivis et sanctionnés au titre de la contrefaçon de sorte que, n'étant pas distincts, ils ne sauraient l'être au titre de la concurrence déloyale ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'action en concurrence déloyale et parasitaire engagée par la société Strulik SA à l'encontre des appelants n'est pas fondée ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de débouter la société Strulik SA de sa demande;
* sur la demande reconventionnelle de Jürgen Eidmann :
Considérant que Jürgen Eidmann soutient qu'il serait victime d'imputations calomnieuses et injurieuses proférées à son encontre dans l'exploit introductif d'instance ; qu'il fait grief à la société Strulik SA d'avoir employé les expressions telles que "dépeçage (...) action de sape";
Mais considérant que ces expressions, aussi déplacées soient-elles, ont été employées dans un contexte procédural passionnel, auquel la cour a déjà fait référence, de sorte qu'il convient de les juger dénuées de toute portée hors ce contexte dans lequel elles ont été écrites ;
Qu'il s'ensuit que la demande de Jürgen Eidmann sera rejetée;
* sur les autres demandes :
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société Strulik SA ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que, en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à Jürgen Eidmann, à la société Stik Industries et à la société Strulik Gmbh une indemnité de 5 000 euro chacun;
Par ces motifs, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau; Déboute la société Strulik SA de l'ensemble de ses demandes; La condamne à verser à Jürgen Eidmann, à la société Stik Industries et à la société Strulik GMBH une indemnité de 5 000 euro chacun, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société Strulik SA aux dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.