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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 12 mai 2006, n° 05-24020

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Nissan France (SA)

Défendeur :

RN 7 Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

M. Astier, Bourrel

Avocats :

Mes Vogel, Saint-Olive, Portolano

T. com. Antibes, du 9 déc. 2005

9 décembre 2005

Faits et procédure

La société Nissan France et la société RN 7 Automobiles étaient liées par un "Contrat de concession commerciale" en date du 18 juin 1996, comportant notamment les dispositions suivantes :

"Article 6 - Durée

Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée ... Il pourra être résilié à tout moment moyennant un préavis de deux ans

Article 10 - Clause attributive de compétence ou clause compromissoire

2° Clause compromissoire

En cas de désaccord concernant l'interprétation ou l'exécution du présent contrat, les parties conviennent d'avoir recours à la procédure d'Arbitrage, auprès de la Cour d'arbitrage européenne de Versailles, telle que prévue par les articles 1442 à 1497 du NCPC...";

Le 9 septembre 2002 la société Nissan France a notifié à la société RN 7 Automobiles la résiliation de la convention avec un préavis de 2 ans, expirant le 9 septembre 2004;

Le 8 septembre 2003 la société Nissan France a écrit à la société RN 7 Automobiles :

"Je fais suite à notre correspondance du 9 septembre 2002 par laquelle nous avons procédé à la résiliation ordinaire de votre contrat de concessionnaire Nissan avec un préavis de deux ans

... Ce dernier prendra donc fin le 9 septembre 2004.

Dans le cadre de l'entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption n° 1400-2002 et afin de mettre le contrat en cours en conformité avec ledit règlement pour les mois restant à courir après le 1er octobre 2003, la société Nissan France relèvera la société RN 7 Automobiles de l'ensemble de ses obligations non exemptées par ce nouveau règlement ";

Le 16 août 2004 la société RN 7 Automobiles a cité la société Nissan France devant le Tribunal de commerce d'Antibes pour rupture fautive d' " un contrat de fait né entre (les parties) entre le 1er novembre 2003 et le 9 septembre 2004"; celle-ci a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie;

Par jugement du 9 décembre 2005 le Tribunal de commerce d'Antibes s'est déclaré compétent;

La société Nissan France a formé contredit le 19 décembre 2005;

Au terme de dernières conclusions du 31 mars 2006 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, elle fait valoir :

- que la clause compromissoire stipulée au contrat de concession est valable;

- que le juge de la nullité du contrat est le juge du contrat;

- que seule la Cour d'arbitrage de Versailles est compétente pour statuer sur la validité du contrat de concession au-delà du 1er octobre 2003;

- que l'entrée en vigueur du règlement d'exemption communautaire n° 1400-2002 n'a pas automatiquement rendu le contrat de concession nul;

- qu'aucune relation de fait ne s'est substituée à ce contrat;

La société Nissan France formule les demandes suivantes : "Vu notamment les dispositions des articles 46, 48, 75, 96, 1442 du NCPC, 1134 du Code civil, l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne et le règlement CE n° 1400-2002, il est demandé à la cour de :

- Dire et juger recevable le contredit formé par la société Nissan France à l'encontre du jugement du 9 décembre 2005 du Tribunal de commerce d'Antibes.

- Constater la validité et l'opposabilité de la clause compromissoire figurant au contrat de concession conclu entre la société Nissan France et la société RN 7.

- Dire et juger que le Tribunal de commerce d'Antibes n'est pas compétent pour connaître des demandes formées par la société RN 7.

- En conséquence, renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

- Subsidiairement, si la cour estime que le Tribunal de commerce d'Antibes est compétent, renvoyer les parties devant ce tribunal pour qu'il soit débattu devant lui sur le fond du litige.

- Condamner la société RN 7 à payer à la société Nissan France la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du NCPC";

Au terme de dernières conclusions du 16 janvier 2006 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, la société RN 7 Automobiles réplique:

- qu'elle ne discute pas la validité de la clause compromissoire pour le contrat de concession;

- que le différend ne porte pas sur l'application de ce contrat, mais sur l'exécution des nouveaux contrats de fait de revendeur et de réparateur agréés ayant existé entre les parties à compter du 1er octobre 2003;

Elle formule les demandes suivantes:

"Vu pour la compétence le contrat de fait existant entre les parties à compter du 1er octobre 2003 et l'article 46 du NCPC,

Vu les articles 1134 et suivants du Code civil 1146 et suivants du Code civil;

Vu l'article 81 du traité d'Amsterdam (ancien article 85 du traité de Rome);

Vu les Règlements d'exemption n° 1475-95 et 1400-2002 de la Commission;

Vu le contrat de concession du 2 octobre 1996 et le contrat de fait dont il est prétendu l'existence;

Vu l'article 234 du traité d'Amsterdam ;

Vu les articles 696 et 700 du NCPC;

Vu les pièces communiquées aux débats ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005 (Pourvoi n° 04-15.279, Arrêt n° 982 FS-P+B+J : société Garage Gremeau en cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Dijon, chambre civile, section B, au profit de la société Daimler Chrysler France)

Au principal : Rejeter en toutes ses dispositions le contredit de Nissan France et confirmer de ce fait le jugement du Tribunal de commerce d'Antibes du 9 décembre 2005 ayant statué sur sa compétence au regard de l'assignation introductive d'instance.

Subsidiairement : Avant dire droit, poser à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle suivante :

Question

Le règlement d'exemption (CE) n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 (JO du 1/8/2002) entré en vigueur le 1er octobre 2002 concernant l'application de l'article 81 paragraphes 1 et 3 du traité à des catégories d'accord verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile implique-t-il que les fournisseurs et/ou distributeurs qui revendiquent un accord vertical contenant des restrictions verticales visées par le présent règlement adaptent le contenu de leurs contrats aux conditions du règlement d'exemption ?

La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 18 décembre 1986, affaire 10-86 VAG France c/ Etablissements Magne) selon laquelle un règlement d'exemption n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement ou indirectement la validité ou le contenu de clauses contractuelles ou obligeant les parties à y adapter le contenu de leur contrat" a t-elle été rendue au sujet du règlement CE n° 123-85 exclusivement ?

Motivation de la question :

- L'implantation par pratiquement tous les concédants de faisceaux de contrats étendus à l'échelle nationale et semblables, notamment par la vocation à éliminer le commerce libre, produit un effet cumulatif dont les conséquences négatives sont sensibles sur la concurrence et le commerce entre Etats membres.

- Le fait pour les fournisseurs de faire valoir devant les juridictions nationales, systématiquement en cas de désaccord, cet arrêt VAG c/Magne pour enlever du règlement européen tout effet contraignant est de nature à enlever toute sécurité juridique, notamment au préjudice des distributeurs.

Condamner la société Nissan France à la somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du NCPC;

Motifs de la décision

Le contredit est régulier en la forme et a été déposé dans les délais ; il est recevable;

La société RN 7 Automobiles soutient qu'un " nouveau contrat de fait " s'est instauré entre les parties à compter du 1er octobre 2003 ; or la société Nissan France n'y a jamais consenti, voulant au contraire que la convention conclue le 18 juin 1996 aille jusqu'à son terme, seulement expurgée pour la période comprise entre le 1er octobre 2003 et le 9 septembre 2004 de "l'ensemble (des) obligations non exemptées par (le) nouveau règlement communautaire", ce que la société RN 7 Automobiles n'a contesté que le 7 juillet 2004 ; le différend porte donc sur la poursuite du "Contrat de concession commerciale" du 18 juin 1996 ; la clause compromissoire, dont la validité n'est par ailleurs pas discutée, doit en conséquence recevoir application;

La société Nissan France a engagé des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser supporter intégralement la charge; il convient de lui allouer la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La société RN 7 Automobiles qui succombe doit supporter les dépens et les frais afférents au contredit;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en dernier ressort, Reçoit le contredit de la société Nissan France; Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau, Dit que la clause compromissoire prévue au "Contrat de concession commerciale" du 18 juin 1996 doit recevoir application; Renvoie les parties à mieux se pourvoir; Condamne la société RN 7 Automobiles à payer à la société Nissan France la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société RN 7 Automobiles aux dépens et aux frais afférents au contredit.